Je n’étais pas venue, personne ne m’y avait vue. J’avais mes raisons; je détestais les bals. En fait, j’avais bel et bien acheté une robe, je m’étais bel et bien préparée, mais ce n’était pas pour le bal que je l’avais fait; mais bien pour Jayson. Il m’avait proposé d’y aller avec lui, mais je lui avais presque rit au visage; moi, à un bal? Si je n’étais pas forcée et payée pour le faire, pas question que je me présente là-bas. Mais je savais très bien que le Iota n’était pas plus intéressé par la soirée que moi, mais probablement bien intéressé par ce qu’on aurait pu faire après. J’avais donc proposé de sauter la partie superflue – le bal – et de passer directement à l’action. Honnêtement, la robe n’avait pas fait plus de cinq minutes sur moi, ni trois secondes lorsqu’il eut ouvert la porte, mais c’était comme ça que j’aimais mes soirées de bals. Sans bals et avec les avantages. Le jeune homme avait fini par quitter mes draps et moi aussi; direction la douche. Probablement que cette soirée aurait été d’un ennui mortel si Siloé n’avait pas été là, comme si toutes les deux nous étions parmi les seules personnes censée de Berkeley! À bas les paillettes et les robes longues! Nous, c’était direction le centre-ville et les boites de nuit branchées qu’on avait choisi pour cette soirée. Alcool, nombreuses rencontres, rires et délire, danser jusqu’au petit matin; qu’on se le dise, nous avions été bien loin de tout le drame qui s’était passé ce soir-là. Ç’avait été étrange de ne pas avoir de nouvelles de Jayson maintenant que j’y pensais, mais je m’étais simplement dit qu’il avait eu sa dose déjà. Ce n’est donc que la veille que j’appris la nouvelle de ce qui s’était passé cette soirée-là à Berkeley. Je ne connaissais pas cet omicron, au départ je me disais simplement que c’était plutôt amusant et stupide d’avoir choisi cette soirée en particulier pour se suicider, puis l’autopsie et l’enquête avait révélé qu’en fait, le décès était un meurtre. Eh bien, pour une fois que je manquais une soirée, il se passait quelque chose… Non, ça ne faisait pas grand-chose, j’avais d’autres chat à fouetter, et surtout ça ne me concernait pas. Ou peut-être que si en fait, parce que je devais encore prouver mon innocence auprès de tout le monde. Mais Jayson et Siloé pouvaient prouver que j’étais au-dessus de tout soupçon, une fois que ce serait fait et que Abi aurait fait la même chose – puisque elle non plus n’était pas allée au bal pour des raisons qui m’échappaient encore pour le moment mais que je ne tarderai pas à savoir – nous avions comme intention de partir à l’extérieur. Pourquoi pas direction Milan?
Et donc voilà, pour le moment, je me retrouvais coincée ici dans cette pièce bondée avec d’autres étudiants lambdas parce que notre cher doyen pensait qu’il avait les idées du siècle, afin de prouver mon innocence. Ha. Et puis quoi encore… Il aurait peut-être dû accepter que les gens boivent à ce bal, ce drame ne serait peut-être pas survenu et tout le monde se serait aimé et amusé. Peu importe. Je regardai autour de moi, essayant de trouver une tête familière parmi l’assemble, de préférence Siloé pour qu’on puisse donner notre alibi et simplement foutre le camp de cet endroit.

Spoiler:

Encore une fois, le bal de Berkeley était marqué par un événement tragique. L'an dernier, c'était la fusillade de la Saint-Valentin. Alors qu'Elmas pensait que tous ces mauvais souvenirs étaient derrière elle, c'était sans compter sur le destin qui s'acharnait sur l'université. La jeune femme avait longtemps hésité à se rendre à cette soirée, et serait sûrement restée tranquillement dans son appartement si elle n'avait pas invité Sam à s'y rendre en sa compagnie. Pendant quelques mois, elle n'avait pas jugé bon d'informer son ami de sa santé fragile et l'avait donc laissé dans l'ignorance totale. Alors évidemment, celui-ci avait besoin d'explications. Des explications qui cette fois-ci éclairciraient un peu plus la situation dans laquelle ils se trouvaient tous les deux. Finalement, il n'y avait pas eu que du mauvais, elle avait réussi à parler calmement avec l'oméga et elle était bien heureuse que cette tension se soit apaisée. Arrivée dans cette grande salle qui regroupait les étudiants lambdas, la russe lança un regard rapide sur l'ensemble de la pièce à la recherche d'une connaissance. Elle était déjà bien assez tendue comme ça, même si elle était innocente, et elle avait d'être avec une personne de confiance en ce moment. Comme la plupart des personnes présentes, elle passerait par l'étape de l'interrogatoire. Finalement, elle reconnut parmi la foule Alessandra, avec qui elle avait développé une amitié. En effet, lorsque l'ancienne iota quitta sa confrérie, cette dernière fit en sorte qu'elle se sente bien dans ce nouvel environnement. « Bonjour. » Elmas esquissa un léger sourire, se voulant sincère, mais qui visiblement était forcé. Avec tout ce qui lui était arrivé ces derniers mois, elle n'avait pas besoin d'un meurtre en plus pour venir bousculer sa vie. Elle était fatiguée, et en avait plus qu'assez. Une blonde se tenait à côté de son amie qu'elle ne connaissait que de vue, Siloé. Elmas n'avait pas encore eu le temps de prendre ses marques au sein des lambdas, passant la plus grande partie de son temps avec Meleya ou d'autres amis répartis dans des confréries. « En tout cas, ils ne risquent pas de nous laisser partir de sitôt. » La tête reposée sur ses mains, le regard dirigé vers le vide, elle poussa un léger soupir. « Je ne vois vraiment pas qui pourrait être l'assassin ici. » Elle n'arrivait pas à concevoir que quelqu'un de leur entourage ait commis un acte comme celui-ci. Pas encore une fois. Cette fois-ci, ça serait forcément une personne extérieure à l'université. Elmas n'avait rien à craindre, elle avait passé toute la soirée avec Sam, lui donnant enfin les explications qu'il méritait. Elle n'avait donc pas eu l'occasion de s'absenter ou de se donner à une autre occupation. Elle était bien trop préoccupée par leurs retrouvailles pour donner de la tête ailleurs. Elle avait même un témoin, Eden, sa sœur jumelle qui vint la rejoindre quelques instants après la découverte du corps de l'anglais.

Un nouveau bal. Une nouvelle tragédie. A ce rythme là, il allait falloir bannir ce genre d’événement de Berkeley vu les catastrophes qui s’enchaînaient au fil des années, même s'il est vrai que personne ne pouvait s'imaginer l'issue du bal. Enfin bref, maintenant ils étaient contraint de rester à San Francisco et de trouver qui était le meurtrier. Génial. C'est sûr, il n'y avait pas de meilleures vacances possibles, comme s'ils n'avaient rien à faire d'autres de leur été, comme s'ils avaient tous la fibre d’enquêteurs. Et puis, pour instaurer une paranoïa collective, il n'y avait rien de mieux. Maintenant tout le monde allait suspecter son voisin, la première personne sans "réel alibi" pouvait être soupçonnée...  Alors bon "haut les cœurs, et cherchons le coupable".

Sebastian, était arrivé au moment où Orphée s'était mis à parler. C'était plutôt bien trouvé cette comparaison avec le cluedo. Il avait jamais été trop doué à ce jeu-là, enfin ça c'était peut-être parce que son frère trichait tout le temps. En même temps qui serait enthousiaste à passer son été au campus à chercher un coupable qui s'est peut-être déjà barré ou qu'on ne trouvera certainement jamais. C'est bien d'être positif dans la vie Seb, c'est sûr que comme ça , avec de telles paroles, tout le monde sera encore plus motivé. Et non, il ne connaissait pas spécialement la victime, même pas du tout. Il voulait peut-être prendre l'air, parce qu'il trouvait qu'il faisait trop chaud, ou qu'il y avait trop de monde ?! Il se tut quelques secondes, l'étudiant en médecine détestait la foule être compressé et compagnie, alors il pouvait comprendre tout à fait qu'à un moment, une personne aurait voulu s'isoler, prendre l'air et compagnie.... et le toit semblait une initiative disons.... intéressante.  Ou sinon, quelqu'un lui avait donné rendez-vous là-bas. On pourrait aussi penser à la vue, mais ça serait quand même bizarre. En fait on a des dizaines et des dizaines de scénarios qui pourraient être possible. Il se tut quelques secondes. Il fallait qu'il arrête d'être pessimiste et cynique par moment parce que ça ne lui réussissait vraiment pas.

Il y avait peut-être, par ailleurs, une autre question à poser Vous étiez au bal vous ?! Ou je suis le seul fou à m'y être pointé ? Parce que oui, il y était allé, avec une autre Lambda Calli', mais ils avaient plus passé leur temps à parler qu'autre chose, bon d'accord ils avaient aussi dansé un peu. D'ailleurs, c'était assez étrange de danser avec son ex, mais là c'est un autre sujet.

Je sautai presque de joie en voyant Siloé débarquer et s’installer à mes côtés. Ce qu’elle en s’asseyant était plus que vrai. J’hochai la tête lentement avant d’ouvrir la bouche et d’être interrompue par quelqu’un. Je levai les yeux pour tomber sur Elmas. Tiens, soudainement, je ne me sentais plus seule au monde. Je souris de toute mes dents à l’ancienne Delta et lui fit signe de prendre place à mes côtés. « Elmas, comment tu vas? » Ça faisait un moment que je n’avais pas vu mon aînée. Je fis les présentations rapidement entre les deux jeunes femmes avant d’entendre la voix d’Orphée et de voir un garçon que je ne connaissais pas mais que j’avais vu dans les résidences personnellement se joindre à notre petit groupe. Je finis non de la tête à la première question du New-Yorkais avant d’ouvrir la bouche à nouveau « Si c’est un remake de Scream, la prochaine victime devrait être une blonde aux gros seins, je crois qu’on est tous sauvés… » puis je me tournais vers Siloé. « Sauf toi! » Ce n’était pas le moment de faire des plaisanteries? Ah non? Mais à quoi bon tous faire des têtes d’enterrement… Oui quelqu’un était mort, mais personne qu’on connaissait. En fait, personne ne le connaissait vraiment cet omicron. Je fronçais les sourcils à cette pensée. Si Constance Latour Dubois était décédée ainsi, les trois quarts du campus auraient pu être suspectés, mais cet étudiant était… presque un fantôme. Personne ne semblait le connaitre, personne ne semblait rien savoir ou du moins, personne n’admettait rien. Honnêtement, en tant que Lambdas, nous étions bien loin des histoires de confréries, d’ailleurs la plupart des gens qui avaient été présents à ce dit bal étaient des membres de confrérie. Il n’y avait pas de cas type Lambda, il y avait un peu de tout dans cette confrérie, n’importe qui aurait pu faire cela, mais je doutais très fort que ce soit le cas; nous étions personne. Ça devait être un membre d’une confrérie très certainement. Un ancien omicron peut-être? Ou bien un Epsilon; j’étais bien placée pour savoir que les richards pouvaient bien faire n’importe quoi et s’en sortir avec leur argent, ils étaient bien beaux, mais ils cachaient de lourds secrets. Les Betas étaient probablement trop occupées à s’admirer dans un miroir et les Deltas à s’embrasser les biceps pour pouvoir faire un meurtre. Les Gammas étaient les suspects premiers; un tueur en série ou plusieurs pouvaient bien se cacher parmi les rebelles et c’était totalement l’inverse pour les Alphas! Les membres des Omegas étaient généralement beaucoup trop occupés à boire et faire la fête pour planifier un meurtre… Les Iotas et leur tempérament compétitifs pouvaient faire de bons suspects, et les sigmas… Non pas un Sigma! Certainement pas… « Iota, Epsi, Gamma, Sigma… ou un ancien Omicron, c’est là qu’il faut aller chercher d’après moi… » dis-je plus pour moi-même que pour le reste de l’assemblée.
Tandis que Sebastian arrêtait de parler après avoir donné ses hypothèses, je croisai les bras sur ma poitrine. « Ce que Siloé a dit est vrai… On doit jouer les détectives pour eux? Pourquoi? Personne ici ne le connaissait cet étudiant… Parce que ces foutus enquêteurs n’ont pas de pistes, c’est nous qui devons faire leur travail à leur place?! C’est incroyable quand même… Tout ça c’est une perte de temps selon moi. » Et Siloé avait raison sur un autre point; on avait trop bu la veille et réfléchir commençait à me donner un sérieux mal de crâne. Le dernier arrivé parla à nouveau et mes yeux bleus se braquèrent à nouveau sur lui. Une autre réponse négative de ma part. « Mon pauvre, toi tu vas passer l’été à San Francisco de force ça veut dire. Bref, non, pas de bal pour moi… J’ai passé une partie de la soirée en compagnie de Jayson Morello, puis ensuite Siloé et moi on est sorties en ville. Le meurtre a du se passer lorsque nous étions au centre-ville. Ça doit être ça non? » Je posais ma dernière question à l’attention de ma colocataire puis tournais mon regard vers Elmas et Orphée. « Et vous? Vous étiez où? » Non, je ne devenais pas suspicieuse, mais tout le monde devait bien donner son alibi à un moment ou à un autre.

Personne ne savait comment ce tragique événement avait eu lieu. Ils avaient entendu quelques rumeurs, comme quoi une ombre avait été vue après la mort de ce Riley, mais sans plus. La police n'allait sûrement pas trouver grand chose ici, puisque de toutes évidences le coupable n'allait pas se rendre. Le fait de ne pas être seule parmi cette foule la réconfortait, elle y trouvait quelques têtes connues, et c'était plutôt bien pour passer le temps. Ils allaient devoir supporter cette situation pendant de longues heures encore, et tous les moyens étaient bons pour s'occuper. « Ça pourrait aller mieux. Mais bon, ça doit être le cas pour tout le monde ! » Tous auraient aimé être ailleurs qu'ici en cet instant. La remarque de la jeune lambda la fit rire, ce qui détendit quelques instants l'atmosphère. Mais le sérieux de la russe refit rapidement surface. Le meurtre était au cœur de toutes les discussions, quoi qu'on y fasse. « Ils n'ont pas le choix, c'est comme ça... » essayait-elle d'ajouter d'une voix douce. Ils allaient devoir attendre et faire preuve d'une très grande patience. Alessandra et son amie n'avaient pas assisté au bal. Quelle chance, elle ne pouvait s'empêcher de le penser. « J'aurais dû me joindre à vous finalement, ça aurait été bien mieux. Et puis l'idée de rester enfermée ici tout l'été est horrible. » Une grande partie des étudiants avait déjà planifié ses vacances. Que ce soit pour travailler, ou prendre du bon temps, ils avaient tous des occupations, et c'était plutôt frustrant de devoir tout annuler à la dernière minute. Enfin, Elmas ne pouvait pas faire grand chose en ce moment, vu sa santé fragile, mais San Francisco lui suffisait. Elle ne savait d'ailleurs pas comment elle allait survivre ici. Dans l'obligation de se rendre à l'hôpital pour ses dialyses plusieurs fois par semaine, les agents de police devaient la laisser partir, ne serait-ce que pour quelques heures. A moins que l'hôpital ne vienne à elle, ce qui serait plutôt étonnant. Mais là n'était pas la question, elle y penserait un peu plus tard. Puis le regard de son amie se tourna vers elle. Tout le monde se méfiait de son voisin, alors sa question était plutôt légitime. « J'étais avec Sam toute la soirée, à discuter. Il pourra le confirmer. Et puis Eden Hastings-Matveïv en est témoin, elle est venue me voir quelques instants. » Deux témoins de son innocence, il ne devrait plus y avoir de doute à présent. Il suffisait d'aller le demander aux principaux intéressés. « Sinon, je ne connaissais pas Riley. D'ailleurs je ne connais presque aucun omicron. J'étais … hospitalisée et se présenter exceptionnellement à la soirée d'accueil ne suffit pas à tous les rencontrer. Aucune raison donc de le tuer. » Tuer une personne qu'elle ne connaissait même pas, mais quel était l'intérêt ?

Tout le monde s’interrogeait sur les raisons qui poussaient les autorités à les laisser ensemble et regarder ce qui se passe. Cailin avait l’impression d’être plongé dans un bocal et de devoir faire des ronds comme le poisson qu’elle n’était pas. Tout ca pour se laisser admirer par un crétin qui tapoterait le verre de sa bulle.

Enfin, elle supposait que c’était la meilleure façon de trouver des indices. Contrairement aux autres, jouer les détectives lui plaisait. Cailin désirait son article à la une des journaux et trouver le meurtrier lui offrirait cette possibilité. Comme à son habitude, la jeune femme avec revêtu des vêtements apte à la mettre en valeur. Un short court, un top clair et des nus pieds lui permettaient d’affronter la chaleur. Même si l’intérieur était climatisé, la femme du Nord qu’elle était ne supportait pas le chaud.

« Salut tout le monde. » S’exclama-t-elle en entrant dans la pièce en remontant ses lunettes sur le sommet de sa tête.

Certes, elle était en retard mais elle avait une excuse d’enfer. Lea, sa petite, était malade depuis hier soir et elle venait tout juste de dégoter une nourrice. Les bonnes nourrices ne courraient pas les rues ! Alors, admirant les personnes présentes, elle avança vers une place libre.

« Je vous prie de m’excuse, ma petite était malade. Bref, je vous épargne les détails. Pourquoi les autres ne sont pas là ? Il serait plus intéressant de chercher qui n’est pas présent non ? »

Autant se lancer dans le bain dans l’immédiat non ? C’était les absents les plus suspects non ? Pourquoi il n’y avait que des lambda ? Est-ce normal ou pas ? Il lui semblait que les lambdas étaient bien plus nombreux. Etrange. Se laissant aller contre le fauteuil, elle admira à nouveau tout le monde, c'est-à-dire, pas grand monde malheureusement.