Kilian ne se trouvait pas exceptionnel à proprement parler... mais plutôt "spécial" dirons-nous. La remarque de son Poussin lui tira un sourire énigmatique au coin des lèvres. Avec elle, il était effectivement capable de passer du meilleur au pire, quand bien même un air joyeux viendrait du fin fond de son caractère naturellement pénible. Mais là, il n'avait pas été désagréable juste pour lui faire la leçon, il avait été désagréable par peur que leur soirée ne vienne à mettre en danger la vie du bébé et, par conséquent, que Juno s'en retrouve malheureuse. Le Sigma n'était pas un modèle de simplicité, il faut le dire. Mais il pensait d'abord à ses amis avant de penser à lui, bien que ces derniers ne soient pas légion. Ses yeux bleu azur se déposèrent sur le mini-Poussin qui gigotait doucement dans ses bras. Juno avait raison, il était temps de rendre cet enfant à sa mère.
Lorsqu'ils furent dehors, le fils Salaun s'assura que le bébé était bien protégé des éventuels coups de vent et le serra davantage contre lui juste pour lui offrir toute la chaleur corporelle et le sentiment de protection qu'il pouvait. Il avait les yeux tellement fixés sur lui qu'il manqua de percuter la Gamma quand celle-ci s'arrêta net, comme si elle venait d'être foudroyée par un éclair de génie. Sourcils froncés, il l'écouta débiter ce qui venait apparemment de ressurgir du fin fond de sa mémoire, derrière le brouillard que l'alcool avait temporairement jeté sur leurs souvenirs. Effectivement, Kilian ne se rappelait absolument pas de ce passage. Au mot "zoo", il se souvint clairement que son Poussin avait voulu adopter un tigre pour le ramener dans sa chambre, sous prétexte que cela faisait plus classe qu'une table basse. Ce à quoi avait répondu le Breton qu'il aurait aussi pu se poster lui-même dans sa chambre : sauvage, capable de rugir et au poil soyeux, il avait les mêmes qualités qu'un tigre. Cette pensée lui fit secouer la tête : on coupera au montage. Quoiqu'il en soit, son visage trahit très vite une expression de profonde colère et d'indignation : comment peut-on préférer une bouteille à son bébé ?! "J'me souviens pas de ça, non... mais je risque de me rappeler de l'encastrer dans une armoire, cette nana." avait-il grondé alors qu'ils marchaient en direction du dernier bar où devait se trouver la voiture du peintre. Soit il allait lui passer un savon, soit il allait se contenter de se montrer suffisamment méchant et imposant pour lui passer l'envie de boire ou se droguer pour le restant de ses jours. "Je te préviens tout de suite : si je sens que le petit courre un risque à rester avec cette femme, je le colle dans un foyer jusqu'à ce qu'une assistante sociale statue sur le bien-être de ce bébé. Hors de question que je le rende à une idiote qui préfère passer ses soirées à boire." Il planta son regard dans le sien. "Et je le ferais." Juno pourrait dire tout ce qu'elle voulait, il ne lui demandait présentement pas son avis, il l’informait juste de ce qu'il ferait s'il ne jugeait pas cette femme à la hauteur. L'ignorer revenait à ses yeux à de la non-assistance à personne en danger.

Toutefois, la présidente des Gammas prépara une demande à formuler : celle de garder le secret sur leur escapade. Le jeune homme s'arrêta et la fit miroiter quelques instants dans la plus profonde indécision sur les pensées qui pouvaient l'habiter... Un silence. Pesant. Puis il se pencha vers elle en inclinant légèrement la tête sur le côté. "Te dénoncer ?" Son sourcil gauche s'arqua. "Et prendre le risque de passer pour celui qui t'as fait boire alors que tu es enceinte ? Sûrement pas. Je culpabilise assez comme ça. Alors ne t'en fais pas... le Parrain ne dira rien." ajouta-t-il avec un petit accent italien digne des mafieux du pays. Ils arrivèrent à la voiture du jeune homme puis fut contraint de déposer le bébé dans les bras de Juno pour qu'elle s'en occupe durant le trajet qui les mènerait jusqu'à Berkeley. A l'intérieur, le Breton prit une immense inspiration pour profiter de la bonne odeur de sa voiture, comme si elle était plus réconfortante que n'importe quel autre lieu en ce bas monde. Il mit le contact puis s'engagea sur la route. "Fais attention au p'tit, hein... je vais rouler doucement, de toutes manières." Trop précautionneux, vraiment trop. "Au fait, vous n'avez pas encore réfléchi au prénom, j'imagine...? Tu sais, si c'est un garçon... Kilian, c'est très joli." Un léger sourire en coin se dessina sur ses lèvres. Au bout de quelques minutes, les contreforts de l'université se découpèrent du paysage.