Edward se sentait tirailler de tous les côtés. Premièrement, il y avait celle dont il ne pouvait se détacher. Caroll avait pris une place importante dans la vie du jeune homme désormais, et il était trop tard pour reculer. Peut-être bien qu'un sentiment nouveau grandissait, au fond de son coeur, là où rien n'est sombre ni dur ... ni froid. C'est là qu'il rassemble toutes les personnes qui lui sont chères, dont Caroll. Mais il y avait aussi Tom, la prunelle de ses yeux, celui qui lui faisait voir la vie d'une toute autre manière. Il fallait juste que le DELTA accepte sa condition de bisexuelle, ce qui était dur au grand désespoir de son amant. Edward ne pouvait choisir entre les deux. Ce serait comme si on lui demandait de se partager en deux, et en offrir la moitié à ses prétendants. Il ne pouvait pas, tout simplement. Lorsque le beau brun était en compagnie de Caroll, sa pensée ne cessait de se diriger vers le IOTA ; alors que, à l'inverse, aux côtés de Tom, il culpabilisait de tromper ainsi Caroll. Il joue avec le feu, il le sait. Mais à sa place, ne feriez-vous pas pareil ?

« Je n'ai pas de parents ... Ils sont, enfin morts dans un accident de voiture au début de l'année ... Depuis, j'ai changé de confrérie pour me retrouver chez les Iotas comme tu le vois ... Sinon, j'ai une sœur, Naomie Venn. La plus grande fêtarde de tous les temps ! On ne se parle plus trop à cause de... Enfin un jour au nouvel an, elle a organisé une fête chez nous je te dis pas quand je suis rentrée le carnage ! »

Edward écouta ses paroles d'une oreille attentive, prenant en compte chaque mot qui sortait de ses lèvres fines et rosées. Il afficha une moue désolée, à l'entente de la mort récente de ses parents. Même pour un garçon qui n'a jamais réellement aimé ses parents, il se sentait touché par cet accident car Caroll devait les aimer éperdument. Comme un enfant normal, dirons-nous. Il ne savait pas vraiment alors il se contenta de bafouiller un bref "désolé" avant de se reconcentrer sur la suite des paroles de la brunette. C'était la première fois qu'il entendait parler d'une Naomie Venn, mais si la beauté est héréditaire, elle devait sans doute être très belle, comme sa sœur.

« Tu sais, on a tous des secrets. Moi plus que d'autres j'en suis presque certaine mais maintenant je les assume et vit avec... Je suis sûr que tu peux en faire autant. »

Il est vrai que Caroll venait de parler à coeur ouvert, sans craintes ; alors qu'Edward s'était abstenu de parler de quoi que ce soit en rapport avec son passé. Il jeta un coup d'œil à la jeune femme, qui affichait un sourire - magnifique par ailleurs - pour l'inciter à parler. Ne pouvant refuser, il laissa échapper un long soupir. Puis il prit son courage à deux mains avant de se lancer :

Vois-tu, je n'ai pas toujours été le Edward que je suis aujourd'hui. Beaucoup de choses ont changés depuis mon entrée à Berkeley, des choses dont je ne suis certainement pas fier. Pour dire vrai, je déteste mes parents. Non, en fait, c'est eux qui me détestent. J'avoue avoir été infecte avec eux, je les ai traité comme des chiens, des esclaves et je m'en donnais à coeur joie. Et pourquoi ? Promets-moi de ne pas me juger ... je ... me droguais. A l'âge de quatorze ans, tu t'en rends compte ? Et ... et j'ai continué jusqu'à l'âge de dix-neuf ! Je suis passé par tout : crack, extasy, héroïne ... Peut-être que ça ne te choque pas, vu le nombre d'étudiants qui en consomment de nos jours. Mais moi, ça ma détruit. De jour en jour, je mourrais intérieurement. Je me demande encore comment mes frères m'ont supportés pendant tout ce temps. Mes parents m'ont tournés le dos. Et je crois que c'est la pire chose qui m'est arrivé !

Pendant ce long discours, Edward n'avait cessé de fixer Caroll dans les yeux. Il voulait se montrer fort, il ne voulait pas craquer. Voilà trois ans qu'il a surmonté tout ça, trois ans où il a endossé toutes les responsabilités, trois ans où il était resté dans le secret le plus noir. Peu de gens sont au courant de cet aspect d'Edward. Ancien drogué, voilà ce qu'il est ! Il détourna alors la tête, voulant éviter de croiser le regard de la jeune femme. Tout ce qui le préoccupait désormais, c'était de savoir comment elle allait réagir. Le jugerait-elle ou accepterait-elle cette situation ? Irait-elle jusqu'à vouloir comment il avait arrêté de se droguer ? Car en effet, même les pires histoires finissent bien un jour, et dans le cas d'Edward, il n'est redevable qu'à son frère jumeau, Maxwell.

Lucas Stane. On lui avait souvent parlé de lui, comme étant un grand coureur de jupons lui aussi. Cependant, faut-il croire que cette catégorie de garçons est prédestinée à rencontrer Caroll, cette IOTA au corps si attrayant, au visage si attirant. Tous étaient dans l'obligation d'apprécier la belle cheerleader, bien plus qu'il ne le fallait. Lucas et Edward étaient piégés dans son filet, espérant chacun que la brunette ne leur appartienne qu'à eux seuls. Car oui, même si leur réputation dit qu'ils ont tendance à courir après toutes les filles, ces deux-là se sont focalisés sur elle seule. Pas une autre, juste elle. Qu'à t'elle de plus ? Sans doute quelque chose, un charisme, une personnalité hors du commun. En tout cas, elle représente bien plus qu'une amie aux yeux des deux jeunes hommes. Voilà, c'était dit. Fallut-il qu'ils fassent croire qu'ils soient en couple, pour que la fiction rejoigne le réel. Ça, Edward en était bien effrayé. Auparavant, il n'avait jamais aimé personne ou, du moins, n'avait jamais ressenti ces sensations qu'il ressent aujourd'hui. Et Tom, dans tout ça ? Et Lucas ? Sans que les quatre jeunes étudiants ne s'en rendent compte, ils formaient un dangereux quatuor amoureux. Dangereux dans le sens où chacun pourrait être brisé en apprenant ces relations cachées. Le jeune DELTA n'avait certainement pas envie de les perdre, ni Tom ni Caroll, alors que pouvait-il bien faire ? Un choix ? C'est complètement insensé. Immoral. Oui, l'amour apporte bien des problèmes.

Étrangement, Edward se sentait mieux. Parler de son passé lui faisait le plus grand bien, comme si un poids venait de s'envoler. Maintenant, il avait peur de la réaction de Caroll. Il ne savait pas si elle serait choquée, ou plutôt compréhensive. Il releva alors la tête en sa direction lorsque celle-ci commença à son tour d'entamer une partie de son passé.

« Après la mort de mes parents, en Juin, je me suis mise à pas mal boire pour oublier. Non en faîtes, peut-être un peu trop... Pour oublier j'étais prête à tout. Le lendemain je me réveillais souvent chez moi, avec des gars qui m'appelait pour me demander si on pouvait se revoir après la nuit qu'on avait passé ensemble... Mais bien que je me sentais humiliée chaque matin, le soir je remettais ça... »

Edward ne savait quoi dire face à belle brune. Oui, en effet, ils n'étaient pas si différents que cela. L'un se droguait pour s'éclater, l'autre buvait pour oublier. Mais c'était révolu. Et ça, ils venaient de se l'avouer ce soir-là, dans la plus grande intimité. Pour la première fois, le jeune homme s'était confié à quelqu'un, et pas à n'importe qui. Quelqu'un en qui il avait confiance, quelqu'un qui ne le jugerait pas pour avoir consommer des substances illicites et qui ne le blâme pas pour ça alors que n'importe qui d'autre aurait pris peur. Ne sachant quoi faire, Edward se contenta de baisser les yeux, se tripotant nerveusement les doigts.

Caroll ... Ça va sans doute te paraître bizarre, mais ... tu vois, je t'apprécie beaucoup. Alors, hum, si un jour tu ne te sens pas très bien, tu pourras toujours compter sur moi.

Le jeune homme se sentait soudainement stupide. Ce n'était pas dans ses habitudes de montrer tant d'attachements à une personne, surtout lorsqu'il s'agissait d'une fille. Et lorsqu'il aperçut les yeux surpris de la jeune femme, il soupira et se leva.

En fait, oublie-ça ! Je ... j'ai l'air d'un imbécile là, non ?

Il laissa échapper un rire, puis s'empara de son briquet afin de s'allumer une autre cigarette.