I AM STILL HUMAN

ft. Lucy E. Wakefield

« Je vais beaucoup mieux. Je n’ai pas une forme olympique mais je me porte bien. Les médecins m’avaient déconseillé de prendre l’avion mais comme tu vois je tiens encore sur mes deux jambes. » C’était tout Lucy ça, ne pas respecter les règles. Voilà l’une des choses qui avaient de suite plu à Nick lorsqu’ils s’étaient rencontrés d’ailleurs, le fait que – comme lui – elle n’hésite pas à tourner le dos aux ordres pour prouver son droit à la parole. Mais le fait qu’elle ait pris un risque concernant sa santé ne rassurait pas forcément l’homme pour autant. Et puis arriva un enchaînement de questions de la part de la brunette qui semblait plus curieuse que jamais. « Mais toi, comment vas-tu ? Qu’est-ce que tu as fait ces trois dernières années ? La police te laisse travailler avec elle ici ? » Que pouvait-il répondre à tout cela ? Etait-il censé lui dire combien il avait été anéanti par sa ‘disparition’ inattendue ? Comment réagirait-elle en comprenant qu’elle avait effectivement eu un pouvoir absolument monstrueux sur lui ? Lucy ne mit pas longtemps avant de lire sur le visage de l’enseignant les doutes et questionnements le prenant présentement. « Nick… tu ne dois pas te gêner pour me poser les vrais questions, ces formalités sont bien gentilles mais si on doit s’engueuler on s’engueulera. Tu étais le premier à détester parler pour ne rien dire. Je t’ai fait du mal… » Oh oui, Lucy lui avait effectivement du mal, bien plus qu’il n’aurait pu croire un jour qu’on puisse être capable de lui faire d’ailleurs. Jetant un regard sur les mains de la jeune trentenaire autour de sa tasse de thé, il devina de la crainte et une panique inconsidérée chez elle. « Malgré le criminologue arrogant et sûr de lui, je reste humain, Lucy. » Il jeta un œil à droite puis à gauche, préférant être sûr que personne n’entendrait ce qu’il avait à lui dire maintenant. La voie lui semblant libre, il décida de se lancer. « J’ai fait tout mon possible pour tenir bon face à ta disparition. Je n’y comprenais rien, j’étais comme un gamin privé de tout. Alors je me suis plongé dans le boulot, coûte que coûte. J’ai sérieusement déconné aussi… » Était-il vraiment nécessaire d’évoquer ça ? Oui, car il ne lui avait jamais menti et ce n’était certainement pas aujourd’hui qu’il allait commencer. « …j’ai…il y avait ce dealer à Trafalgar Square et je… » Il se passa une main dans les cheveux, soudainement mal à l’aise, comme s’il se retrouvait face à sa mère. Une mère qui, si elle était encore de ce monde, l’aurait assassiné sur place pour ce qu’il comptait avouer à Lucy. « Ça a duré quelques mois avant qu’un des inspecteurs du Yard avec qui je bossais fréquemment décide de s’occuper de mon cas. Autant te dire que le centre de désintox de Londres n’est pas le meilleur endroit du pays… Mais il a eu raison de le faire, j’ai remonté la pente. J’en suis sorti deux mois plus tard, frais comme un gardon. Et puis j’ai bossé, en jonglant entre Oxford et le Yard. » Pas besoin d’ajouter de détails. Lucy était suffisamment intelligente pour comprendre ce qui était dit entre les lignes. « Et me voilà aux Etats-Unis, tyrannisant mes étudiants comme jamais. » L’image donnait presque à rire le connaissant, lui l’homme dur et parfois insensible face à  de jeunes âmes trop sensibles dans un monde de brutalité permanente. « A ton tour... »

WE CAN CHOOSE THE ONE WE LOVE

ft. Lucy E. Wakefield

Nick savait quel risque il prenait en lui racontant cet épisode peu glorieux de son passé, celui-ci ayant surtout un rapport direct avec la disparition de Lucy. Il ne voulait cependant pas qu’elle se voit comme la coupable de cela, il avait fait ses propres choix, pris ses propres décisions sans qu’elle n’ait réellement un rôle à jouer. Seule son absence avait eu un impact sur son comportement à un moment donné. Soulagé lorsque ce fut son tour à elle de dire ce qu’elle était devenue depuis trois ans, Nick eut du mal à garder toute sa contenance en l’imaginer alitée pendant tout ce temps, dans l’espoir qu’un cœur se présente comme compatible et ne lui permette une survie partielle ou totale. Ici, il s’agissait à première vue d’une survive totale, chose qui soulageait plus que jamais le criminologue. « Écoute, je comprends que ce ne soit pas facile pour toi, tu as travaillé pendant trois ans pour tirer un trait sur moi, alors si tu as besoin de rester seul ou si tu préfères que je reparte, tu peux me le demander. » Travailler pour l’oublier ? Tirer un trait sur elle ? Bon dieu, si seulement il en avait été capable ! Au contraire, d’ailleurs c’est bien ça qui avait failli lui coûter la vie le mois précédent lorsque, au cours d’une investigation avec Noah, il s’était retrouvé face à deux mafieux l’ayant pour cible après qu’il soit resté complètement paralysé en entendant le prénom de sa belle. Alors dire qu’il ait pu tirer un trait sur elle et leur histoire ? Ça ne serait que mensonge et ineptie, tout ce que Nick détestait. « Tu délires, Wakefield. » Voilà bien longtemps qu’il ne l’avait plus appelé de la sorte. En effet, lorsqu’ils s’étaient rencontrés, ils avaient eu pour habitude de s’appeler par leurs noms de famille, mais cela avait vite été corrigé lorsqu’ils avaient commencé à se fréquenter. Il lui fit signe de la main de se lever alors que lui-même le faisait. Vérifiant une fois de plus qu’ils étaient bien seuls dans cette partie du café peu fréquenté, il regarda ensuite Lucy, toujours assise. « Lève-toi, s’il te plait. » Il parlait avec un calme olympien, et restait étonnamment très doux dans sa manière de s’exprimer. Une fois la jeune femme debout, Nick s’approcha, toujours calmement. Puis, lorsqu’il fut suffisamment proche d’elle, il posa une main contre son poignet, le pouce à l’intérieur de celui-ci. « Donne-moi une seule raison de te dire de repartir. Une seule. » Il voulait l’entendre lui dire ce qu’elle pensait réellement vis-à-vis d’une possible réaction de la part de Nick. Celui-ci n’était pas idiot, et savait parfaitement qu’elle avait une idée très précise de ce qu’il allait lui dire. Mais étrangement, Nick était sûr qu’ils n’avaient pas la même.

THOUGHT YOU WERE MINE

ft. Lucy E. Wakefield

Certes, il aurait effectivement pu lui demander de rebrousser chemin rapidement après toutes ces années passées à lui mentir sur sa véritable condition. Mais Nick avait tout de même cru perdre la seule femme qu’il n’ait jamais aimée… Comment pouvait-elle oublier ce « détail » ? Alors qu’elle était à ce moment précis devant lui, bel et bien vivante, tout ce qu’elle trouvait à lui dire c’était qu’il aurait absolument toutes les raisons du monde de lui demander de partir et de l’oublier. « Oui. Oui, je t’en veux d’avoir gardé le silence pendant toutes ces années. Oui, je t’en veux de m’avoir fait croire à ta mort. Oui, je t’en veux pour m’avoir fait souffrir comme j’ai souffert. Et oui, je t’en veux de ne réapparaître que maintenant, Lucy. Mais tu sais pourquoi je pourrais réellement t’en vouloir ? Pour me demander de tirer un trait sur toi maintenant que je te sais en vie ! » Sans trop savoir comment cela était possible, Nick devait bien admettre que la colère ne faisait actuellement pas partie intégrante de ses sentiments. Non. C’était plutôt un soulagement venu d’on-ne-sait-où qui avait réussi à prendre possession de lui dans les plus brefs délais. « Je ne comprends pas vraiment tes raisons mais là, tout de suite, je les accepte. Toutes. Sans exception. Ce que je n’accepterai pas, cependant, c’est que tu me quittes comme un moins que rien comme tu l’as fait il y a trois ans. » Le souffle court, le pouls s’accélérant sans qu’il puisse y faire quoique ce soit, Nick continua, bien décidé à en finir sur ce point. « Pas de funérailles, pas d’appel de tes parents – évidemment, ils ne me connaissaient même pas ! – rien qui me prouvait que tu étais morte, Lucy. Rien. Mais j’ai fini par m’en convaincre sans tellement savoir comment. Je n’étais plus rien. J’ai sombré comme un adolescent dans la drogue trouvant la vie plus douce comme ça ! Parce que tu étais morte ! Alors maintenant, écoute-moi bien, et ne me le fais jamais répéter… » Il posa ses deux mains sur les épaules de la brunette, le regard ancré dans le sien. « …ne me fais plus jamais ça ! » Ceci dit, il fit glisser ses mains contre la nuque de Lucy, et rapprocha son visage du sien, hésitant. Peut-être tout ceci semblait exagéré. Peut-être était-il clairement en train de se donner en spectacle actuellement. Mais quelque chose au fond de son être lui criait d’agir tant qu’il l’avait devant lui, comme s’il…comme s’il craignait de la perdre à nouveau.

I NEED YOU MORE THAN EVER BEFORE

ft. Lucy E. Wakefield

« J’ai fait ça pour te protéger, pour que tu te prépares au pire, je ne voulais pas que tu espères bêtement alors que j’étais condamnée. » Cet aveu blessa Nick plus qu’il ne l’aurait voulu. Le fait de savoir qu’en l’éloignant, Lucy avait cherché à le protéger soit disant, rappelait simplement à Nick combien il semblait lui avoir été facile de le faire. Comme s’il avait s’agit d’un devoir qu’elle avait eu envers lui, alors qu’il ne lui avait jamais rien demandé. « Tu aurais préféré passer trois ans à mon chevet ? Tu aurais dû renoncer à ton professorat, tu aurais tourné comme un lion en cage, tu n’aurais pas supporté de me voir alité, et puis tu m’en aurais voulu. J’attends une réponse Nick, sincère. » Alors c’était ainsi qu’elle l’avait considéré pendant tout ce temps passé ensemble ? Un homme qui ne supporterait pas de rester auprès de la seule femme qu’il n’ait jamais aimé, pour la soutenir, se montrer présent à chaque instant, dans les bons comme dans les mauvais moments ? Était-elle sérieuse présentement ou fabulait-elle complètement ? Nick aurait préféré le délire comme seule explication logique à de tels propos, mais malheureusement, la jeune femme semblait sûre d’elle en s’exprimant. Incapable cependant de répondre, pris de court, Nick préféra la laisser continuer, Lucy étant apparemment bien partie dans son élan. « Crois bien que si j’avais su je n’aurais pas fait ce choix-là, toi, te réfugier dans la drogue, c’est… Je n’aurais jamais imaginé que tu puisses m’aimer autant. » Et là, ce fut le coup ultime qu’il fut possible de lui porter. Nick, sous le choc, retira brusquement ses mains, comme s’il venait de se brûler. Il la savait aussi dure que lui à certains moments, mais était-elle réellement en mesure de lui infliger de telles blessures après tant de temps passée loin de lui ? Comment pouvait-elle seulement avoir douté ne serait-ce qu’un instant de l’amour qu’il lui avait porté et qu’il – admettons-le – lui portait toujours ? Faisant un pas en arrière, Nick sentit comme une douleur se former autour de son cœur. A croire qu’il était en ce moment celui qui était le plus proche de la crise cardiaque !

C’était tout simplement un cauchemar… Il allait se réveiller, chez lui, seul. Il ne pouvait en être autrement. Lucy était morte et tout ceci n’était que le pur fruit de son imagination. Voilà, c’est ça. Il allait se réveiller et malheureusement pour lui, elle ne serait pas là, mais fort heureusement, il n’aurait jamais entendu ce qu’il venait pourtant d’entendre.

C’est le cœur gros, et le regard dorénavant dans le vide qu’il avoua ce qu’il n’avait alors jamais avoué à personne. « Je n’ai jamais aimé personne comme toi… » Il se passa une main dans les cheveux. « Et s’il avait fallu que je passe ces trois dernières années à ton chevet, je l’aurai fait ! J’aurai fait tout ce que j’aurai pu pour te rendre la vie plus facile jusqu’à ce que les médecins trouvent une solution ! Pour qui est-ce que tu me prends, Lucy ? Je n’en ai rien à foutre de mon boulot ! Et si démissionner avait pu me permettre de rester avec toi, alors oui je l’aurai fait ! Quitte à tourner en rond à l’hôpital comme tu dis, eh bien soit, je l’aurais fait ! » Alors que la colère ne l’avait pas animé un seul instant depuis qu’ils s’étaient retrouvés, il en était tout autrement dorénavant. « Mais non ! Tu ne m’as même pas laissé le choix de décider ce qui était bon pour moi ! Non, tu as préféré décider pour nous deux sans même prendre le temps de te demander ce que j’allais devenir ! » Il haussait le ton, sans même prêter attention aux serveurs les observant, un peu plus loin, intrigués mais trop intimidés pour oser les interrompre, devinant aisément qu’il ne s’agissait pas d’un moment facile. Les détails ne regardaient que les deux protagonistes.