"Les conseils, t'en aura toute ta vie. Des critiques aussi, si ça te branche." ajoutai-je avec sarcasme. Il fallait détendre un peu l'atmosphère car je sentais qu'un rien pourrait la faire se morfondre ou bien retomber dans une petite crise après moi. Les femmes enceintes ont des hormones qui détraquent rapidement leurs émotions et par conséquent, même si ça n'enlève rien à mon caractère grincheux, je fais toujours attention à Aleyna. Je ne suis ni le père de cet enfant ni son petit-ami, mais j'ai presque tendance à agir comme s'il en était ainsi. Surprotecteur jusqu'au bout des ongles. Je peux comprendre qu'elle ait besoin de quelqu'un qui sache parfois prendre des décisions quand elle n'y arrive pas toute seule, mais de là à prendre ce rôle, je m'y refuse. Je pars du principe que ça l'aidera peut-être sur le moment, mais ça la rendra dépendante des autres à long terme. J'ai connu ça, je sais ce que ça fait de perdre son seul repère et de ne plus savoir à qui se vouer pour combler ce manque, et même si ça m'est arrivé lorsque mon père est parti à la mort de ma mère, j'ai appris à grandir en me fiant à moi-même. Il y avait eu mes grands-parents, mais jamais je n'avais été le même. J'étais devenu indépendant, et j'espérais que ma meilleure amie apprenne à le devenir. Pour son bien et celui de son enfant. S'il m'arrivait quoique ce soit un jour ou l'autre, je veux pouvoir me dire qu'elle saura se débrouiller et ne pas tomber dans les filets du premier type louche venu. J'aurais aimé la rassurer avec un petit baiser sur la joue, mais avec toute la peinture que j'avais sur le visage, je préfère ne pas me risquer à lui en mettre sur le sien. "Oui, prêt à tout. Tu me connais, dès que je peux rendre service..." Taquine, l'une de mes mains vient se promener sur sa hanche sans pour autant la peloter de manière trop déplacée. J'ai du respect pour les femmes, quand même. Je lui fais un clin d'œil puis je retire ma main en attendant qu'elle puisse terminer son œuvre sans que je la gêne. J'ai connu très peu d'aventures depuis Vraona, hormis Benedikt ou plus récemment, Presley. Par choix ou bien par résignation ? Borné comme à mon habitude, j'avoue avoir du mal à m'abandonner dans les bras de la première personne venue. Charmeur français, certes, mais je ne suis pas du genre à enchaîner les conquêtes. Je trouve plus amusant de séduire plutôt que de conclure. Je comprends toutefois ses inquiétudes suite à toutes les occasions que Lucas a manqué... mais j'en souris de façon particulièrement subtile. "Si tu savais à quel point certains mecs ont besoin que ce soit l'autre qui fasse le premier pas. T'as plus qu'à te lancer et s'il te brise le cœur, il pourra récupérer mon fauteuil roulant. Parole de Salaun." Et je sais de quoi je parle. J'ai parfois si peur de faire le mauvais choix et de m'engager que je peux passer une éternité à fréquenter une femme avant de lui avouer mes sentiments. Puis c'est déjà si compliqué de savoir ce que je pense... Plus je me montre grognon et agressif en apparence avec quelqu'un, plus ça veut dire que je l'apprécie. Allez chercher la logique. Je finis par hocher la été et me taire en attendant qu'elle termine le remplissage, puisqu'elle avait besoin de silence pour se concentrer. Les effluves de la peinture m'enivrent et je regrette encore de ne plus arriver à peindre quoique ce soit de mon côté. J'avoue être assez jaloux de la doyenne des Sigma sur le moment, mais puisqu'elle n'est pour rien dans ce manque d'inspiration, je ne montre que de la curiosité à l'égard de son art. J'ai vraiment hâte de voir à quoi le résultat final va ressembler. "Si c'est nul, j'te le dirai tout comme, tu me connais." répondis-je naturellement. Les gens peuvent mal le prendre mais en termes d'art comme sur beaucoup de choses, j'annonce rapidement la couleur si ça me plait ou non. Patient, j'attends qu'elle ait terminé pour avoir enfin un exemple criant de la peinture sur peau sur mon propre corps.

Je lève les yeux au plafond avec un petit air amusé quand elle me parle de malaise si elle prend ma proposition au pied de la lettre. Bien que je la taquine souvent à ce sujet, jamais je ne me serai permis quoique ce soit avec elle, enceinte ou non. J'apprécie trop Aleyna sur le plan de l'amitié pour vouloir y ajouter quelque chose en supplément qui pourrait éventuellement ruiner cette belle relation que nous avions su forger au cours du temps. En plus, même si j'étais d'un tempérament assez charmeur lorsque je n'étais pas grognon, je ne m'amusais en aucun cas à allumer tout ce qui bouge. Je préfère me concentrer sur une personne à la fois, m'amuser sans briser les coeurs. Je laisse ça aux cavaleurs idiots de Berkeley qui pense que ce qu'ils ont dans le pantalon dictera leur existence présumée populaire. Moi, méprisant ? Si peu. Elle continue de peindre mon visage, j'en profite pour admirer cet air concentré et détendu qui habite ses traits délicats. Je la préfère mille fois ainsi plutôt que le visage embué de larmes et marqué par la tristesse. Sa pudeur en termes de sentiments me fait hocher la tête doucement, je la comprends parfaitement à ce sujet. Mes sentiments, je ne les exprime que de façon artistique... et c'est certainement pour cela que je suis encore plus irascible ces derniers temps que le restant de l'année : je n'arrive plus à peindre et, par conséquent, je canalise mon agressivité sur mon entourage. "J't'ai jamais prise pour une faible." rétorquai-je en fronçant immédiatement les sourcils. Certes, il y en a beaucoup ici qui ont tendance à être impitoyables avec ceux qui ressentent, comme si n'être qu'un bloc de glace insensible imposait le respect. Personnellement, ça me pousse plus à la pitié et à l'exaspération, mais à chacun ses idoles. "Même si ça te fait peur, ça te fera un poids en moins quoiqu'il arrive ensuite." J'essaie de la rassurer mais quoiqu'il arrive, ce sera à elle de prendre la décision finale, à savoir écouter ce conseil ou pas, affronter sa peur ou non. La peinture arriva enfin à son terme, j'étais particulièrement pressé de voir le résultat, sans me soucier de savoir si mon torse était également peint. On verra ça plus tard. Je regarde mon reflet dans un silence religieux, exerçant un oeil critique et amateur à la fois sur l'oeuvre d'Aleyna. Je sais qu'elle trépigne d'impatience et, en chieur accompli, je prends mon temps en composant mon visage d'une moue très sceptique. Excellent acteur de formation, je pourrais lui faire gober tout et n'importe quoi si j'en avais envie. Accoucher maintenant ? Je paniquerai sans doute un peu, mais je suis tellement gaga des bébés que je finirai bien par trouver une solution pour jouer aux apprentis accoucheurs. Je soupire puis finalement, je m'arme d'un sourire. "J'adore. J'trouve ça super chouette, c'est... différent. Puis comme surface à peindre, la peau, ça doit être spécial." J'aime bien tester de nouvelles choses dès que l'occasion m'en est donnée et le bodypainting pourrait en faire partie. Attention, je ne voulais pas l'éclipser d'un art dans lequel elle sera sans doute l'une des toutes premières à percer, mais j'étais simplement très curieux d'apprendre les techniques sans avoir à en faire mon métier. Juste pour mourir moins idiot. "En tout cas, j'aime beaucoup... tiens, amènes-toi." Je la tire au niveau du poignet et je viens faire claquer un baiser sonore sur sa joue. Joue maintenant pleine de peinture. Je me lance même dans un rire joueur puis nous continuons sur cette voie en s'attaquant au torse tout en continuant à échanger.