Évidemment, il aurait fallu être dupe pour penser que tout d’un coup, les désirs en Ambrae s’étaient éteints. Nelligan avait beau paraître naïf et innocent à quelques reprises, il comprenait tout de même comment les sentiments humains fonctionnaient. C’est pourquoi il était aussi reconnaissant envers son amie ; rien que pour qu’il se sente plus à l’aise durant leur rencontre et leur voyage, elle avait décidé de garder pour elle ses envies et ses pulsions. Cette décision faciliterait beaucoup la tâche de Nelligan. Enfin, pas que c’était une tâche que d’être en compagnie d’Ambrae, mais vous comprenez ce que je veux dire. Disons qu’il avait toujours préféré pouvoir choisir ce qu’il allait faire, et quand il allait le faire. Il aimait avoir le contrôle de ses émotions, et ne jamais se sentir glisser sans pouvoir s’accrocher. C’était peut-être égoïste que de vouloir n’en faire qu’à sa tête avec la jeune femme, et ne jamais écouter ce qu’elle, elle désirait. Cependant, il ne pouvait tout de même pas se forcer à l’embrasser, l’aimer, s’il ne s’en sentait pas prêt, ni capable, n’est-ce pas ? Et il osait espérer qu’Ambrae avait assez de respect pour elle-même pour ne pas désirer qu’un homme profite d’elle sans même ressentir quoi que ce soit pour elle. Enfin, Nelligan ressentait bien quelque chose pour elle, mais pas tout à fait assez pour ce genre de relation. Il était trop tôt. C’est pourquoi il se ramena automatiquement à l’ordre lorsqu’il sentit la situation déraper, et il se releva de son lit, retrouvant pied au sol. Ambrae se remit en position assise, passant une main dans ses longs cheveux bruns.
Nell ▬ « C’est qu’il faut arriver trois heures à l’avance à l’aéroport, donc le temps de passer chez toi, de se rendre … »
Dit-il, comme pour essayer de se racheter, ou encore de se donner de vraies bonnes raisons qui ne décevraient pas Ambrae. Il savait que c’était peine perdue, mais au moins il aurait essayé de se faire pardonner par de nombreuses façons, même par les excuses proprement dites. La brésilienne se leva, sans vraiment sourire, et vint passer ses bras autour des épaules de Nelligan. Ils se regardèrent dans les yeux, bien que le jeune homme ait essayé quelques fois de s’en détacher.
Nell ▬ « C’est pas à toi non plus. Allez, rendons ce voyage plus agréable … on arrête de s’excuser, ok ? Si ça marche, ça marche. Si ça ne marche pas, ça ne marche pas … »
Il n’allait quand même pas passer tout son séjour à Londres à repousser Ambrae puis à se faire pardonner de son recul. Ils devaient dès maintenant clarifier leur situation. Cependant, la brunette n’eut pas la réaction espérée, et elle se tourna plutôt de dos à Nelligan et se mit à pleurer. L’Alpha ne savait pas du tout comment réagir. Il resta donc planté là, comme un imbécile, se sentait si mal dans sa peau. D’autant plus que la jeune femme retira son t-shirt ainsi que les boxers. De la dentelle mauve, c’est tout ce qu’il eut le temps de voir avant de détourner son regard. Il ne supportait pas de voir son teint basané, tant de teint basané. Parce que disons qu’il n’y avait plus grand-chose qui recouvrait sa peau. Heureusement qu’Ambrae enfila rapidement un jean, sinon Nelligan aurait fait une syncope à cause de son angoisse et de la tension régnant dans la pièce. Puis, il ressentit le besoin d’être un homme, un vrai, pour une fois dans sa vie. Comment pouvait-il rester là à rien faire alors que son amie pleurait devant ses yeux ? Dans un élan de bonté et de courage, il s’avança vers la jeune femme, qui avait une camisole dans les mains, et il posa sa main sur son épaule dénudée. La demoiselle se retourna, lentement, fixant le sol. Il écouta ce qu’elle avait à lui dire, puis il remonta son visage avec une légère pression qu’exerça son index sur son menton. Il glissa ensuite vers sa bouche.
Nell ▬ « Je te fais souffrir, je le vois bien. Je ne partirai pas en voyage avec toi. Je te fais du mal, et je ne supporte pas de te voir pleurer. Surtout pas toi. »
Sa main retomba le long de son corps. Il fallait se rendre à l’évidence.

Du plus profond qu’il se souvienne, Ambrae lui avait toujours fait battre le cœur à cent mille à l’heure. Évidemment, il l’avait probablement oublié durant les mois qui suivirent leur voyage, puisqu’ils ne se côtoyèrent plus autant que durant leur séjour en Allemagne. Toutefois, maintenant qu’il repassait une journée complète avec elle et qu’ils s’apprêtaient à reconstituer partiellement la façon dont il était tombé amoureux d’elle pour la première fois, eh bien oui, ces sentiments revenaient en force. Nelligan comprenait évidemment qu’Ambrae ressentait probablement la même chose, et il était aussi conscient qu’elle n’avait pas les mêmes méthodes que lui quant aux rapprochements et aux avances. Alors que lui préférait y aller en douceur, elle préférait suivre ses envies sans perdre de temps. Deux façons correctes, mais qui ne fonctionnaient pas nécessairement lorsque mises en commun. C’est pourquoi il venait, encore une fois, de faire pleurer sa bonne amie. Elle avait beau être en sous-vêtements et donc complètement désirable, Nelligan ne la laisserait pas comme ça, seule, dans son coin. Il s’approcha donc d’elle et lui avoua qu’il ne partirait pas en voyage s’il continuait à la blesser, constamment. Le jeune homme se sentait tellement mal de la voir souffrir par sa faute, il ne supporterait pas d’être la cause de ses larmes plus longtemps. Toutefois, Ambrae était bornée mais surtout amoureuse, alors elle revint à la charge, le convaincant une seconde fois de partir avec lui. Au moins, elle avait enfilé sa camisole, ce qui l’apaisa un peu. La demoiselle l’attira finalement sur le lit, où ils se trouvaient tous les deux cinq minutes plus tôt. Les mains moites de Nelligan le gênaient, mais Ambrae ne sembla pas y faire attention. Il leva ses yeux marron vers elle, attendant qu’elle parle. Il rigola lorsqu’elle l’appela beau gosse, mais reprit son sérieux pour le reste de son monologue.
Nell ▬ « Peu importe ce que je ferai, Ambrae, tu seras triste … sauf si je me jette tête première dans une relation avec toi et … j’ai peur de ça, parce que j’ai peur de l’inconnu et que … j’ai … peur de ne pas être prêt à être avec quelqu’un comme toi. »
Voilà, la vérité était enfin sortie. Pas que c’était Ambrae le problème, enfin à quelque part elle le prendrait probablement de cette façon-là, mais ce n’était pas son intention de l’attaquer. En fait, c’était que la jeune femme semblait trop fonceuse pour lui, qui était toujours sur ses gardes et plutôt lent dans ses décisions. Au moins, peut-être comprendrait-elle que ce n’était pas le manque d’amour qui le retenait, mais bien le manque d’assurance pour un futur correct entre eux. Après une discussion sur le sujet, la jeune femme le serra dans ses bras, tellement fort que Nelligan recula un peu mais tomba tout allongé sur son lit, elle par-dessus lui. Tout de suite, Ambrae s’excusa et se retira. L’Alpha l’aida à se remettre en position assise en poussant sur elle tout en se relevant à son tour.
Nell ▬ « Tu vois, on s’excuse encore pour des incidents pareils. J’n’aurais jamais dû te parler de mes sentiments, ce matin. Maintenant, ce ne sera plus jamais comme avant, entre nous. »
Et ça le tuait.

De son côté, Nelligan était certain d’avoir raison. Cependant, c’était tout simplement parce qu’il interprétait la situation par lui-même, sans considérer le point de vue d’Ambrae. Et elle faisait la même chose de son côté, ce qui faisait que tous les deux ne comprenaient aucunement la réaction de l’autre. Même s’ils essayaient de communiquer tant bien que mal, le message ne passait pas du tout. Comme il regrettait d’avoir semé la pagaille dans cette si belle relation. Maintenant, peu importe ce qui se disait, elle passait pour la salope et il passait pour le grand méchant loup. Des deux côtés, ce n’était pas le cas, mais plutôt un malentendu. Alors qu’ils venaient juste de se relever, Nelligan souleva encore un point qui l’agaçait depuis qu’il y avait des tensions entre eux. Les excuses. Ils se confondaient en excuses, sans cesse, alors que celles-ci n’avaient pas toujours lieu d’être. Il devait mettre fin à ces conneries avant de devenir complètement dingue à force de l’entendre.
Nell ▬ « Mais tu ne peux pas tout simplement te relever et continuer comme si rien ne s’était passé ? Ambrae, nous sommes encore des amis … »
Des amis ne s’excusent pas lorsqu’ils effleurent la fesse de l’autre, ils en rient. Des amis ne s’excusent pas lorsqu’ils se prennent dans leurs bras, ils sourient. Pourquoi ce ne pouvait pas être aussi simple entre eux deux ? La conversation ne dura pas bien longtemps encore, puisqu’Ambrae se leva pour aller chercher ses chaussures et revint s’asseoir sur le lit, les enfilant lentement. Il sentit bien dans le ton de la voix de la brésilienne qu’elle était blessée – il s’attendait à cela, car disons qu’il n’avait pas ménagé ses mots. Pour une fois qu’il disait ce qu’il avait réellement sur le cœur, ça ne passait pas très bien. Il s’était probablement mal exprimé, car ce qu’il voulait dire n’était pas que les femmes en son genre étaient mauvaises. Mauvaises pour lui, tout simplement. Car en son genre, il était vrai qu’Ambrae ne faisait absolument rien de mal. Elle était gentille, généreuse, sociable, à l’écoute. Elle avait ses petits défauts, mais tout le monde en a. Cependant, elle était quelque chose en amour, et Nelligan n’était peut-être pas prêt à vivre une histoire aussi intensément. Malheureusement, il ne pouvait savoir comment ce serait avant de s’y embarquer ; c’est pourquoi il semblait aussi mélangé.
Nell ▬ « Je n’ai jamais dit que tu étais une mauvaise personne, ni que tu étais déplacée. Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit … C’est juste que … je ne sais pas si nous en sommes au même niveau, en amour. Tu sais, c’est tout nouveau pour moi alors que toi … tu as bien de l’expérience … »
Elle ne pourrait quand même pas nier ce point. La demoiselle lui demanda finalement ce qu’il choisissait. C’était comme un ultimatum, bien que le choix ne fût pas question de vie ou de mort. Il hocha tout simplement la tête quant à ses raisons de peur, ne voulant pas revenir sur ce viol. Alors qu’Ambrae lui caressa doucement la main, Nelligan baissa la tête vers ses pieds et ferma les yeux un moment. Il repensa à son voyage, quelques années plus tôt, puis à la journée qu’ils venaient de penser. En somme, si on éliminait quelques éléments perturbateurs, ils avaient passés un bon moment.
Nell ▬ « Si on oublie tous les mauvais chapitres de la journée. Je veux qu’on reparte à neuf en même temps que l’avion décollera. »

Le côté gêné et réservé d’Ambrae n’avait pas beaucoup ressorti depuis qu’ils se connaissaient, en tout cas. Il semblait à Nelligan qu’au contraire, elle était une fille très extravertie et dont la confiance en elle la rendait d’autant plus sociable. Peut-être n’était-ce qu’un masque : alors il la vénérait pour savoir comment si bien le porter. Parce que le jeune homme avait beau essayer de faire de lui un homme enjoué et qui va vers les autres sans avoir l’air d’un weirdo, ça ne marchait jamais comme il le voulait. En fait, ça ne marchait jamais, point final. Mettre un masque pour cacher une qualité était plus facile que le contraire, selon lui. C’est pourquoi il aurait été surpris si on lui avait dit aujourd’hui qu’Ambrae était une femme très timide. Cependant, il pouvait comprendre qu’elle craquait pour les hommes spéciaux. Parce que ce n’était pas la première fois qu’il entendait cela, mais surtout parce que lui aussi craquait pour les gens spéciaux.
Nell ▬ « Non, c’est pas mal … mal pour moi peut-être par contre … j’ai pas envie que tu sois déçue ou quoi que ce soit … »
Il marqua une pause, mais une pause qui ne laissait pas vraiment le temps à la brésilienne de dire quoi que ce soit. Il reprit aussitôt ses paroles.
Nell ▬ « Et puis … si tu trouves le manque d’expérience si mignon, et que tu dis qu’on a chacun notre rythme, pourquoi ne peux-tu pas me laisser avoir le mien, véritablement ?»
Parce que ce que faisait Ambrae en ce moment n’était que prétendre de lui laisser son temps. Seulement, à chaque fois que Nelligan agissait de la mauvaise façon, elle était là pour lui rappeler que ça ne faisait pas son bonheur en versant quelques larmes. Et il ne pouvait tout simplement pas supporter ses pleurs, car il voulait son bonheur tout en ne voulant pas précipiter les choses ni dire adieu à ses valeurs. Il restait si peu d’humains avec de bons principes sur Terre, et maintenant l’australien commençait à comprendre pourquoi. Toutes les tentations et les manipulations arrivaient à en venir à bout de tous. Toutefois, Nelligan ne voulait pas être mis dans ce panier. Il n’avait rien contre un essai avec Ambrae, sauf qu’elle ne devait pas forcer les choses. Le jeune homme voulait voir comment ça coulait entre eux, mais aussi jusqu’à quel niveau il pouvait avancer avec elle. Pour le moment, ça n’allait pas très bien. Malgré tout, le jeune homme convint à partir tout de même en voyage avec elle, juste pour que l’histoire s’arrête ou continue. L’un ou l’autre, mais pas un mi-chemin incertain.
Nell ▬ « Espérons que je n’aie pas à te punir, alors … »
C’était comme un avertissement lui faisant comprendre qu’elle devait inévitablement tenir sa promesse. Sinon, tout cela s’arrêterait là. Finalement, les deux comparses décidèrent enfin à se bouger et quittèrent la demeure des Alpha, se dirigeant vers celle des étrangers. Nelligan prit soin de ne pas se faire remarquer, car avec cette valise en main, les questions n’auraient pas tardées. La brunette se colla à lui dès qu’ils furent sur le campus, et il comprit alors qu’Ambrae ne pourrait jamais totalement se retenir en sa compagnie. Il soupira donc en passant son bras autour de sa taille. Après quelques minutes à peine, l’étudiant en astronomie se retrouva dans la chambre de la demoiselle.
Nell ▬ « J’imagine que c’est parce que ça te prendra beaucoup de temps … en même temps, t’es une fille, c’est normal … »
Il s’allongea donc sur le lit et, sans plus tarder, il ferma les paupières et chercha le sommeil, laissant son esprit vagabonder alors qu’il écoutait inconsciemment les tiroirs s’ouvrirent et se refermer autour de lui.