Je sais pertinemment que cette vidéo n'aurait jamais dû tomber entre mes mains, qu'encore moins j'aurais dû la visionner, mais trop tard, le mal était fait. Au moins, je connaissais une petite partie de la vérité que le médecin m'aurait sans aucun doute dissimulé, pour mon bien, mais cette dernière m'était insupportable. Si avant je n'avais guère trouvé le sommeil en pensant que Noah était mort, ce soir, je penserais sans nul doute aux images que je viens tout juste de voir, ainsi qu'à ses aveux datant d'il y a nombreuses minutes maintenant. La nuit sera courte, une fois de plus, les suivantes aussi, sans aucun doute. Je ne m'attends de toute manière pas à retrouver le sommeil en deux jours à peine, même si je venais à me trouver dans les bras du médecin. Serrée tout contre lui, je ne peux empêcher les larmes de couler. Si j'avais cru pendant un moment que j'avais vraiment perdu Noah, je réalisais que finalement, j'aurais très bien pu perdre, tout comme mon petit-ami, Kenzo, mon complice lorsqu'il s'agissait de faire des bêtises et le meilleur compagnon de shopping que je puisse avoir. Le jeune Clives avait également été le seul de la famille à accepter ma relation avec Noah et le seul aussi à me soutenir, prêtant une oreille attentive lorsque je souhaitais lui parler quant aux relations plus ou moins conflictuelles que j'entretenais avec les proches de mon compagnon depuis que nous étions ensemble et qui au final, me tracassaient plus qu'autre chose. Mes bras entourent sa taille et ma main agrippe son dos pour le maintenir contre moi, refusant tout éloignement de sa part. Je pensais pouvoir encaisser cette histoire un tantinet horrifique, mais finalement, il s'avoue que ce n'est guère le cas, d'autant plus en sachant maintenant que deux de mes proches y ont été malencontreusement impliqués. Pendant quelques secondes, je ne dis rien, essayant de retrouver mon calme après avoir compris que les deux hommes vont plus ou moins bien. Ils sont en bonne santé, l'un comme l'autre, c'est tout ce qui compte, non ? Un instant plus tôt, j'avais encore une multitude de questions quant à ce qui s'était passé, mais en un rien de temps, elles semblaient avoir disparu. Une barrière invisible venait de se former dans mon esprit, une barrière qui tentait de repousser toute information concernant ce qui avait pu se passer au cours du mois précédent. Je ne voulais plus rien savoir, je ne voulais plus y être confrontée, j'en savais beaucoup trop pour le moment et je ne souhaitais guère en apprendre d'avantage au risque de prendre la fuite dans la seconde qui suivra. À présent, je suis rassurée, point final. Nous devions en rester ici. « Je suis désolée... » De quoi ? Pour avoir visionné cette vidéo, pour Kenzo, pour tout ce qui avait pu se passer, pour le mettre dans un état second en devant lui remémorer tout ce qui s'est déroulé. « Je ne chercherais plus à savoir quoi que se soit quant à ce qui s'est passé. Tu es là, tu vas bien... et je veux juste reprendre le cours des choses... comme si... comme avant. » Même si cela paraissait être impossible, je me devais d'essayer, rien que pour lui, pour nous, pour pouvoir à présent avancer dans notre vie de couple.

Spoiler:

kirby & noah

All I think about is you

Son chagrin était inévitable. Sur le coup, je me suis dit que je n’aurai jamais dit accepté ce ‘cadeau’ de la part du directeur. Tu parles d’un présent. S’il s’agissait de racheter sa conduite en faisant pleurer ou effrayer tous les membres de ma famille, il avait réussi. Caressant doucement les cheveux et le dos de ma petite-amie en cherchant à apaiser ses craintes, j’eus un sourire attendri lorsque ses bras s’emparèrent de ma taille, comme pour parer à toute fuite de ma part. Non, je ne quitterai plus. Plus jamais. C’est une promesse. « Pourquoi es-tu désolée ? » lui demandai-je alors, sans comprendre. C’était plutôt à moi d’être désolé après tout ce qu’elle avait vécu par ma faute. Je sais maintenant ce à quoi elle fait allusion. La cassette. Kenzo, moi, l’organisation. La peur de tout perdre. La peur de décevoir ou de devoir à nouveau affronter la solitude. « Oui, je suis là maintenant. Et je te le promets, chérie, que plus jamais je m’en irai. Pas sans toi. Je ne pourrai pas supporter de te rendre triste à nouveau. » Et encore, si ce n’était que les larmes. Elle m’avait même avoué avoir eu des idées suicidaires. God, et si jamais … Non, ça suffit. C’est fini. Tout est fini. Je ne la perdrai pas comme j’ai perdu mon Emilie. « On ne peut pas effacer le passé. » soupirai-je, comme si je lisais en elle. « Mais le présent nous apprend à ne plus faire les mêmes erreurs. » ajoutai-je en déposant un baiser sur le sommet de son front.

Quelques jours plus tard, des jours durant lesquels nous n’étions pratiquement pas sortis de la maison, où nous avons passé nos journées à rattraper le temps ‘perdu’ en discutant, mangeant et riant de tout et de rien, j’aurai cru que tout était définitivement oublié. Naturellement, je n’y parvenais pas. Loin de cacher ma détresse évidente qui se manifestait par de violents sursauts au cours de la nuit, j’avais pris le partie de raconter à Kirby la relation que j’avais entretenue avec ce petit garçon. Amoun. 6 ans. Un jeune indien qui lui aussi, avait été contaminé par le virus mortel, et dont je n’avais plus eu de nouvelles du jour au lendemain. Il avait toujours été particulièrement gai, cet enfant. J’avais rapidement compris que son père, puisque toute sa famille avait été réunie, avait choisi de lui cacher la vérité en lui subtilisant une réalité moins horrible. Celle d’un jeu. Comme dans le film ‘La vie est belle’, vous savez. Je ne l’ai jamais revu, et j’y pense constamment. Je sais qu’ils ont tous été tué, mais pourtant… je ne cesse d’y songer. Comme si l’espoir demeurait. Comme si la blessure refusait de guérir. C’est idiot, je le sais bien. Mais j’avais eu une relation si particulière avec lui. Je le protégeais d’une certaine manière, comme son père le faisait avant qu’ils ne soient séparés. Je lui rapportais en douce des jouets, lui racontait des histoires pour qu’il s’endorme, lui parlait de sa famille lorsqu’on m’autorisait à lui rendre visite. Je ne pensais pas que le passé reviendrait me hanter, ce matin-là.

Il est 8h. Kirby dort encore. Moi, je suis assis dans le canapé du salon. Impossible de fermer l’œil. Je suis debout depuis deux heures environ. J’ai des cernes sous les paupières, l’air grave et la gorge sèche. Un toc contre la porte d’entrée m’oblige à me lever. Il est si tôt. Qui peut bien faire une visite de si beau matin ? « Oh, par pitié. Quand allez-vous me laisser en paix ?! » suppliai-je lorsque je découvris le visage de mon visiteur. « Pardon de vous réveiller, docteur. La dernière fois, j’ai omis de vous signaler une petite chose. Je pensai vous laisser le temps de souffler un peu avant de vous apprendre la nouvelle, mais hélas, nous manquons cruellement de temps. » Qu’est-ce que c’est que ce charabia ? De quoi parlait-il ? « Pour votre information, je ne dors plus depuis plus d’un mois. » grognai-je avec ironie en le laissant cependant entrer à l’intérieur de la maison. « Que voulez-vous encore, monsieur le Directeur ? Une nouvelle vidéo ? Vous pensez que la première n’a pas suffi ? » Ironique et grincheux ce matin. « Non, pas de vidéo. Je viens vous parler d’une personne que je crois savoir proche de vous, fut un temps. Normalement, je ne devrais pas être ici. Pas parce que ce que je m’apprête à faire est illégal, loin de là, mais parce que je considère que nous sommes quittes. » Laissez-moi rire. Je hausse un sourcil, suspicieux. « Cependant, eu égard à l’attachement que vous éprouviez pour lui, et étant donné la souffrance qu’il a déjà vécue, j’estime qu’il a le droit d’avoir la meilleure vie qu’on puisse lui offrir. » « Mais de quoi… de qui parlez-vous enfin ? » finis-je par m’exclamer en fronçant les sourcils. « Emmenez-le. » Là, un autre agent entre dans mon champ de vision. Un autre agent, suivi d’un petit garçon aux cheveux coupés court, au teint hâlé et au regard perdu. « AMOUN ! » Tout à coup, je me sens léger. Léger comme un plume. Ma gorge est encore plus sèche que tout à l’heure et mon cœur bat à tout rompre. « Amoun viens… viens me voir.. » Très vite, mes bras l’enlacent alors qu’il se jette à mon cou. Je suis si heureux de le retrouver que je peine même à garder les yeux ouverts et à ne pas pleurer de joie. « Ca va ? Ca va mon poussin ? » murmurai-je à son oreille, sans le libérer de mon étreinte. Je menace même du regard l’agent qui s’approche de trop près. « Vous m’aviez dit qu’il était mort. Vous m’aviez dit qu’ils étaient tous morts. » protestai-je au directeur en continuant de bercer le petit qui ne me lâchait plus. « Ils le sont. Sa famille n’a pas survécu. » souffla l’homme en jetant un œil sur l’enfant. Je déglutis mais reste stoïque malgré ma peine. Ainsi, Amoun est orphelin. « Et en Inde ? Il n’a plus de famille là-bas ? » Reprenant vite mes esprits, je m’installe sur le fauteuil, invitant les deux hommes à en faire de même. « Si. Sa tante et son oncle… » Je soupire de soulagement, avant d’entendre la suite. « …Vous connaissez un peu les coutumes indiennes, docteur Clives ? » « Non, pas vraiment. Je sais qu’ils mangent très épicé mais à part ça … » Il sourit amusé, et reprend. « Je faisais référence aux coutumes maritales. » Là, je fronce un peu plus les sourcils, serrant plus fort le petit contre moi, comme si je m’attendais déjà à la mauvaise nouvelle. « Quel rapport avec la famille d’Amoun ? Ce sont ses cousins éloignés, c’est ça ? Ils ne peuvent pas légalement avoir sa garde ? » Les lois de certains pays sont si primaires, pardonnez-moi du peu. « Ils sont de lignée directe. » Alors, où est le problème ? « Les coutumes indiennes ont pour principe de marier les jeunes femmes et les jeunes hommes parfois au berceau, afin de faire profiter l’échange de dot et de bêtes dans la plupart des cas, aux deux familles. » « Que voulez-vous dire exactement ? » J’ai peur de comprendre. Non, c’est impossible. Ils ne feraient pas ça. « Vous… vous insinuez que … MAIS CE N’EST QU’UN BEBE !!! m’exclamai-je alors, furieux. Réaction qui eut pour conséquence d’effrayer l’enfant, naturellement. « Excuse-moi poussin… pardon … tiens, tu veux une part de gâteau au chocolat ? » Délaissant le temps d’une seconde les deux hommes, j’en profite pour rassurer Amoun et de l’installer devant la télévision, une assiette avec une part de gâteau et un verre de lait en main, pendant que j’irai discuter plus loin avec les deux hommes. « Amoun est promis depuis sa naissance à un mariage fortuné. Son oncle et sa tante me l’ont affirmé ce matin-même, et je suis censé le faire rapatrier en Inde sous peu, afin de satisfaire aux exigences de la famille. » Je prends sur moi, mais ma patience a des limites. « Je vous interdis de vous approcher de ce petit, est-ce clair ? » « Docteur … » « NON !! Il n’y aura pas de mariage. Ce n’est qu’un enfant, il n’a que 6 ans, comment pouvez-vous … comment osent-ils… ! » J’en perds même mes mots de colère. Mon point faible a toujours été les enfants. Qui sait ce que je ne ferais pas pour leur bonheur perpétuel ? « Docteur, calmez-vous. Si je vous ai rendu visite, c’est justement pour que vous évitiez à Amoun ce mariage. » « Et que voulez-vous que je fasse exactement, hum ? Expliquez-moi ? Vous voulez que je parle à sa famille, c’est ça ? Désolé de vous décevoir, mais je crains de m’emporter si jamais je devais leur adresser la parole à ces … ces … ces monstres ! » ruminai-je en marchant de long en large. « A vrai dire, je songeai plutôt à une adoption en règle, docteur Clives. » Là, je m’arrête, les yeux ronds, les lèvres entrouvertes. « Vous… vous me proposez d’adopter Amoun ? » Il me fixe, sans broncher. « C’est le seul moyen pour lui éviter le mariage. Vous savez comme moi que les Etats-Unis n’extradent pas les jeunes enfants, encore moins lorsque la raison en est de leur sécurité. Le mariage avant 16 ans est en outre illégal, même en Inde. Croyez-moi, vous avez toutes les chances d'obtenir gain de cause si vous passez devant les juges. »   

∞everleigh

Spoiler:

Voilà quelques jours à présent que je n'ai pas quitté Noah d'un cheveu. La peur de le perdre restant encore ancrée dans mon âme, le fait de vouloir ne plus jamais le quitter tant il m'avait manqué, de petits détails qui faisaient en sorte que j'étais restée à ses côtés suite à nos retrouvailles un tant soit peu mouvementées. Je dois également avouer que je m'inquiète pour ce dernier au vu des nuits qu'il passe, lesquelles étaient bien trop courtes et ne cessaient de se suivre. En temps normal, je m'éveillais en même temps que lui, mais pour ce matin, Morphée m'avait porté bien trop loin après un nouveau sursaut de la part du médecin au cours de son sommeil. Si je n'étais pas plus épuisée que lui, je l'étais tout autant. À mon réveil, alors que mes yeux sont encore clos, je tente un rapprochement avec mon compagnon, souhaitant me nicher une fois encore dans ses bras, mais je ne touche que le vide. Mes paupières s'ouvrent difficilement et je me redresse légèrement, poussant un maigre soupir. Ma main se glisse dans ma crinière blonde, rejetant mes cheveux en arrière tandis que je me redresse, ouvrant délicatement les volets pour laisser entrer la lumière du jour dans la pièce. J'enfile une tenue au plus vite, prête à passer dans la salle de bains avant de retrouver Noah à l'étage en dessous. « Excuse-moi poussin... pardon ... tiens, tu veux une part de gâteau au chocolat ? » Ah tiens, Kenzo est ici ! Un sourire fait son apparition sur mes lèvres et je fais deux pas dans l'escalier avant de me stopper net, fronçant les sourcils en cernant une voix qui m'est loin d'être familière. Non, ce n'est guère celle de Kenzo, ni de William, Joe ou encore Nick. C'est donc à pas de loup que je descends les dernières marches de l'escalier. Amoun. Un mariage. Mais Amoun est... dans le salon. La situation me dépasse quelque peu tandis que je m'approche lentement de l'enfant. De l'endroit où ils se trouvent, Noah et son interlocuteur ne m'ont guère vu. « Coucou, toi... tu t'appelles Amoun, c'est ça ? Moi, c'est Kirby. » Le garçon tourne sa tête vers moi et affiche de gros yeux suite aux quelques mots que je lui ai doucement adressé. Aucune réponse, il se contente de me fixer avec ce regard qui ne me dit rien qui vaille. Délicatement, j'approche ma main vers ce dernier, lui montrant qu'il n'avait rien à craindre, mais l'angoisse de l'enfant ne fit que grandir face à mon geste. J'abandonnai donc toute idée de m'approcher d'Amoun, préférant prendre la fuite. « D'accord, mmh... reste ici bonhomme, on va bientôt s'occuper de toi. » Je tourne les talons, armée d'un pas de louve pour retrouver mon compagnon dont la conversation ne m'a guère échappé. L'oreille tendue depuis que je suis descendue à l'étage, je n'avais loupé aucune miette de la discussion qui se tenait entre Noah et... peu importe de qui il s'agissait. Arrivée dans le dos de mon petit-ami, son interlocuteur pose son regard sur moi dés lors que j'apparais dans son champ de vision, déglutissant difficilement ma salive alors que d'une voix timide, je manifeste enfin ma présence. « Et il n'y a aucune raison pour qu'il n'y parvienne pas. » Arrivée à la hauteur du médecin, je m'empare de son bras avec une étreinte qui se veut quelque peu ferme, mais surtout possessive. Loin d'être une démonstration d'affection, je reste animée par la peur, car j'ai bien compris que cet homme a un rapport avec l'organisation et je crains toujours et encore que les hommes qui en font partie ne viennent à nouveau à m'enlever l'homme que j'aimais. « Il a raison, Noah. C'est ce qu'il y a de mieux pour lui que d'être avec toi. Je sais très bien ce qu'il représente à tes yeux, alors si c'est la seule solution pour lui éviter ce mariage, tu ne dois pas hésiter. » Un sourire rassurant, bien que timide se dessine sur mes lèvres. Il m'avait après tout parlé de ce qu'il avait fait pour l'enfant pendant de nombreux jours et il fallait être aveugle pour ne pas savoir qu'ils étaient attachés l'un à l'autre, rien d'étonnant d'ailleurs venant du médecin qui pouvait être le meilleur ami de tous les enfants.