J'avais l'impression d'être un frère indigne. J'avais rendu visite à Max une seule fois, quand j'avais appris son accident. Depuis je n'y étais pas retourné. Je n'y arrivais tout simplement pas. Le coeur oppressé, l'envie de vomir, les jambes flasques, je faisais toujours machine arrière quand j'étais devant l'hôpital. Il m'était impossible d'y entrer et de revoir mon frère dans cet état-là. Trois fois j'avais souhaité le voir, trois fois j'avais reculé. Et un sentiment de culpabilité s'était emparé de moi. Je pensais à Lyzabeth, Edward, eux avaient la force d'y aller alors pourquoi pas moi ? J'étais aux abonnés absents au chevet de mon frère et j'avais peur qu'on m'en veuille, qu'il m'en veuille si un jour il arrivait à se rappeler de moi. Alors ce fut un peu comme un devoir que d'appeler Lyzabeth et puis j'en avais très envie. Il m'était important de savoir si elle tenait le coup, même si je savais qu'elle était bien plus forte que moi. « Zadig est intelligent, il a compris que son papa n'allait pas bien alors lui aussi il laisse échapper sa peine et ses plaintes à sa façon. Emmène-le moi Lyz', je me ferais une joie de le garder.. ». Mon neveu était une petite merveille, ma petite merveille et il me manquait horriblement. Ses grands yeux bleus, ceux de Max, sa petite bouille toute douce, celle de Lyz, ce bébé était un parfait petit ange. J'écoutais Lyz qui semblait avoir la voix fatiguée, même si elle essayait de garder un ton enjoué. Elle surjouait, cela se sentait et je détestais la savoir triste et malheureuse. « Lyz' tu sais que tu peux m'appeler à n'importe quelle heure du jour et de la nuit si ca va pas hein.. ». Comment j'allais moi ? Bonne question. Question que je ne voulais pas me poser. J'avais peur de craquer. Je sentais que je pouvais le faire, à tout moment et je ne laisserais pas une telle chose arriver. « Moi je.. ». A peine avais-je commencé ma phrase que je sentais les larmes me monter aux yeux. Ah non pas ça Nathaniel. Je n'avais pas pleuré une seule fois depuis l'accident de Max, ma rupture avec Naomi et sa tromperie, ca n'allait pas arriver maintenant ! En plus j'étais en pleine rue, ce n'était pas le bon moment pour me laisser aller. « Je suis désolé Lyz'... ». Et voilà ma voix s'était brisée et une larme avait roulée sur ma joue, puis une deuxième, puis une troisième. « Je n'arrive plus à venir voir Max, je n'y arrive plus et je suis désolé de te laisser toute seule, je suis désolé de ne pas être à tes côtés à l'hôpital, mais je ne trouve plus la force de venir dans cet endroit sordide.. Je n'y arrive plus.. ». Cela faisait des semaines que je faisais tout, que je me battais pour ne pas craquer et rester fort et en un coup de fil, toutes mes défenses et toute ma force s'étaient envolés et je me retrouvais à chialer comme un gosse, dans la rue, ma belle-soeur, la femme la plus forte que je connaisse au téléphone, pathétique Nathaniel, pathétique.

La vie est chienne. La vie est injuste. La vie est une pute. Mais quelques fois, la vie nous apporte ce petit plus qui vaut la peine de se battre. Quelques fois, elle n'oublie pas que nous avons tous besoin de quelqu'un à qui se raccrocher. Et moi, ce petit être qui me donne la force pour me battre, pour ne pas me laisser dépraver et abandonner est Zadig, mon neveu. J'ai fais la sourde promesse à Maxwell, quand il était dans la coma la première fois où je suis venu le voir, que je veillerais sur lui. Et sur Lyzabeth tout naturellement. Je n'allais pas les abandonner, nous n'allions pas les abandonner. Nous incluant Edward, mon autre frère. J'eus un petit sourire quand elle m'annonça qu'il était le portrait craché de Max. C'était tout à fait vrai. Zadig était un véritable petit ange sur terre. « Ah oui c'est vrai, ils me l'avaient dit mais j'avais oublié.. Je pensais que tu l'avais déjà récupéré ». Je me promettais alors de rendre visite à mes parents, d'aller voir mon petit Zadig, de le serrer fort contre moi lui promettant le retour de son papa très prochainement. J'aurais voulu être plus fort que cela, écouter Lyzabeth qui me disait de ne pas craquer maintenant mais je n'y arrivais pas. Tout ce poids accumulé depuis des semaines semblait se rompre à cet instant précis. Alors que je passais devant un centre commercial, je me précipitais à l'intérieur à la recherche des toilettes. je trouvai refuge dans celles-ci, m'adossant au mur et me laissant doucement glisser au sol, les yeux fermés. J'écoutais Lyzabeth en même temps, les larmes roulant sur mes joues. j'étais misérable, pitoyable et pathétique mais je me sentais au bout du rouleau. « Je me sens pitoyable Lyz' si tu savais. J'envie ton courage, ta force, comment fais-tu ? Je me déteste à chialer comme un gosse alors que toi, c'est ton mari et le père de Zadig qui est entre la vie et la mort ». Et c'était vrai. Je me détestais à être aussi faible, à me laisser aller comme cela alors que Lyz n'avait vraiment pas besoin de cela en ce moment. Je l'admirais, vraiment. Cela faisait partie des nombreuses qualités qui faisaient partie d'elle et qui faisaient que je l'aimais autant. Elle était plus qu'une simple belle-soeur, notre relation était beaucoup plus forte que cela. « Pourquoi pas.. Oui je veux bien.. Ca me fera du bien de te voir, tu me manques ma Lyz'. On se retrouve d'ici dix minutes, le temps d'arriver ca te va ? »