Il était assez impossible de dire si le corps de la jeune femme contre le sien lui faisait un grand bien. Ses sentiments étaient beaucoup trop confus, à ce moment-même, pour pouvoir seulement les décortiquer. Elle le rendait coupable tout en le rendant heureux. Elle lui faisait du mal tout en lui faisant du bien. Elle le plongeait dans les questionnements tout en l’éclairant. Elle le tiraillait de tous les côtés. C’était cruel. Agréablement cruel. Cependant, rares étaient les occasions durant lesquelles Nelligan perdait la tête. À vrai dire, ça ne lui était jamais même arrivé d’être incontrôlable, que le petit démon prenne le dessus sur le petit ange. Non, il s’agissait toujours du dernier qui montait sur le grand podium de la victoire. Nelligan avait trop bien appris à ne pas tomber dans les bêtises, à ne pas s’éloigner du droit chemin. Faire quoi que ce soit de déplacé avec Ambrae ne faisait pas parti des actes tolérés. Ils étaient quand même au beau milieu d’un parc, où jouaient des dizaines d’enfants et où passaient de nombreuses personnes. Déjà que le fait qu’ils soient en sous-vêtements dans ce lac glacé dépassait les limites du futur astronome, il n’allait quand même pas la serrer dans ses bras, l’embrasser, puis lui faire l’amour entre deux arbustes. L’idée avait beau être tellement romantique et plaisante pour l’imagination, elle n’en était pas moins interdite dans la vie de Nelligan. C’est pourquoi, pour la simple et bonne raison qu’il ne voulait pas se laisser tenter, il jeta Ambrae du bout de ses bras, la laissant effectuer un vol plané avant d’atterrir dans l’eau. L’Alpha n’était certes pas l’étudiant le plus musclé du campus, mais il avait quand même la carrure d’un homme. Assez pour pouvoir envoyer dans les airs ce poids plume qu’était la Zêta. Lorsqu’elle revint à la surface, Nelligan ne manqua rien de son regard qui venait de perdre tout espoir. Il s’en voulait de lui briser le cœur de cette façon, mais il ne pouvait rien y changer. Il vit ses lèvres trembler, ses yeux s’assombrirent, et ses paupières qui s’abaissèrent pour l’empêcher de constater l’immensité de sa tristesse. Le cœur de Nelli se tordit à maintes reprises, mais fut apaisé lorsqu’Ambrae força un sourire avant de réellement le retrouver lorsqu’elle lui envoya de l’eau en plein visage. Une guerre enfantine fut déclenchée, et elle ne se termina que quelques secondes plus tard, lorsque la demoiselle glissa sur le fond de l’eau, une algue sûrement, et tomba dans les bras de son sauveur. Évidemment, ce n’était qu’un coup de chance : il s’était trouvé à proximité, et elle était tombée en sa direction. Sinon, le jeune homme aurait été incapable de réagir assez rapidement pour effectuer cet acte héroïque de sauvetage. Leurs visages étaient très près, alors que Nelligan la tenait toujours dans ses bras. Elle s’excusa. Il avait tellement envie de l’embrasser. Impulsivement, il lança la première chose qui lui vint en tête.
Nell ▬ « Italie, Grèce, Espagne ou Portugal ? »
Dit-il en ne lâchant pas son doux regard des yeux. Il était un idiot, un parfait idiot qui essaierait probablement par tous les moyens d’annuler ce voyage dès le lendemain, mais qui ne parviendrait jamais à le faire de peur de froisser Ambrae. Il venait donc lui-même d’autoproclamer l’exécution de tous ses principes, toutes ses valeurs. Il allait partir seul à seul avec Ambrae, alors qu’une autre femme habitait son cœur, et qu’un autre homme habitait le sien. Comme deux amants en fuite, vers un paradis qu’eux-seuls connaîtraient.

Elle était dans ses bras lorsqu’il lui proposa différentes options de voyage, dévoilant ainsi sa véritable réponse à la question. Ils partiraient. Parce qu’il regrettait certainement de ne jamais avoir fait le point avec leurs sentiments. Le sourire d’Ambrae lui fendit le visage, ce qui fit que Nelligan eut la même réaction. La voir aussi heureuse ne pouvait que le rendre extrêmement heureux. La brunette lui proposa la Grèce, en prétextant que c’était romantique. Déjà, ce n’était pas un point positif dans la tête de Nelligan. Il ne voulait pas que le contexte les oblige.
Nell ▬ « Mauvais choix alors. Je préfère Londres, finalement. T’en dis quoi ? Et on partirait quand ? »
La double question avait pour effet de lui faire oublier la première, et donc le choix de la destination s’arrêterait inévitablement sur Londres. La pluie à longueur de journée aurait pour effet de le refroidir, ce qui était exactement ce qu’il recherchait. Finalement, son amie proposa qu’ils rentrent faire leurs valises, avouant qu’elle commençait à avoir froid dans ce lac. Nelligan sourit en hochant la tête.
Nell ▬ « Et je ne voudrais pas que tu sois enrhumée en voyage … »
Dit-il avec un petit sourire, tout en replaçant une mèche de cheveux mouillée qui s’était collée contre le front d’Ambrae. Il sourit en la regardant, avec une petite étincelle de bonheur au fond de l’œil. Peut-être que c’était exactement ce dont il avait besoin. De s’évader, de faire le fou. Certes, quitter tout sans prévenir allait le bouleverser, lui faire faire une crise d’anxiété peut-être et l’angoisser tout au long du voyage mais, au moins, il aurait pour une fois franchit ses limites. Il aurait passé au-dessus de son blocage psychologique ; peut-être ce dépassement règlerait-il bien des problèmes dans le comportement du jeune homme. C’était peut-être la solution à sa gêne, à son sérieux déstabilisant, à son manque de confiance. S’il repoussait les limites, il se forgerait un nouveau caractère. C’est ce qui donna une bonne raison à Nelligan d’accepter le voyage. Si on le questionnait sur les raisons de sa fuite, il n’aurait qu’à répondre qu’il était tout simplement à la recherche de lui-même. En compagnie d’une charmante jeune femme, certes. Seul détail qui était réellement dérangeant dans l’histoire, puisque le cœur du jeune homme était déjà habité par une femme qui ne le savait même pas encore. Bref, Nelligan regarda autour de lui, s’assura que personne ne regardait dans leur direction, et soupira.
Nell ▬ « Bon. Allons-y. »
Il s’extirpa du lac et se mit à courir vers l’arbuste dans lequel se cachait tous leurs vêtements. Il n’avait pas pris la main d’Ambrae, ne voulant pas initialiser ce genre de geste, pas maintenant. Moins il démontrait d’intérêt, mieux c’était pour sa paix intérieure. De savoir qu’elle avait déjà un petit ami et qu’il le la lui volait carrément le dégoûtait. Aussi bien se mettre des limites envers elle, puisqu’il en franchirait d’autres de toute façon. Nelligan arriva le premier, suivi de près par la brunette qui s’était fait regardé de drôles de regard lors de sa course vers l’abri. Le jeune homme s’empressa d’enfiler son chandail, puis ses pantalons. Il boucla sa ceinture alors que la demoiselle enfila enfin un chandail, permettant à Nelligan de ne plus angoisser à chaque fois qu’il la regardait. Il aimait les femmes. Il aimait les poitrines. Mais il avait eu trop de respect pour les regarder directement, bien que sa vue périphérique lui ait permis de constater qu’ils étaient, beaux.
Nell ▬ « Bon. Rentrons. Avant que je ne change d’avis. »
Heureusement, l’heure qu’avait fixée Ambrae était assez proche, alors il n’aurait pas trop le temps de songer à la folie qu’il s’apprêtait à faire. Il espérait seulement qu’ils auraient la chance de tomber sur deux billets d’avion aller-retour libres. Ce qui serait surprenant, mais sait-on jamais, dans les classes inférieures. Le jeune homme retourna sur le sentier et ils marchèrent presque silencieusement jusqu’au campus universitaire. Devant la confrérie des Alpha, Nelligan se tourna vers Ambrae.
Nell ▬ « Je vais faire mes valises. On se rejoint où, et à quelle heure ? »
Wow. Ils préparaient quand même une fugue. Un grand pas pour Nelligan.

Nelligan, possédant un esprit logique assez bien développé, avait rapidement deviné la stratégie d’Ambrae. Il ne voulait pas lui faire de la peine, encore moins lui faire passer un voyage horrible avec une destination qu’il aurait lui-même choisi. Cependant, il devait penser à lui de temps à autre, et ne pas tenter de toujours faire plaisir aux autres. C’est pourquoi il fut presque contraint par son inconscience de proposer Londres plutôt que la Grèce. Tout simplement parce que ces pays romantiques n’annonceraient rien de bons pour deux jeunes gens comme eux, dont les sentiments étaient encore ambigus. Si quelque chose avait à arriver, cette chose arriverait. Il ne fallait par contre pas forcer les événements. Nelligan préférait faire confiance au destin, même si techniquement il ne croyait pas vraiment en ce dernier. Le jeune homme eut donc quelques remords après sa proposition, voyant évidemment la déception de son amie. Il baissa les yeux un moment, honteux, mais reprit confiance lorsqu’il se rappela les motifs de ce refus. Il ne pouvait pas, tout simplement pas, se permettre une telle folie. Déjà que le voyage en lui-même en était une. Il espérait qu’Ambrae comprendrait. Seulement, elle n’en avait pas l’air, vu sa moue triste et sa réponse assez distante.
Nell ▬ « Demain ? D’accord … ça nous laisse assez de temps … et puis si on se trouve des billets libres dernière minute, ils seront beaucoup moins cher … »
Ça lui convenait très bien. Au moins un point positif dans ce voyage. M’enfin, pas qu’il n’avait pas envie de le faire, cependant il s’était senti légèrement obligé d’accepter. Car il détestait décevoir les autres. C’était quand même toujours ce qui se produisait, tôt ou tard, tout simplement parce qu’il se posait trop de barrières. Et en ce moment, Ambrae tentait de lui en faire sauter beaucoup trop. Il était donc vrai que Nelligan se sentit déjà plus à l’aise avec ses vêtements sur le dos. Une pression venait de s’enlever de ses épaules, lui permettant de mieux respirer. Disons qu’il n’était pas encore à l’aise avec son corps, encore moins avec le concept du sexe – il était puceau, rappelons-le. Alors qu’il rattachait sa ceinture, l’Alpha entendit la brunette soupirer. Il tourna la tête vers elle, mais elle ne le regardait pas et se rhabillait. Se sentant voyeur, le jeune homme ne posa pas de question sur ce signe de lassitude et boucla sa ceinture. Une fois tous les deux biens vêtus, Ambrae vint serrer son ami dans ses bras. Il exerça une forte pression, lui montrant qu’il était là et qu’il tenait à elle. Il ferma les yeux, profitant de ce moment pour essayer de voir plus clair. Il était vrai que cette histoire à propos du voyage l’avait un peu refroidi, et son cœur battait moins fort qu’une heure plus tôt. Cependant, il était certain qu’une fois debout devant la tour de BigBen à Londres, ses sentiments seraient tout aussi forts que dans le café. Ils marchèrent donc le cœur un peu plus léger, bien que la tête pleine de questions, jusqu’à leurs confréries respectives. Ambrae fixa les heures et les rôles.
Nell ▬ « Sans problème. Je serai là, tôt … »
Parce qu’il n’avait aucune idée de l’heure à laquelle leur avion décollerait, alors le plus tôt était le mieux. Il sentait que la jeune femme était beaucoup moins heureuse que ce matin, mais il ne pouvait rien y changer. Il avait pris la bonne décision. Il hocha donc la tête et tourna les talons pour rentrer dans sa maison de confrérie. Il salua tous ses confrères et consœurs qui étaient dans le salon commun, puis monta à sa chambre sans rien dire de plus. Il ne pouvait parler de ce voyage à qui que ce soit. Par chance, Chuck n’était pas là en ce moment. La regarder dans les yeux aurait été beaucoup trop difficile. Il ferma la porte et sortit une valise de son garde-robe. Une petite valise qu’il avait utilisée lors de son arrivée à Berkeley, il y avait déjà quelques années de cela. Alors qu’il mettait ses sous-vêtements dans le fond, on toqua à sa porte. Son cœur fit des bonds. Si on le voyait en train de faire ses valises, on lui poserait inévitablement de nombreuses questions. Il se tourna donc vivement, prêt à sauter sur son lit pour cacher sa valise, s’il le fallait. Mais c’était Ambrae. Son air surpris demeura sur son visage, puisqu’il était tout de même étonné de la revoir ici, déjà. La brunette courut vers lui et sauta dans ses bras. Nelligan la serra contre lui.
Nell ▬ « Hey … qu’est-ce qui se passe ? »
Il comprit qu’elle ne voulait passer la nuit seule. Qu’elle ne voulait pas rentrer seule. Il soupira. Nelligan était parfois lent, niveau sentiment, mais il avait quand même compris cela.
Nell ▬ « Reste, pour la nuit … Je dormirai par terre … »
Dit-il calmement, alors que son cœur, lui, n’était pas aussi calme.

Lorsqu’on parlait pour la première fois avec Nelligan, on voyait qu’il était gêné. Par contre, après plusieurs heures de discussion d’accumulées, pratiquement tout le monde se demandait pourquoi ce jeune homme n’était pas plus populaire. C’est vrai quoi, il était très polyvalent et donc il s’adaptait à pas mal tous les types de personnalité. Les sujets de conversation pouvaient être artistiques, sportifs ou culturels, peu importait : Nelligan avait toujours quelque chose à dire ! Cependant, pour comprendre à quel point l’Alpha était marginal et différent mentalement des autres, il fallait pousser un peu plus loin la relation. Exactement comme Ambrae venait de le faire. Ainsi on découvrait un Nelligan qui ne se laisse jamais aller, qui en devient énervant avec ses valeurs et ses principes, ses histoires de droit chemin. Il n’était pas lassant à cause de ses paroles, mais plutôt à cause des actes qu’il n’osait poser. La brunette en avait aujourd’hui eu la preuve, et déjà elle s’en était vue refroidie. Ce qui expliquait parfaitement pourquoi Nelligan avait tant de mal à s’intégrer à la société ; il n’osait jamais. Il resté constamment dans sa zone de confort, qui ma foi était quasiment limitée aux quatre murs de sa maison de confrérie. D’ailleurs, le voilà qui venait de retourner dans cette zone de confort, laissant Ambrae retourner dans la sienne. Pourtant, il semblait ne pas s’y sentir plus à l’aise. L’australien avait espéré avoir un peu de temps pour souffler, pour se calmer, malheureusement, dès qu’il commença à faire sa valise, des remords s’emparaient déjà de lui. Et ne s’estompèrent point lorsque la Zêta pénétra sans avertir dans sa chambre, dans sa bulle, dans son monde. Elle sauta dans ses bras, ne lui laissant même pas le temps d’analyser la situation : elle était dans sa chambre. Près de son lit. Tout de suite lorsque cette idée traversa l’esprit de l’Alpha, ce dernier sentit ses joues devenir rouges comme le feu. Malgré tout, il comprit qu’il devait faire un effort envers elle, et c’est pourquoi il l’invita à rester à dormir. Nelligan ne pouvait tout de même pas continuer à la revirer de bord à chaque fois. Cependant, il se trouva ridicule et idiot dès qu’il l’eut proposé, puisque tous ses confrères allaient se demander ce qu’Ambrae Wellinghton faisait dans sa chambre. Toute la nuit. Les rumeurs ne tarderaient pas à sortir.
Nell ▬ « Je doute que mon bras rentre dans mon œil … »
Dit-il moqueusement, mais aussi pour souligner le fait que oui, elle le laisserait dormir sur le sol. Cependant, connaissant trop bien Ambrae, il avait prévu qu’elle répliquerait. Elle ne tarda d’ailleurs pas à le faire, après avoir passé une main dans ses cheveux frisés, un sourire affectueux aux lèvres. Nell sourit aussi, bien que le bonheur n’y était pas complètement. Il adorait cette fille, comme personne ne pouvait l’imaginer. Toutefois, elle ne le laissait pas aller à son rythme, et ça, c’était très dérangeant pour un retardé social comme Broinowski.
Nell ▬ « Ambrae … je ne serai jamais capable de dormir avec toi … »
Il avala difficilement sa salive avant de baisser les yeux. Tout simplement parce que le visage de l’étrangère se rapprochait beaucoup trop du sien et qu’il ne pouvait pas le supporter. Il n’avait jamais été doué en amour, elle le savait, alors pourquoi insister ? Si elle lui laissait un peu plus de temps, Nelligan ferait le tri. Mais là, tout était trop rapide. Ambrae sembla lire dans ses pensées puisqu’elle abandonna le rapprochement et se laissa tomber sur le lit. Le jeune homme prit place à côté d’elle, leurs corps se frôlant d’une façon très sensuelle. Ils se regardèrent, puis elle lui demanda s’il avait fait son choix final.
Nell ▬ « Je suis désolé … je ne me fais pas assez confiance … »
Non. Parce qu’il ne pourrait s’empêcher de lui faire l’amour s’ils dormaient l’un à côté de l’autre. Et ça, ça ne pouvait pas arriver. Pas maintenant.