Le colloque sur les services de santé tirait à sa fin, enfin. J'avais passé deux jours à écouter un tas de professionnels de la santé parler surtout de leurs cas et de leurs réussites, alors qu'on devait parler de nouvelles approches, de perspectives d'avenir. Heureusement que j'avais profité de mon séjour à New York City pour revoir mon cousin Adrian, nous avions passé une soirée digne de ce nom comme à notre habitude depuis que nous étions tous les deux majeurs et vaccinés. J'avais également saisi l'occasion pour jouer aux touristes encore une fois, même s'il ne s'agissait pas de ma première visite dans la Grosse Pomme.

Maintenant, il était temps de repartir. J'avais quitté ma chambre d'hôtel un peu plus tôt dans la journée et je venais d'arriver à la Grand Central Station, avec quelques heures d'avance. Je posai ma valise sur le sol, au bas d'un escalier, et je m'assis sur celle-ci, un café à la main. Je soupirai en consultant ma montre. Je levai les yeux vers l'avant et tombai dans la lune en regardant les gens passer. Je ne fus sorti de mes pensées que lorsqu'une voix masculine s'excusa derrière moi, un "excusez-moi" comme on les dit quand la personne à qui on s'adresse est dans nos jambes. Je me tournai la tête juste assez pour voir deux jambes juste derrière moi, tentant de descendre l'escalier dont je bloquais une bonne partie de la sortie. Je me levai d'un bond, tassant ma valise. « Oups, désolé ! » Je levai les yeux vers l'homme pour lui sourire poliment mais mon sourire se perdit rapidement quand je reconnus Samuel, ou peu importe son vrai nom, Raphaël semblait-il en fait être réellement. Cet homme, je l'avais rencontré il y a quelques mois, ici-même à New York City lors d'un long congé. Fidèle à mes jeux stupides, je m'étais moi-même inventé une autre personnalité, rien que pour le plaisir, rien que pour pimenter ma vie un peu. Sauf que quelques semaines après mon retour à NOLA, j'avais décidé de chercher cet homme afin de reprendre contact avec lui, l'inviter chez moi pourquoi pas puisqu'il avait manifesté l'envie de visiter la Louisiane. À ma grande surprise, Samuel Troussard était impossible à trouver. En menant des recherches plus poussées et surtout grâce à un grand hasard et une chance que personne n'a sauf moi, j'avais cliqué sur un lien m'amenant sur un genre d'article portant sur Raphaël Roussel-Laroche, copie conforme de ce Samuel, selon la photographie jointe. Un gosse de riche. Vraiment riche.

Bien sûr, j'étais resté bouche-bée pendant un bon bout de temps. Devant ce mensonge, j'avais décidé de ne pas contacter Samuel, ou plutôt Raphaël. Un tas de pensées s'étaient bousculées dans ma tête, créant la confusion. Pourquoi cacher son identité ? De quoi avait-il peur ? Qu'avait-il à cacher aux autres ? Pourtant, j'avais fait la même chose. Toutefois, mon mensonge, créé par plaisir plus que par culpabilité d'être moi-même ou autre raison obscure, me semblait plus pardonnable. J'avais donc tourné la page sur cet homme, l'oubliant peu à peu.

Mais le voilà, juste devant moi. Il me regardait, je le regardais. Je souris, bêtement. Je ne savais pas comment réagir. « Tiens, tiens ! Samuel ! Quelle coïncidence ! » J'avais été incapable de faire autrement que de continuer à nager dans le mensonge que j'avais pourtant éclairci. Cet homme m'intimidait, maintenant que je savais qui il était, et que j'ignorais toujours pourquoi il se cachait ...