Il n’avait absolument rien compris. Cailin le sentait dans la poigne ferme qui venait d’attraper son poignet. Une menace. Pensait-il qu’elle oserait le frapper ? William Clives lui semblait trop fragile pour recevoir la moindre gifle. Mais serait-il aussi censé qu’elle ? Non. Il était parfaitement capable de lever la main sur elle. Ses doigts sur sa peau sonnaient comme une mise en garde. Il avait perdu toute notion de sociabilité au point de ne pas pouvoir faire la différence entre une demande ouverte d’attention et une agression. Il s’imaginait autre chose, une chose plus douloureuse que l’instant présent que la blonde dénonçait. Tant mieux. Elle avouerait que le but avait été d’éloigner William le plus loin possible ou de le réveiller. Il choisissait la douche froide et la vulgarité, pour ne pas changer.

« Sans preuve… je n’ai jamais parlé d’autre chose que ce qui se déroule sous mes yeux, maintenant, et quand vous serez arrivé à saturation, au point de non-retour, j’espère que tu auras la bonne idée d’agir comme un homme et non comme le monstre que tu es devenu. »

Aux yeux de Cailin, les deux avaient plongé la tête la première dans une spirale infernale : celle de la surenchère. Il leur en faudrait toujours plus pour prouver à l’autre qui des deux avaient raison, étaient le meilleur… Le premier provoquerait le deuxième qui répliquerait avec des actes déplacés et ainsi de suite. Bref, William montrait à présent de quoi il était capable, tout au fond de lui. La véritable nature d’un homme s’avère toujours déplaisante à regarder. Les doigts toujours sur la veste, elle approcha doucement de William pour lui murmurer à l'oreille.

« Si t’accepte pas le côté brillant de Rayan et que tu le laisses tomber pour la première blonde qui passe, qu’en serait-il de ce qu’il trouve honteux, comme sa bisexualité ? Avec tout ce que tu as réussi à me dire sans avoir le moindre sentiment, ça ne devrait pas être difficile de lui prouver que tu tiens à lui. »

La journaliste tirait alors sur son bras pour récupérer son membre et le portable de William. Jouer les pickpocket une fois de plus ne lui posait aucun souci. Elle avait de l'entrainement et un ex fiancé violant à son actif, un seul lui suffisait. En attendant, elle pivotait, prête à partir. En revanche, puisque Rayan semblait trop occupé par ses propres émotions et le conflit avec son père pour faire attention à son départ, il délaissait sa valise, abandonnée un peu plus loin. Voilà qui est bien dommage car la blonde l'embarque discrètement. La demoiselle va faire un brin de charité avec. Rayan ne semblait s’occuper que de ses affaires et Cailin ne désirait pas le toucher physiquement. Il allait les perdre ce à quoi il tenait. Il serait probablement trop ravi de pouvoir passer des heures à faire du shopping. De toute façon, elle n’irait pas bien loin. Cette foutue valise est énorme et elle, elle était toute petite. Cailin préférait ne pas trop s'éloigner tant que ses deux-là se regarderaient ainsi.  Cailin se contenta de chopper un gamma qui passaient dans les parages pour lui confier la valise.

« Je crois que quelqu’un l'a perdue. Ca te dérange de l’apporter aux objets perdus ? »

Non, évidemment. La personne louchait avec envie sur la valise. Elle avait bien raison.

Les mâles, si prévisibles lorsque leurs testostérones entraient en jeu. Ça en devenait navrant. Aussi, lorsque Rayan tenta de faire entendre sa voix alors que Cailin effectuait un don généreux auprès d’un gamma, la journaliste n’écouta rien. Il n’aurait qu’à se mesurer aux mastodontes des gammas pour récupérer son bien. Une petite bagarre ne pourrait que soulager ses nerfs. William et lui avaient besoin de se défouler. Elle avait trouvé un moyen de faire passer sa frustration en s’en prenant aux affaires de chacun mais il manquait encore un petit détail. Comment finir son travail ? Comment s’assurer que cette affaire soit prise en main et rapidement ? Impossible de laisser père et fils dans cet état sans bouger le petit doigt. Elle avait au moins un devoir moral envers William, celui de ne pas le laisser sombrer avec son fils.
Llorsqu’elle se retournait pour savoir quelle étrange raison avait poussé Rayan à ne pas courir après sa valise, la réponse ne l’étonna point. Les deux mâles se poussaient et la blonde soupirait. Ils allaient se faire mal. Peut-être devrait-elle calmer le jeu ? Bonne idée. Le portable de William se trouvait logé dans sa manche. Lors d’un vol, il était préférable d’éviter d’exposer l’objet dérobé. Caché à l’endroit il avait bondit, seul et de son plein grés, il prenait le chaud. Malheureusement, il allait aussi donner des idées la blonde. Tout le monde connaît l’obsession de Cailin pour le journalisme, sa faculté à trimbaler calepin et portable pour capturer tous : sons, images ou idées et à les partager. Personne ne se surprit de la voir utiliser le portable qu’elle avait littéralement sous la main pour filmer la petite bagarre. Le répertoire de William gorgeait de numéros tous plus intéressants les uns que les autres pour faire tourner le petit bijou qu’elle aurait bientôt en main.

Pendant que les deux gorilles déballaient leurs muscles pour une petite présentation de leur capacité, Cailin patientait de voir la fin arriver. L’un des deux finirait par perdre ou au mieux, les deux finiraient par se calmer. De son côté, elle se conterait d’envoyer la vidéo aux proches; parents, frère et sœurs. Quelques passants s’arrêtaient. Rares mais déconcertés, ils eurent un moment de blancs avant de décider de la meilleure solution. Les portables furent sortis mais pour appeler les autorités compétentes. Enfin quelqu’un de censé dans ce bas monde. Peut-être qu’une ambulance serait utile à ce rythme.

Spoiler:

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