En raison d'une rencontre inattendue au Grand Central Station à l'heure où je devais prendre mon bus pour retourner à la Nouvelle-Orléans, j'avais manqué le dernier départ de la soirée. Il faudrait attendre au lendemain matin pour retourner chez moi. J'avais déjà appelé à la clinique et laissé un message pour que la réceptionniste annule tous mes rendez-vous de l'après-midi. Mon avant-midi était déjà libre étant donné que je ne serais arrivé qu'en matinée chez moi de toute façon, même en ayant pris l'autobus à la bonne heure. Dans ma situation, ce serait impossible d'être dans mon lit avant demain tard dans la journée. Cela m'avait évidemment royalement fait chier, mais au moins cette rencontre avait permis d'élucider certains mystères à propos d'un homme rencontré à New York quelques mois plus tôt. Restons-en là.

Sans hôtel et avec aucune idée d'où me diriger, j'étais ressorti de la station de bus et j'avais appelé un taxi. J'avais indiqué au chauffeur de me conduire jusqu'à l'hôtel le plus proche qu'il connaissait. Étrangement, la facture sur le compteur augmentait assez vite et on a fait un tas de rue avant de finalement se garer à un coin de rue. Je doutais fortement que l'endroit où il m'avait conduit était le plus proche, comme je le lui avais demandé. S'il pouvait s'en mettre plein les poches en abusant d'un pauvre touriste, alors tant mieux pour lui. Je lui rendis la monnaie en soupirant, sans chercher la bagarre, et sortit en prenant soin de ne pas lui laisser ma valise à l'arrière de la voiture. Je levai les yeux vers le grand hôtel devant lequel je me trouvais. Ça avait l'air d'un hôtel de luxe, d'ailleurs un tas de limousines déambulaient dans les environs. J'entrai à l'intérieur et, quand on m'indiqua le prix d'une chambre simple à la réception, mon portefeuilles eut enfin de sortir de mes pantalons et de prendre la poudre d'escampette. Je n'avais aucunement les moyens de me payer une chambre dans un hôtel pareil. Je remerciai la dame et me tournai vers le hall. Il y avait un bar annexé à l'hôtel, à ma gauche. Je m'y rendis et commandai ce qu'il y avait de moins cher sur le menu, déposant ma valise à mes pieds. Habillé comme j'étais : complet chemise-cravate, bref plus propre que jamais, on aurait quasiment pu me croire riche. Je n'étais pourtant habillé ainsi que pour le colloque auquel je m'étais rendu pour le week-end. Je devais avoir l'air professionnel. Au moins, je me fondais bien au décor.

Pourtant, je ne me sentais absolument pas à ma place. J'avais de l'argent, certes. Avec mes trois boulots, j'avais réussi à m'en mettre pas mal de côté. Je n'utiliserais toutefois jamais mes économies afin de passer une nuit de luxe et manger des repas fancy au service aux chambres. Ce n'était pas du tout mon genre. Je préférais dépenser pour des choses importantes, des choses qui me dureraient longtemps. Cependant, pour le temps d'une soirée, pourquoi ne pas jouer le jeu ... lorsqu'il se ferait tard je n'aurais qu'à repartir pour un hôtel plus miteux, à ma hauteur quoi.