Je venais m’installer aux côtés de Maria, la laissant prendre une cigarette de mon paquet. Je ne l’incitais pas redevenir fumeuse, bien au contraire, mais j’estimais que pour le moment, c’était probablement ce qui pourrait la calmer et la décontracter un petit peu, sans pour autant retomber dedans. J’en pris une à mon tour, bien que ma consommation de ces derniers temps reste réduite. Je l’allumais lorsque ma femme me tendit le briquet alors qu’elle venait de faire consumer le tabac avec ce dernier. Je tirais une première fois dessus, restant silencieux face à son remerciement. Dans le fond, y avait-il quelque chose à dire ? Je n’en étais pas bien sûr. Si Maria ressentait le besoin de me parler de ce qu’il s’était passé la nuit dernière, elle le ferait elle-même, sans que je n’aie à lui tirer les vers du nez.

Puis vint le moment où elle brisa le silence par elle-même. « Tout à l’heure, avant qu’on parte, je t’ai dit que ça irait. J’avais tort. Je ne fais qu’y penser. » Je ne cherchais pas à croiser son regard, sachant qu’un contact visuel serait davantage capable de la bloquer que de la rassurer. Je me contentais donc de projeter mes yeux bleus dans la même direction que les siens. « Je le sais Maria… » Nouveau silence. Et même si elle semblait surprise, pour ma part, je haussais les épaules. Je connaissais la brunette comme ma poche. J’étais capable de comprendre ses réels sentiments uniquement grâce aux expressions de son visage, et non en me référant à ses paroles. J’avais même parfois le don de prendre conscience de ses sentiments avant elle, ce qui restait un peu un comble. Cependant, je ne le lui avais pas dit. Il fallait qu’elle s’en rende compte par elle-même. « Je sais que tu n’étais pas prête. Mais il fallait que tu viennes ici pour en avoir vraiment conscience. »

Je la laissais poursuivre ses paroles, et quand elle tourna la tête vers moi, je fis de même pour enfin croiser son regard. Jusque là, j’étais resté silencieux, pour éviter de la couper, préférant de loin qu’elle parle d’elle – ce qui dans le fond, n’arrivait pas assez souvent selon-moi car Maria a toujours eu du mal à se confier. Et c’est en voyant la larme couler le long de sa joue que je tournais tout mon corps vers elle, de façon à passer mes jambes autour du sien, dans un geste à la fois affectif et protecteur. Mes lèvres se déposèrent sur cette larme qui avait trouvé refuge sur sa joue. Une larme salée et solitaire. « Tu penses qu’il aurait eu tous ces remords si c’est lui qui vous aurait tué, les enfants et toi ? Il a joué, il a perdu. Heureusement d’ailleurs. S’il était arrivé à ses fins, c’est moi qui l’aurais tué. » Je tirais une nouvelle fois sur ma cigarette avant de tenter un sourire réconfortant. « Ca s’est passé cette nuit. C’est donc normal que tu y penses encore. Cet épisode, tu ne l’oublieras jamais. Mais il va te falloir un certain temps avec que l’émotion s’efface un peu. » Je n’étais peut-être pas très rassurant, mais si Maria faisait le rapprochement, elle se souviendrait que moi-même, j’ai déjà ôté la vie quand je n’étais encore qu’un adolescent. Une bagarre dont la suite avec été celle d’un tragique accident.

Maria resta dans les bras d’Edward pendant un certain moment, avant de se rendre compte qu’elle n’avait quasiment pas touché à sa cigarette qui s’était finalement consumée sans son aide. L’écrasant le long du mur non loin duquel ils étaient, Maria garda cependant le mégot qu’elle jetterait une fois qu’ils seraient de nouveau dans le bâtiment qu’une poubelle serait sur leur route. Nul besoin de laisser un indice quant à leur présence ici, les retombées n’en seraient pas fameuses, O’Berkeley en était parfaitement consciente. Enfin, quelques instants plus tard durant lesquels le silence resta quasiment de plomb entre les deux adultes, la brunette décida de franchir le pas en s’exprimant de nouveau. « Est-ce qu’on peut aller chez toi ? Je ne me sens pas à l’idée de rester ici, faire comme si tout allait parfaitement bien et croiser le regard de ces gens alors que ma seule envie c’est de prendre mes jambes à mon cou et de partir très loin d’ici. » Rares – voire inexistantes – étaient les fois où Maria pouvait demander à quitter l’établissement comme elle venait présentement de le faire. Cependant, aujourd’hui n’était pas un jour comme un autre, et Edward le savait mieux que personne. La nuit avait très longue et à la fois si courte… Le seul point positif des évènements étant que cela avait causé un rapprochement immédiat entre les deux époux. « Je n’ai qu’à leur dire que je ne me sens pas bien, ils ne poseront pas de questions, je les connais. » Continua-t-elle en évoquant ainsi la majeure partie du staff de l’établissement qu’elle connaissait et ce, depuis plusieurs années maintenant. Ils n’auraient qu’à retourner à Berkeley demain, mais pas maintenant, pas comme ça. C’était beaucoup trop tôt et O’Berkeley venait finalement de s’en rendre compte. La question maintenant était de savoir si Edward allait accepter sa proposition – qui était de tout plaquer pour aujourd’hui donc – pour la suivre chez lui – comment pourrait-elle remettre les pieds si rapidement chez elle après les évènements de la nuit – et laisser le temps faire les choses ?

« Est-ce qu’on peut aller chez toi ? Je ne me sens pas à l’idée de rester ici, faire comme si tout allait parfaitement bien et croiser le regard de ces gens alors que ma seule envie c’est de prendre mes jambes à mon cou et de partir très loin d’ici. » Je ne répondis pas tout de suite, préférant garder le silence. Pour l’une des premières fois de sa vie, Maria était prête à mettre de côté le travail pour sa propre santé à elle – physique ou mentale. Et c’est à ce moment précis que je pris davantage conscience de la gravité de la chose. Après tout, elle avait ôté la vie à un homme, et j’imaginais sans trop de peine que l’on devait se sentir très mal. Je l’avais vécu après tout, mais dans des circonstances totalement différentes. Pourtant, la culpabilité avait été de mise, et encore aujourd’hui.

« Je n’ai qu’à leur dire que je ne me sens pas bien, ils ne poseront pas de questions, je les connais. » Je hochais la tête, pensif. Pour ma part, même si je devais consacrer ma matinée à l’université pour faire la connaissance de mes nouveaux étudiants et leur faire un discours, je me devais de travailler cet après-midi. En effet, je n’étais pas seulement professeur. Mon travail d’archéologue me prenait beaucoup de temps, et me faisait souvent voyager dans quelques endroits tels que le Mexique. Aujourd’hui devait être basé sur la recherche de ce que nous avions trouvé, quelques semaines plus tôt. Zahia m’y attendrait. Pourtant, je ne me sentais pas d’attaque à laisser Maria seule, même dans mon appartement. Si elle m’avait proposé de l’accompagner, c’est qu’elle avait besoin de moi plus qu’à n’importe quel moment.

Tant pis, je poserais ma journée. On pouvait bien se passer de moi aujourd’hui, non ? Je hochais donc la tête en posant mon regard bleu sur ma femme. « Très bien, on va rentrer, et passer du temps juste tous les deux. » Je lui adressais un beau sourire en coin avant de me lever, alors que je venais de finir ma cigarette, je lui tendais la main afin de l’aider à se relever. Et c’est ainsi que je laissais Maria prévenir de son absence de la journée, ainsi que de la mienne. Et bon mari digne de ce nom, on ne posa pas de question sur le fait que je décide de rester avec elle.

Il ne nous fallut pas beaucoup de temps avant de revenir jusqu’à mon appartement, avec Maria. Et à peine le pas de la porte passée, je passais derrière elle et glissais mes bras autour de son corps, dans une étreinte chaleureuse. « Alors, qu’est-ce que tu veux faire du coup aujourd’hui ? »

Le chemin du retour vers l’appartement se fit dans un silence quasi-religieux. Maria, ne sachant pas vraiment quoi dire, et Edward apparemment préférant se préoccuper de la route plutôt que de mettre les pieds dans le plat. Cela ne dérangeait pas particulièrement la brunette qui sut apprécier le calme du moment, en attendant de rentrer chez l’homme. Une fois que cela fut fait, ce dernier ne mit pas longtemps avant de lui demander ce qu’elle désirait faire de cette journée ‘off’. Appréciant le côté rassurant d’être entourée des bras d’Edward, Maria ferma les yeux quelques secondes ne réfléchissant cependant pas vraiment à ce qu’ils auraient pu faire de leur journée. Il fallait dire que selon ses plans de base, elle était censée se trouver présentement à l’université présentant les différentes sections accessibles aux nouveaux étudiants fraîchement arrivés. Jamais Maria n’aurait pu imaginer un cambriolage finissant mal et elle, se retrouvant chez Edward. Et en réalité, elle osait même se demander ce qui paraissait le plus improbable dans cette histoire ; qu’elle ait effectivement ôté la vie à un autre être humain ou bien qu’elle soit présentement entourée des bras d’un homme qu’elle avait fait souffrir comme elle n’avait jamais fait souffrir personne auparavant ? Qui aurait été en mesure de répondre correctement à cette question, sincèrement ?

« Rien de vraiment précis ne me vient à l’esprit, là de suite. » Elle se retourna, se retrouvant ainsi face à l’homme. Dieu, ne pouvait-il pas cesser d’avoir de tels yeux ?! Bon sang, c’en était déroutant ! « Arrête. » Murmura-t-elle doucement. « Arrête de ne me regarder comme ça. » Le regard qu’il semblait présentement lui lancer lui semblait un regard tel qu’elle fut une enfant présentement face à un grand danger duquel il devait par-dessus tout la protéger. « Je m’en sortirai. Je ne sais pas le temps que cela prendra, mais je sais que je m’en sortirai…si tu es là. » Avoua-t-elle, embarrassée dans la mesure où elle ne se sentait pas vraiment en position de demander implicitement à Edward de rester avec elle, surtout au vu de la « crise relationnelle » dans laquelle ils étaient plongés. Ce qu’il s’était passé jusqu’alors signifiait-il aux yeux de l’Irlandais un nouveau départ ? Comme pouvait-elle le savoir ? Ce n’était pas non plus comme si elle osait lui poser la question…

Maria ne semblait pas avoir d’idées fixes quant à ce qu’elle souhaitait faire de cette journée là. Au contraire, elle paraissait totalement inapte à penser à quelque chose d’autre qu’à ce qu’il s’était passé la nuit dernière, ou bien à se projeter dans un futur proche, ne serait-ce que pour une activité quelconque. C’est la raison pour laquelle je posais mes yeux bleus sur elle, d’un regard bienveillant, inquiet et protecteur.

- Arrête.

Mes sourcils se haussèrent, quelque peu surpris par ses paroles. Et quand elle m’expliqua que je la regardais avec cette moue surprotectrice qu’elle détestait autant qu’elle adorait, mon visage se figea dans une expression plus neutre. Fausse, certes, mais d’apparence très neutre.

- C’est mieux, là ?

Je me fichais gentiment d’elle, et mon sourire en témoigna. J’aurais tellement désiré pouvoir lui arracher ce mal être qui l’habitait pour la soulager. Malheureusement, c’en était impossible. Mais trop fière ou battante, elle estimait qu’elle s’en sortirait tôt ou tard.

- Je m’en sortirai. Je ne sais pas le temps que cela prendra, mais je sais que je m’en sortirai… si tu es là.
- Je serai là, lui répondis-je en hochant la tête, à la fois compréhensif et rassurant. Je serai là autant de temps qu’il faudra, jusqu’à ce que tu n’aies plus besoin de moi.

Peut-être cette parole pouvait-elle être prise de façon surprenante par la brunette. Qu’est-ce que cela voulait-il dire ? Que je serais présent pour toujours à ses côtés, ou bien que je finirais par me volatiliser lorsqu’elle ira mieux ? Je ne le savais pas moi-même. Car même si présentement, nous semblions nous retrouver, je savais qu’une partie de ma fierté avait été mis de côté, tant j’avais ressenti de l’inquiétude à son égard. Je ne voulais que le bonheur de Maria et depuis que je la connaissais, je le faisais passer avant le mien. C’est alors que je restais sceptique quant à ce que notre relation puisse redevenir comme avant. Oui, ce qu’il s’était passé entre nous avait réellement brisé quelque chose qu’il m’était difficile de reconstruire seul. A voir si la brunette allait mettre la main à la pâte afin de m’aider. Quoi qu’il en soit, une chose était sûre et certaine : à défaut de prévoir l’avenir et savoir si Maria arrivera à me faire passer au-dessus de ce qui nous a séparés, pour le moment, je me montrerais présent. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre s’il le fallait. Jamais dans de tels moments je ne pourrais lui tourner le dos.

- Tu sais ce dont tu as besoin là ?

Je lui adressais un léger sourire en coin avant de lui donner une petite tape dans l’épaule afin de la faire reculer d’un pas.

- Défoule-toi. Tu as toujours réussi à canaliser tous tes sentiments, à les garder enfouis au fond de toi. Je pense que tu es arrivée à saturation cette nuit. Alors oui, tu as besoin de te défouler, de hurler, de frapper, d’extérioriser tout.

Et j’étais bien décidé à tester cette méthode pour la soulager en partie. Ca marchait très bien chez moi. C’est pourquoi je faisais un pas vers elle, en la bousculant légèrement.

- Aller, défoule-toi. Tu ne risques pas de me faire beaucoup de mal.

Maria ne comprit pas de suite à quel jeu s’adonnait présentement Edward en la poussant comme il le faisait. Puis il lui demanda de se défouler, cela pouvant très certainement lui faire du bien après tout ce qu’il s’était passé car elle avait, jusqu’alors, tout fait pour canaliser ses émotions. Haussant un sourcil en comprenant où il voulait réellement venir en lui disant qu’elle ne risquait pas vraiment de le blesser, Maria secoua négativement la tête.

- Est-ce que tu as perdu l’esprit ? Je ne vais pas te frapper parce que j’ai…

Elle était incapable de le dire. Dire qu’elle avait tué quelqu’un devenait chose impossible alors qu’il lui fallait pourtant accepter les faits. Elle avait ôté la vie à quelqu’un avant que cette personne en question ne lui prenne la sienne ainsi – et surtout – celles des enfants qui s’étaient trouvés être dans une pièce non loin de la chambre de Maria. Cette dernière n’aurait jamais pu supporter l’idée de prendre l’un de ses petits. Jamais. Ainsi, telle une lionne, elle avait tué avant de voir les siens se faire tuer.

- Je ne vais pas… Elle le regarda qui semblait la forcer à agir, d’un seul regard. Non, Edward… C’est complètement stupide !

Elle ne s’en rendait pas forcément compte, mais elle commençait à s’énerver, rien qu’à refuser de vouloir frapper Edward qui se trouvait toujours face à elle, apparemment bien décidé à faire en sorte qu’elle se défoule sur lui alors qu’il n’avait rien fait. Non, il n’y était pour rien dans tout cela. La seule chose pour laquelle Maria aurait éventuellement envie de le frapper serait le fait d’avoir aimé une autre femme qu’elle, bien que la brunette ait tout à fait conscience d’être l’unique responsable de tout cela. Tout comme elle était responsable de la mort d’un homme…

Tout à coup, sans que rien ne prévienne cela, Maria se jeta sur Edward et commença à lui assener des coups de poings – rien de bien fort au vu de la force qu’elle pouvait avoir – contre le torse, ne pensant même pas à l’idée qu’elle puisse le blesser. Les larmes accompagnèrent toute cette rage qu’elle évacuait enfin. Enfin Maria O’Berkeley acceptait de se montrer véritablement faible.

Le tout termina avec la brunette, en larmes, le front poser contre le torse de son mari, essayant d’effacer de bien tristes images de son esprit, bien que cela soit fort difficile pour elle présentement. Mais Edward avait raison, il serait là maintenant et tout irait bien.

- Est-ce que tu as perdu l’esprit ? Je ne vais pas te frapper parce que j’ai…

Je posais mes yeux sur elle, sourcils haussés, tout en hochant la tête. Vas-y, dis-le. Il fallait qu’elle se l’entende dire. Déjà elle ferait en grand pas en avant. Cependant, la situation semblait la bloquer, et c’est la raison pour laquelle je continuais à la provoquer, que ça soit par une bousculade brusque mais douce, ou bien par un regard sévère et rassurant à la fois.

- Non, Edward… C’est complètement stupide !

De quoi avait-elle donc peur ? De me blesser ? Aucun risque. Je n’avais pas la carrure d’un grand bonhomme de Raw, mais mon corps restait musclé. Elle ? Son poids restait en-dessous de la normale, et sa taille ? N’en parlons pas. La seule façon dont elle réussissait à gratter des centimètres était avec des talons. Donc à mes yeux, Maria avait le gabarit d’une crevette. Une crevette sexy, entendons-nous bien. Bon, et si je me taisais un peu ?

Puis sans prévenir, elle décida d’agir. Elle se jeta sur moi, féline, puis m’asséna des coups dans le torse. Elle se montra dure de la même façon qu’elle se défoulait. Je le ressentais dans la violence qu’elle y mettait. Toutes ses forces y passaient, et même si elle ne serait jamais venue à bout de moi, je devais avouer qu’elle n’était pas tendre. Tant mieux, c’est ce que je recherchais. J’encaissais donc chacun de ses coups sans broncher, continuant à la bousculer et à lui résister afin qu’elle ne s’arrête pas en si bon chemin. Et enfin, elle extériorisa.

Maria atterrit dans mes bras, alors que je les enfermais autour de son corps, dans un geste protecteur. Je laissais sa tête se caler dans le creux de mon cou tandis que je fermais les yeux, afin de profiter de ce contact. Et lorsqu’enfin, nous décidâmes de relever le visage pour croiser nos regards, un bref sourire se dessina sur le mien. Mes doigts s’attardèrent sur sa joue, balayant une larme d’un geste tendre.

- Tu es magnifique quand tu pleures.

Et c’était le cas de le dire. Je pouvais lire dans ce regard clair, rougi par les larmes, des dizaines de sentiments. De la souffrance, de la tristesse, le dégoût d’avoir retiré la vie à un homme, le soulagement d’avoir défendu ses enfants, la joie de m’avoir en face d’elle, l’incertitude face à ce que son moral lui réserverait pour l’avenir, la peur que l’évènement de la veille se reproduise, l’envie de vouloir avancer. Et j’en passais bon nombre. J’étais capable de recenser chacun de ses sentiments visibles ou bien que je devinais, alors que mes lèvres se déposaient sur une autre larme qui coulait le long de sa joue.

- Tu es magnifique quand tu pleures.

Pourquoi avait-il besoin de toujours essayer de la réconforter, même dans les situations où elle ne semblait pas le mériter ? Comment avait-elle pu rencontrer un homme comme lui, faire en sorte qu’il devienne son mari et elle sa femme ? Qu’avait-elle fait de si bien pour mériter la famille qu’il lui avait donné depuis ? Maria ne cessait de se poser la question depuis les évènements de la nuit passée.

Sentant les lèvres d’Edward se déposer avec délicatesse le long de sa joue, Maria ferma les yeux. Après tout ce qu’il s’était passé, il était encore là. Bien qu’elle ait réellement failli le perdre définitivement, il était encore là, avec elle.

- Je t’aime. Lui laissa-t-elle entendre dans un murmure avant de chercher ses lèvres pour rejoindre les siennes.

Les mots ne pouvaient bien évidemment pas effacer tout le mal qu’elle avait pu faire, mais la brunette savait ces mots comme étant nécessaires actuellement. Elle-même ressentait le besoin de les exprimer. Ne supportant plus les non-dits, Maria comprenait maintenant pourquoi sa mère lui avait toujours dit qu’exprimer ses sentiments restait ce qu’il y avait de plus important dans la vie. Et c’était exactement ce qu’elle souhaitait faire présentement.

Elle glissa délicatement ses mains dans la nuque de l’Irlandais, avant d’approfondir le baiser qu’ils étaient en train d’échanger. Une telle chaleur se dégageait de cet échange, une chaleur dont elle avait besoin, dont elle avait envie, dont elle ne souhaitait pas qu’elle cesse. Pressant son corps contre celui de l’homme, O’Berkeley se montra soudainement plus pressante, voulant enfin laisser aller cette crainte qu’elle avait au fond d’elle. Cette crainte se représentait par elle, incapable de récupérer l’homme qu’elle aimait. Non. C’était décidé. Personne d’autre qu’elle n’aurait cet homme-là ! Elle n’avait pourtant jamais été possessive, mais les récents évènements semblaient la changer petit à petit. Aucune autre femme – pour sûr – n’aurait Edward O’Malley. Elle l’aimait bien trop pour supporter de le voir avec une autre femme. La preuve en fut la fois où elle l’avait vu avec cette jeune femme, très charmante, mais certainement pas en mesure de l’affronter pour gagner le cœur de l’Irlandais.

- Je t’aime.

Alors que les mots résonnaient encore dans ma tête, je pus sentir son visage pivoter de telle façon que mes lèvres cessèrent d’être en contact avec sa joue, troquant cette agréable sensation contre la douceur d’un baiser. Les yeux clos, j’aurais tellement aimé lui répondre que les sentiments d’amour qu’elle avait pour moi étaient réciproques. Pourtant, mes lèvres restèrent scellées face à ces quelques mots. Oui, je ressentais un blocage quant à lui dire avec l’aisance d’antan un ‘‘Je t’aime’’. Trop d’évènements s’étaient déroulés, si bien qu’il fallait que je réapprenne à mettre des mots sur ce que je pouvais ressentir pour elle. Car oui, mon amour à son égard restait intact. Et si le son de ma voix ne se fit pas entendre, mes gestes parlaient à sa place.

Puis il y avait sa déclaration à elle, d’une sincérité sans nom. Voilà seulement ce que j’aurais aimé entendre depuis des mois. Je n’avais demandé que ça. Une preuve que je n’étais pas uniquement un homme parmi tant d’autres, auquel elle s’était mariée pour réaliser l’un de ses rêves, celui de fonder une famille. Ces quelques mots me touchèrent en plein cœur tandis que je ressentais des picotements au bout de mes doigts.

Et si le baiser se fit plus passionné, je ne pris conscience d’une chose importante que lorsque son corps se pressa contre le mien, dans un geste désireux : je ne l’avais pas touché depuis plus de six mois. Et si je ne doutais pas du fait que durant cette période, elle n’avait pas connu un seul autre homme, ce n’était pas mon cas. Même en m’entraînant dans une période d’abstinence dû à ma déception envers la gent féminine, j’avais fini par faire des rencontres. Zahia n’avait pas été la seule. Et même si Maria s’en doutait certainement, je ressentis une pointe de culpabilité.

Mon souffle se fit plus court et donc plus rapide, alors que je plaquais Maria contre le mur juste derrière moi. Je venais coller mon corps contre le sien, tout aussi pressé qu’elle. Et c’est le cœur battant que je déposais, tout en prolongeant notre baiser, une main sur son sein, redécouvrant cette poitrine et ce corps qui m’avait été si longuement interdit.