Kilian n'avait pu retenir un rire cynique en sentant un coussin voler dans sa direction. "Arrêtes tes conneries, tu vas te faire mal." lui répondit-il en la fixant avec insistance. Cette fois, cela n'avait absolument de moquer ou de sarcastique, il ne voulait vraiment pas qu'elle fasse le moindre geste qui puisse l'amocher encore davantage que cela a pu être le cas. On a tendance à dire que les hommes considèrent les femmes enceintes comme des sortes d'objets sacrés qu'il faut surveiller avec une attention toute particulière... et on n'a pas totalement tort lorsqu'on voit le comportement de Kilian avec son Poussin. Il s'amusait encore à envoyer chier gentiment sa Juno adorée avec un côté grognon qu'elle arrivait à dissiper et à bousculer par une pétillante joie de vivre, mais à côté de ça, il prenait soin d'elle avec une attention toute particulière. Et le premier qui approche Poussin pour lui chercher la misère, il finit en bouillie alimentaire. Sans pitié. "J'tiens à faire remarquer que je me suis excusé en premier... donc si ça veut dire être plus intelligent que l'autre..." fit remarquer le fils Salaun avec une voix aussi innocente que le premier regard que pose un bébé sur le monde. Cependant, lorsqu'il sentit les yeux des deux frangines peser sur lui, il haussa les épaules avec un sourire profondément sarcastique et détaché. "C'est pas moi qui l'ai dit." Ses yeux bleu acier se posèrent un instant sur Juno, après avoir repris sa formule exacte. Pendant un instant, il avait été tenté de la contredire et affirmer qu'il n'était pas si formidable qu'elle pouvait l'affirmer. Pourquoi ? Parce qu'il avait horreur de passer pour le gentil Kilian. Quand il était sympathique et attentionné, il le faisait gratuitement et spontanément... tandis que lorsqu'on vante les qualités de quelqu'un, on attend de lui qu'il soit à la hauteur de sa réputation. Voilà pourquoi il préférait passer pour un connard fini et grognon au point de faire de l'ombre à Grincheux en personne : ses moments de gentillesse n'étaient réservés qu'à une très mince catégorie de personnes qui appréciaient cette facette de sa personnalité très secrète. Sans en parler autour d'eux.

Comme s'y attendait la présidente des Gammas, une remarque profondément incisive s'apprêtait à relever la scène de câlin qu'il avait sous les yeux, tout en le combinant avec adresse avec ce magistral « gourde » employé par Juno. Malheureusement, elle fut étouffée dans l'oeuf au grand dam de Kilian qui ne put s'empêcher de lever les yeux au plafond face à la menace de la future mère. "T'es trop courte sur pattes pour me botter les fesses, Poussin." Il lui adressa un petit clin d'oeil et un sourire en coin, rassuré au fond qu'elle n'ait rien perdu de sa verve et qu'elle soit en bonne santé. Le Breton secoua la tête et enfonça ses mains dans ses poches avant d'aller jusqu'à la porte. Une fois devant, il se tourna et regarda les deux filles. "Si on oubliait le chapitre des excuses ? Tous ces mea culpa, ça commence à me filer la migraine. Alors, surtout, évites de t'aplatir... t'es presque intéressante quand tu t'énerves." lança-t-il à Elina avant d'ouvrir la porte en posant sa main sur la poignée. "J'vais chercher de quoi picoler sans finir bourrés !" Il flanqua la porte sans même attendre la réplique éventuelle de la Gamma ou de sa soeur. Éloigné à grands pas de la chambre où se trouvait les deux filles, un sourire se dessina sur les lèvres du beau brun qui en profita pour s'arrêter aux toilettes et nettoyer un peu son visage pour faire disparaître au moins le sang séché sur ses lèvres et près de ses narines. Kilian avait tout fait pour qu'Elina puisse s'énerver et se défouler pour de bon... si elle s'excusait, il allait mal le vivre. Par ailleurs, Juno le connaissait assez pour faire comprendre à sa soeur qu'il n'était pas le genre de mec à baver devant une femme qui va à l'encontre de ses principes juste pour satisfaire l'ego d'un mâle. Comme il l'avait dit, à sa façon, il trouvait Elina bien plus intéressante lorsqu'elle faisait tomber les barrières pour se montrer sous son vrai jour. A fleur de peau.

Le fils Salaun se sécha rapidement puis marcha jusqu'au distributeur de boissons où il prit trois bouteilles de thé glacé à la pêche. Sur sa route, il croisa deux infirmières qui le reluquèrent avec un léger sourire, il ne se priva pas pour se retourner et les regarder à son tour avant de revenir dans la chambre, aussi fier qu'un paon. "Elles sont pas mal, les infirmières... t'aurais dû cogner plus fort, j'aurais adoré qu'elle vienne me passer un linge humide sur le corps ou soigner mes plaies." Il fit un petit clin d'oeil à sa Gertrude puis lui donna une bouteille de thé glacé. Le jeune homme en tendit ensuite une bouteille à Juno après l'avoir ouverte. Petite attention pour la femme enceinte, restait à espérer qu'Elina ne se vexerait pas. "Tiens, mon Poussin. C'est pas un whisky, mais ça a presque la même couleur. Puis attention : c'est un thé pur, sans glaçon." ironisa-t-il avec un visage pourtant très sérieux. Il but une gorgée pour se rafraîchir et pencha la tête sur le côté. "Bon, j'ai entendu dire qu'il y avait des estomacs qui criaient famine... où est-ce qu'elles veulent aller manger, les filles ? J'vous préviens tout de suite, chacun paie sa part. J'suis pingre... entre autres." Nouveau sourire en coin de sa part.

Spoiler:

Se sentir aussi coupable de l’état physique de sa sœur n’était pas étonnant de la part d’Elina. Juno était toute sa vie, tout ce qui lui permettait de garder les pieds sur le bon chemin et ne pas dériver vers l’intolérable. Aussi, s’excuser –si dur soit-il- Elina était prête à le faire même si sa fierté en prenait un sacré coup. Les paroles de Juno, sagesse pure, la brune filiforme les écoutait et ne put s’empêcher d’étirer un sourire à l’évocation du passé. Oui, Juno avait déjà imposé à Elina des choix qu’elle n’aurait probablement pas fait d’elle-même, préférant plutôt s’enfoncer dans le manège dangereux et sans retour possible. Accorder une deuxième chance à Kilian, le jeu était possible bien qu’extrêmement difficile. Le chemin était très étroit et si le brun arrivait à sortir des ronces sans faute, alors peut-être que son regard sombre et menaçant changerait pour quelque chose de plus doux et agréable. Et puis, il y avait cette soirée qu’elle ne pouvait oublier. Elle devait le lui accorder, il avait été un amant hors paire, l’un des meilleurs et ça, ça joue dans les qualités du brun. Son regard se tourna vers Kilian qui ne put s’empêcher de faire une remarque sur son intelligence. Levant les yeux au ciel, elle étira malgré tout un sourire amusé en retenant sa cinglante parole pour engager à nouveau une guerre. Rassurée que Juno ne lui en veulent pas, elle rendit son étreinte avec la même force à sa sœur qui était plus faible. Malheureusement, elle ne pourra pas s’empêcher de s’en vouloir jusqu’à la futur crevette soit sortie. A la proposition d’un gueuleton, Elina leva un sourcil. Les hormones rendaient sa sœur encore plus gourmande qu’elle-même. Se retournant lorsque Kilian proposa d’aller chercher des boissons, il disparu derrière la porte et le moment fut opportun pour la brune de prononcer enfin une parole. « Je ne te promets pas que ce sera le grand amour avec lui Juno. Mais, je me montrerais plus sociable avec lui. Et ce n’est pas pour toi que je le fais, ni même pour tes hormones insupportables que je regrette déjà de devoir subir… » Un rire aux lèvres, son regard n’était pourtant pas méchant mais aussi doux que sa voix. « Je le fais uniquement pour cette chose qui pousse dans ton ventre. » dit-elle tout en posant sa main sur la bosse qui ressortait du tee-shirt de sa sœur.

Après tout, qu’elle serait l’avenir de cet enfant en ayant pour parrain et marraine, deux personnes qui ne pouvait s’empêcher de s’entre-tuer à longueur de temps. L’envie de le frapper sera certainement toujours présente, mais peut-être qu’avec le temps, Elina trouvera aussi des points attachants chez le brun. Sa sœur n’aimait pas les personnes sans raison et quelque chose avait dû toucher Juno pour qu’elle l’apprécie autant. A Elina de se montrer ouverte et réceptive pour trouver également cette faille chez Kilian. Elina se retourna vers Kilian qui faisait une remarque sur les infirmières et ses traces au visage. Prenant la bouteille, ses lèvres s’étirèrent avec amusement avant qu’elle ne réplique sur le même ton taquin. « Ça peut toujours s’arranger, je peux te rajouter des marques immédiatement, tu n’as qu’un mot à dire… » Levant son sourcil, elle ouvrit sa bouteille sans un mot de plus. Que sa sœur se rassure, ce n’était pas une menace mais simplement une réponse qu’elle n’avait pu s’empêcher de faire. Après tout, s’il le demandait, elle n’allait pas refuser de pouvoir se défouler une nouvelle fois sur Kilian, sans que sa sœur ne s’en mêle cette fois-ci. Passant une main dans sa chevelure courte, Elina ne releva pas la fin de la phrase du brun et tourna son regard vers Juno. « Ce sera sans moi. Ce n’est pas que je ne veux pas vous tenir compagnie mais j’ai promis à la terreur un cinéma ce soir… » Échange de regard avec Juno, il n’y aurait qu’elle qui pourrait comprendre qui était la terreur, soit leur petit frère adoré. Et même si ce n’était pas la vérité à 100%, Elina avait bien promis d’emmener le jeune homme au cinéma un de ces jours. Alors, elle n’hésitait pas à sauter sur l’occasion pour tenir sa promesse. Pour l’instant, tout allait bien entre eux mais rien n’était écrit et autant ne pas défier de trop le destin. De ce fait, Elina embrassa sa sœur sur le front avec un sourire et une caresse sur l’épaule, lui glissant un rendez-vous pour le lendemain dans la chambre de la brune filiforme. Se retournant vers le brun, elle lui offrit un sourire en coin en levant un sourcil. « A un de ses jours… » Sans autre forme de procès et après un dernier regard à sa sœur, Elina quitta la chambre d’hôpital ainsi que le bâtiment pour se rendre jusqu’à la demeure des Valentyne à quelques rues plus loin. Si elle avait su en se réveillant ce matin les dégâts que pourraient causer une nuit de débauche, la brune n’aurait jamais parié sur Kilian.

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