"Tu me gonfles avec ta soirée, j't'ai déjà dit que je ne voulais pas y aller. Et arrêtes de me tripoter ! - Arrêtes de bouger, si tu veux que ça aille plus vite !" protesta Sydney en déposant ses mains sur les joues de Kilian pour le forcer à regarder son reflet dans le miroir. Derrière le fauteuil sur lequel il était assis, la Bêta s'activait pour mettre sa touche de style à la chevelure brune du Sigma... Non contente de l'obliger à aller à cette soirée, elle s'était aussi mis en tête de l'habiller de la tête jusqu'aux pieds comme une vraie styliste avec son modèle. "Estimes-toi heureux, mon biquet... - Arrêtes avec tes surnoms à la con, t'es pénible. - Oui, trésor. Je disais donc que tu peux t'estimer heureux, c'est moi qui me suis chargée de toute la préparation pour la soirée ! Tu n'auras plus qu'à t'installer derrière le volant pour nous emmener à Berkeley." Kilian arqua un sourcil en soupirant alors que les doigts fins de son interlocutrice se perdaient dans ses cheveux avec un peu de gel afin de leur donner une forme particulière. Ni trop pompeux ni trop en pétards : quelque chose de soigneux, étudié sans en avoir l'air. Bref, le travail d'une pro.
Quelques minutes plus tard, Sydney fit tourner le fauteuil du fils Salaun et le laissa s'admirer dans la grande glace qui se trouvait dans la chambre d'amis de la villa qu'elle partageait avec son frère Dominic. Kilian se leva et s'observa de bas en haut, tournant deux fois sur lui-même pour avoir toutes les coutures sous les yeux. Ce costume était vraiment splendide et avec l'effet Khelos par-dessus, il devait reconnaître qu'il dégageait un charisme et une allure incroyables. "J'accepte toute forme de vénération et d'adulation pour ce travail de pro." Un sourire en coin se dessina sur le coin de la bouche de Sydney qui adressa un clin d'oeil à l'étudiant avant de filer hors de la pièce. "Bah, tu vas où ? - Me changer, t'as de ces questions ! J'en ai pour dix minutes !" Kilian la regarda partir dans le reflet de la glace, un air blasé sur le visage. Mouais, dix minutes... "Et demain, j'm'habille en rose avec des strass et des paillettes, t'as raison..." maugréa-t-il à voix basse.

Cependant, la jolie blonde tint parole : en exactement 9 minutes et 33 secondes, la voilà prête : une robe bleue créée de sa propre main, une paire d'escarpins argentés, une pochette noire avec quelques strass pour accessoiriser l'ensemble. Ajoutez-y une coiffure soigneusement préparée et un maquillage parfait, vous aurez la raison pour laquelle la bouche de Kilian était quasiment béante en la voyant franchir les dernières marches de la villa menant à la voiture. Prétentieuse et arrogante sur son physique comme à chaque fois, elle se contenta d'un simple port de tête princier en réponse à l'attitude du fils de Logan puis elle monta à l'intérieur du taxi qui stationnait à l'entrée. Après avoir fait un dernier petit coucou à son neveu Max sur le point d'aller dormir, la belle s'installa plus confortablement avec son "cavalier improvisé" et le taxi démarra vers Berkeley.
"En plus, j'ai horreur de la Saint Valentin. - Parce que c'est plein d'amoureux hypocrites qui font semblant de s'aimer au moins une fois par an ? - Ouais, entre autres..." lâcha-t-il avec un petit sourire suite à la réflexion pertinente de la Bêta sur sa conception de cette fête des amoureux. En fait, elle lui faisait surtout penser à l'anniversaire de son père. Il avait beau ne pas l'aimer, il arrivait à chaque fois à se rappeler des dates clés de son paternel.

Vingt minutes plus tard, ils firent leur entrée dans la salle. La fête avait en plus été préparée de façon à faire un magistral pied de nez au Doyen... ce qui n'était pas plus mal selon Sydney : pour une fois que la Saint Valentin pouvait avoir un réel intérêt. Ce soir, elle avait trois buts... faire la nique la majeure partie des couples ridicules qu'elle croiserait inévitablement, souhaiter son anniversaire à Logan... et troisième partie du plan : faire en sorte que père et fils Salaun se retrouvent ensemble pour l'anniversaire du paternel. Pari relativement risqué quand on connait les deux fauves de cette famille et leurs rapports houleux, mais rien ne faisait peur à la paire diabolique Hutchinson/Khelos en la matière. La solution de repli de Sydney ? Se cacher derrière Cheyenne et scander qu'on ne frappe pas une femme enceinte. C'est de mauvais goût et il vaudrait mieux éviter dans la mesure où Sydney ne tenait absolument pas à lâcher cette bombe ce soir pour ne pas faire de mal aux deux concernés mais aussi à Kilian qui ignorait encore tout des rapports "spéciaux" entretenus entre son père et la future maman.

La blondinette se mettait déjà à rire en voyant la décoration saturée de rose, de rouge, de blanc... de quoi faire une syncope. "La prochaine fois qu'on fête la Saint-Valentin, je m'habille tout en noir... ça fera "période de deuil avancé", un look parfait pour trancher comme il faut." Kilian leva les yeux au plafond avec un nouveau sourire, acquiesçant silencieusement à ses paroles. Dans un sens, elle n'avait pas tout à fait tort. Galant malgré tout, il présenta son bras à la Bêta qui s'empressa de s'y accrocher afin de commencer à parader en vraie petite reine du bal. Quelques regards supérieurs par ci par là... mais où se trouve donc... Ah, la voilà ! Et le mastodonte en costume classe et chic à côté d'elle, c'est l'ourson Salaun. Un sourire de prédatrice s'afficha sur ses lèvres alors qu'elle fit signe à sa partenaire afin qu'elle prépare son propre énergumène à l'impact. Le mettre en condition. "Viens, on va à côté du bar ! - T'as raison, j'ai bien besoin d'un... oh merde. Viens, on fait demi-tour." lança Kilian en apercevant le visage de son père. Cependant, au moment où il amorça son mouvement, il se retrouva bloqué par le bras de Sydney entouré autour du sien. "Non, on va par là ! - Mais il y a Logan, j'ai pas envie de... - Alleeeez, tu viens maintenant !!" gémit l'égyptienne en le tirant de toutes ses forces pour l'obliger à la suivre. Le Sigma fut malgré tout contraint d'obtempérer et suivit à regrets sa cavalière. Tête basse, l'air bougon, mécontent.

Une fois arrivée face à Cheyenne et Logan, la fashionista s'arma de son plus grand, beau et fier sourire. "Ca alooors, quelle surprise ! - Garce..." lâcha le breton à voix basse en fixant Sydney avec un regard outré. Il venait de comprendre rien qu'à son petit ton artificiel qu'elle était à l'origine de cette rencontre. Et à en juger par le regard complice que s'échangeaient les deux femmes du quatuor, c'était un plan ficelé par leurs deux esprits. Un instant, il fut presque tenté de regarder son père avec une mine désolée, comme deux condamnés à mort se regardent avant d'aller au peloton d'exécution. Mais finalement, Kilian préféra soupirer avant de fixer son paternel de son regard bleu glace avant de se tourner vers la prof qui l'accompagnait. "Mademoiselle Hutchinson." Cordial mais sans plus, après tout elle était dans le coup. Ensuite, son attention se redirigea vers Logan. Alors qu'il demeurait imperturbable et silencieux, on ne pouvait pas en dire autant de Sydney : après avoir fait claquer deux bises sur les joues de Cheyenne, elle fixait le prof de théâtre avec un petit air surexcité. Elle en tremblait presque comme une feuille... Combien de temps allait-elle se contenir avant de laisser éclater un sonore "JOYEUX ANNIVERSAIRE !!", hein ?

« Tu as l'intention d'être comme ça toute la soirée ? » Nous venions d'arriver à l'université. Je ne répondis rien, me contentant uniquement de tourner la tête vers elle en fronçant les sourcils, pour bien lui faire comprendre que je me trouvais là, en sa compagnie, à contre-cœur. Qu'est-ce que je venais faire ici ? Fêter la Saint-Valentin. Une grande blague pour un homme comme moi. J'y allais avec Cheyenne ? Oui, elle représentait certainement la femme qui obtenait le plus le rôle de ''petite amie'' et par là, j'entendais bien sûr ''plan cul''. Le fait qu'elle porte mon enfant ne changeait strictement rien, à part rendre notre relation un poil plus sérieuse. Bref. Là n'est pas la question. Je ne voyais pas l'intérêt de célébrer l'amour ce soir. En plus, aujourd'hui, c'est mon anniversaire. Excuse stupide, je le conçois, dans la mesure où je ne le fêtais jamais. Mais, comme j'estimais avoir le droit à un cadeau, j'avais proposé à Cheyenne l'idée qu'elle me laisse chez moi, à siroter un bon verre de Whisky, et attendre que le temps passe. Néanmoins, elle n'avait pas été très convaincue par cette idée de présent. Et, comme elle m'a tanné durant je ne sais plus combien de temps, j'ai fini par accepter, ne serait-ce que pour qu'elle se taise. De toute façon, il restait inutile de discuter avec une personne complètement têtue comme elle. Je l'étais aussi, mais quand on arrive dans un tel conflit, il faut bien que l'un se sacrifie pour accepter la requête de l'autre, ne serait-ce que pour avoir un semblant de paix. Ainsi, en contre-partie, je lui faisais comprendre par mon attitude que cette soirée ne me plaisait pas. Pourtant, j'y mettais à peine le premier pied.

L'une des raisons pour lesquelles j'avais fini par accepter, en dehors de l'envie de la faire taire, c'était l'idée de rendre le Doyen chèvre. Je ne sais pas combien de fois j'ai atterri dans son bureau, me faisant remonter les bretelles comme un enfant qui enchaine les bêtises et l'école buissonnière. Néanmoins, par mon comportement, je lui faisais comprendre qu'il n'arriverait pas à jouer le père avec moi, que j'avais un problème d'autorité bien trop grand pour ça. Donc, l'idée de le faire chier me rendait presque heureux. Bien sûr, à côté de cela, je restais touché que Cheyenne veuille à tout prix sortir avec moi, ne serait-ce que pour m'éviter une soirée de déprime le jour de mon anniversaire. Si ça pouvait la rassurer après tout... mais l'envie n'était toujours pas présente. Qu'est-ce qu'un anniversaire à part un jour comme un autre ? Je venais de prendre trente-sept ans. Voilà ce qui changeait. Est-ce que ça m'apportait un plus dans mon existence ? Absolument pas.

Nous eûmes tout d'abord le droit à une photo. Et hop, un cliché avec un Salaun qui fait la gueule. Maintenant, direction le bar. Je tournais la tête vers Cheyenne qui semblait un peu trop heureuse à l'idée de boire. La différence, c'est qu'elle portait un enfant, notre enfant. C'est ainsi que je lui lançais un regard on ne peut plus sévère. Oui, qu'elle prenne de l'eau ou bien un jus de fruit. Pour ma part, j'avais besoin d'un verre de whisky. En temps normal, l'alcool est interdit dans ce genre de fêtes car tous les étudiants n'ont pas vingt-et-un ans. Néanmoins, pour ce soir, il était obligatoire de montrer sa carte d'identité. Quoi qu'il en soit, pour ma part, je n'en avais pas besoin. « Un whisky. », lançais-je donc d'une voix beaucoup plus calme qui insinuait le ''s'il vous plaît'' ainsi que le ''merci''. « Tu n'es pas trop mal habillé, pour quelqu'un d'aussi grognon. », finit-elle par me lancer alors que je baissais les yeux sur ma tenue. Rien d'extraordinaire. Une chemise blanche. Un costume noir. Des pompes italiennes. Et même une cravate. Disons que je faisais à la fois propre et charmant. Super. J'espère au moins avoir le droit à une partie de jambes en l'air ce soir, ne serait-ce que pour me féliciter de mon non-port de T-shirt et jeans usés. Mais au lieu de cela, Cheyenne monta sa main contre ma joue pour la caresser avec une certaine douceur. Je me pinçais les lèvres avant d'abdiquer en esquissant un très bref sourire qui signifiait tout de même que sa présence me rassurait. En réponse à son geste, je déposais un léger baiser sur sa tempe, tout ce qu'il y a de plus discret et machinal à la fois.

Mes yeux se posèrent un instant sur la robe noire de Hutchinson. Sa grossesse n'était pas encore visible. Ainsi, elle gardait sa taille de guêpe même si elle était persuadée avoir gardé ses kilos en trop, dus aux jumeaux. Je la trouvais stupide de se complexer de la sorte. Bien au contraire, elle était plus que délicieuse et désirable. Mais mon attention se reporta bien vite sur le comportement de Cheyenne qui d'un coup, faisant de grands signes de la main. Je me retournais, une mine de non-compréhension sur le visage. C'est à ce moment précis que Sydney ainsi que Kilian entrèrent dans mon champs de vision. Elle portait une belle robe bleue qui la mettait en valeur. Pourtant, je n'arrivais pas à y déposer toute mon attention. La situation était étrange pour quatre raisons. Tout d'abord, la présence de mon fils. La soirée risquait d'être bien trop tendue, et ça respirait le coup foireux à plein nez. « Cheyenne putain, t'as pas le droit de me faire ça... ! », murmurais-je, réellement d'une voix mauvaise. Le petit coup qu'elle avait apparemment manigancé avec Khelos ne m'amusait pas le moins du monde. Non pas que ça ne me faisait pas plaisir de voir mon fils, bien au contraire, mais ce sentiment n'était pas réciproque. Et c'est la raison pour laquelle je me sentais vraiment mal à l'aise. Je tentais de ne pas le brusquer, donc inutile de tout faire capoter de la sorte. Si la situation paraissait également étrange, c'est parce que Sydney semblait se présenter en couple avec mon fils. Et ça, c'était aussi insupportable qu'écœurant. Pour les moments que nous avions passé ensemble, j'estimais avoir l'exclusivité sur elle. Pas avec les autres hommes, mais au moins dans la catégorie Salaun. Ça serait vraiment trop étrange qu'elle vienne à se taper Kilian. La troisième raison ? Mes deux relations ambigües avec des femmes, toutes deux présentes ici. De quoi me mettre mal à l'aise. D'une part, celle que l'on peut qualifier étant ma ''sex-friend''. Et d'autre part, Khelos, ma proie. Certes, nous étions bien plus que ça. Des amis d'une grande complicité. Mais sexuellement parlant, elle m'attirait et nous nous amusions à nous pousser à bout l'un de l'autre. Enfin, la dernière raison : pour la première fois, Kilian me verra au bras d'une autre femme que sa mère. Et ça, ça se passe de commentaire. Mh... Bref. Tout ça pour dire que pour quatre raisons, j'avais envie de quitter l'université en courant.

Quand Sydney et Kilian se retrouvèrent en face de nous, le fait que ce dernier l'insulte de garce ne passa pas inaperçu. Il n'avait pas envie d'avoir un quelconque contact avec moi. Joyeux anniversaire Logan. Sincèrement, je préférais ne pas avoir de cadeau plutôt qu'un totalement raté comme celui-ci. Qu'espéraient-elles sincèrement ? Qu'en me voyant, mon fils me sauterait dans les bras ? Je restais silencieux, comme une proie pris au piège. Mes sourcils se froncèrent. Je n'arrivais pas à comprendre comment elles pouvaient me faire un coup aussi bas ? Je n'avais pas besoin ce soir d'avoir mon fils qui me rappelle sans cesse que je crains, que je suis mort à ses yeux. J'aurai dû rester enfermé chez moi. Vraiment. Mes yeux firent la navette entre Cheyenne et Sydney alors que Kilian ne m'avait pas adressé la parole. « Allez vous faire foutre toutes les deux. Gardez vos idées de génie pour d'autres personnes. » Je n'avais pas dit cela sur un ton agressif, plutôt déçu en fait. Finalement je me tournais vers mon fils. « Désolé... » Oui, je lui demandais pardon pour Hutchinson et Khelos, tout simplement. Je glissais ma main dans mes cheveux avant de me retourner pour m'approcher du bar où je buvais cul sec le whisky. Je posais mes yeux sur ma montre, hésitant clairement à partir.

Le regard que Logan avait adressé à Sydney n"était pas passé inaperçu, loin de là... il s'était porté sur elle puis sur la main de Kilian qu'elle tenait dans la sienne. Et vu son air, elle était certaine qu'il se faisait des films : après s'être envoyé le père, elle passait au fils. Un fin sourire amusé flotta sur ses lèvres à cette pensée : jaloux ? Possessif dans la famille Salaun ? Elle ne préféra rien ajouter pour l'instant car elle savait elle-même parfaitement pourquoi sa main se trouvait dans celle du jeune breton : le forcer à rester. Si elle l'avait accompagné ce soir, c'était justement pour lui faire passer une soirée sans couteaux tirés en compagnie de son paternel dont c'était l'anniversaire. Rien de plus. Par ailleurs, cela lui aurait fait franchement bizarre de coucher avec deux générations d'une même famille... un frisson lui parcourut le dos.
Kilian, quant à lui, demeurait profondément silencieux sans lâcher son paternel du regard, même lorsque celui-ci s'excusa du comportement des deux femmes un peu comme un père qui veut s'excuser de ses deux petites filles turbulentes. Son regard bleu azur le suivit pendant qu'il s'éloignait, rapidement suivi par sa collègue Hutchinson. Une prof' qu'il appréciait pas mal car même s'il n'étudiait pas l'histoire, il lui arrivait d'assister à certaines de ses interventions par simple passion ou envie. Dommage qu'elle se grille ce soir à ses yeux dans cette mascarade ridicule pour tenter de faire fondre la barrière de glace entre les Salaun. L'un comme l'autre étaient de véritables entêtés qu'il ne fallait en aucun cas forcer sous peine de se manger une réplique acerbe en pleine figure. Pour un peu, même si l'étudiant n'avait pas émis le moindre son ou mouvement, il aurait presque applaudi son père dans cette remarque particulièrement bien placée à l'encontre de leurs conspiratrices.

Sydney comprit le message silencieux envoyé par sa complice et tâcha d'oublier la culpabilité qu'elle pouvait ressentir dans la mesure où elle était en grande partie à l'origine de cette idée. "Tu ne peux pas faire preuve de gentillesse avec lui pour une fois ?" Kilian baissa la tête vers elle et lâcha sèchement sa main avant de la fixer avec un air si menaçant que Dark Vador en personne se serait étouffé derrière son masque. "J'ai horreur qu'on se foute de moi avec des pièges aussi merdiques." Sa voix était aussi tranchante que la lame d'un couteau. Trop de gens s'étaient amusés à le piéger, à lui mentir à ses dépends, à le manipuler pour diverses raisons... Une fois de plus, Kilian Salaun était un pion sur un échiquier, seuls les joueurs de la partie avaient changé.
Kilian s'apprêtait à partir lorsqu'une simple phrase de Cheyenne le stoppa net. Cette phrase là, son père lui avait sorti exactement la même à peine quelques jours auparavant, à l'hôpital après son accident suite à l'incendie de son appartement. Son père, qu'il le veuille ou non... c'était quoi, cette manie ?! Il fit volte-face et fixa la prof' avec une intensité toute particulière, lui prouvant par là que titiller le fils était aussi dangereux que vouloir le faire avec le père. "Avec tout le respect que je vous dois, vous feriez mieux de vous mêler de ce qui vous regarde, mademoiselle Hutchinson. Et permettez-moi de vous le dire d'une façon bien plus polie que ce qui me passe par l'esprit en ce moment." Du Kilian tout craché : respectueux car il n'oubliait pas qu'il s'adressait à un membre de l'équipe enseignante, mais profondément cassant et glacial dans sa manière de s'adresser à elle.

Toutefois, en voyant son père près du bar aux prises avec sa collègue, Kilian fronça les sourcils. Ses yeux se mirent ensuite à courir dans la salle... Sydney était en train de lui parler, il ne l'écoutait même pas. En fait, il pensait à autre chose. Non, il n'aimait pas son père... du moins, il ne lui apportait pas la considération qu'on peut attendre d'un fils envers son père. Mais d'autre part, certains éléments jouaient en faveur d'une décision sûrement très étonnante qu'il s'apprêtait à faire. Lorsqu'il reprit véritablement pied avec la réalité, le breton cligna des yeux en reprenant le fil impossible à couper des paroles de la Bêta. "... parce que si tu pars du principe que... - Attends, tais-toi pour voir ?" Surprise, Sydney s'arrêta directement, Kilian laissa passer environ cinq secondes et prit un air soulagé. "Ah ouais, c'est mieux comme ça. Bon, maintenant sois un ange et files avec ton acolyte un peu plus loin. On revient après." Sceptique, Sydney plissa les yeux mais un sourcil arqué du fils Salaun parvint à la convaincre de ne pas insister.
L'égyptienne déposa son bras autour de celui de Cheyenne puis lui décocha un sourire avant de s'avancer vers Logan. "Tu m'excuses, Nounours, je t'emprunte ta jolie brune deux minutes... t'en fais pas, je te la rends tout de suite ! Ah, au fait..." Elle sautilla sur la pointe des pieds et lui fit une bise sur la joue, se fichant pas mal qu'il soit d'humeur à égorger un boeuf avec les dents. "Bon aaaaaanniversaaaaaiireuuuuuuh !!" Chieuse ? Rooooh, non, c'est tellement pas Sydney ! Puis elle a un excellent fond. Une fois seule avec Cheyenne, elle soupira en la regardant. "On aurait peut-être dû les assommer et les faire se réveiller ensemble après, non ? Ligotés l'un avec l'autre..." Le pire dans tout ça, c'est qu'elle parlait avec un sérieux perturbant.

Kilian s'approcha de son père, à nouveau seul au bar. Il commanda un whisky lui aussi... sauf qu'il n'avait pas la majorité américaine pour pouvoir en avoir. Qu'à cela ne tienne : en présentant cinq dollars à la place de sa pièce d'identité, il récupéra tout de même son verre. Ses yeux restèrent posés en face de lui, dans le vide, avant qu'il se décide à rompre le silence. "On n'arrivera pas à se débarrasser de ces deux-là pour ce soir." Un fait impossible à nier, même avec toute la mauvaise foi imaginable. "Passons un marché : j'essaie d'oublier la quantité de reproches que j'ai à te faire l'espace d'une soirée, une soirée seulement, et on fait face aux deux comploteuses ensemble. Pas de méchanceté, pas de silence gêné, rien qu'une soirée si possible normale. Demain, la vie reprendra son cours, mais laissons demain là où il est pour l'instant." Le jeune homme tourna enfin la tête vers son paternel. Il n'y avait pour l'instant pas de sourire mais son visage semblait s'être tout de même un peu adouci. "Je ne fais pas ça par obligation, leur idée n'est pas si idiote. Je me dis juste que pour ton anniversaire, je peux sans doute ne pas être un con avec toi au moins l'espace d'une soirée, une fois dans l'année." Il leva son verre dans sa direction pour l'inviter à trinquer avec lui. Attention, Kilian était un excellent acteur, c'était de famille... Logan allait-il croire en sa bonne foi ou non ? Car à cet instant, rien n'indiquait que le Sigma se payait sa tête, pour une fois. "Alors, vendu ?" ajouta-t-il en désignant son verre d'un mouvement léger de la tête.

Je voulais être seul. Je désirais m'éclipser, ne pas avoir à faire à Cheyenne ou Sydney. Leur attitude ainsi que leur manigance ne me plaisaient pas du tout. Qu'espéraient-elles sincèrement ? Que des problèmes vieux de treize ans allaient s'arranger au cours d'une seule soirée en nous pointant l'un devant l'autre ? Elles n'étaient pourtant pas aussi naïves. Avaient-elles, au contraire, envie de me pourrir ma soirée d'anniversaire ? Ça m'étonnait, mais pourtant, c'est bel et bien ce qu'elles arrivaient à faire. Soudain, je sentis une main – que je devinais être à Cheyenne – se déposer sur mon bras. Mes sourcils se froncèrent d'un coup. Qu'attendait-elle pour me laisser tranquille ? Si elle avait eu l'occasion, ne serait-ce qu'une seule seconde, d'atterrir dans mon esprit, elle aurait vite compris qu'il valait mieux pour elle, comme pour Sydney, de se tenir à l'écart, et me laisser un espace vital assez conséquent. Mais au lieu de ça, la jeune anglaise, et future mère de mon enfant, reprit la parole. C'était donc dans l'espoir de briser la glace. J'eus un rictus dévoilant ma mauvaise humeur. S'il nous était impossible de nous retrouver ensemble, c'était pour une raison bien précise. Kilian préfère se tenir loin de moi, et l'idée d'être rabaissé au rang de merde le temps d'une soirée entière ne me plaisait pas. Pas aujourd'hui. Je n'avais pas la force d'encaisser et j'aurais aimé qu'elles le comprennent. Tous les jours j'essayais de renouer le contact. Mais c'était bien plus difficile que ça en avait l'air.

Alors que du coin de l'œil je pouvais voir mon fils faire volte-face afin de partir, Hutchinson le stoppa rapidement dans son geste en lui assurant que j'étais son père, qu'il le veuille ou non. Cette parole, je le lui avais déjà sorti à l'hôpital quand il avait fait une chute dans les escaliers de son immeuble. Et là, une légère grimace s'installa sur mon visage. Elle allait prendre cher, très cher... Et bim ! Les paroles fusèrent de ses lèvres comme une multitude de couteaux aiguisés. J'avais presque envie de rajouter que nous avions le même caractère, que ça lui plaise ou non. Le père comme le fils. Aucun ne se laissait marcher sur les pieds. Nous étions un peu comme des chats qui se laissent caresser le ventre quelques secondes, mais quand une personne se montre trop insistance, on ne perd pas de temps à user de nos dents ainsi que de nos griffes pour montrer notre état d'esprit.

Je tournais un instant la tête vers Cheyenne alors que je l'avais jusqu'alors ignoré du regard. L'attrapant par le poignet, je l'attirais un peu à l'écart avant de l'observer dans les yeux en fronçant les sourcils. « Qu'est-ce que tu crois ?! J'essaie de renouer le contact avec lui, mais ça prend du temps ! Je ne peux pas arranger treize ans à coup de belles paroles ! Toutes les deux, vous pensez peut-être qu'on va finir par se jeter dans les bras l'un de l'autre juste sous prétexte que vous nous avez obligés à passer dix minutes ensemble ?! Désolé, mais ces problèmes familiaux sont un peu plus complexes que ça ! », chuchotais-je à son attention, lui montrant ainsi qu'elle et Sydney n'avait pas à se mêler de ce qui ne les regardait pas. Je suis assez grand pour prendre mes propres décisions.

Soudain, Sydney arriva pour récupérer la présence de Cheyenne. J'en venais à me demander si leur franche camaraderie était au courant du fait que j'avais été sexuellement actif avec elles deux. Quoi qu'il en soit, je chassais bien vite cette idée de mon esprit. « Tu m'excuses, Nounours, je t'emprunte ta jolie brune deux minutes... t'en fais pas, je te la rends tout de suite ! Ah, au fait... » Et sans que je ne puisse l'interrompre, elle me colla un baiser sur la joue en me souhaitant un bon anniversaire. Mes sourcils se froncèrent. « Ferme là. Et oui, tu peux me l'emprunter, je peux même te la donner pour le coup. Sortez faire un tour, perdez vous, ne revenez pas, j'en sais rien mais pour le moment, je vous conseille de respecter mon espace vital. » Ma mauvaise humeur montrait clairement que je ne plaisanté qu'à moitié, et encore...

Voilà, je me retrouvais seul avec mon fils. Profondément mal à l'aise, je restais au bar, partant même dans l'optique que passer la soirée totalement ivre serait certainement plus agréable. Contre toutes mes attentes, mon fils s'approcha et commanda à son tour un Whisky. Mes sourcils se froncèrent un instant, traduisant ma surprise. Il n'a pas la majorité américaine. Mais qu'à cela ne tienne, il est avant tout français, et dans notre pays natal, il aurait déjà eu l'occasion de se prendre des cuites monumentales depuis ses dix-huit ans, sans compter le fait que personne ne respecte cet âge. Voilà pourquoi je ne disais rien. Il est un homme, il fait ce qu'il veut. « Passons un marché : j'essaie d'oublier la quantité de reproches que j'ai à te faire l'espace d'une soirée, une soirée seulement, et on fait face aux deux comploteuses ensemble. Pas de méchanceté, pas de silence gêné, rien qu'une soirée si possible normale. Demain, la vie reprendra son cours, mais laissons demain là où il est pour l'instant. » Je commandais un nouveau verre de Whisky, quelque peu sceptique. Était-ce réellement ce dont il avait envie ? Que l'on fasse la paix l'espace d'une soirée ? Ça me paraissait étrange et pourtant, peut-être était-il sincère. Il me fallu un moment avant de prendre le risque de me faire piétiner. Je finissais donc par esquisser un petit sourire avant de lever le verre qu'on venait de me servir. « Vendu, à condition que tu m'aides à leur mener la vie dure... » Nos verres s'entre-choquèrent alors que je le vidais. Je jetais un rapide coup d'œil vers Cheyenne et Sydney qui tournais bien souvent la tête vers nous pour s'assurer que nous ne prenions pas la fuite. « Au fait, comment tu connais Sydney ? », lui demandais-je en fronçant légèrement les sourcils sans quitter la blonde des yeux. « Vous deux vous... » Le sous-entendu ? Est-ce qu'ils couchaient ensemble ? Non parce que ça serait tout de même un peu écœurant de me dire que mon fils a peut-être introduit ce qu'il a entre les jambes dans... et bien dans le même endroit que moi. Légère grimace. Si c'était le cas, elle allait m'entendre.

Sydney avait levé les yeux au plafond en mimant un baiser en direction de Logan pour lui renvoyer toute sa mauvaise humeur en se fichant totalement de savoir s'il le prendrait bien ou pas. Il devait être habitué depuis le temps : ce n'est pas en grognant après elle qu'on arrive à avoir ce qu'on veut, bien au contraire... plus on se montre désagréable avec elle et plus elle a tendance à en rajouter des tonnes pour jouer l'emmerdeuse jusqu'au bout. C'était une attitude qui pouvait la brouiller avec pas mal de monde mais malheureusement, elle ne pouvait pas s'en empêcher. Mieux valait laisser les deux Salaun régler leurs comptes tous les deux. De toutes manières, si jamais ils décidaient de prendre la fuite, les filles savaient ce qu'elles avaient à faire : les pourchasser, leur sauter dessus, les plaquer au sol et les ramener à l'intérieur de la salle par la peau du cou. Oui, restons dans le primitif : c'est efficace, simple à se rappeler, le plan parfait.
"Traîné la patte, tu crois ? On avait déjà du mal à canaliser le père... pour le fils, c'est loin d'être plus brillant." répondit-elle à Cheyenne avec une voix plus blasée que jamais. Il leur arrivait très souvent de parler de Logan un peu comme d'un petit garçon capricieux à qui sa maman n'arrive pas à lui faire faire ce qu'elle a envie. Parfois, elle comprenait vraiment pourquoi il s'entendait si bien avec son neveu Max : Logan savait faire preuve de la maturité d'un trentenaire aussi bien que de la mauvaise volonté d'un gosse de 5 ans en pleine période de contrariété. Pour peu qu'un jour elles envoient Logan au coin pour le punir de son attitude, il n'y avait pas des kilomètres... après, ce qui était moins sûr, c'est qu'il y aille. La belle sirota le cocktail que la prof lui avait rapporté tout en la surveillant du coin de l'oeil. Soudain, une question lui brûla les lèvres... et comme d'habitude, Sydney réfléchissait après avoir parlé, d'où sa franchise parfois déstabilisante. "Dis-moi... on dit souvent que la grossesse embellit une femme. Alors qu'est-ce qui se passe quand on est déjà trop canon ? Est-ce qu'on peut devenir "trop super canon" ? Au point d'en être dangereuse, de vexer quelqu'un ?" Sydney et ses questions si particulières... inimitable.
Sa question vis-à-vis de son rapport avec Kilian lui tira une de ses fameuses mimiques de dégoût. "Passer au fils après le père ? Non, ce serait vraiment trop..." Trop insensé, dégoûtant, déloyal et sans doute même décevant. D'une, elle ne voulait pas faire de mal à Logan, elle le savait possessif à certains niveaux... elle aurait même mis sa main à couper qu'il aurait grogné au premier qui poserait ses yeux sur Cheyenne ce soir en sa présence. Même s'il n'y avait absolument rien de sentimental entre eux hormis cette si belle amitié et complicité, elle aurait l'impression de le "tromper". De deux, elle avait peur d'être déçue. Non pas que Kilian soit forcément un mauvais coup mais Sydney avait pris tellement de plaisir avec Salaun senior qu'elle préférait de loin se contenter de ça plutôt que de se montrer trop curieuse. Ou trop gourmande. Puis une telle attitude ne ferait qu'augmenter les tensions entre le père et le fils : elle n'avait déjà pas voulu froisser Cheyenne, d'où son honnêteté, agir de la sorte avec Kilian serait stupide. "Je ne pense pas qu'il sache que je t'ai mise au courant... Mais à mon avis, son ignorance pourrait jouer à notre avantage, si on veut s'amuser un peu." Sur ce, la Bêta glissa un regard empreint de malice et de perversité vers son interlocutrice. Vous voulez rendre un Salaun complètement maboul ? Adressez-vous aux deux expertes en la matière...

Du côté du bar, Kilian considérait son père avec un intérêt tout particulier... et cette fois, ce n'était pas pour remarquer un détail qui lui permettrait de le casser dans les règles de l'art. Dans un sens, il s'étonnait lui-même de faire preuve d'autant de bonne volonté alors qu'il lui en voulait toujours autant au fond de lui... Cependant, qu'est-ce qu'une simple soirée dans une vie ? Demain, il savait qu'il continuerait à le haïr et chercher à l'envoyer bouler dès qu'une belle occasion se présenterait, alors pourquoi ne pas faire les choses différemment ce soir ? Par ailleurs, il aurait Barbie et son acolyte en robe noire sur le dos toute la soirée si jamais il se décidait à agir comme au quotidien avec son père... Il y avait aussi une certaine raison cruelle qui lui avait effleuré l'esprit, vraiment vicieuse : se montrer agréable juste pour lui faire ressentir un aperçu de ce qu'aurait pu être leur relation s'il ne l'avait pas abandonné. Ca, c'est vraiment blessant, mais il ne prêta même pas attention à cette possibilité : non, pour une fois, Kilian était honnête et n'avait pas d'arrière-pensée sur son attitude conciliante. "Bien." répondit-il simplement avec un sourire avant de boire à sa santé. Pour une fois. "T'en fais pas pour ça... conspirer contre un Salaun, c'est déjà risqué. Mais contre deux, c'est du suicide pur et simple." Un sourire de prédateur se forma sur ses lèvres lorsqu'il daigna poser ses yeux sur la Bêta et la collègue de son père. Faire équipe avec lui pour mieux faire la peau à d'autres… qui aurait pu croire à un truc pareil ? Il garda son verre de whisky en main sans y toucher pour le moment : quelque chose lui disait qu'il allait en avoir besoin.
La question que lui posa Logan lui tira un petit rire cynique, comme s'il venait de balancer une vanne pour détendre l'atmosphère… ah non, il était sérieux. Le jeune homme fronça les sourcils et fit la navette visuelle entre lui et Sydney. Perspicace par nature, il n'en fallut pas plus pour qu'il comprenne ce qui avait créé cette grimace sur son visage. "On se connait de vue… elle m'a surtout parlé pour me convaincre de venir à cette soirée. De là à coucher avec elle, sûrement pas : j'ai déjà passé une heure avec elle pour qu'elle me fringue, qu'elle me coiffe et tout… ça m'a suffi. J'ai une santé mentale, j'y tiens." Il déposa sa main sur son épaule et appuya un peu pour glisser un murmure dans le creux de son oreille. "T'as bien du courage." Pas besoin d'être sorti de la Sorbonne pour comprendre que si son père semblait si hésitant sinon réticent physiquement à l'idée qu'il couche avec cette fille, c'est parce qu'il couchait lui-même avec. Cependant, il n'avait pas dans l'idée de le lui reprocher ou même de le faire se sentir mal-à-l'aise à cause de ça : il n'avait jamais attendu de son père qu'il se fasse chaste après la mort de sa femme… il était un homme, avec les besoins que cela implique. Il était séduisant et si Kilian tenait de lui son goût pour les plaisirs de la chair, il comprenait encore davantage. Ce qu'il aurait beaucoup moins apprécié, c'était de voir Sydney - ou une autre femme - se balader avec une alliance, son père dans l'autre main et se faire appeler Mme Salaun. Or, ici, ce n'était pas le cas. Lui-même ayant couché - et même été initié au sexe - par sa première prof de peinture, il était mal placé pour juger.

Les deux hommes finirent enfin par se rapprocher de leurs cavalières respectives, prêts à faire équipe pour se défendre. "Alors, les oursons sont encore fâchés ?" risqua Sydney avec son si beau sourire de tête à claques. "Si tu te ramasses une griffure avant la fin de la soirée tu le sauras… j'espère que t'es à jour dans tes vaccins, dans le doute." rétorqua Kilian en lui adressant un regard à la fois mauvais et taquin avant de boire une gorgée de whisky. La blondinette recula la tête, un peu surprise de voir que le jeune homme ne bougeait pas d'à côté de son père… et que celui-ci semblait tout aussi remonté mais pas contre sa progéniture. Les yeux verts de la jeune femme passèrent d'un Salaun à l'autre avant de s'attarder sur Cheyenne. Oups… qu'ils essaient de se supporter, c'est ce qu'elles voulaient… mais de là à les pousser à s'allier contre elles, c'était complètement imprévu et pas forcément bon signe. "On n'a pas peur, de toutes façons." lança Sydney avec aplomb… mais surtout en espérant que Cheyenne n'était pas intimidée non plus.

Je ne suis pas quelqu'un de méchant, contrairement à ce que l'on peut croire en m'observant agir dans la vie de tous les jours. Ainsi, je m'en voulu presque aussitôt d'avoir parlé ainsi aux filles, et notamment à Cheyenne. Cette dernière est beaucoup plus sensible en ce moment. J'aurai pu m'abstenir de me montrer aussi direct et méchant. De cette façon, je ne pus que remarquer son regard embué quand elle partit au bar pour aller chercher une nouvelle boisson. Je déglutissais, une expression de légère culpabilité sur le visage. Pourtant, je voulais qu'elle et Khelos comprennent que certaines choses ne les regardent pas. Maintenant, c'est trop tard me direz-vous. Un soupir presque inaudible s'échappa de mes lèvres. Voilà, désormais, je ressentais le besoin de leur demander pardon pour leur avoir parlé sur ce ton. Cependant, je me retenais. Ça attendra. En attendant, je comptais leur en faire baver.

Soudain, mes yeux se posèrent sur Sydney et Cheyenne qui parlaient entre elles sans nous lâcher du regard. Mes sourcils se froncèrent, tandis que je me demandais si elles étaient au courant qu'elles avaient partagé le même homme. Non, rectification. L'égyptienne, elle, était au courant, tout comme elle savait que j'avais mise enceinte ma collègue. Mais ce qu'ignorait certainement Hutchinson, c'était le fait que je couchais également avec la jeune blonde. Mh... étrange situation. Certes, je ne suis en relation avec aucune des deux. Le mot ''couple'' correspondrait davantage au lien que j'entretiens avec Cheyenne, mais encore là, rien n'est exclusif. Nous étions un simple plan cul, de bons amis et de futurs parents. Bon d'accord, ça restait quand même très bizarre...

« T'en fais pas pour ça... conspirer contre un Salaun, c'est déjà risqué. Mais contre deux, c'est du suicide pur et simple. » Il n'avait absolument pas tord. Je me demandais d'ailleurs si Cheyenne et Sydney arrivaient à déceler une certaine ressemblance entre Kilian et moi. En fait, ça me paraissait important. Le fait de découvrir que nous avions des mimiques communes, sans avoir eu l'occasion de les copier l'un sur l'autre me donnait cette agréable impression d'être plus proche de lui encore. Nous avions le même caractère sur bien des points. Le même côté grognon, sans aucun doute aussi. Déjà que je désespérais facilement les deux femmes, elles vont donc en voir des vertes et des pas mûres avec mon fils qui savait se montrer parfois bien plus dur.

Puis arriva le moment où j'eus besoin de savoir si Sydney et lui avaient déjà couché ensemble. Je me voyais déjà tomber des nu si il venait à me répondre par l'affirmative. Heureusement, il m'expliqua qu'elle n'était qu'une connaissance. La mine rassurée trahit certainement la neutralité de mon visage. Comme moi, quand je venais de rencontrer l'égyptienne, il affichait cet air exaspéré. Soudain il posa sa main sur mon épaule. Tout d'abord, ce fut ce contact physique qui me surpris. Mais j'arrêtais bien vite d'y penser au moment où il reprit la parole. « T'as bien du courage. » Là, il voulait clairement me faire comprendre qu'il avait déduit qu'elle et moi couchions ensemble, de temps en temps. Bon, certainement ne connaissait-il pas tous les détails, l'idée y était néanmoins. Je déglutissais. Kilian, 1 point. Logan, 0 point. Était-il par ailleurs conscient qu'étant le cavalier de Cheyenne, cela signifiait également qu'elle était l'une de mes conquêtes ? Il ne semblait pourtant pas mal le prendre. Enfin, il faut dire qu'il ne sait pas encore qu'Hutchinson est enceinte de moi. Mais je vais attendre un peu avant de le lui annoncer... même si je savais que ça ruinerait tous nos efforts. Cependant, même sans le lui dire il finira par l'apprendre et là, ça sera pire que tout...

Bref. Arriva le moment où Kilian et moi nous rapprochâmes des deux femmes, plus soudés que jamais – tu m'étonnes ! Et là commença une petite joute verbale entre Sydney et mon fils. Pour ma part, je croisais mes bras sur mon torse, dans une position dominante qu'on me connaissait si bien, alors que que mes doigts puissants agrippaient toujours mon verre de whisky. Une expression de fierté s'afficha sur mon visage alors que je me mettais à sourire. Khelos semblait apeurée à l'idée que mon fils et moi nous soyons réunis pour leur mener la vie dure. Quelle douce vision. Mes yeux marrons aux nuances vertes firent la navette entre mes deux conquêtes. Oui, j'étais toujours aussi troublé en les voyant en si franche camaraderie. D'ailleurs, j'en vins même à avoir une pensée malsaine. Ça ne serait pas inintéressant qu'elles fassent toutes les deux amie-amie avec moi sous les draps... à cette pensée, mon sourire se transforma rapidement en mine coquine, dévoilant aux deux femmes ma pensée du moment et ce, sans même prononcer un mot. Cependant, je récupérais bien vite mon sérieux quand je sentis le regard de Kilian sur moi. Je me raclais la gorge. Kilian, 1 point. Logan, -1 point.

« Bon, qu'est-ce qu'on va faire de vous deux ? » Je fis un pas vers Sydney avant de me tourner vers Cheyenne. « On vous amène dans un zoo pour que vous rencontriez de vrais oursons ? » Je pris une gorgée de mon whisky. « Ou bien on vous attache l'une à l'autre dans une des réserves de l'université pour la nuit ? » Je jetais un coup d'œil à Hutchinson. « Oui, t'attacher, ça éviterait que tu te suicides si tu dois passer plusieurs heures enfermer avec Sydney. » Un regard compatissant, lui faisant comprendre que ça pouvait relever d'une véritable torture morale... Une bonne punition pour Cheyenne. « Pour toi Khelos, mh... que dirais tu que l'on te prenne tes superbes pompes hors de prix et qu'on les détruise d'une manière où d'une autre ? D'ailleurs... je crois que j'ai la vessie pleine... »