Malgré tout ce qui s’était passé entre Pacey et moi depuis notre rencontre, que ce soit les jeux de séduction, le déménagement ou cette journée où une dispute avait éclatée lorsque j’avais appris pour son mariage, puis maintenant sa séparation d’avec Romane, nous étions encore présents l’un pour l’autre. J’avais décidé de ne pas agir impulsivement en quittant son logement, alors j’occupais toujours cette chambre qu’il m’avait généreusement offerte. Pacey avait tellement fait pour moi, à tel point qu’il en avait même perdu sa femme à cause de moi. Enfin, le jeune homme ne cessait de me dire que ce n’était pas de ma faute, que bien d’autres facteurs étaient présents, par exemple la famille de Romane, mais je n’y croyais point. Je savais pertinemment que Romane était jalouse du fait que Pacey m’aide autant, par tous les moyens possibles. Après tout, l’ancien professeur était quand même devenu stripteaseur rien que pour pouvoir m’aider à payer les meilleurs traitements possibles pour ma maladie. Je ne l’en remercierais jamais assez. Il était si attentionné que je m’en voulais de cette journée à la plage où j’avais été si injuste envers lui. Il méritait tellement mieux que ces paroles parfois crues ou bien cet ultimatum que je lui avais posé.

Depuis cette journée à la plage, justement, tout était bien sûr différent entre Pacey et moi. Après tout, je lui avais quand même avoué que je l’aimais, malgré son mariage, malgré ma relation avec Joe, malgré tout ce qui se passait dans nos vies, bref. Après avoir bien compris que je n’aurais jamais de chance, j’avais fermé la porte à cet espoir que j’avais toujours eu. Cela avait bien sûr changé quelque chose en moi, sur mes sentiments envers Pacey. Je n’arrivais plus à être aussi naturelle, souriante et simple en sa présence. J’étais toujours un peu mal à l’aise et sur mes gardes. Heureusement, peu à peu, notre amitié semblait redevenir comme avant … sans les ambiguïtés. De plus, depuis que les choses avaient été mises au clair entre lui et moi, je pouvais maintenant complètement me donner à Joe. Notre couple avait très certainement ses hauts et ses bas, mais nous nous supportions et nous nous aimions depuis quelques mois déjà, même si les fameux mots représentant cet amour n’étaient jamais encore sortis de nos bouches.

Bref, pour le moment, j’étais seule dans le logement. Il était encore assez tôt, je n’avais aucune idée d’où Pacey était. À ma connaissance, il n’était même pas rentré de la nuit. J’avais tenté de le rejoindre sur son portable, aucune réponse. J’avais laissé un tas de sms, aucune réponse. Je m’inquiétais, mais je savais qu’il était un grand garçon, un homme quoi. Il devait bien aller. Justement, alors que j’appliquais du vernis à ongles sur mes orteils, j’entendis la porte s’ouvrir puis se refermer. Laissant mon pied à moitié coloré, je sortis de ma chambre, encore en pyjama, les cheveux ébouriffés, et me rendit rapidement jusqu’à Pacey. « Hé ! Mais où étais-tu ? J’ai tenté de te rejoindre une bonne partie de la nuit avant de m’endormir, et ce matin aussi … » Je préférais quand Pacey m’avertissait de ses allées et venues. Mon petit côté protectrice qui ressortait, faut croire. En plus, depuis que le jeune homme n’était plus avec Romane, je savais qu’il passait des moments difficiles. Je ne voulais pas qu’il fasse de bêtise.

Cela faisait déjà plus d’un mois que ma femme m’avait quitté. Et je ne m’en remettais pas. Pour éviter de me morfondre dans mon coin ou de m’apitoyer sur mon sort en pleurant sur l’épaule d’Astor, qui ne méritait pas ça, je me noyais dans le travail. Evidemment quand cela devenait trop dur, je me rendais dans un bar de la ville, dans le quartier où je travaillais, pour aller boire quelques verres. Et chaque fois je m’en rendais plus malade encore avec l’alcool. Je ne l’avais jamais supporté. Et j’avais bien peur de cela n’arrive jamais. Dans un sens heureusement. Un verre ou même une bouteille ne remplacerait jamais la femme que j’ai épousé. Rien d’autre non plus d’ailleurs. Romane était irremplaçable dans mon cœur. Même si avant notre rupture, ce fameux soir sur la plage, lorsque ma colocataire me l’avait demandé en espérant elle-même sortir avec moi, même si ce soir là, je n’étais pas certain de ma réponse. Aujourd’hui, je l’étais comme jamais. Le mariage étant le plus beau des sacrements, même si à la base cela était pour un délire, cette plaisanterie là, je ne l’aurais fait avec nulle autre personne que ma meilleure amie. Je l’aimais comme un fou depuis longtemps déjà sans jamais le lui avouer. A ce jour, Romane connaissait mes sentiments envers elle. Et c’était réciproque. Mais la vie a voulu que l’on s’éloigne l’un de l’autre. C’était atroce à vivre. Je me sentais plus mal encore qu’à la suite de ma rupture avec Viktoria. Oui c’était possible. Avant je ne l’imaginais même pas. Aujourd’hui je ne le savais que trop bien. En plus de cette souffrance que je ne souhaitais à personne, je vivais dans la hantise que ma femme m’expédie par courrier postale un formulaire de divorce. Je n’étais pas prêt à vivre cette épreuve là. Je ne le serai jamais. Hier soir, j’avais travaillé sur la production de mon film jusqu’à épuisement. Enfin hier soir… Il devait être au moins deux ou trois heures du matin lorsque je m’étais enfin décidé à rentrer à l’appartement. Evidemment, j’avais bien reçu les multiples textos et appels d’Astor. Elle était si gentille avec moi. Toujours présente malgré le mal que je lui avais fait en repoussant ses avances. Je ne pouvais pas lui infliger ma tristesse en plus de cela. Elle ne méritait pas ça. Je savais que l’étudiante avait déjà des problèmes dans son couple. Que tout n’était pas rose avec Joe. J’aurai pu tenter de la conseiller pour améliorer sa relation amoureuse mais je préférait m’y abstenir. Après tout, qui étais je pour dire aux autres comment vivre une belle histoire d’amour alors qu’au final je n’avais même pas été fichu de garder ma femme ? J’étais même très loin d’être un expert en la matière. Romane m’avait, en autre parmi d’autres facteurs, quitté pour ma façon pas très élégante de gagner de l’argent pour aider Astor. Je ne la comprenais que trop bien sur ce point. Etant donné que notre mariage n’a jamais été consommé. J’avais encore beaucoup de mal à m’ouvrir totalement à Romane. Elle ne savait toujours pas qu’Astor était malade. Elle ne savait toujours pas que ma mère était décédée de la même maladie. Elle ne comprenait donc pas ce lien spécial qui nous liait ma colocataire et moi. Un jour peut être…

Lorsque j’arrivais dans le hall de l’immeuble, j’eus mon réflexe habituel de regarder le courrier. Dans la boîte, il y avait une enveloppe de Romane. Impatient d’avoir de ses nouvelles, je l’ouvris sur le bas de l’escalier. J’avais tant espéré qu’elle m’annonce son retour. Que l’on soit de nouveau ensemble. Mais au lieu de cela, elle me demanda d’être son ami. Qu’il faudrait du temps mais que l’on pourrait redevenir amis comme on l’était avant notre mariage. Effondré, j’avais fini la nuit dans un parc non loin de là. Pleurant sur un banc toutes les larmes de mon corps. J’étais pitoyable de me mettre dans cet état là. Je le savais mais je m’en fichais. Sans Romane ma vie n’avait plus aucun sens. Au bout de quelques heures, le soleil montrait le bout de son nez. Je reçus un autre message d’Astor. Elle s’inquiétait. Je décidais alors de rentrer. Je n’avais pas envie d’une nouvelle dispute avec mon amie. A peine arrivé dans l’appartement, Astor vint me voir. Elle me fit très légèrement sourire avec son allure. « J’avais beaucoup de travail en retard. Désolé… » Je donnais à Astor son courrier. Gardant ma lettre de Romane précieusement dans ma main. J’avais encore les yeux rougis de cette nuit. Cachant l’enveloppe dans ma poche, je faisais comme si de rien n’était. « Ça va toi ? Bien dormi ? »

Plus d’un mois que je voyais Pacey se morfondre dans un coin. Plus d’un mois que je le voyais perdre l’appétit, perdre le sourire, perdre toute envie de faire quoi que ce soit. Et je ne savais aucunement comment agir, comment le consoler. Après tout, j’avais moi-même encore besoin de me remettre de cette soirée à la plage durant laquelle tout s’était dit entre Pacey et moi. Je ne me sentais donc pas prête à aller réparer le cœur de celui que j’avais tant aimé, alors que ce n’était même pas moi qui avais eu la chance de lui briser, si on veut. Ce n’est peut-être pas la bonne façon de s’exprimer, mais tout cela pour dire que j’aurais voulu être celle qui occupait son cœur et qui aurait donc pu le briser, même si je ne me serais jamais laissée lui faire du mal. Là, c’était pour une autre femme qu’il était aussi peiné, et cela me rendait encore un peu triste. Toutefois, je voyais bien que mon ami avait grandement besoin d’une épaule, et je ne voulais pas être celle qui la lui refuserait. Je le regretterais toute ma vie. Alors quand j’entendis Pacey entrer dans l’appartement, très tôt le matin, je me levai rapidement et allai le rejoindre, sans me préoccuper de ce que je pouvais avoir l’air, ou de terminer ce que j’étais en train de faire. Je ne relevai pas le petit sourire en coin de Pacey, j’étais trop inquiète pour seulement même le remarquer. J’hochai la tête à son excuse, même si je doutais fortement que ce soit la vérité. Il me tendit du courrier. Je regardai rapidement les enveloppes provenant toutes de ma banque afin que je rembourse mes cartes de crédit bourrées de trucs médicaux. Je les lançai sur la table basse un peu plus loin, pour le moment, en soupirant. Mon colocataire me demanda alors si j’avais bien dormi. Je me dirigeai vers la cuisine. « J’suis restée debout assez tard, j’attendais que tu rentres, mais quand j’ai abandonné l’idée j’me suis endormie et j’ai dormi comme un gros bébé jusqu’à ce matin. » Je sortis du jus d’orange du réfrigérateur. « Je te prépare un petit-déjeuner ? Tu dois avoir faim, après avoir travaillé toute la nuit … » Dis-je d’un ton qui lui fit comprendre que je savais que ce n’était pas pour cette raison qu’il était rentré aussi tard … ou plutôt aussi tôt. Je me lançai donc dans la préparation d’œufs, de bacon et de fruits frais afin de nous préparer aux deux une belle et délicieuse assiette. Alors que je coupais les ananas, je regardai Pacey, posant mon couteau. « Tu sais, Pacey … Malgré tout … tout ce qui s’est passé, et dit entre nous deux … tu … tu peux te confier à moi. Je sais que tu passes un mauvais moment ces derniers temps et … je veux que tu saches que je suis là pour toi. » Pacey avait toujours été là pour moi, malgré ma distance et ma froideur des dernières semaines. Je voulais donc lui rendre la pareille, ce qui me semblait tout à fait normal.

Evidemment, je n’avais pas autant de travail que cela en retard. J’étais même en avance sur mon projet cinématographique. Mais cela, je ne le disais à personne. Je refusais que l’on me reprenne des mains le projet qui me permettait de garder la tête sur terre. Pour passer le temps, je n’hésitais pas à recommencer maintes et maintes fois la réalisation papier de chaque scène. N’étant jamais satisfait de ce que je faisais. Mais je restais tout de même dans les temps. Lorsque j’en avais marre d’écrire comment la petite jeune fille du film se faisait charmer par le beau vampire au regard ténébreux, je me refoulais en passant sur la scène où le beau vampire au regard ténébreux mordait sans scrupule la belle jeune femme après lui avoir fait sauvagement l’amour. Je passais bien évidemment la scène de sexe. Ne sachant pas comment la réaliser. Encore une fois mon manque d’expérience jouait contre moi. Encore une fois, je pensais à mon amour perdu. Dire que nous avions même pas eu le temps de se découvrir réellement l’un et l’autre. Que tout était déjà fini entre nous. J’aimais Romane et son absence me tuait à petit feu. J’espérais de tout mon cœur un jour la retrouver. Fantasmant sur les moments de bonheur que nous pourrions partager ensemble. Pouvoir la caresser, sentir son doux parfum. Lui donner mille et un baisers dont je ne me lasserai jamais. Découvrir réellement avec elle et sans honte les plaisirs charnels. Ses idées me mettaient encore un peu mal à l’aise. J’avais des envies que je ne pouvais concrétiser car la femme de mon cœur était partie. Vivement qu’elle revienne…

Astor me confirmait qu’elle avait bien dormi. Cool. J’avais eu peur qu’elle passe une sale nuit de par ma faute. Elle me demanda si je voulais déjeuner avec elle et sans que j’eus le temps de lui répondre, elle préparait déjà le petit déjeuner. Je n’avais pas faim. Ca me rappelait que j’avais oublié de manger hier soir aussi. Mais bon pour ne pas inquiéter mon amie, je n’osais pas refuser son offre. Elle savait que je n’avais pas bosser toute la nuit. Décidément Astor me connaissait par cœur. « Je ne suis pas satisfait de ce que je fais en ce moment. J’ai beau recommencer x fois les mêmes choses. Le résultat reste médiocre. » Tentais je de me justifier. « Mais j’ai aussi besoin de réfléchir… » Rajoutais je. Je ne savais pas comment je devais réagir à la demande de Romane. Je sentais la gorge serrée le divorce venir à grands pas. Astor m’assurait qu’elle était là pour moi si j’avais besoin de parler. « Lorsque ton ex te demande de devenir ton ami, c’est bon signe ou pas ? » Reprenant la lettre dans ma poche, je la fixais en me mordillant les lèvres. J’avais peur qu’Astor confirme mes craintes. Pour moi, c’était mauvais signe. C’était évident.

J’espérais sincèrement que Pacey et Romane allaient s’en sortir. Je leur avais secrètement souhaité que ça foire, dans mes pires moments, dans ces moments où je m’étais sentie trahie par Pacey. Mais jamais je n’avais réellement voulu que cela se produise. Si un génie m’avait, par miracle, offert trois vœux, que mon ami perde sa femme n’aurait jamais été dans la liste. J’étais jalouse, oh ça oui, mais pas cruelle. Pacey avait le droit d’être heureux et puis, de toute façon, il y avait Joe dans ma vie. Je ne pouvais pas m’accaparer tous les hommes qui comptaient pour moi. Je ne pouvais qu’en choisir un. Pacey avait choisi Romane, j’avais choisi Joe. Je n’arrivais tout simplement pas à savoir si ce choix avait été fait par défaut. Je ne cessais de me demander si l’avenir aurait été autrement si mon colocataire ne s’était pas marié, s’il avait conservé son amour pour moi. Aurais-je décidé d’aller vers Pacey malgré ma relation avec Joe ? Après tout, l’ancien professeur et moi étions bien plus sur la même longueur d’ondes que je ne l’étais avec Joe. J’aurais comme été déchirée entre les proverbes « qui se ressemble, s’assemble » et « les contraires s’attirent ». Je ne voulais tout simplement plus penser à cela, ne voulant pas mettre en péril ma relation avec Joe. Il faisait tant d’efforts, notre relation évoluait si bien. Je ne voulais pas tout gâcher en me projetant dans le futur avec en tête un amour impossible. Parce que oui, à mes yeux maintenant, Pacey et Astor-Laine, c’était de l’ordre de l’impossible. J’avais fait une croix sur nous et j’y étais d’ailleurs allée avec un marqueur à grosse pointe noire. Bref, je proposai à Pacey de lui faire un petit-déjeuner et je n’attendis même pas sa réponse pour mettre la main à la pâte. Il n’avait peut-être pas faim, mais moi si. Énormément. Puis il allait se forcer à manger, lui aussi. Cela faisait un mois qu’il n’avalait pas grand-chose. Il allait devenir trop mince, déjà qu’il manquait un peu de chair autour de l’os. Je l’écoutai parler alors que je terminai de couper l’ananas et que je m’attaquais aux kiwis, pendant que le bacon grésillait derrière. « Tu voudrais pas me montrer un peu de ce sur quoi tu bosses ? J’pourrais lire, et te donner des commentaires ? Bon j’suis pas une pro’ mais je pense qu’un point de vue extérieur pourrait t’aider. » Je ne voulais pas nécessairement lui parler de Romane. Lui changer les idées, voilà ce dont il avait besoin. Toutefois, mon plan ne tarda pas à foirer puisque Pacey, lui, semblait vouloir parler de son ex femme. Il me posa alors une question qui eut pour effet de me faire figer. Le couteau planté dans une pomme. Je m’arrêtai de cuisiner, et je levai les yeux vers lui. Je regardai la lettre que Pacey tenait, à peine sortie de sa poche. « Euh … Je … » Je ne savais plus quoi lui dire. Je n’imaginais pas que Romane en était rendue à cette étape. Mes épaules se baissèrent, mes yeux aussi. « Je pense que dans ton cas … ce n’est pas bon signe. Parce que si tu veux la garder dans ta vie, c’est bien, oui. Mais si tu veux la garder dans ta vie comme vous l’étiez y’a un mois … je … je pense qu’elle n’a pas cette idée en tête, Pace … » Je regardai un moment mon ami, qui semblait totalement désespéré. J’avais la gorgée nouée. « Je suis vraiment désolée, Pacey. » Je ne voulais que son bonheur, au fond.

Il était évident qu’Astor cherchait à me changer les idées en me parlant de travail. J’aurai aimé continuer la conversation sur cette voie là. Lui répondre que j’acceptais son aide avec plaisir et lui refiler mes dossiers pour elle y jette un œil. Que nous ne parlions que de ça et surtout pas de ce qui faisait souffrir. Mais je n’y arrivais pas. Connaissant déjà la lettre de son épouse par cœur, au moindre mot, je me la récitais sans cesse dans la tête. Me fixant davantage sur sa demande quelque peu particulière qui mit fin à mes espoirs de réconciliation. Comment pourrais je devenir juste son ami ? Avoir seulement une relation d’amitié avec elle alors que je l’aimais bien au-delà de la raison ? Retomber au stade que nous partagions encore juste avant notre mariage ? Non… Non je ne m’en sentais pas la force. Je me connaissais trop bien. Si je ne devenais qu’un pote aux yeux de Romane, jamais je ne pourrais cesser de me languir d’amour pour elle. J’étais tout seulement qu’un mec pitoyable en attente d’un signe d’affection de celle qui chavirait mon cœur. Comme cette maudite lettre tiens ! Dès que je l’avais vu dans la boîte et que j’avais vu le nom de l’expéditrice, je m’étais senti tout chose espérant bêtement que Romane avait finalement décidé de revenir vers moi. De mon petit nuage, j’ai dégringolé direct en enfer tout en parcourant ses lignes manuscrites. C’était bel et bien l’écriture de Romane. Conséquence de cela, je pleurais toutes les larmes de mon corps tel un adolescent à sa première déception amoureuse. Je ne voyais pourtant pas vivre sans Romane. Pour ses beaux regards, j’accepterais n’importe quoi de sa part. Même si elle me demandait de me suicider en allant me jetant du haut d’une falaise, je serai encore capable de le faire. Par amour pour elle… Je voulais l’avis d’Astor sur la présente question. Sa réponse ne fit que confirmer mes pires craintes. La gorge serrée, je sentais les larmes monter. Mais je ne pouvais pas faire cela à ma colocataire. Pas après tout ce que je lui avais fait subir. Je ne savais pas où Astor en était actuellement dans ses sentiments envers moi. Ce qui me gênait davantage de craquer face à elle pour une autre femme. Pour ma femme. Je me retins donc un instant de tout commentaire. Le temps de maîtriser suffisamment ma peine. « C’est…. C’est bien ce que je pensais… Merci Astor pour ta compréhension. Tu es trop gentille avec moi…. » Sur ces mots, je partis m’enfermer dans les toilettes.Une petite envie pressante si vous voyez… Ca puis le fait que j’avais besoin de m’apitoyer cinq minutes sur mon sort. Seul et en silence. Ce fut quelques minutes plus tard que je sortis de la salle de bains. Faisant mine de rien, je pris dans mon sac le projet sur lequel je travaillais avec tant de médiocrité et le tendis à Astor pendant qu’elle déjeunait. « Tu me diras ce que tu en penses. Et surtout n’hésites pas à être honnête. Je sais déjà que c’est mauvais tout ce qu’il y a dedans. Donc bon… » Puis pour changer de sujet. « Comment ça se passe avec Joe ces temps ci ? Tu ne me parles quasiment plus de ton couple. Vous êtes toujours ensemble ?’

Je voyais bien que malgré toute tentative que j’essaierais de faire, Pacey n’avait pas le moral à rire et à parler de tout et de rien. J’avais tellement l’impression de l’avoir perdu. Je savais qu’il ne voulait pas vraiment se confier entièrement à moi sur sa relation avec Romane de peur de tourner le fer dans la plaie, et il déviait ainsi de moi, prenant le large. Je me sentais tellement coupable de lui avoir avoué mon amour alors que sa relation avec sa femme était en chute libre. Cela avait été égoïste de ma part. En même temps, comment aurais-je pu prédire qu’ils en viendraient jusqu’à rompre ? Bref, comme pour me rattraper d’être quand même un problème majeur dans leur dispute, j’essayais au moins de remonter le moral de Pacey. Peut-être allais-je aussi tenter d’aller parler à Romane. Après notre discussion plutôt civilisée au Starbucks, peut-être serait-elle réceptive à mes explications sur la situation, à mon point de vue aussi. Je ne voulais pas m’imposer entre eux, après tout ils avaient également des trucs à régler entre eux, mais je voulais aussi y donner un peu du mien. Pour ne pas avoir l’air de la briseuse de couple sans cœur qui s’en fout royalement. Ce n’était pas le cas, mais pas du tout. Alors que je lui disais finalement ce que je pensais de la lettre, je vis les larmes montaient aux yeux de Pacey. Mon cœur se brisa en mille morceaux de le voir ainsi si chagriné. Je ne voulais que son bien, que son bonheur. Je secouai la tête, pas en accord avec ses propos, quand il me dit que j’étais trop gentille avec lui. Je fronçai les sourcils. « Arrête. Pacey, tu es mon ami. Le reste c’est du passé. Je serai toujours là pour toi, pour t’aider, pour te soutenir. » Je voulais qu’il comprenne que mes sentiments pour lui s’effaçaient peu à peu, par résignation. Je me tournai de plus en plus vers Joe, et c’était quand même apaisant pour l’esprit de ne plus avoir à tanguer d’un bord et de l’autre. Malgré ma réponse, Pacey en avait encore trop sur le cœur et il alla s’enfermer dans les toilettes. Je posai mes mains sur le comptoir, le regardant partir et fixant un moment la porte fermée, triste. Finalement, voyant qu’il ne sortait pas, je me doutai qu’il avait besoin de silence et de solitude, alors je retournai à la préparation de mon déjeuner. Je sortis deux assiettes et y déposai les œufs tournés que j’avais préparé, ainsi que le bacon cuit au micro-ondes. Finalement, j’ornai l’assiette de quelques fruits frais. Je déposai les deux assiettes toutes chaudes sur la table au même moment où mon colocataire sortait de la salle de bain. Je lui souris. « Viens manger, pendant que c’est chaud ! » En chemin, l’ancien professeur attrapa dans son sac un dossier et me le tendit. Je le pris entre mon annulaire et mon auriculaire, les autres doigts étaient tachés par le gras du bacon que je mangeais avec mes mains, sans grande classe. Je souris en le déposant à côté, loin de mon assiette. « Je doute que ce soit TOUT mauvais. Je peux t’écrire mes commentaires dans la marge ou bien faut que le dossier reste propre ? » Demandais-je. Sinon, j’allais devoir tout noter à côté pour me souvenir de toutes mes critiques constructives. Finalement, Pacey me questionna sur Joe, sujet que je tentais d’éviter avec lui pour des raisons évidentes. Mais bon, puisque c’était lui qui amenait le sujet. « Oui oui, nous sommes toujours ensemble. Bon, je te dirais que c’est pas encore … l’amour, quoi. Enfin, si, je l’aime. Mais on ne se l’ai jamais dit … et puis, je sais même pas ce qu’on est exactement. Genre, je sais même pas s’il fréquente d’autres filles aussi … On a pas le même rythme de vie tu vois, alors parfois j’ai peur de lui foutre la trouille en étant trop … engagée dans la relation. » Il était vrai que je ne savais pas du tout comment parler de ces sujets sérieux avec Joe. Nous avions du plaisir, nous faisions l’amour, nous découvrions l’un sur l’autre et sur la vie en général, on explorait toutes sortes de cultures, d’arts, mais sans jamais parler sérieusement de l’endroit où tout cela nous mènerait.

Malgré les propos d’Astor pour me rassurer sur notre présente relation, je ne savais toujours pas quoi en penser. En réalité, je n’avais jamais compris ce qu’il l’avait poussé, elle aussi bien que Romane, à tomber amoureuses de moi. Je n’étais qu’un type ordinaire sans grand intérêt. Enfin bref… Vu les faits qui se sont produits ces derniers mois, je pouvais même confirmer que je n’étais qu’un mauvais garçon. Moi qui était encore au stade de rêver au conte de fée, j’avais brisé le cœur des deux femmes vivantes qui comptaient le plus pour moi dans ce monde. Enfermé seul dans les toilettes, j’en étais arrivé au point où je me sentais plus fréquentable. Du moins sentimentalement parlant. Si Romane ne revenait pas sur sa décision et que nous devrions passer par le divorce pour mettre un terme définitif à notre mariage, je ferais une croix au marqueur indélébile sur mes souhaits de vivre heureux en fondant une famille. Romane était ma moitié. Mon âme sœur. Je le sais. Je l’avais dit aussi pour Viktoria. Mais avec mon ex compagne, jamais nous n’avions été aussi fusionnels que j’ai pu l’être avec ma femme. Avec mon ex, je n’avais pas cette confiance aveugle que j’ai avec ma dulcinée. Même si Romane refuse de rester Madame Stenfler, je respecterai sans troncher sa volonté. Le cœur brisé pour l’infini, je ne cesserai jamais de me languir d’amour pour elle. Comme avant notre escapade à Las Vegas, je ne dirais point mot sur mes sentiments. Je la laisserai refaire sa vie comme bon lui semblera tout en conservant cette amitié entre nous. J’avais assez de moments en solitaire pour pleurer la perdre de son amour. Inutile de la faire culpabiliser avec cela. Pour l’instant, notre rupture était encore trop récente pour faire comme si de rien n’était. Après tout quelle importance puisque je ne l’avais plus vue depuis septembre ?

Sortant de mon trou, les yeux encore rougis de par ma peine, je tentais tant bien que mal à sourire à Astor. « J’arrive. » Je pris mon script au passage et le donna à mon amie. « Il n’y a pas de problème pour les notes. Tu verras que j’en ai déjà fait moi-même. D’ailleurs bonne chance pour trouver encore un espace pour y placer les tiennes. » Je gardais malgré tout un semblant d’humour. Puis nous parlions du couple de ma colocataire. « Si je peux me permettre de te donner un conseil, ne va pas trop vite avec lui. Même si c’est l’amour fou, fais bien attention à toi. Je… Je n’ai pas envie que tu te brises les ailes si cela mener à ne pas fonctionner avec Joe. » Comment osais je faire de tels propos ? Moi qui n’avais que peu d’expérience en relation de couple… « Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble maintenant ? » Simple question qui m’amener à penser que ces deux là avaient surement franchi le cap du sexe depuis un moment. Arf ! Pourquoi pensais je à cela ? Astor avait le droit ce qu’elle voulait et avec qui elle voulait ! J’étais si frustré d’être inactif que ça me faisait d’autant plus mal pour Romane que nous n’avions rien fait. La seule fois où on aurait pu le faire, je ne me sentais pas encore prêt. Merci Viktoria pour ton livre ! On ne peut pas dire que cela me serve à grand-chose… « Je crois que je vais annuler ce projet. » Oui je sais, je passais du coq à l’âne. Mes idées étaient si confuses dans ma tête. Et je ne voulais pas refaire souffrir mon amie en parlant de ma femme. Je parlais bien évidemment du script. A voir si Astor arrivera à me suivre ou non…

Il n’était pas question d’être un bon ou un mauvais garçon. Il était question de prendre les décisions que l’on juge bonnes pour nous. Si Pacey avait choisi Romane, c’était parce que c’était elle qu’il aimait, et non moi. Peu importe la décision qu’il prenait, une de nous deux aurait été blessée. Alors aussi bien écouter son cœur. Je préférais largement qu’il fasse le bon choix pour lui plutôt que de me mentir dans une relation qu’il aurait souhaité avoir avec une autre. Certes, j’avais été peinée, mais avec du recul, je ne pouvais pas lui en vouloir. On ne peut empêcher un cœur d’aimer, et on ne peut pas choisir non plus celui qu’il aime. Quant à sa relation actuelle avec Romane, qui était en chute libre, Pacey n’avait pas le mauvais rôle. Pas à mes yeux. Il n’avait absolument rien fait de mal, si ce n’était que de demeurer l’ami et le colocataire d’une femme amoureuse de lui. Si l’ancien professeur avait décidé de couper les ponts avec moi pour préserver sa relation avec sa femme, je lui en aurais toujours voulu. Parce que ce choix, il ne l’aurait pas fait pour lui, mais bien pour elle. Heureusement, Romane ne lui avait jamais demandé de choisir. Elle l’avait fait à sa place en le laissant. Je me sentais extrêmement coupable de cela, même si ce n’était pas directement de ma faute non plus. Après tout, après notre discussion à la plage, j’avais cessé d’espérer avec Pacey. J’avais refoulé mes sentiments, pour le bien de son mariage. Maintenant, si Romane se sentait mieux séparée de son mari, et que c’était le bon choix à faire dans sa tête, qui étais-je pour en juger ? Comme je le dis, tout est question des choix que l’on juge bons pour nous. Et comme il s’agissait d’un concept totalement subjectif, je n’avais aucune idée de ce que je devais dire à mon ami lorsqu’il relu la lettre de Romane. Je le laissai donc s’en aller dans sa solitude le temps de reprendre ses esprits puis, quand il revint, un réconfortant petit-déjeuner l’attendait. Je ne savais pas quoi dire, alors je posais les gestes. Je souris lorsqu’il me parla du peu d’espace restant dans les marges de son travail. « J’écrirai petit. » Déclarais-je tout simplement, n’ayant rien de plus à ajouter. Je lui parlai finalement de ma relation assez compliquée avec Joe, à sa demande. « Pour ne pas aller vite, on ne va pas vite … » Avouais-je avec un petit soupir. Je ne parlais pas de la sexualité, car dans ce domaine nous avions déjà un bon rythme. Je parlais plutôt de l’engagement dans notre couple. Nous n’étions encore rien l’un pour l’autre, rien d’officiel en tout cas, alors que nous nous fréquentions depuis des mois. « Genre … six mois, sept peut-être … » De le dire, à voix haute, c’était encore plus choquant. On avait dépassé le cap du six mois, qui était selon bien des études, le laps de temps nécessaire avant de pouvoir parler de couple solide et sérieux. J’étais tellement loin de cette vision avec Joe. Nous n’étions même pas un couple, pas vraiment en tout cas. À mes yeux, si. Aux siens, je ne le savais même pas. « Le temps passe vite. » Lâchais-je finalement. Pacey aussi était passé à autre chose, heureusement. J’allais déprimer à mon tour, sinon, et pour de moins bonnes raisons que mon ami. Je mis quand même un peu de temps à comprendre de quoi il parlait en annulant son projet. Mais ses yeux rivés sur la pile de papiers à côté de moi me firent allumer. « Bah pourquoi ? Attends tu peux pas annuler ça, tu y as consacré tellement de temps ! »