Je soupire. Au moins la dixième fois de la journée. J’ai horreur d’être enfermé dans une cage. Oui, l’université de Berkeley est devenu une cage depuis le moment où un imbécile avait jugé bon tirer sur un autre imbécile qui avait atterri 8 mètres plus bas. Mort. Je ne connaissais pas ce Joe, et personnellement, je m’en fous. Certains jugeront sans doute mon absence totale de compassion, ma froideur, ce qui ferait sûrement de moi le suspect numéro un, mais comme je l’ai dit, je n’aime pas être enfermé. Pire encore depuis ce qui m’était arrivé cet été. La mort de ma mère, tué de mes propres mains, bien qu’accidentelle, le fait que j’eus retrouvé la mémoire, me rendaient plus désagréable encore que d’ordinaire. Même avec mes comparses Gamma, les choses n’allaient pas bon train. Dire que j’étais juste passé pour voir une amie, à la base, au cours de cette maudite fête, et qu’il avait fallu que cet idiot… ok, du calme, du calme Beni.

Je m’approche de la salle où nous sommes tous censés nous retrouver pour un interrogatoire en règles. Ce qui me rassurait, c’est que, bien qu’il ne m’en ait pas informé, je savais que mon père ferait son enquête. Après tout, en tant qu’agent du MI6, ce genre d’incidents était de son ressort. J’espère par contre qu’ils ne sont pas aussi longuets que les flics pour traiter une enquête parce que sinon, on n’est pas dans la m***.

A peine arrivé, et une jeune fille, sûrement une Sigma étant donné que je ne l’avais jamais remarqué parmi les miens, se fait pister par un petit chauve à l’allure de furet. C’est lui l’inspecteur ? On les prend dans la rue de nos jours ou quoi ? On va bien se marrer. Moi qui me suis fait un poing d’honneur depuis tout petit de les emmerder jusqu’à ne plus pouvoir, je me ferais plaisir de les envoyer se faire foutre s’ils commençaient à m’interroger sur ma vie personnelle. Non parce que, vous les connaissez pas vous, les flics. Ils aiment fouiner dans tout et n’importe quoi. Surtout, dans n’importe quoi. Et le moindre petit indice compte. Que vous soyez sorti pour aller aux toilettes pendant deux secondes, et ils vous demanderont pourquoi vous n’avez pas attendu, ce que vous avez mangé comme repas du soir, jusqu’à analyser la consistance de vos crottes. Non, j’exagère pas.

Lorsqu’elle prend la parole, je grommelle entre mes dents. C’est une annonce officielle ? Bon sang, dire que je pourrais me la couler douce dans mon lit à l’heure actuelle. Ou mieux encore : passer du temps avec mon petit frère. Si j’attrape le co*** qui a tué ce Joe, je lui fais sa fête ! « Tu pourrais baisser le volume, y’en a qui essaient de dormir ici ! » m’exclamai-je soudainement en m’adressant à la jeune femme. Non, je ne dormais pas. Je somnolais, nuance. Et en faisant mine de dormir, j’écoutais les interrogatoires tout autour de moi. Pas bête l’idée, hein ?!

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Affalé dans mon siège, en plein repérage auditif des questions idiotes des poulets – cot ?- je n’ai pas entendu Lux s’installer à côté de moi. Il a fallu un coup de coude, qui manque de me faire manger l’accoudoir, et sa voix de fille, pour que j’ouvre les yeux et la regarde, d’un air mauvais. « J’étais en pleine dégustation culinaire, là ! » grognai-je à son attention. « Refais jamais ça. » J’ai horreur qu’on me tripote, et d’une. Même s’il ne s’agissait pas véritablement d’un ‘tripotage’ en bonne et due forme, mais enfin, elle avait compris où je voulais en venir. Et de deux, je n’aime pas être réveillé. Même quand je ne dors pas. « Quoi ? Vous voulez ma photo, vous ? » Pourquoi il me regarde comme ça, celui-là ? Mon ton revêche eut apparemment le don d’énerver l’un des flicards, puisqu’il s’approche bientôt de nous, en gardant son regard vissé sur moi. Si tu crois que tu m’effraies, ma poulette. « Vous êtes le suivant. » Je lui lance le même regard noir. Tant mieux. Si ça peut me permettre de sortir de cette salle des tortures plus vie, j’achète. « Hein ? » Une autre fille vient de débarquer aux côtés de Lux et de moi-même. Je ne crois que nous ayons déjà discuté elle et moi. Je sais évidemment qu’elle fait partie de ma confrérie, mais à part ça … Il faut dire que je suis aussi le moins sociable de tous. Parce que je suis Russe, que j’ai cette réputation de bad boy impossible à dompter, que je n’aime pas l’autorité – plus encore que les autres Gamma – et que j’aime traîner seul, comme un grand. On est très soudé, je ne dirais pas le contraire. Mais je suis soudé, tout seul. Comprendes ? « Pff, arrêtez de flipper. C’est juste la routine. » Même si nous étions tous d’accord. Les absents seront les premiers suspectés. A ce propos, où est passée Tacha ? Et Aengus ? « Toi ! Viens ici. » Lorsque le flic de tout à l’heure m’interpelle, je fronce à nouveau les sourcils, l’air plus insolent que jamais. « Et le mot magique alors ? Ca va, ca va, t’énerve pas, je viens. » Il n’en faut pas plus pour que je devienne le symbole officiel de la rebellion et que la pancarte ‘suspect’ n’apparaisse en caractères gras imaginaires sur mon front. S’il te plait, ça n’a jamais fait de mal à personne, pourtant. A croire que même les poulets n’ont pas d’éducation dans le coin.

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« Je ne récupère rien du tout. » soupirai-je à l’adresse de la Sigma. Je dors, parce que je m’ennuie. A moins que quelqu’un ait quelque chose à se mettre sous la dent ? Levez la main.  Enfin bon, je n’étais pas venu pour m’attirer des ennuis, même avec une aussi charmante personne. J’en avais suffisamment sur le coude en ce moment. Raison pour laquelle, je me contentai d’un énième soupir, et d’un regard empli d’insolence lancé à notre ami le flic, avant de discuter à petites fréquences avec les deux jeunes filles qui venaient de me rejoindre.

Tandis que l’interrogatoire se poursuit, et que je n’ai rien de mieux à faire que de clapoter les touches de mon portable pour envoyer un message particulièrement grincheux à mon professeur de père, sûrement dans la même galère à l’heure actuelle, j’entends des pas qui approchent. La même tornade à laquelle j’avais toujours été habitué. Mesdames et messieurs, Aengus O’Griffin vient de faire son entrée, et il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas la remarquer. « On ne fume pas dans une salle de cours, mademoiselle. C’est un lieu public, ici. » grogna alors l’un des policiers. Je souris, en songeant qu’il ne devait probablement pas savoir à qui il avait affaire pour sortir ce genre d’ineptie. Aengus aurait même pu fumer devant un bidon d’essence que ça ne l’aurait pas dérangé.

Pendant ce temps, je suis appelé à la barre. Me levant mollement, je m’installe face au poulet, rangeant mon portable dans ma poche de veste, et m’affalant contre le siège, les bras croisés sur mon torse. « Bon je dois faire quoi ? » Un autre soupir, signe de mon exaspération. « Nom, prénom, âge, confrérie, et ce que vous faisiez quand l’incident s’est produit. » me répondit l’homme en joignant ses doigts entre eux devant lui. « Shark Benedikt. » Depuis ce qui s’était produit avec ma mère, j’avais pris la décision de ne plus jamais utiliser son nom de famille. Une insulte à ce que j’étais, à ce qu’elle avait daigné m’offrir, à moi, son fils unique. « 21 ans et des poussières. Confrérie GAMMA. Et j’ai passé ma nuit dans les toilettes. » Non, pas pour ce que vous croyez. « ...A vomir. » ajoutai-je pour mieux me faire comprendre. Pas parce que j’avais trop bu, ou trop mangé. Parce que la nouvelle de la grossesse de Tacha avait de plus en plus de conséquences sur ma santé mentale et physique.

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