to ash and dust. (james)

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Elle possédait l’assurance des habituées et le sourire malicieux qui ne présageait rien de bon. Reed Chamberlain dans toute sa splendeur, qui se fraya un chemin aisé jusqu’au comptoir. Elle souffla un baiser au barman, un type qu’elle connaissait depuis des années pour avoir été dans le même lycée qu’elle et se tourna vers le reste de la foule. Comme chaque vendredi soir, les Anglais envoyaient valser tous leurs problèmes au rythme d’une musique commerciale et de quelques Jäggerbombs savamment dosés. Reed, elle, n'avait aucun problème à envoyer valser, peut-être parce qu’elle faisait partie de cette catégorie de personnes pour lesquelles la vie était toujours simple. Le Blue Bell Inn ne désemplissait jamais, ces soirées-là, et les gens se rencontraient, se mélangeaient, s’échangeait même, le tout dans des éclats de rire bruyants et des claquements de verre. Satisfaite de la vision qui s’offrait à elle, elle offrit un regard à la dérobée à son acolyte du moment. Elégamment vêtu – et même trop, à son humble avis – James Carmichael était de loin le type le plus intéressant de la pièce bondée, raison pour laquelle il se trouvait très logiquement à ses côtés. Il détonnait, dans cet univers plutôt cheap, ou bien peut-être était-ce son accent australien qui ne passait pas tout à fait pour son accent à elle, ampoulé et marqué, mais il faisait un compagnon parfait pour ce genre d’occasions. « Je t’ai connu plus animé » se moqua-t-elle en haussant un sourcil provocateur. Où était passé le type qui buvait comme un trou, éclatait de rire, flirtait honteusement avec toutes les filles à proximité en lui suggérant tout un tas de défis improbables ? C’était celui-là qu’elle voulait voir apparaître ce soir, derrière la façade sérieuse, voire blasée qu’il lui offrait. « Ne me dis pas que tu es déjà lassé de moi… » se plaignit-elle, la moue boudeuse bien vite remplacée par un sourire éclatant lorsque son copain barman déposa devant elle une double Vodka-Redbull. « A moins que… A moins que tu sois déjà en train de réfléchir à tes prochains exploits… » Elle médita une seconde sur l’idée, avant de hausser les épaules et d’avaler la moitié de sa boisson – trop peu corsée à son goût – d’une traite. « Tiens, goûte ça – goûte seulement ! – et dis-moi si ça ressemble à une double dose de vodka pour toi. Tu vois le type derrière le bar ? Grand copain, on a fait la fête des centaines de fois ensemble et il est encore capable de m’entuber comme un salaud ! T’y crois toi ?! Si je peux même pas faire confiance à mes potes… » Elle poussa un soupir volontairement dramatique, et seulement alors songea que si elle ne sentait pas l’alcool, les nombreux verres avalés avant d’arriver ici pouvaient être une cause parfaitement logique. Reed n’était pas bourrée – sa maîtrise de l’alcool lui avait valu de voir sa tête affichée sur un Wall of Fame d’un bar quelconque, canonisée ivrogne de la ville par la même occasion – mais ses joues brûlantes et sa langue très bien pendue donnaient une bonne idée de son état actuel. Pour un peu, elle en aurait presque mis la faute sur James en le qualifiant de mauvaise influence mais de qui se moquait-elle… Reed n’avait jamais eu besoin de qui que ce soit pour ça et il n’était qu’une distraction particulièrement agréable… et un incitateur à la malice. Concrètement, il se contentait de révéler ce qui existait déjà en elle sans en avoir vraiment eu conscience jusqu’à présent et elle savourait ces instants volés de jeunesse en les consommant à l’excès. Elle avait abandonné toute idée de demi-mesure deux ans plus tôt, après avoir décidé qu’elle était laissée de jouer les tampons entre son frère, ses deux sœurs et leurs parents. Elle n’était pas faite pour être raisonnable, quand bien même avait-elle eu ce rôle bien trop longtemps, et ces soirées de débauche en étaient une preuve plutôt convaincante. Elle posa un index suspicieux sur son torse. « Qu’est-ce que tu prépares, Carmichael… ? Fais-moi rêver ! » Il était généralement l’instigateur de leurs méfaits, et Reed l’heureuse réalisatrice de ses idées les plus farfelues. La soirée s’achevait le plus généralement dans des éclats de rire alcoolisés et ils rentraient, bras dessus bras dessus, plutôt fiers d’eux. Il n’y avait jamais de méchanceté, dans leurs actes, rien d’autre que l’innocente malice de deux jeunes avec l’avenir devant eux pour être sérieux. De lui, elle ne savait que peu de choses et finalement, cela suffisait. Elle n’avait pas besoin de connaître ses antécédents, pas besoin de savoir s’il avait eu une enfance heureuse ou non ou ce qu’il rêvait de devenir, un jour. Reed avait pris la meilleure décision de sa vie le jour où elle avait clamé qu’elle ne vivrait plus que l’instant présent en se moquant du reste. La gamine sérieuse avait mué en une jeune femme espiègle, avec la mission difficile d’être heureuse. Et libre. Et indépendante. James s’accordait merveilleusement à la complexe équation, le reste n’était qu’accessoire. « Tu as la lourde tâche de te surpasser ce soir, un seul échec et… » Elle fit glisser son pouce le long de son cou. « C’en est fini de notre binôme. » Un binôme à la date d’expiration approchante, elle n’en était que trop consciente. Il lui manquerait, lorsqu’il irait voguer sur d’autres océans, loin de l’Angleterre. Mais tout ça n’avait que peu d’importance, dans le fond. Carpe Diem. Un sourire étira ses lèvres, et ses doigts caressèrent machinalement le tatouage qu’elle avait gravé sur sa peau quelques mois plus tôt.

Plus tempéré qu'à son habitude, James fait tourner la paille de son rhum arrangé d'un air distrait, jetant un air vague à la joyeuse bande d'ivrognes présents dans le bar. Les anglais avaient définitivement un style bien à eux, et n'avaient rien à envier aux américains, quoique les deux populations perdaient finalement leurs différences une fois qu'un certain niveau d'alcool avait intégré leur système. Habitué aux voyages aux quatre coins du monde, l'australien avait sillonné un bon nombre de bars et partagé la compagnie de bon nombre de femmes, oubliant certaines soirées un peu trop arrosées tandis que d'autres gardaient leur emprunte sur lui un peu plus longtemps, sans jamais arriver au stade de l'inoubliable. Jamais n'avait jamais éprouvé le moindre remord à quitter ces territoires étrangers, quitte à laisser derrière lui des dommages collatéraux lorsqu'il avait le malheur de se mêler de la vie des autres. L'anecdote de sa rencontre avec Meleya Ivanova en Bulgarie (personnalité visiblement importante dans son pays) lui revient en mémoire et lui arrache un rictus amusé. Lui qui avait réussi à sortir cette nonne de son couvent afin de lui faire découvrir une vie de dépravé qu'elle n'aurait certainement jamais imaginé, et ce pour son simple divertissement, avec de repartir aussi brusquement qu'il était arrivé après plusieurs semaines d'amusement certain. Au moins, pour cette Meleya, il ne doutait pas que cette période avait été "inoubliable" pour elle, pour de bonnes ou de mauvaises raisons d'ailleurs. Il aurait certainement ravalé son sourire s'il avait su que, quelques années plus tard à l'université de Berkeley en Californie, il retomberait nez à nez avec la bulgare cette fois-ci bien moins naïve. Non, après réflexion, il n'en aurait certainement que souri davantage. « Laisse-moi le temps de m'échauffer, on n'en est pas tous à notre septième verre. » réplique-t-il à une Reed en proie à une véritable agitation, qui contraste avec le calme inhabituel du jeune homme. Il lui adresse malgré tout un sourire espiègle, avant de laisser tomber la paille de son verre et de terminer ce dernier d'un seul trait. « Mais ça ne saurait tarder. » En disant ses mots, il repose brusquement le verre vide sur le bar, intimant d'un geste au barman de le resservir. Il se lève au même moment de sa chaise et vient se placer derrière Reed, toujours assise au bar, avant de se pencher afin de rapprocher sa bouche de son oreille. « Comment pourrait-on se lasser de toi, Reed Chamberlain ? » susurre-t-il d'un ton suave. Séducteur qui ne pense peut-être pas un traître mot de ses belles paroles. Ou peut-être que si. Cela avait-il vraiment de l'importance ? Il ne doute pas que Reed ne le croira de toute façon jamais. Elle le connait bien assez pour ça, et elle a d'ailleurs bien raison. Cela n'a finalement aucune importance tant leur relation ne repose sur aucun sentiment tangible si ce n'est une attirance certaine pour le risque et l'adrénaline. Lorsque Reed se met à pester contre le barman, James fronce les sourcils d'un air suspicieux avant de goûter le verre qu'elle lui tend. Il s'autorise quelques secondes pour interroger ses papilles, quoiqu'une seule aurait suffit à donner son verdict. Ce verre est déjà bien assez dosé, ça ne fait pas l'ombre d'un doute. « Fais-moi le plaisir de remettre une dose de vodka à cette demoiselle. Et ne songe pas à m'entuber mon verre, non plus. » siffle-t-il cependant d'un ton sévère bien que sans animosité aucune. Peut-être le barman décidera-t-il de l'envoyer balader, mais ça, il n'en a strictement rien à faire. A vrai dire il a déjà complètement détaché son attention du comptoir à peine quelques instants plus tard et attrape le bras de Reed afin que celle-ci quitte sa chaise. Qu'il la fasse rêver, disait-elle. Loin de lui l'envie de mettre fin à leur complicité délicieuse ou à leur binôme intenable. Il l'entraîne avec lui vers la piste de danse, passe devant une table vide où traîne un verre généreusement rempli dont il s'empare - son propriétaire est bien sagement parti aux toilettes, perdant au passage sa boisson fraichement commandée -, et continue son chemin sur la piste jusqu'à s'arrêter près d'un couple qui se livre à une danse sensuelle entre deux baisers langoureux. Il glisse un bras le long de la hanche de la jeune anglaise, son autre main tenant toujours le verre fraichement trouvé dont il boit rapidement une gorgée, et entame une danse légère avec elle afin de passer inaperçu parmi les autres danseurs. « Premier défi de la soirée, et comme je suis extrêmement galant, honneur aux dames. » commence-t-il en la gratifiant d'un clin d'oeil. Fausse galanterie, évidemment, puisque la galanterie et James, ça faisait généralement deux, sinon trois. Reed aurait cependant le loisir de remarquer, lors du bal de fin d'année quelques années plus tard à Berkeley, qu'il n'en était pas toujours ainsi. « Tu vois le couple qui danse, un peu plus loin ? Ils ne sont pas venus ensemble, le type est arrivé avec ses potes, et la blonde décolorée, pareil avec ses copines. qu'il explique doucement tout en lui indiquant les cibles. Je veux que tu ailles te faire passer pour la petite-amie de ce mec, et que tu fasses une scène comme on les aime. » Avec Reed, pas de doute que cette scène de ménage serait digne des plus grandes, si elle acceptait le défi. Il n'avait pourtant aucun doute sur la réponse de la jeune femme : elle ne refuserait pas, évidemment. Comment le pourrait-elle ? Il s'agissait d'une des règle tacites entre eux, que personne n'avait encore songé à mettre en doute. Ne désirant cependant pas se séparer des formalités, il esquisse un sourire particulièrement charmeur. « Si tu es partante, bien entendu. »

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Elle le gratifia de l'un de ces sourires dont elle avait le secret, un sourire chaleureux et malicieux tout à la fois qui aurait embrasé même le plus glacial des hommes. Heureusement pour eux, glacial, James ne l'avait jamais été – avec elle, tout du moins. Elle tira la langue avec espièglerie, et haussa les épaules nonchalamment. « Ce n'est que le cinquième. Ou le sixième. Ou le... D'habitude à ce moment de la soirée tu es en avance sur moi » commenta-t-elle l'air de rien. James Carmichael se serait-il adouci ? Pire, se lassait-il de leurs virées, dont on savait comment elles commençaient, mais pas comment elles finissaient ? Elle lui adressa un regard curieux, comme si elle cherchait à jauger de son état d'esprit rien qu'à évaluer ses traits bien plus sérieux que d'ordinaire. Il ne tarda pas à la rassurer et elle haussa un sourcil, soudainement intriguée. « Vraiment... ? » Mais elle n'ajouta rien de plus, amplement satisfaite à l'idée de le savoir prêt à renouer avec leurs traditions. Elle éclata de rire, tapota son épaule et glissa à son tour à son oreille. « Je me le demande, moi aussi. Mais tu sais bien que je t'appartiens entièrement, James Carmichael. » Pour ce soir, du moins, et sans la moindre arrière-pensée, une grande première pour celle qui n'avait de cesse de papillonner dans l'espoir de se sortir de l'esprit un certain Nate. Sans se faire prier, il entra dans sa grotesque comédie et elle l'écouta avec attention et amusement demander à la faire resservir. Ce que le barman fit sans faire le moindre commentaire, alors même qu'elle lui lançait une oeillade suspicieuse. Peut-être bien qu'elle ne sentait déjà plus le goût de l'alcool, mais cela n'avait pas d'importance. Elle aurait mis à terre même le plus coriace des ivrognes avec un lever de coude à faire pâlir les bien-pensants. Elle buvait depuis qu'elle était en âge de prononcer le mot alcool, et la plupart du temps sans la moindre modération. Heureux étaient les lendemains où elle était capable de se lever de son lit sans tituber et avec le souvenir complet de sa soirée. La plupart du temps, la plus grande partie s'échappait de son esprit embrumé et il fallait l'effort combiné de tous les participants à la soirée pour reconstruire avec elle les heures qui l'avaient constituée. Plutôt que de s'en inquiéter, Reed s'en réjouissant : boire jusqu'à tout oublier était généralement synonyme de bonne soirée. Jusqu'à ce que sa rencontre avec James ne redéfinisse complètement le concept de bonne soirée pour lui faire prendre une toute nouvelle dimension. L'alcool n'était plus qu'accessoire dans les machinations diaboliques qu'ils mettaient en place dans le seul but de se distraire. Ils ne cherchaient jamais à faire du mal aux autres, simplement à rire à leurs dépends et se réjouir de former une équipe aussi machiavélique qu'efficace. Elle l'aurait presque considéré comme son alter ego, sans avoir la moindre idée que quelques années plus tard, sur les bancs d'une université américaine de prestige, elle rencontrerait le véritable alter égo, meilleur ami de l'Australien. Mais pour l'heure, James avait encore l'honneur de bénéficier du titre prestigieux, et elle se laissa embarquer sans la moindre opposition dans les méandres d'une foule animée. Bien vite, il l'attira dans une danse langoureuse – mais toujours moins que le couple qu'il n'avait de cesse de fixer. Elle se mit à les observer à son tour, en retenant un rire moqueur. Un peu de décence, seigneur ! « Trop aimable » répondit-elle, amusée et impatiente d'en savoir plus. Elle l'écouta la mettre au défi et lui jeta un regard malicieux. « Considère que c'est fait » fit-elle sans la moindre hésitation. « De quoi j'ai l'air ? » Elle n'attendit pas sa réponse et s'approcha du couple, armée de son éternel trop plein d'assurance. Deux secondes plus tard, elle balança le contenu de son verre sur le type, qui se détacha presque aussitôt de sa partenaire. « Comment... Comment oses-tu ! » tonna-t-elle, songeant qu'elle aurait presque mérité un award pour une performance plus vraie que nature. Elle joignit le geste à la parole et envoyer une gifle sonore valser contre sa joue, laissant une trace rosâtre sur son passage. Avec le regard assassin de la femme bafouée, elle leva un index dans sa direction. « Trente secondes. TRENTE SECONDES et t'es déjà en train de te taper la première salope qui se trémousse devant toi, espèce de pauvre connard ! Et toi ! » Elle se tourna alors vers la jeune femme, au moins aussi énervée qu'elle d'avoir été prise pour une conne. « Putain mais toi, mais regarde-toi, t'es immonde, à gerber, avec ta sale gueule de pouffiasse, ton maquillage cheap et ta tenue de grosse pute ! Ca te dérange pas d'aguicher le mec d'une autre ? » Ses traits se détendirent, et elle les gratifia d'un baiser soufflé. « Bonne fin de soirée ! » déclara-t-elle d'un ton enjoué, avant de leur lancer un clin d'oeil et de retourner auprès de James. « Tu me dois un verre, je crains que le contenu du mien ait grandement contribué au succès magistral de cette scène. » Elle salua son partenaire comme elle aurait salué une foule en délire à ses pieds. « Alors, qu'en dis-tu ? Satisfait de la performance ? » Il n'aurait plus manqué que ce ne soit pas le cas, après tous les efforts déployés. Elle l'attrapa par le bras et les éloigna des malchanceux qui avaient fait les frais de leur duo avant qu'ils n'aient la bonne idée de chercher à se venger. « A mon tour maintenant. Tu vois le type là-bas ? » Elle désigna un homme ostensiblement efféminé qui n'avait eu de cesse de jeter des regards à James. « Il est gay. Plus gay que gay. Et tu lui as visiblement tapé dans l'oeil. Je veux que tu ailles le voir, et que tu m'introduises auprès de lui comme ta copine, puis que tu lui proposes un plan à trois. Et qu'il accepte, même si je suis de la partie alors qu'il n'a qu'une envie, se jeter sur le beau spécimen à la proposition indécente. Si tu réussis... Le prochain tour sera aussi corsé que tu le souhaites. »

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