Kilian adressa un regard blasé à Juno qui lui fit clairement comprendre qu'il était aussi fauché en terme de bisous qu'en terme d'argent sonnant et trébuchant. Non, décidément, les élans d'affection n'étaient pas pour lui. Toutefois, il n'eut pas le temps de lui adresser l'une de ses fameuses répliques aussi cynique que possible puisque Elina se lança dans un mélodrame qui sonnait assez faux vu le tempérament que le jeune homme lui connaissait... Ok, il la connaissait beaucoup moins bien que Juno, mais ce qu'il avait déjà vu lui suffisait amplement pour se dire que si Elina se montrait plus fragile ou sensible, cela ne se faisait que dans l'intimité. Sans ajouter un mot, le Sigma leva les mains en l'air et acquiesça à la menace qu'elle lui adressa. Dans le fond, comment s'insurger et lui reconnaitre le moindre tort sur ce qu'elle venait de balancer ? C'était même mérité. Il était grincheux, de mauvais poil le matin et pouvait se montrer remarquablement méchant quand on le pousse à bout dans des moments comme celui-ci... Que la Gamma renverse les rôles était justifié. Se murer dans le silence était peut-être la meilleure façon de réagir pour l'instant, d'autant plus que Juno se mit à son tour à être plus incisive envers sa soeur. Le Poussin qui hausse le ton, ce n'est pas souvent. Kilian avait arqué un sourcil : Elina Mary Brown. Le nom en entier, ce n'est jamais bon signe pour qui que ce soit. En les voyant se jauger l'une l'autre de la sorte, le fils Salaun dirigea ses yeux bleu azur en direction de la porte avec une certaine forme d'hésitation. "Je devrai peut-être vous laisser avant que la guerre ne commence..." C'était tentant car déjà qu'il avait parfois à canaliser une Juno... une Juno et une Elina, il n'y arriverait pas. Sauf s'il cognait et ça, contre une femme et une femme enceinte, il s'y refusait catégoriquement. Après, ça laisse des traces de sang sur les mains et c'est coton pour les faire disparaître. "Ne vous engueulez pas toutes les deux, c'est moi le fautif dans l'histoire." Voilà que c'était à son tour d'en rajouter une petite couche afin d'apaiser les éventuelles tensions entre les jeunes femmes. Les rôles s'inversent de nouveau, on aura tout vu ! La raison pour laquelle il s'imposait ce comportement, c'est qu'il ne voulait pas imposer la moindre contrariété supplémentaire à Elina vu ce qu'il lui avait mis dans la tête ce matin, ni le moindre stress à son Poussin dans la mesure où c'est très mauvais pour les femmes enceintes. Trop protecteur, on vous l'a dit.

La proposition de la présidente des Gammas n'arrangea pas les choses... ou plutôt, c'est la réaction qu'eut Kilian qui allait peut-être jeter de l'huile sur le feu. Des gants de boxe et un ring ? Le Breton partit dans un véritable fou rire, chose qui était suffisamment rarissime pour être soulignée. Il se tenait les côtes puis chassa même quelques larmes en essayant de se redresser pour regarder à nouveau les jeunes femmes, inconscient pour l'instant de s'être comporté comme un macho de base... parce que ça allait continuer. "De la boxe, sérieusement ? Non, Poussin, t'es mignonne mais je doute que ce soit une très bonne idée..." Kilian faisait de la boxe et d'autres sports de combat depuis très longtemps... même les colosses de deux mètres ne lui faisaient pas peur sur un ring ou ailleurs. Récemment, il s'était même battu en quelque sorte contre son paternel et n'avait pas éprouvé le moindre remord à l'allonger d'un crochet en plein visage, profitant d'un moment où il avait délibérément baissé sa garde. Ce n'était pas Elina avec son poids plume et son franc parler qui allait lui mettre la misère s'il devait se retrouver avec des gants de boxe. Cependant, il réalisa que sa réaction sexiste n'était pas la plus appropriée dans un contexte aussi tendu, d'autant plus qu'il était le responsable de cette situation de crise. L'artiste reprit son calme et son attitude sérieuse dans une posture fermée, bras croisés sur le torse. "Désolé." Trop con, Salaun, décidément t'es trop con quand tu t'y mets. Il secoua la tête puis reprit. "Elina, tu as parfaitement le droit de me menacer, m'engueuler ou même m'en coller une si tu trouves que c'est mérité... mais tout ce que je souhaite, c'est qu'on puisse repartir toi et moi sur des bases un peu plus saines. Pas que tu me considères comme ton meilleur pote, mais comme un crétin repentant. C'est faisable, à ton avis ?" Il lui adressa un léger sourire suite à cette marque d'autodérision, priant pour qu'elle veuille bien calmer ses nerfs décidément à vif.

Elina s’attendait à ce que sa sœur réagisse. Après tout, elle la rendait responsable de ce qui se passait, alors qu’elle était ici pour apaiser la tension et tenter de trouver une solution de paix. Elina gardait un visage froid, impassible face à Juno qui montrait clairement qu’elle n’acceptait pas que la brune l’accuse. Grimaçant, elle recula d’un pas non par peur, mais dans l’idée de s’échapper d’une discussion qu’elle n’était pas prête à avoir et vouloir tenir. Expliquer la raison, pourquoi elle réagissait de cette manière impliquait le coffre-fort en elle qu’elle ne souhaitait ouvrir à personne, pas même à sa jumelle de cœur. Et Kilian qui en rajoutait, ne souhaitant pas que les deux sœurs s’engagent dans une guerre. Elle tourna un regard sombre vers lui lorsqu’il avoua être le fautif et Elina voulut appuyer les paroles du brun, changeant ainsi de conversation. Mais Juno enchaîna et Elina croisa les bras, ne souhaitant pas laisser sa colère bouillir et exploser. Pourtant, elle serait foutrement libératrice. Les yeux sombres d’Elina devinrent deux fentes à la proposition de Juno, comme si elle se foutait royalement d’elle. Mais la réaction de Kilian fut surprenante, si ce n’est encore plus agaçant pour la gamma. Elle leva un sourcil, croyait-il qu’elle ne serait pas capable de lui en foutre une et de ne pas lui faire mal. Certes, elle ignorait que le brun faisait de la boxe, mais Elina avait réussi à se battre plus d’une fois et atteindre des cibles masculines sans mal, sans craindre de ressortir avec une lèvre explosée, une arcade percée ou même une joue en feu. Non, les marques physiques et les douleurs n’effrayaient pas Elina. Les mots violents voulaient franchir la barrière de sa bouche, mais elle s’empêcha de le faire, pour ne pas envenimer la situation et risquer que sa sœur intervienne, elle qui portait un têtard très important pour la brune filiforme. Il s’excusa, demandant d’accepter sa rédemption. Ses lèvres s’étirèrent de quelques millimètres d’un micro sourire avant qu’elle ne détourne le visage. « Tu n’as pas besoin de t’excuser pour que je pense ça de toi, et tes bases, tu peux te les foutre ou je pense. »

Décidément, la brune n’était pas prête de faire la paix. Ou du moins, une apparence. À vrai dire, malgré la réaction excessive de crétin finie de Kilian, elle ne pouvait pas s’empêcher d’apprécier son caractère de cochon et sa réplique facile. Mais lui pardonner aussi facilement n’était pas dans les habitudes de la brune et elle ne s’attendait pas à ce qu’il s’acharne. Elle ne le reverrait plus par la suite, ou le croiserait dans les couloirs, mais ça restait là. Soupirant, Elina tourna son regard vers sa sœur qui semblait attendre qu’Elina y mette de la bonne volonté, mais aussi qu’elle lui explique sa réaction. Passant une main dans ses cheveux courts, elle baissa le visage en grimaçant. Faire un effort, faire un effort, faire un effort. Se concentrant sur sa sœur, Elina s’approcha d’elle. « Excuse-moi… Je ne voulais pas t’accuser… j’espérais juste que tu comprennes sans que je n’ai besoin de le dire… Mais non… Ce n’est pas grave. » Elle lui offrit un sourire discret avant de tourner son regard qui redevint froid et lointain vers Kilian. « Considère-toi comme « pardonné » si ça peut te faire plaisir. De toute façon, je ne risque pas de te recroiser de sitôt. » A cet instant, la brune ignorait que Kilian était le futur parrain du têtard, et quelle surprise cela serait pour elle de l’apprendre. Toujours est-il qu’Elina n’avait pas vraiment envie de rester dans cette chambre où elle allait devoir s’obliger à parler avec Juno d’un sujet dont elle n’était pas prête. Et entendre encore les excuses de Kilian risquait de trahir sa fierté mal placée et sa rancune jusqu’à présent tenace. Trop faible ces derniers temps, depuis que Juno lui avait parlé à cœur ouvert de sa grossesse, de ses craintes. Il allait falloir remédier à cela. Ramassant sa veste sur le lit, Elina sortir de la chambre sans un mot. La conversation était terminée et même si elle s’attendait à un retour de balle de Juno, un atterrissage forcé et pas très agréable, pour l’instant elle préférait éviter ce moment et rien de mieux que de faire ce qu’elle savait de mieux, la fuite. De toute façon, elle trouverait bien un moyen de se venger de Kilian sans qu’il ne s’y attende. La vengeance est un plat qui se mange froid et Elina était patiente. Quelques semaines, mois ou même année ne faisait pas peur à la brune. Et Dieu sait que dans la famille Valentyne, leur technique de vengeance fait mal.

Spoiler:

•• Je r'grette j'y suis j'y reste !
T'as l'droit à trois souhaits alors DÉCIDE !!

Si cela continuait dans cette lancée, ils ne seraient pas sortis de cette situation pourrie avant la fin du monde. Cette fois-ci, le calme olympien de Juno commençait sérieusement à être mis en péril par les réactions enfantines de sa jumelle unique et préférée. Cela ne l’empêchait pas de l’adorer et de l’appuyer les trois quarts du temps, mais cette fois-ci, elle trouvait sa manière d’agir tout à fait inacceptable. Depuis quand faisait-elle preuve d’une telle théâtralité pour protéger je ne sais quelle fierté n’ayant strictement rien à faire dans l’équation ? Et c’est Juno que l’on trouvait trop cérébrale ! En l’occurrence, la première brunette n’était pas rancunière pour trois sous, à moins d’y être vraiment contrainte, contrairement à la charmante Elina. Elle aurait probablement pardonné à Kilian depuis longtemps et ne l’aurait pas laissé se flageller tout seul de cette façon. Après tout, ils étaient deux dans l’histoire, non ? Diantre, Juno s’était diablement adoucie depuis qu’elle fréquentait Randy. Impossible que la droiture et la tolérance du bel Alpha n’ait pas pu déteindre sur elle, puisqu’il en faisait toujours preuve lorsqu’elle s’adonnait à des erreurs crétines. Mais la jeune femme évitait ce genre d’effusion ridicule menant à une situation bloquée avec laquelle Juno devait se dépatouiller. Kilian n’était pas en reste de drame, puisque bientôt, ils furent abandonnés par Elina en pleine chambre d’étudiant, sans autre forme de procès. Ah elle est belle, la démocratie ! « Tu crois que je suis en plein cauchemar, poussin ? » Comprendre : Sortez-moi de cette situation pourrie à laquelle je ne devrais même pas être mêlée et qui me tape vulgairement sur le système. Il fallut qu’elle puisse dans toutes les ressources de son habituelle patiente pour éviter de péter une durite, là tout de suite, fidèle à ses hormones de grossesse ayant une forte tendance à faire du yoyo sur ses humeurs actuelles. Cela dit, elle ne laissa pas son poussin unique et préféré en plan, hors de question. Il n’avait peut-être plus envie de se « battre » pour rectifier le tir, mais Juno était bien trop têtue pour abandonner la chose en cours de route. Puisqu’ils l’avaient prise à parti l’un comme l’autre, fort bien. Elle s’empara donc de la main de Kilian sans attendre la trinité et l’embarqua avec elle dans le couloir qu’avait dû emprunter Elina pour sortir. Ils la retrouvèrent dans le hall d’entrée de la maison de confrérie, heureusement vide à cette heure-ci, et si Juno lâcha subitement la main de Kilian, ce fut pour s’emparer du bras d’Elina. « Depuis quand tu agis comme une gamine de cinq ans dès que quelqu’un heurte ta fierté, Elie ? Tu m’avais habituée à plus de classe que ça !! » C’était faible et bas, peut-être. Mais ce n’était qu’un juste retour des choses, après tout. Sa sœur était habituée à voir Juno ruer dans les brancards dès qu’elle commençait à merder, cette fois-ci ne faisant pas plus exception que les précédentes.

« Tu ne crois pas qu’il y a mille fois pire dans la vie ? Je ne prends la défense de personne, il n’y en a pas un pour relever l’autre. Vous êtes deux gamins paumés, l’un et l’autre !! Vous vous rendez compte à quel point vous réagissez comme deux gamins à qui je suis à deux doigts de foutre une fessée cul nul pour leur apprendre la vie ? Et Poussin ne me tente pas parce que je te jure que tu ne ferais pas le poids trente secondes face à la colère d’une femme enceinte ! Vous savez que je suis en pleine grossesse difficile, que je suis censée rester allongée, faire pousser un être humain ? Que je suis censée être calme, sereine, entourée de gens intelligents ? EST-CE QUE J’AI L’AIR D’ÊTRE CALME A VOTRE AVIS ?! » Juno avait précautionneusement lâché le bras d’Elina, afin que celle-ci n’ait pas un geste malencontreux en prime à son égard, mais avait hurlé suffisamment fort pour les deux imbéciles lui faisant face se stoppe complètement. Cela ne l’empêchait pas de les adorer, mais trop, c’est trop. Elle voulait bien être gentille, mais qu’on lui gâche vulgairement la vie avec des broutilles pareilles, c’était un peu trop lui demander dans l’état actuel des choses. « Vous m’avez habituée à plus d’intelligence, sincèrement. Vous avez merdé, d’accord…ET ALORS ? Quelqu’un est mort ? Je ne crois pas ! Vous pourriez juste passer l’éponge, vous serrer la main et mettre votre PUTAIN de fierté de côté ! Elie, je sais, c’est difficile, j’ai été à ta place plus souvent qu’à mon tour, mais comment tu veux que je te comprenne si dès que j’essaye de t’aider tu me revoies la main dans la tronche ? Je n’ai pas la science infuse. Et nom de dieu tu sais combien j’ai horreur de te voir fuir juste parce que c’est plus facile. Mettre sa fierté dans la poche et son mouchoir par-dessus ce n’est jamais facile. Ca fait mal, ça craint, mais c’est ça aussi, être adulte. On a vingt-trois ans, pas cinq. Ce qu’on faisait comme conneries quand on était petites ne peut plus être excusé par notre âge ! Alors même si Kilian a merdé et très mal traitée, il vient s’excuser. Tu sais comment c’est rare de voir un mec s’excuser bordel ?! » Juno leva les yeux au ciel avant de s’écarter légèrement. Ce n’était pas le moment d’en faire trop et d’être en plus prise d’un malaise, alors son petit discours allait bientôt prendre fin, foi de Juno. S’ils voulaient gâcher leurs vies, libre à eux, après la fin de sa tirade, ce ne serait officiellement plus son affaire.

« Vous savez quoi ? J’en ai vraiment ras le derrière que tout le monde me prenne pour une armoire à pharmacie !! Ou pour un psy ou pour une chaaarmante épaule sur laquelle on crache joyeusement une fois la confidente chérie terminée !! Et vous deux, vous deux, vous commencez commencer carrément à me faire chier des briques en papier de verre ! Ca me SAOULE de vous voir vous chercher des noises toutes les secondes ! Mais mettez-vous sur la gueule une bonne fois pour toute, ou couchez ensemble là, sur la table, de suite qu’on en finisse ! Sur ce le bon psy se casse et il vous dit merde. MERDE !! » Cette fois-ci, ce fut à Juno de tourner les talons, avec cette sorte de grâce et de charme dont Randy lui faisait compliment malgré leurs disputes à répétition vis-à-vis de cette manière d’agir. « Si vous décidez d’agir comme les deux personnes intelligentes que vous êtes, je serais à la cafét’ en train de me goinfrer de cette génoise en chocolat qui me fait de l’œil depuis des heures. Dans le cas contraire…Démerdez-vous ! Je dois penser à mon bébé. Ah et au fait, c’est une fille. Et pour vous apprendre la bonne nouvelle de la journée, vous êtes le parrain et la marraine. Ne me faites pas changer d’avis parce que pour l’instant, je suis tentée de vous dire merde aussi pour ça !! » Et Juno quitta le hall d’entrée, particulièrement décidée, incapable de changer d’avis. Elle avait beau les adorer, il fallait qu’ils se mettent face à leurs responsabilités et qu’ils se rendent compte du stress qu’ils venaient de lui causer sans qu’elle ne l’ait demandé. Une fois à la cafétéria, quel délice ce fut de plonger ses canines affamées dans cette génoise au chocolat ! Pour la peine, elle s’assit, une vingtaine de morceau sur la table en face d’elle, tandis qu’elle riait à moitié face au vendeur étudiant qui venait de se mettre de nombreux billets dans la fouille. Avoir une cliente enceinte, ça a du bon ! « C’est une pure merveille nom de dieu ! » Difficile de ne pas rire à pleines dents et dévoiler un sourire chocolaté ! Pour le coup, Juno dû s’exprimer en mettant sa main devant sa bouche. Très classe.

Spoiler:

Quelle amabilité et quelle gentillesse dans l'attitude d'Elina... sérieusement, ça fait chaud au coeur. Kilian retint à grands frais cette remarque incisive qui ne demandait pourtant qu'à franchir la barrière de ses lèvres. Il s'était déjà mis dans le pétrin tout seul ce matin en réagissant comme un rustre sans cervelle hormis celle qu'il avait eu entre les jambes hier soir, alors mieux valait pour lui qu'il écrase un minimum. Quoiqu'il en soit, il ne put s'empêcher de remarquer une fois encore que son attitude n'avait pas blessé Elina parce qu'elle avait simplement mal pris son sale caractère, mais plutôt parce que son ignorance avait semble-t-il fait remonter quelques troubles certainement liés à son passé. Et ça, il ne pouvait pas le savoir, lui non plus. Certes, le Sigma se montra assez curieux vis-à-vis de cela, sans doute dans l'optique de ne pas répéter deux fois la même connerie... mais il se garderait bien de poser la moindre question. Ni à l'intéressée ni même à Juno, au cas où elle le saurait. Le Breton avait appris à respecter les secrets et la vie privée des autres pour la bonne et simple raison qu'il n'aimait pas qu'on fouille dans son propre linge sale. Qui sait si, un jour, il apprendra ceci à la faveur d'une confidence spontanée.
Le fils Salaun ne put retenir un froncement de sourcils évocateur... Elina lui pardonnait-elle vraiment, comme elle venait de le formuler à haute voix. En son for intérieur, il en doutait très sérieusement. Lui-même n'avait pas le pardon facile et pouvait se montrer extrêmement méchant en matière de vengeance... allez demander à son père, ce cher Logan pourrait sortir un best-seller sur le sujet. Kilian avait même le titre en tête "L'enfer sur Terre pour un père repentant, par Kilian Salaun". Un vrai bijou littéraire que les maisons d'éditions s'arracheraient au moins autant que les futurs lecteurs. Tout ça pour dire que l'attitude de la Gamma, il la connaissait bien. Mettre un terme à la discussion et se barrer. La fuite, c'était une option que le Sigma lui-même chérissait entre toutes. Qu'il reste muet ou qu'il se montre agressif voire violent, il préférait toujours quitter les problèmes - et les gens - temporairement au lieu de les affronter. Lorsque son père avait refait surface à Berkeley, Kilian s'était exilé en France pendant presque un an... si mettre l'Océan Atlantique entre eux, ce n'est pas un stratagème de fuite ! Son regard azur suivit le départ de la jolie brune, sans qu'il ne décroche un seul mot. Décidément, ils avaient un peu plus de points communs qu'il ne l'aurait imaginé. Il tourna la tête vers son Poussin puis haussa simplement les épaules en guise de réponse. Honnêtement, il ne croyait tellement pas à la rédemption qu'il avait plutôt envie de lâcher l'affaire et rassurer Juno que son aide avait tout de même été précieuse.

Toutefois, il faut croire que la présidente des Gammas en avait décidé autrement. Kilian se sentit brusquement tiré vers l'avant lorsque la main de Juno se referma sur son poignet, le faisant suivre à grand peine son pas cadencé et rapide pour rattraper Elina. "Eh, vas-y mollo, je ne suis pas une valise qu'on balade !" protesta-t-il en grognant, sans pour autant chercher à se dérober. Comme deux gosses qui viennent d'être pris en train de faire une bêtise par la maîtresse d'école, Elina et Kilian se fixèrent sagement pour accuser le savon que Poussin leur passa. Il ne put s'empêcher d'arquer un sourcil on ne peut plus sceptique vis-à-vis de la soi-disant fessée qu'elle pourrait leur mettre. T'as raison, miss : touches-y, à mon postérieur, et tu finiras manchote. Mais bon, une fois encore, il dût faire preuve d'un immense contrôle sur lui-même afin de ne surtout pas envenimer la situation. Pourquoi ne pas contredire Juno ? Parce que du jour où son Poussin lui avait annoncé qu'elle était enceinte, le comportement de Kilian avait sensiblement évolué. Il était toujours aussi chiant, grognon et cynique, mais il se montrait beaucoup plus attentionné envers la future maman. Or, le stress, c'est très mauvais pour elle et le petit qu'elle portait. On peut le dire, il se montrait encore plus surprotecteur que d'ordinaire. Limite étouffant, à vrai dire. Avec Randy, ils faisaient la paire : à la moindre petite entaille de trois millimètres au pouce, Juno pouvait être sûre d'avoir son amour de fiancé et son Poussin au garde-à-vous pour soigner sa plaie. C'est con, un mec, quand même.
Il fut tout de même assez satisfait d'entendre que sa démarche d'excuse était suffisamment rarissime pour être auréolée d'une certaine forme d'appréciation. Il avait envie de rajouter que pour un homme comme lui, la démarche était encore plus prodigieuse. Fier, il l'était sans doute... mais il ne s'empêchait pas de reconnaitre ses torts, surtout dans une telle situation. Cela lui fit mal que les hormones de Juno s'emballent pour qu'elle annonce à voix haute - très haute, même - que leur comportement lui faisait mal à ce point et dérangeait le besoin de tranquillité qu'elle éprouvait. En gros, ça donne : "Ne venez plus me gonfler avec vos jérémiades, j'ai d'autres chats à fouetter." Et encore, là c'est la version soft.

Le Breton ne broncha pas et haussa les sourcils avec un léger sourire lorsqu'il apprit que ce bébé était une fille. Enfin, un sourire... seigneur, non. Pas une deuxième Juno. L'humanité ne s'en relèvera jamais. L'extinction de la race humaine est proche, les enfants, allumez un cierge et priez. C'est tout ce qu'il reste à faire car, dans 6 mois, l'Apocalypse viendra frapper à notre porte. Cependant, cette pensée ironique fut très tôt obscurcie lorsqu'il apprit que la marraine en face de lui ne serait nulle autre qu'Elina ici présente. Il tourna la tête vers elle et la regarda avec surprise. Ok, donc pour s'éviter, ça va se faire... d'ici 21 ans, quand le gosse sera majeur, ils ne seront peut-être plus obligés de se voir souvent. Kilian la regarda partir puis poussa un soupir. "Et merde..."
Cependant, une idée lui traversa l'esprit. Juno n'était plus là. Il n'y avait qu'Elina et lui. La rancoeur de la Gamma était palpable, sûrement davantage après la magistrale engueulade qu'ils avaient reçue. C'était peut-être suicidaire, il en avait conscience, mais sans doute était-ce nécessaire afin que la Gamma puisse se défouler elle aussi une bonne fois pour toutes au lieu de se contenir comme elle l'avait fait en présence de sa soeur. Kilian croisa les bras sur son torse, maquilla son visage d'un air agacé et profondément macho. "Voilà où on en est... avec tes conneries et ton sale caractère, Elina." Ding. Ca y est, la cloche de l'Enfer vient de sonner. Sans le laisser paraître une seule seconde grâce à son indéniable talent d'acteur, le fils Salaun voulait provoquer son interlocutrice afin qu'elle se déchaîne contre lui de toutes ses forces et évacuer le maximum de colère qu'elle pouvait nourrir à son égard. Ca peut faire mal, très mal... physiquement et moralement. Mais ça, il était prêt à l'endurer si c'était libérateur pour Elina et que son Poussin ne soit plus exposée à ce genre de scènes pathétiques, il faut le reconnaître. "Si t'étais moins mélodramatique, dans ton genre, on n'en serait peut-être pas arrivés là." lâcha-t-il avec un air profondément exaspéré. Let's the war begin, now.

Spoiler:

Elina marchait d’un pas vif dans le couloir, voulant s’éloigner le plus possible de la chambre de sa sœur pour aller s’enfermer dans la sienne, ou au mieux, aller se trouver un nouveau havre afin d’éliminer toute la tension négative qui bouillait à l’intérieur d’elle. Mais c’était sans compter sur le caractère prononcé de Juno qui l’avait rattrapé rapidement, l’obligeant à lui faire face. Elina se retrouva des années en arrière, baissant les yeux et la tête face à sa sœur qui la disputait parce qu’elle se droguait, parce qu’elle ne parlait pas. Toutes les raisons qui avaient toujours poussés Juno à pousser une gueulante. Et aujourd’hui, c’était un nouveau passage, assez humiliant pour la brune parce qu’il y avait un témoin et pas des moindres, Kilian le poisson. L’homme avec qui elle avait passé une nuit endiablée et qui avait tout effacé d’un simple regard et de quelques mots le matin même. Si la colère voulait exploser en cet instant, Elina se contenta de grimacer en gardant le visage bas. Car la vérité éclatait dans les paroles de sa sœur, et elle ne pouvait la contredire bien au contraire. Elle regrettait déjà son comportement puéril et sa fierté mal placée. Cependant, elle ne pouvait s’empêcher de laisser sa blessure interne faire surface et réagir pour elle à ce moment de stupidité. Les paroles de Juno glissaient en elle, attisant davantage sa honte et ses remords de mettre Juno dans un pareil état. Elle qui s’était juré de protéger sa sœur, de tout faire pour que sa grossesse soit des plus paisible, elle était celle qui allumait la mèche pour que la bombe explose. Bravo Brown, félicitation. La brune releva le regard pourtant à la proposition de sa sœur de se battre ou de se donner à une nouvelle effusion comme la veille. Ses yeux bruns se plissèrent en observant Juno faire volteface pour partir. Et là, la suite fut un peu plus difficile à avaler. Une petite fille, et Kilian était le parrain avec elle. Bordel de dieu. Ses paupières se fermèrent alors que ses épaules s’affaissèrent d’un soupire las. La marche énergique de Juno résonna dans tout le couloir alors qu’elle tapait des pieds avant de disparaître de leur champ de vision. La colère était toujours présente envers le brun, mais un autre sentiment beaucoup plus fort et important que tout le reste immigrait dans son cœur, le remord. Elle entendit le brun jurer également mais n’y porta aucune attention, cherchant déjà comment elle allait pouvoir racheter sa conduite envers sa moitié. Ses yeux sombres se posèrent sur Kilian lorsqu’il osa faire rejaillir le feu qu’elle avait d’elle-même éteint pendant la tirade de sa sœur. Si elle n’avait pas une aussi grande maîtrise de son facial, sa bouche en serrait béante tant elle était surprise par le culot et la mauvaise foi que faisait preuve le sigma. « Pardon ? Tu te fous de ma gueule là ?! »

Le brun n’avait pas peur de réveiller la furie qu’elle pouvait être lorsqu’on venait chercher le grain de sable. Ami ou pas de sa sœur, ancien amant ou pas, Elina ne s’empêcherait pas de lui foutre une ritournelle dans le nez s’il continuait à lui chauffer les poils. Et ce qu’il dit par la suite fut la goutte de trop, ses poings se serrèrent et son cœur rata un battement. Elle se retourna complètement face à lui, peu menaçante avec sa taille fine certes, mais il ne fallait jamais sous-estimer la taille ni le poids. La colère est capable de grande chose. « T’es vraiment qu’un connard Kilian ! Un vrai connard ! » Elle s’approcha de lui menaçante, levant légèrement la tête pour croiser son regard lapis-lazuli. « Si tu n’avais pas été aussi con, si tu m’avais pas repoussé avec autant de force et de connerie, j’aurais jamais réagi comme ça sale crétin ! J’en ai rien à foutre que je sois inexistante dans ta cervelle, j’en ai rien à foutre de ta sale gueule de poisson ! Tu m’as poussé contre ce casier, tu m’as menacé sale con ! Ça fait de nombreux mauvais points en ta faveur et si tu crois que PARCE QUE ma sœur veut que je fasse la paix, je vais le faire, tu peux te foutre un doigt au cul et bien profond ! » La brune le poussait à chaque parole, ses deux mains sur son torse sans ménager sa force ni même craindre qu’il puisse se défendre, la maîtriser rapidement d’un seul geste. Ses yeux bruns brillaient de colère, de rage et de fureur. « Tu me cherches, tu me menaces et maintenant, tu me refous tout sur le dos. Je sais pas ce qui me retient de te briser les couilles, de te fracasser la tête contre le mur. Mon sale caractère, mon mélodrame t’emmerde ! Bien profond ! Et c’est de ta faute ! Que de te faute ! Putin, tu me soules ! » La brune le repoussa une ultime fois, avec plus de force. La seule chose qui l’empêchait de cogner, c’était le respect qu’elle éprouvait encore pour lui au plus profond d’elle, parce qu’il avait su plaire à Elina, chose difficile et peu courante. Cependant, elle ne parvenait pas à contrôler les tremblements de colère qui secouaient son corps frêle et c’est pourquoi, un bruit retentit dans le couloir, provoqué par la main d’Elina qui s’était écrasé avec rudesse contre la joue de Kilian. Mais elle ne s’arrêta là par pour autant, frappant son visage et son torse avec la force qu’elle possédait dans cet instant, continuant de l’insulter sans se retenir ni penser à son vocabulaire de charretier. Divers mots d’oiseaux y passaient et Kilian aurait pu reproduire un règne animal à lui tout seul. « Je te déteste ! Je te déteste ! JE VOUS DETESTE !!! » Elina continuait de frapper, les larmes aux yeux alors que peut-être, les mots ne s’adressaient plus réellement au brun.

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•• Je r'grette j'y suis j'y reste !
T'as l'droit à trois souhaits alors DÉCIDE !!

C’était comme un immense trou noir. Juno peinait à respirer, son esprit s’était comme arrêté et ses yeux fixaient un point dans le vide en quête d’une sorte de vérité qu’ils ne pouvaient atteindre. Tout s’était passé si vite…La brunette avait simplement été alertée par les cris persans de sa jumelle de cœur, émanant du hall de la maison de confrérie, avait lâché au vol ce morceau de génoise délicieux avec lequel elle se délectait pour mieux tenter de les séparer. D’un côté, Kilian, son poussin unique et préféré, de l’autre, sa sœur, ce pilier sans qui elle ne s’imaginait pas. Les deux avaient une importance capitale dans la vie de Juno, et pourtant, aujourd’hui, ils étaient justement à l’origine d’un incident qu’elle avait pourtant cherché à éviter jusqu’ici. Un geste malencontreux d’Elina, une gifle pourvue d’une force qu’elle ne lui connaissait pas, et la brunette heurtait violemment la vitrine à laquelle elle faisait dos. Celle-ci explosa au passage sous le contrecoup, quant à Juno, elle fit une chute vertigineuse et ne manqua pas de se heurter la tête contre un carrelage dont la dureté surpassait de loin la beauté qu’il aurait pu posséder. Une seconde passa, puis une autre, et encore une autre. La brunette avait tâché de s’axer sur sa respiration qui s’était coupée à cause de la chute ayant probablement provoqué un blocage passager de son diaphragme, tandis que ses pensées se bousculaient. La jeune femme se souvenait d’avoir pourtant balancé un « je vais vous étrangler tous les deux si vous n’arrêtez pas immédiatement ! » mais rien n’y avait fait. Elina ne l’avait sûrement pas entendue, et désormais, elle observait probablement sa sœur, le bras ensanglanté à cause du verre qu’elle avait percuté, son corps jonchant le sol, sans un mouvement. Juno était en peine. Le geste l’avait sonnée, mais bien moins que la douleur insupportable qu’elle ressentait dans chacun de ses membres. La suite fut très floue, du reste. Avaient-ils appelés une ambulance ? Un médecin s’était-il inquiété de son bébé d’abord ? La brunette n’en savait rien. Ce n’était pas faute de répéter, à la limite de la conscience « mon bébé, mon bébé d’abord » comme s’il s’agissait de sa chanson préférée et qu’elle la chantonnait à tue-tête. Effectivement, les secours avaient été appelés. Effectivement, elle était parlée par la case « urgence » sans toucher les vingt-mille dollars de la banque, comme à ce jeu débile du Monopoly…Et lorsqu’elle ouvrit enfin les yeux à nouveau, la douleur était plus vive encore.

Un regard noir. Celui-ci était évidemment dirigé vers cet abruti d’interne en train de lui suturer le bras. A la décharge de celui-ci, Juno avait refusé toute anesthésie, de peur qu’elle ne soit mauvaise pour le bébé. Il faut dire que la demoiselle était encore plus têtue lorsqu’elle souffrait, et ce bien qu’elle ne soit pas du genre à hurler pour une pauvre petite égratignure. Sauf qu’on lui mit de nombreux points, pour le coup. « Arrêtez de me demander, je ne VEUX PAS de calmant ! » Kilian et Elina avaient eut la permission d’entrer au moment même où elle était dans son désavantage le plus complet, à moitié en colère et en train de se faire littéralement charcuter. Hélas, ils détenaient les résultats de l’échographie ayant été pratiquée lorsqu’elle était encore inconsciente. Eux seuls savaient que le bébé n’avait rien, et que c’était une magnifique petite fille qui ferait un très beau bébé une fois né. Comme quoi, on peut se demander qui est le plus gaga, du futur père ou du gynécologue qui examine, parfois. « Le bébé, il va bien ?! Si vous ne me répondez pas tout de suite, je vous jure que je vous étrangle, blessée de guerre ou pas ! » Juno n’émit pas la moindre parole supplémentaire, puisqu’elle dû grimacer face à l’extraction d’un morceau de verre par l’interne qui était pourtant tout sauf empoté. « On dit que les cicatrices, ça rend sexy, on va très vite le savoir » osa-t-elle plaisanter en haussant les épaules, peu désireuse de voir quelle tête Randy allait-il faire en apprenant qu’elle avait fait un petit séjour aux urgences à cause d’une connerie entre Kilian et Elina…Mais contrairement à Randy qui se serait fait une joie de leur faire la tête au carré, Juno n’émit aucune plainte. « Vous avez passé l’âge que je vous flanque une fessée cul nul, même si parfois, c’est bien dommage » se permit-elle alors qu’elle était en train de déguster comme jamais. Pour le coup, elle aurait presque préféré s’être pris une balle, pour avoir le mérite d’être endormie lors de l’extraction… « Je veux savoir comment va le bébé, vous allez me le dire ou il faut en prime que je vous tire les vers du nez ? Déjà que je déguste, donnez-moi au moins une bonne nouvelle ! » Pour le coup, on pouvait bénir son absence totale de susceptibilité et de rancœur, sans quoi, elle n’aurait plus jamais adressé la parole à l’un comme à l’autre. Mais il ne faut pas croire : Juno n’avait rien oublié. Et à la moindre parole qui lui déplaisait, elle se ferait un plaisir de les renvoyer avec pertes et fracas sans oublier l’interdiction totale de la voir avant qu’ils ne soient définitivement calmés. Là, il en allait de la santé de son bébé…

Spoiler:

Si je me fous de ta gueule ? Oui, un peu. Beaucoup, même. Complètement, je dirai. Mais je me suis tellement bien débrouillé que tu fonces droit dans le panneau, alors tu peux m'appeler Dieu. A quand le Tony Award, j'ai envie de dire... Ces pensées traversèrent l'esprit de Kilian qui considérait Elina avec une attitude complètement fermée de façon à ce qu'aucune de ces émotions ne puisse franchir la limite du visible. Il venait de jeter de l'huile sur un feu qui ne demandait qu'à jaillir et il avait conscience qu'il jouait une partie serrée... Mais il sentait qu'Elina avait besoin d'exploser et qu'elle s'était retenue de le faire devant sa soeur. Juno étant partie, le Breton avait donc jugé que c'était le moment opportun pour lui de tout faire afin qu'elle puisse se sentir libérée. Ce sentiment de frustration, il le connaissait sur le bout des doigts. Comment serait-il devenu aussi bon dans les sports de combat ou dans le domaine artistique, autrement ? Ces deux sphères représentaient un exutoire à son tempérament de feu parfois très impulsif. Le Sigma avait conscience qu'il avait poussé la Gamma à se murer derrière une attitude résignée, il devait donc se racheter en ruinant cette barrière pour laisser libre cours à la colère de son amante de la nuit dernière.
Celle-ci ne tarda d'ailleurs pas à se lâcher, de façon progressive. Silencieux et digne - autant que faire se peut - Kilian accusa ses paroles et ses coups sans broncher une seule fois, se défendant le strict minimum lorsqu'elle frappa son torse de ses mains. La gifle qu'elle lui asséna fut suffisamment forte pour qu'il sente une violente chaleur lui envahir la joue et le reste du visage tandis que d'autres suivirent pour bientôt le rouer de coups. Dieu merci, son point fort, c'était de savoir encaisser. Il avait une assez grande force physique, mais rien à voir en comparaison de certains colosses... alors, il pouvait se permettre de laisser Elina se fatiguer toute seule à force de cris, de frappes et peut-être même de larmes. L'étudiant remarqua d'ailleurs que le discours d'Elina - qui, soit dit en passant, aurait fait merveille sur la chaîne de documentaires animaliers du câble - ne s'adressait pas seulement qu'à lui. Comme il s'en doutait un peu, il n'était qu'un prétexte à lui rappeler des souvenirs sans doute douloureux.

Malheureusement, une ombre vint noircir son plan légèrement kamikaze : Juno. Un Poussin écrasé contre une vitre par sa soeur, ça complique forcément les choses. En la voyant tomber près de lui qui se trouvait acculé contre le mur, Kilian attrapa brutalement les mains d'Elina pour la forcer à s'arrêter. Il s'agenouilla près de la Gamma et sentit un curieux ressenti le prendre aux tripes : la peur. Autant pour le bébé que pour elle. Très rapidement, le fils Salaun retrouva un sang-froid imperturbable, attrapa son téléphone et appela une ambulance. "Ne la touches pas ! Si elle est blessée à l'intérieur, ça peut empirer les choses." ordonna-t-il à Elina qui semblait s'être précipitée sur la présidente de la confrérie Gamma. Le temps que l'ambulance arrive, le Breton surveilla très attentivement l'état de la jeune femme et avertit les médecins. "Faites attention, elle est enceinte de trois mois." Une fois Juno déposée puis embarquée sur un brancard, Elina et Kilian suivirent sans se poser de questions pour grimper dans l'ambulance à leur tour. Lorsqu'ils arrivèrent à l'hôpital, ils furent contraints d'attendre dans une salle le temps que Juno passe ses examens.
Un silence pesant s'était installé entre eux. Le regard de Kilian s'était posé longtemps sur le sol impeccable de l'établissement, ruminant quelques pensées toutes plus angoissées les unes que les autres... puis enfin, ses yeux bleu azur se posèrent sur Elina. Elle aussi semblait se ronger les sangs. Dans un naturel très protecteur et réconfortant - n'étant pas toujours soumis à un caractère de merde - le jeune homme regarda la Gamma droit dans les yeux avec un sourire franc et rassurant. "T'en fais pas, ça va aller. Tu n'y es pour rien, alors attendons que les médecins viennent nous dire que ta soeur est un vrai roc." Sans trop réfléchir, il prit sa main dans la sienne et la serra doucement. L'un comme l'autre n'étaient pas très tactiles ou câlins, c'est quelque chose dont il s'était souvenu lors de la soirée où ils s'étaient rencontrés. Tant mieux : au moins, Elina comprendrait certainement la portée de son geste.

Le médecin arriva enfin avec les résultats de l'échographie, leur annonçant que la petite fille à naître se portait très bien et aucune lésion interne n'avait été détectée. Juste quelques entailles et un petit choc étourdissant... Kilian ne put retenir un léger soupir de soulagement entre ses lèvres avant de pouvoir entrer en compagnie d'Elina dans la salle où se trouvait Juno. Un léger, très léger sourire vint égayer le visage du Sigma à la réplique de son Poussin. "T'es sûre que tu ne veux pas un calmant ? Ca nous ferait des vacances, tu sais." Même dans des moments pareils, c'était plus fort que lui, il fallait qu'il se montre sarcastique. Juste histoire de dédramatiser. Il regarda la feuille de résultats puis arqua un sourcil en passant une main sous son menton légèrement barbu. "Eh bien, pour ce qui est du bébé... j'ai peur que malgré nos efforts conjugués, nous soyons tout de même obligés d'être parrain et marraine d'une mini-Juno en parfaite santé d'ici six mois. Tant pis, on aura essayé." Ca, c'est la façon Salaun pour dire « Tout va pour le mieux, rien à signaler et la petite n'a rien à craindre à court ou long terme ». Il tendit la feuille à son Poussin pour la rassurer encore davantage puis s'assit sur un tabouret alors que l'interne tournait la tête vers lui. "Monsieur, qu'est-ce qui vous est arrivé ? Il faut nettoyer ça ! " Kilian fronça un peu les sourcils, surpris, puis regarda son reflet dans une glace près d'une armoire à pharmacie. La lèvre inférieure fendue, un très mince filet de sang avait séché depuis son nez et quelques marques sur son visage montraient qu'il avait été un peu malmené. "Oh non, c'est rien, oubliez ça. Je l'ai mérité. L'important, c'est que les filles se sentent mieux. Toutes les trois." dit-il en appuyant un regard sur les deux soeurs Valentyne. Il espérait en tout cas qu'Elina se sente elle aussi soulagée.

Bordel. Bordel. Bordel. BORDEL. C’était les pensées qui se succédaient en cet instant dans la tête d’Elina. Des cris, des coups portés sur Kilian, une autre personne qui tente d’intervenir, Elina qui se retourne en ne contrôlant par ses gestes et sa sœur qui s’écrase contre une vitrine. Bref, inutile de retracer les détails. Mais dans l’instant, la brune était paralysée, le regard sur sa sœur au sol qui tentait de reprendre une respiration plus calme. C’est Kilian qui réagit le plus rapidement, prenant la situation en main et la brune sortit de sa torpeur, s’empressant d’aller vers Juno, mais le brun l’arrêta d’un geste, la mettant en garde et elle recula d’un pas. Son cœur pulsait dans sa poitrine avec force, la peur semblait s’emparer de chacun de ses muscles, les recouvrant d’un liquide froid et désagréable. Quelle conne ! Quelle conne ! Jamais ô grand jamais, elle n’avait levé la main sur sa sœur jusqu’à présent et voilà que par mégarde, employé dans une bataille solitaire contre Kilian, sa main avait dérapé et oser souiller sa sœur, sa jumelle. Le remord, la culpabilité remontait en elle en même temps qu’elle priait pour n’avoir causé aucun dégât, que sa sœur aille bien et surtout, surtout le têtard en elle. Devenant aussi muette qu’une tombe, Elina suivit le mouvement, montant dans l’ambulance en gardant un œil sur sa sœur de loin. Quelques minutes plus tard, elle se retrouva dans une salle d’attente, poussant un long soupir avant de saisir son visage entre ses mains. Tout ça pour une histoire de sexe. C’était risible, ridicule. Levant la tête vers le plafond, la brune commençait à perdre patience, ses jambes remuant légèrement pour accompagner sa nervosité. Son regard croisa celui de Kilian qui attendait également et il tenta de la rassurer. Oubliée la dispute, oublié la bagarre qui les avait animés quelques minutes plus tôt. Non, ils étaient deux idiots qui avaient peur pour quelqu’un qui leur était précieux, accompagné par la culpabilité pour Elina. Une vieille amie celle-là. Un micro sourire étira ses lèvres à ses mots, détournant le visage et elle sentit ce geste. Inutile de dire quoi que ce soit, ce fut suffisant pour elle. Et bien qu’elle ne portait pas Kilian dans son cœur, bien qu’elle avait un sentiment d’inachevé, cette main qui serrait la sienne était bienvenue et elle s’y accrocha sans ajouter un mot.

Finalement, ils eurent une vague de chaleur et de soulagement lorsque le médecin leur annonça que tout allait bien. Que le bébé n’avait rien subi de malencontreux. Le cœur d’Elina s’allégea d’un poids, bien que ce ne fût pas LE plus important pour elle. Juno allait lui en vouloir, c’était certain. Chacun sa croix, Elina lui reprochait bien une cachotterie que lui avait fait sa sœur pour peser dans la balance du pardon. Ils s’avancèrent dans la pièce où elle semblait exprimer sa douleur et son mécontentement, ne voulant pas avoir de calmant ou autre. Son regard se tourna vers Kilian qui osait plaisanter sur ça, avant qu’il n’annonce d’une façon bien à lui, que tout allait bien. Même si elle n’avait pas vraiment envie de rire, ce détachement et cette légèreté la firent sourire en coin. Elie quitta Kilian pour s’approcher de sa sœur, les yeux brillants d’excuses et de remords à son encontre. Elle posa ses mains sur ses genoux, jetant un regard vers sa blessure avant de sentir ses genoux fléchirent légèrement. Pour cacher ce malaise à la vue du sang, elle se concentra sur Juno et y planta ses prunelles de braise. « Je suis… désolée Juno. Vraiment… Je ne sais pas quoi dire et… je sais que tu vas m’en vouloir… Je suis vraiment désolée. » La brune se mordit la lèvre, ne sachant pas quoi dire pour expliquer son comportement et surtout, amener Juno à lui pardonner. Finalement, beaucoup de peur et un peu de mal pour Juno, mais l’essentiel était là, elles allaient bien toutes les deux. Juno et le bébé. Son regard se tourna vers Kilian après que l’interne ait exprimé le besoin pour le brun d’avoir des soins. Elle croisa son regard, grimaçant légèrement en constatant enfin les dégâts qu’elle lui avait causés également. Elle était la seule imberbe dans cette histoire, pour l’instant. Se concentrant à nouveau sur Juno, elle attrapa sa main libre pour la serrer dans les siennes. « Je te promets, non je te jure de bien me comporter avec lui, si tu me pardonnes. Je… Je suis désolée d’avoir réagi comme ça. » Elle fit une pause, son visage se tournant également vers Kilian pour lui indiquer que ses excuses le concernaient aussi, et grand mal était pour elle de le faire. « Je… Je suis prête à faire n’importe quoi Juno, n’importe quoi… Dis-moi et je m’exécute… Mais vas-y mollo quand même hein… » Elle leva un sourcil pour appuyer ses mots et son sourire en coin amusé. Cependant, elle montra Kilian d’un geste. « Et même si je dois m’aplatir devant lui, m’excuser comme une minable… Alors… Je le ferais. » Et bien qu’elle avait grincé des dents et serré fortement la mâchoire, Elina était sincère et prête à recevoir son courroux.

•• Je r'grette j'y suis j'y reste !
T'as l'droit à trois souhaits alors DÉCIDE !!

« Si le bébé n’avait pas survécu, non seulement je vous aurais fait la tête au carré, mais en plus j’aurais dû supporter ta tristesse parce que tu n’aurais pas été parrain, alors Poussin, tu ne me la feras pas !! » Juno avait parfaitement conscience du véritable sens des paroles de Kilian, mais ses hormones crevaient bien trop le plafond pour qu’elle ne puisse se contrôler comme elle avait justement l’habitude de le faire. Bien qu’elle n’en fasse pas encore état, Juno avait eu la peur de sa vie. Non seulement elle avait vécu des semaines difficiles à cause des intrigues auxquelles elle avait été mêlée bien malgré elle en compagnie de Randy, mais maintenant elle devait faire face à la petite vendetta à laquelle s’adonnaient joyeusement Elina et Kilian. La barbe, à la fin ! Tout ce à quoi elle aspirait, c’était juste un peu de paix. Mais cette chance semblait être compromise à cause du simple fait qu’elle s’évertue à ne surtout pas vouloir de calmer. La cousette à laquelle le médecin s’adonnait joyeusement lui faisait un mal de chien. Elle avait beau serrer les dents, cela ne faisait pas tout, et elle ne pouvait décemment pas se concentrer sur autre chose tant la douleur était virulente. « Les calmants, c’est mauvais pour le bébé !! Déjà que je suis un désastre à moi toute seule…Et puis je fais ce que je veux, merde à la fin ! » Faussement en colère, Juno ne pu s’empêcher de lancer un coussin à la tête de Kilian, geste accompagné d’une bien maigre violence face à la faiblesse dont était victime son corps, et geste qu’elle regretta aussitôt lorsque le médecin dérapa légèrement et toucha plus profondément le côté de la blessure qui n’avait pas encore eu de point de suture. Juno poussa un cri nettement plus strident que les précédents, finissant par étouffer la chose à l’aide d’un second coussin à portée de sa main. Cela ne l’empêcha pas d’écouter chaque parole prononcée par Elina, qui avait enfin ouvert la bouche et lui fendait littéralement le cœur à cause de sa culpabilité. C’était un fait, Juno se trouvait toujours dans l’incapacité la plus totale d’éprouver la moindre rancœur à l’attention de sa sœur. Elles avaient tout partagé, tout supporté ensemble. Lorsque la brunette numéro deux avait eu des problèmes avec la drogue, l’étudiante en Physique avait pris les choses en main, comme s’il s’agissait de la suite logique des choses. Aujourd’hui, si Juno avait risqué gros, elle s’en était aussi très bien sortie. C’était ça qu’il fallait voir plutôt que le côté larmoyant, non ? « S’excuser, ce n’est pas être minable Elie. » La brunette attendit la fin de son soin au bras pour poursuivre dans cette sorte d’élan philosophique auquel elle était bien obligée de s’adonner. Des deux, l’aînée, c’était elle, à bien des égards. Elina lui apportait tout ce qui manquait à son cœur certes, elle était indivisible de son existence, mais Juno veillait au grain depuis toujours. Et ça, c’était non moins indéniable.

Une fois le médecin sortit et remercié, Juno ôta le coussin qui dissimulait son visage pour faire face à Elina, choquée comme elle l’avait rarement été jusqu’à lors. Cette simple vision toucha le futur cœur maternel de la brunette, trop peu habituée à contempler ce genre de comportement chez son adorable jumelle… « S’excuser, c’est être plus intelligent que l’autre. C’est admettre que l’on s’est trompé et être capable d’avancer. Il a blessé ton amour propre, il s’est comporté comme un crétin, mais dans le fond, c’est quelqu’un de formidable. Tu le sauras si jamais tu lui offres sa chance. Alors, non, je ne vais rien t’imposer, car la seule fois que je l’ai fais j’ai eu énormément de mal à me le pardonner même si je l’ai fais pour ton bien. Tout ce que je te demande, c’est d’ouvrir les yeux sur ce monde rétrécit dans lequel tu t’enfermes et…D’accorder une seconde chance au grand dadet pécheur à qui tu tournes actuellement le dos. » Oh, Kilian n’était pas un modèle de perfection, c’était l’évidence même. Ses phrases étaient dures, acérées, il disait facilement je t’adore et je t’emmerde dans la même phrase mais Juno avait tout de même su voir en lui ses véritables qualités. Et à l’heure actuelle, même si elle l’énervait, même s’il avait toujours du mal à se faire à ses élans émotionnels hautement accentués, ils étaient tout de même le Poussin de l’autre. Mais il n’empêche que Juno ne pousserait jamais Elina à faire quoi que ce soit comme le jour où elle l’avait contrainte à se rendre en cure de désintoxication. Kilian ne comprendrait sûrement pas la référence, mais sa sœur ne pourrait pas confondre. « Crois-moi, c’est quelqu’un de bien aussi. Autant de quoi, quand tu te donnes la peine de le montrer, Elie. Et arrête de dire que je t’en veux sinon je vais vraiment me mettre à t’en vouloir ! Approche, espèce de gourde !! » Juno s’était légèrement relevée histoire d’attraper Elie, ne lui laissant aucun autre choix que celui d’être serrée par deux bras tremblants certes mais hautement sincères. Ah, elle la sentait la réplique cinglante qui brûlait les lèvres de Kilian… « Seigneur grande asperge ferait mieux de ne surtout pas répliquer quoi que ce soit ou je me lève pour te botter ton petit cul rose…Et crois-moi, avec les hormones, j’en suis capable !! Poussin, t’a merdé aussi. Et je pense que ça mérite qu’on remette les choses à plat et qu’on…Bon j’étais tentée de dire qu’on pourrait se consoler avec un excellent whisky, mais c’est interdit pour moi, donc je voudrais bien un bon gueuleton ! »

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