A vrai dire, vu la façon dont Idris se comportait avec moi, je me demandais comment j'avais fait pour tomber aussi bêtement amoureuse de lui. Très rapidement j'ai compris que j'aimais la mauvaise personne. D'ailleurs je me suis souvent posée la question de savoir pourquoi il s'acharnait de cette façon sur ma pauvre personne. Et puis au fil du temps j'ai cessé de vouloir comprendre, me contentant d'encaisser pour la plus grande partie du temps les diverses réflexions qu'il pouvait m'envoyer à la gueule. En plus je suis presque certaine que son genre de nanas ce sont les grandes blondes ( voir brunes ) super bien gaulées, qui font tourner la tête de toute l'université. Bref les mannequins. Autrement dit, tout l'inverse de moi qui premièrement fait la taille d'un nain de jardin et deuxièmement parce que moi, j'ai les cheveux orange fluo. Alors évidemment, je cumule pas mal pour le coup. Et ce, en plus d'être la petite intello hippie. Alors ouais, je suis le genre de proie facile pour ce genre de gars particulièrement abruti. Mon gros problème c'est que j'aime les cons, et Idris est le mec con par excellence. De la connerie à haut débit ce type. Ouais, j'en était raide dingue de ce mec là, mais je crois que ce n'était pas vraiment réciproque. Pourtant à la soirée, lorsqu'il est venu me rejoindre dans la salle de bain j'ai bien cru qu'il pouvait être le genre de garçon sympa. Vous savez, celui qui est différent lorsqu'il n'est pas avec sa super bande de copains. Parce qu'il faut dire qu'Idris s'était montré très mignon et doux avec moi cette nuit là. Mais c'était surement pour mieux me tromper en fin de compte. Parce que le coup qu'il m'a fait quelques jours plus tard, j'ai enfin ouvert les yeux sur le phénomène Samsky.

Ou peut-être que non, je ne les ai pas encore assez ouvert. Ou alors je viens de me découvrir une nature sadomaso pour avoir pris pitié de lui, sachant pertinemment que j'allais finir par le regretter. Cette soirée, notre relation, tout est vraiment bizarre. Moi-même je n'y comprends plus rien. J'agis en dépit du bon sens et je sais que si Soan me voyait faire ca, il me passerait un sacré savon. Mais le coeur a ses raisons que la raison ignore n'est-ce pas ? Limite, ca me donne envie de chialer cette situation. De ne pas savoir comment m'y prendre avec lui. Car il faut dire que nous agissons n'importe comment tous les deux. Il ose venir se pointer chez moi alors que je suis censée le détester. Et moi, en bonne amoureuse transie j'accepte qu'il squatte mon canapé et je lui « pardonne » pour l'humiliation qu'il m'a fait à l'université. Du grand n'importe quoi cette histoire. D'ailleurs notre relation est le sujet principal de notre conversation. Il faut dire que nous avons de quoi discuter vu l'année qu'il m'a fait vivre. D'autant plus que nous sommes bien partis pour passer une seconde année tous les deux. Alors non, je ne risque vraiment pas de l'oublier ce gars c'est clair et net. Ce que je m'empresse d'ailleurs de lui dire. Idris rit face à ma remarque, ce qui me fait légèrement sourire. Le plus bizarre de la soire ? Le fait que nous ayons une vraie conversation. Un truc civilisé. Aucun objet n'a encore volé entre nous. Comme quoi, il y a du progrès.

D'ailleurs, puisque l'on peut parler tranquillement s'en s'énerver tous les deux, j'en profite pour lui dire ce que j'ai sur le coeur. Bon, j'aurai peut-être du prendre des pincettes. Moi qui suis plutot du genre à stresser si je fais du mal à quelqu'un d'habitude. « T'es pas obligé de me le balancer comme ça. Tu sais j'ai un petit cœur sensible. » Aussitôt je hausse les épaules et affiche une mine désolée. Je me rattrape en affirmant que finalement je ne le déteste pas tant que ca puisque ce n'est pas dans mes habitudes de détester les gens. Le frisé descend du canapé pour s'assoir le sol et s'allumer une clope. Je fais de même en attrapant mon paquet de clopes. « T'as raison là dessus. Point commun, j'ai jamais détesté personne. Sauf les types qui te tournaient autour. » Léger bug de ma part. Clope coincée entre mon pouce et mon index, je fixe Idris tout en levant un sourcil. « Les types qui me tournaient autour ? Comment ca ? » Demandais-je légèrement surprise. Depuis quand des mecs me tournent autour ? « Tu sais, les sentiments et moi, on a jamais été copains. La fée du tact était bourrée le jour de ma naissance, elle a du me vomir son whisky dessus en se penchant sur mon berceau. On va dire que j'ai une façon … Spéciale de montrer aux gens que je les aime … Bien. Demande à mes quelques exs, c'était un vrai carnage. » Je laisse entendre un léger tout en tirant sur ma cigarette. « Merci du conseil, mais je crois que tes exs et moi on ne sera pas copines. » Affirmais-je en fronçant légèrement le nez. Puis je lui affirme qu'il n'a pas besoin de me raconter tout ca, de faire le garçon soudainement gentil uniquement parce qu'il crèche chez moi. Après tout j'ai supporté ses moqueries pendant un an. Sans perdre de temps je cale ma clope dans le cendrier et me lève pour aller lui apporter des couvertures. Cette conversation me met vraiment mal à l'aise. Alors que je m'apprête à aller dans ma chambre, la main d'Idris sur mon bras me stop « Sid, ce que j'essaye de te dire, c'est que je ... » Je le fixe droit dans les yeux tout en affichant un air intrigué. « Tu..? » Dis-je le coeur battant à tout rompre. Puis il finit par lâcher mon bras, alors je fais un pas en arrière tout en passant une main dans ma chevelure. « Non laisse tomber, c'est idiot. Je passe la nuit ici et je te laisse tranquille demain. » Un soupire s'échappe d'entre mes lèvres. « Tu sais, tu peux rester là le temps que tu veux. J'vais pas te foutre dehors sous prétexte qu'entre nous ca a toujours été...bizarre. » Affirmais-je en affichant un sourire. « Bon, tu permets mais j'ai besoin de passer pour aller chercher les couvertures. » Dis-je sur un ton amusé avant de le saisir par les bras afin de le pousser légèrement.

Parfois, faut se prendre soi même par la main et se faire aller de l'avant. A rester complétement prostré de mon côté, je n'allais absolument pas faire avancer les choses. Il faut que je sache si oui ou non, quelque chose pouvait être possible entre la rouquine et moi. Question de principe, je n'allais pas continuer toutes mes années d'université, à courir après elle sans lui montrer, à rêver d'elle la nuit, et me faire quarante millions de plans pour la séduire sans jamais en réaliser un seul. C'était chiant comme situation, à en perdre la tête parfois. Etre dans le doute, je pense qu'il n'y a rien de pire ; mais bon, je n'avais absolument pas les couilles suffisante pour demander directement, oui lui balancer de but en blanc que j'étais amoureux d'elle. Puis franchement, c'est pas le genre de chose que tu dis avec un grand sourire, en plein milieu d'un repas au self. Génial, je suis coincé, et aucune volonté d'essayer de changer tout ça. Faudrait que je commande au père noël une paire de couilles, un brin de courage pour le prochain vingt cinq décembre. Mais dans la mesure où je ne crois pas en lui, je pouvais toujours attendre assis devant le sapin du jardin qu'il débarque avec ses supers rennes aux cornes clignotantes. J'avais loupé ma chance en plus, j'en étais certain. Quand j'étais allé la rejoindre il y a quelques semaines dans les toilettes, après le coup de la banderole, elle m'avait bien avoué être amoureuse de moi. Et j'avais fait quoi hein ? Au lieu de lui dire que moi aussi je partageais ses sentiments ? Je l'avais renvoyé chier. Le courage me manque totalement, je foire tout en étant aussi lâche. Et en n'arrêtant pas de me plaindre sans faire changer les choses. Le seul fautif dans l'histoire, y a pas à chercher plus loin.

Ce soir c'était sûrement la seule occasion que j'aurais, la dernière chance en fait. Fallait que je la saisisse avant qu'elle en me file encore sous les yeux. Allez mon fils, c'est qu'une nana, elle va pas te bouffer. Elle est végétarienne. « Les types qui me tournaient autour ? Comment ca ? » Première remarque, le sous entendu. Je laisse échapper un léger soupir, l'envie de lui répondre : les types qui faisait des tours autour de toi à cloche pied me traverse l'esprit mais je me tais. Préférant embrayer sur autre chose. « Merci du conseil, mais je crois que tes exs et moi on ne sera pas copines. » Aussi. Deuxième remarque pourrie, je le conçois. « Certes. » Et là, illumination divine : Sid se lève, traversant l'appartement avant que je ne l'attrape par le bras. J'ai le cœur qui commence à sérieusement s'emballer, ça frappe dans ma poitrine dans une cadence rapide. Fait chier, je commence à stresser, c'est hyper mauvais pour mes nerfs. On dirait un putain de collégien amoureux, un sixième qui rencontre la princesse pour la première fois de sa vie, et est incapable de l'aborder correctement. Comment font les autres ? Grande et bonne question, faudrait que je me penche dessus. Que j'en fasse une thèse aussi : les héros de notre nation et les boulets par Idris Samsky, président boulet première génération. « Tu..? » Première réaction de sa part, et ça y est, la panique est trop importante, je la lâche en tournant les talons. Incapable de lui dire deux mots de plus, les plus importants qui plus est. Nerveux, ça doit se ressentir. Ça m'en frise les bouclettes. « Tu sais, tu peux rester là le temps que tu veux. J'vais pas te foutre dehors sous prétexte qu'entre nous ca a toujours été...bizarre. » Je hoche légèrement la tête, répétant le mot bizarre en sourdine. Elle doit me prendre pour un échappé d'asile en fait. Quoi que tu laisses pas un échappé d'asile psy dormir chez toi. « Ouais merci, mais je ne pense pas te déranger plus. » Léger sourire en coin, gêné au possible. « Bon, tu permets mais j'ai besoin de passer pour aller chercher les couvertures. » Sid pose ses mains sur moi, pour me pousser légèrement. Et là c'est le drame, le tournant de ma vie, je penche légèrement le visage vers elle, posant la paume de ma main sur sa joue, mes lèvres rencontrant les siennes. Baiser de quelques secondes, je me décale un peu, laissant échapper un nouveau soupir. « Ce que j'essaye de te dire ... » et c'est dur, faut vraiment que je prenne sur moi. Je flippe, c'est Bagdad dans ma tête, limite elle tourne maintenant sous le stress. Détend toi, fait le vide. « C'est que je t'aime Sid. » Dit, la pression se tasse un peu. C'est sortit au moins, elle peut me renvoyer chier maintenant, si elle le veut, je suis en paix. « Ce qui m'a sûrement rendu bizarre comme tu dis. » Voire même carrément, c'était pas une supposition, c'était une évidence. Le débile, mais le débile. Au moins, c'était dit. Le poids pesant depuis le début de l'année, j'avais enfin crevé l'abcès. Jour à marquer d'une pierre blanche : j'ai eu ce qui ressemble à un élan de courage.

En règle générale lorsque quelque me plait, j'essaie d'aller vers la personne. Bien entendu je ne lui saute pas dessus mais j'essaie de faire en sorte à ce que l'on apprenne à se connaître afin de voir si il y a la possibilité d'aller un peu plus loin. Jusqu'à présent cette tactique avait toujours bien marchée. Enfin presque. Mais avec Idris c'était le genre de truc totalement impossible. D'ailleurs vu la façon dont il se comportait, il était parfaitement impossible d'être simplement son amie. D'autant plus que dans ma tête les choses étaient claires et nettes : il me haissait. Peut-être que j'aurais du sortir un drapeau blanc en cours en signe de paix. Parce qu'il faut dire que mon année scolaire n'a pas été de tout repos avec ses blagues plus ou moins douteuses. C'est d'ailleurs à se demander comment j'ai fait pour toujours avoir d'excellentes notes. Plus d'une personne aurait surement sombré dans la dépression avec un Samsky qui vous colle aux basquettes. Finalement j'avais opté pour une autre solution : lui rentrer dedans lorsqu'il m'emmerdait trop. Tout du moins lorsqu'il poussait vraiment le bouchon trop loin. Comme le coup des casier en fait. Quoi qu'il y avait aussi la fois où il m'avait foutu de la colle plein les cheveux. Je ne sais vraiment pas ce qu'il pouvait trouver de drole à faire ca, mais personnellement j'ai failli en faire une crise de nerfs, moi la rouquine pourtant calme habituellement. C'est vrai que c'est tordant d'avoir de la colle plein la tignasse, c'est tellement pratique à tout enlever. Le problème c'est que ce soir Idris avait l'air de s'être calmé, peut-être même d'avoir légèrement changé. En bien je crois. Se faire mettre à la porte par ses parents lui avait surement remis les idées en place. Ou pas du tout. M'enfin, Idris avait l'air d'être redescendu de son petit nuage où tout est merveilleux. Bonjour le monde réel.

D'ailleurs je suis plutot surprise que nous ne nous prenions pas la tête pour je ne sas trop quelle connerie. En temps normal si nous avions été en cours, je suis presque certaine que des stylos – ou divers projectiles - auraient volé entre nous si jamais nos regards s'étaient croisés. Mais comme nous ne sommes pas actuellement dans une classe mais plutot dans mon salon à parler de tout et n'importe quoi, je crois que nous sommes sur la bonne voie afin d'enterrer la hache de guerre. Après tout si je suis une hippie, ce n'est pas pour rien. Quoi que, lorsqu'il me parle de ses exs ce n'est pas l'envie que me manque d'aller toutes les étrangler. Oui je suis le genre de nana relativement jalouse mais j'assume entièrement. Mais comme je n'ai pas forcément l'envie de m'attarder sur ses diverses conquêtes, je préfère changer de sujet avant de me lever de mon pouffe pour aller droit dans ma chambre. Idris m'attrape le bras au passage, m'empêchant alors de continuer mon chemin. Le voilà qui commence à baragouiner je ne sais trop quoi. Qu'est-ce qu'il me veut encore ? Etant donné qu'il a l'air relativement hésitant dans ses paroles, j'essaie de faire en sorte qu'il lâche une bonne fois pour toute le morceau. Mais non, rien. Idris se bloque encore une fois avant de me lâcher. Pour ma part je préfère faire comme si de rien était et lui affirme que je vais aller chercher les couvertures pour la nuit. Afin qui se pousse de la porte de ma chambre, je m'avance vers lui afin de le saisir par les bras et ainsi le décaler légèrement. Pour le coup je ne sais pas ce qu'il se passe. Tout va beaucoup trop vite pour moi. Le visage d'Idris s'approche beaucoup trop rapidement et sa main vient trouver place sur ma joue. Alors que je m'apprête à ouvrir la bouche pour lui demander ce qu'il fabrique, ses lèvres viennent à la rencontre des miennes me coupant dans mon élan. Quand je disais que cette soirée était bizarre, j'avais raison. Ce baiser ne dure pas très longtemps, mais assez pour m'en faire perdre tous mes moyens. Deja qu'en sa présence je n'en avais pas beaucoup, mais alors là... « Ce que j'essaye de te dire ... » La bouche entre ouverte, je reste à le fixer avec de grands yeux. « C'est que je t'aime Sid. » Le coup de grâce. J'ai le coeur qui va éclater dans ma poitrine tellement il bat vite. Mon Dieu, est-ce que j'ai rêvé ? Tout ca n'avait vraiment aucun sens. « Ce qui m'a sûrement rendu bizarre comme tu dis. » Toujours stupéfaite par ce qu'il venait de se produire entre nous, je cligne plusieurs fois des yeux avant de faire un pas en arrière. « J'ai du louper un épisode. » Lâchais-je le plus naturellement du monde, n'arrivant pas à réaliser ce qu'il venait de me dire. Passant une main dans ma chevelure, je lâche un soupire afin de faire redescendre la pression. Idris était la personne la plus difficile à suivre. Je lui avais avoué mes sentiments dans les toilettes de la fac et lui tout ce qu'il avait trouvé à faire, c'était de m'envoyer bouler. Et maintenant, le voilà qui me fait sa déclaration. Putain, ca fait des mois que j'attends qu'il me dise un truc pareil. Toujours plantée en face de lui, je m'apprête à dire quelque chose avant de finalement me jeter sur lui pour l'embrasser à nouveau.

Cette fois c'est fait, y a pas vraiment de retour en arrière possible, ni même envisageable. Sauf si je suis en plein rêve mais vu la journée de merde dans son intégralité, je serais quand même vachement imaginatif pour en être arrivé à ce point. Ouais non, c'est bien réel. Je suis allé chez Sid, après avoir accidentellement tué quelqu'un ce matin ; je lui ai dit ce que j'avais sur le cœur, balancé sans vraiment de cérémonie – remarque fallait mieux vu le personnage que j'étais -, et maintenant je me retrouvais les lèvres posées sur les siennes. Idris mon garçon, tu viens soit de te transformer en Roméo, soit en loser parfait qui va se prendre la main de sa Juliette dans la gueule d'ici quelques secondes. Franchement je me demande, c'est fort possible. La rouquine a beau être une des personnes les plus gentilles, les plus adorables et compréhensives de cette planètes, elle avait tous les droits de m'en coller une vu la situation. Et vu l'année que je lui avais fait passer également. Elle se méfiait en ouvrant la porte, elle aurait peut être mieux fait, pour tous les deux, de me laisser sur le pas de la porte. Je me serais bien démerdé pour trouver un endroit à squatter. Quitte à poser mes bagages dans un centre d'accueil voire un hôtel dans la mesure où j'étais encore capable de me le payer vu le compte en banque bien fourni dont je disposais. Mais non, Idris les petits oiseaux, il va taper chez Sid qui lui ouvre, et il l'embrasse dans son salon alors qu'il l'a humilié publiquement il y a quelques semaines. C'est un foutu monde à l'envers. Et pour le coup, ça me stress. Je sens la boule d'angoisse qui monte à vitesse grand V à l'idée qu'elle puisse prendre mes affaires et les balancer dehors en me traitant de tous les noms.

J'ai chaud, j'vais me sentir mal à tous les coups. Pire qu'une nana. On dirait une gamine amoureuse, qui tente enfin sa chance avec celui qu'elle aime depuis le début de l'année. De près ou de loin, c'est un peu ça notre situation. Deux gosses amoureux, qui se tournent autour de façon non conventionnel, avec la trouille au ventre d'enfin ce dire ce qu'ils peuvent ressentir. C'est ridicule, j'me demande comment font les autres. Quoi que si on regarde la situation d'Andreas et Soan dans leurs débuts, c'était pas glorieux du tout. Bref. Je me décale légèrement après l'avoir embrassé, scrutant son visage en essayant de comprendre ce qu'elle pouvait bien se dire en ce moment. Histoire de prévoir ce qui allait suivre. Alors je lui balance que je l'aime, histoire que la boucle soit bouclée, que ça me fasse un poids en moins, et que je puisse justifier le baiser improvisé. A voir si elle va suivre ou non. J'ai peu d'espoirs mais bon, je peux toujours prier tous les Dieux pour qu'elle évite au moins de me balancer sa main sur la joue, ça serait toujours ça de gagné. Oui je stress. Sid recule à son tour, la mine surprise. Il y a de quoi en même temps. Et ouiii, je ne tourne pas rond. Chose qu'elle avait du comprendre depuis un bail d'ailleurs. « J'ai du louper un épisode. » Ouais okay, c'est donc bel et bien foutu. Je pose la main sur ma nuque, levant légèrement les yeux au ciel en échappant un soupir. Tout à l'heure, quand elle sera endormie, j'irai pleurer sur mon sort sur le balcon. Mais là, surprise totale, la rouquine se rapproche rapidement, plaquant ses lèvres sur les miennes. Je reste deux secondes en bug avant de fermer les paupières, glissant ma main sur sa hanche pour la rapprocher un peu plus de moi. Le poids, l'élan ou je ne sais trop quoi m'emporte, ça nous fait glisser et je reste accroché à Sid en m'écroulant sur le canapé, les lèvres encore posées sur les siennes. Aucune envie de rompre le baiser. Je comprends pas mais tant pis, pour l'instant, je profite simplement de l'échange que j'attendais depuis un bout de temps. La journée affreuse se finissait plutôt bien. Voire même carrément bien vu les élèvements. Je me serais attendu à tout, sauf à ça ; et forcément, ça me déstresse, fait partir cette boule d'angoisse que je porte depuis tout à l'heure pour simplement … être bien. Ouais c'est ça, je suis bien avec elle, dans le canapé. Fatalement, manque d'air et compagnie, je romps le baiser, glissant une de ses mèches rousses qui lui barre le visage derrière son oreille. « J'pense que tout le long de l'année, j'ai essayé de te le faire comprendre sans vraiment bien m'y prendre. » C'est pas je pense, c'est c'est certain. « La seule chose que je voulais c'était être avec toi … mais j'dois pas regarder assez de films à l'eau de rose pour savoir comment faire. » Je lève les yeux au ciel, laissant entendre un léger rire. Ma main glisse le long de son dos, et je redresse légèrement le visage, pour poser une nouvelle fois mes lèvres sur les siennes.

Même dans mes rêves je n'aurai jamais imaginé que tout puisse se dérouler de cette façon là entre Idris et moi. A vrai dire, tout ce dont je pouvais rêver jusqu'à aujourd'hui je l'avais gardé dans ma tête, bien secrètement. Oui, je suis le genre de fille qui croit au prince charmant – qui jusqu'à maintenant n'avait pas pointé le bout de son nez – et qui pense que le monde sera merveilleux avec la personne que j'aime. Mouais bon, jusqu'à présent le fameux Prince Charmant m'avait fait chier toute l'année et je ne pensais pas une seule seconde à une histoire d'amour possible entre lui et moi. Idris c'est un peu le Prince Charmant qui s'est pris un coup de sabot par son cheval et qui depuis à les neurones à l'envers. Ce mec est complètement imprévisible. A chaque fois qu'il est dans les parages – même lorsque je m'y attends le moins comme ce soir – je me demande quelle idée farfelue va lui passer par la tête. D'ailleurs, je n'aurai jamais imaginé qu'il m'embrasse d'un seul coup, comme ca. Comme si il me disait tout simplement bonjour. Oui je suis surprise. C'était la dernière des choses à laquelle je m'attendais. Il faut dire que je ne savais plus très bien où donner de la tête avec tout ce qu'il s'était passé entre nous. Il était le premier avec qui j'avais couché, puis il m'avait humilié avant de m'envoyer bouler après que je lui ai avoué mes sentiments dans les toilettes de la fac – ce qui au passage est très romantique – et le voilà à présent qui me saute limite dessus. Toute cette histoire n'a aucun sens. Et il ne faut pas disposer d'un Master pour comprendre ca. Mon Dieu, j'ai le coeur qui s'emballe. Heureusement pour moi – en plus d'être rousse – je ne suis pas affectée par je ne sais trop quelle maladie cardiaque, sinon je serais déjà morte à cause du choc. Remarquez, à présent je pouvais parfaitement mourir heureuse.

Il me faut un certain temps avant de complètement réaliser ce qu'il vient de se produire entre Idris et moi. Sans compter le fait qu'il vient de m'avouer qu'il m'aime lui aussi. Oh bordel j'ai les jambes qui tremblent, j'ai l'impression qu'elles vont céder sous mon poids. Sans compter qu'un frisson me parcours le corps de haut en bas avant qu'une bouffée de chaleur ne s'empare de moi. Ce qui me donne presque envie de rire et à la fois de pleurer c'est de me dire que l'on s'est tournés autour pendant des lustres sans jamais vraiment osé se le dire, préférant s'engueuler pour tout et n'importe quoi. Tant pis, je préfère oublier tous les mauvais souvenirs que j'ai pu avoir avec lui et ne me concentrer que sur le présent. Sur la possibilité qu'il puisse y avoir un « nous ». Alors même si je suis un peu chamboulée par ma soirée, je ne perds pas plus de temps avant de me jeter sur Idris pour l'embrasser. C'était comme une impulsion. J'en mourrai d'envie depuis des siècles alors pourquoi devrais-je me retenir ? Surtout que c'était l'unique occasion de lui dire que moi aussi je l'aimais toujours. Que mes sentiments n'avaient pas changé même après tout ce qu'il m'avait fait subir. Sur la pointes des pieds afin de passer mes petits bras autour de son cou, je dépose mes lèvres contre les siennes, sentant la main d'Idris glisser le long de ma hanche. Et là, je ne sais pas trop ce qu'il se passe. Nous perdons tous les deux l'équilibre – surement parce que je lui ai sauté dessus comme une hystérique – et voilà que nous atterrissons sur le canapé juste derrière. Je laisse au passage échapper un petit cris de surprise sans pour autant me détacher d'Idris. C'est bien de s'embrasser comme deux enfants de cinq ans qui ne veulent plus se détacher l'un de l'autre, mais je ne suis pas encore une apnéiste professionnelle et je commence franchement à manquer d'air. Idris interrompt le baiser et glisse sa main dans ma chevelure pour replacer une de mes mèches après que je me sois positionnée à califourchon sur lui. Un sourire gêné se dessine alors au coin de mes lèvres. « J'pense que tout le long de l'année, j'ai essayé de te le faire comprendre sans vraiment bien m'y prendre. » Je laisse échapper un petit rire d'amusement. « Et moi qui était persuadée que tu me détestais. On est vraiment très doués... » Dis-je en passant une main sur mon front. « La seule chose que je voulais c'était être avec toi … mais j'dois pas regarder assez de films à l'eau de rose pour savoir comment faire. » Face à cette remarque je laisse échapper un rire franc. « Coté films à l'eau de rose j'ai ce qu'il faut. » Dis-je en pointant la pile de DVD près de la télévision. Puis je laisse Idris m'embrasser une nouvelle fois avant de caler ma tête contre son torse. « Donc si je ne suis pas en pleine hallucination, on est ensemble ? Enfin... un couple comme ceux qu'on voit dans la rue. » Dis-je alors que mes joues rougissaient légèrement. « Ca m'fais une drole de sensation. Mais en bien. » Continuais-je avant de me redresser d'un bond. « Du coup, tu vas rester vivre ici maintenant. C'est pas mon genre de foutre mon mec à la rue. » Affirmais-je avec un sourire en coin.

C'est l'évènement de l'année, le truc dont je ne pouvais même pas rêver tant ça me paraissait désespéré. Et pourtant, les faits sont là : au lieu de me repousser, je me retrouve à me faire emporter sur le canapé, la chute au ralenti, brûlante, quand je sens les lèvres de Sid se poser sur les miennes. J'suis dans un foutu fantasme, d'ici quelques secondes, ma mère va venir me réveiller en me hurlant que je suis dors et déjà en retard pour mon prochain cours. C'est certain, ça ne peut pas être réel. Trop beau pour être vrai comme on dit. Je perds pied, arrête de penser quelques secondes pour seulement profiter du contact de ses lèvres sur les miennes, de mes mains posées sur ses hanches quand on chute. Mais non, rien, pas de maman hystérique pour me secouer, pas de réveil qui sonne à t'en percer les tympans pour venir briser mes espoirs Faut croire que la roue avait enfin fini par tourner. La salope, elle en avait mis du temps. M'enfin, le cadeau reste là : j'ai Sid dans les bras. Sid la fille dont j'étais amoureux depuis maintenant plus d'une année. C'est dingue, fou, j'ai encore du mal à me rendre compte des évènements qui viennent de se dérouler. Deux baisers, il avait suffit de quelques secondes, d'un peu de courage pour que la situation rayonne, pour que je me sente enfin bien. Comme l'envie de vivre ce moment éternellement, qu'il ne s'arrête pas. Mais on n'est pas dans un fichu film romantique, ni dans un dessin animé digne des Disney – le cadre est là pourtant vu l'appartement de la rouquine -. Je peux pas trop compter là dessus. Tant pis, tout va bien pour une fois. Quoi que, me connaissant, je serais totalement capable d'aller pourrir le truc en racontant une connerie, ou en hurlant un truc tout en gesticulant dans tous les sens. Génial, elle me prendrait pour un dingue, un échappé d'asile qui c'était retrouvé on ne sait trop comment dans les couloirs de la plus grande université de San Francisco. On devrait me mettre sous calmants en fait, je devrais même prendre seul cette initiative, comme un grand et pour le bien de l'humanité dans son plus grand ensemble.

Idris tu dérailles de nouveau. Bordel, incapable de rester sérieux et concentré quelques minutes d'affilées. Deux c'est déjà un bon record, sérieusement, on devrait même me filer une médaille rien que pour avoir tenu autant de temps. Sid ne lit pas dans mes pensées, et fort heureusement. Sauf si c'est une X Men et qu'elle cachait son jeu depuis le début. Genre son nom de code ça serait … Rousseto, la fille à Magneto. Capable de lire dans les pensées des gens, et faire naitre des cupcakes de ses paumes de mains. Bref. Couché sur le canapé, les jambes étendues, Sid se relève légèrement, pour glisser ses jambes de part et d'autre de mon torse. A califourchon. Je pose directement mes mains sur ses hanches, un léger sourire satisfait sur les lèvres. Je crève de bonheur en réalité, mais faut mieux se contenir que de le laisser éclater dans la seconde. Première réplique qui la fait marrer. « Et moi qui était persuadée que tu me détestais. On est vraiment très doués... » Très doués ouais ; et le pire c'est que ça nous fait rire. Génial, deux dingues, on est con bordel. On avait passé une année de merde pour finir comme ça. Une happy ending, que Dieu bénisse l'Amérique. « La fine équipe. » Je lève le pouce en continuant de rire. Le duo de bras cassés même. « Coté films à l'eau de rose j'ai ce qu'il faut. » C'est bien ce que je disais, dans son appartement, règne une ambiance à la Disneyland. Madame Soleil, ça te met directement de bonne humeur. Je jette un regard sur le côté, haussant légèrement un sourcil avec un sourire amusé. « J'avais pas remarqué, franchement. » Sid vient placer son visage contre mon torse, et mes mains, alors posées sur ses hanches, glissent jusqu'à ses cheveux, les doigts se perdant dans les mèches rousses. « Donc si je ne suis pas en pleine hallucination, on est ensemble ? Enfin... un couple comme ceux qu'on voit dans la rue. » Comme on voit sur les bancs publics ouais, qui se tiennent main dans la main avec un joueur de violon qui leur colle au train. La remarque me fait rire, une nouvelle fois. Je dois être en pleine bouffée d'euphorie, c'est pas possible autrement. « Ouais. Le duo Sidris, c'est Brangelina qui va en crever de jalousie. » On est plus mignon qu'eux, et bientôt on sauvera des enfants en Afrique nous aussi. Les belles âmes. En couple, ça me fait bizarre. « Ça m'fais une drole de sensation. Mais en bien. » La bouffée d'euphorie partagée, c'est contagieux faut croire, vu la rapidité avec laquelle elle se redresse. « Du coup, tu vas rester vivre ici maintenant. C'est pas mon genre de foutre mon mec à la rue. » Je fronce légèrement les sourcils, avec la même moue amusée. Son mec. J'habite ici et on se marie dans deux semaines, allez hop. « Je te met en garde, c'est pas de tout repos d'habiter avec un type comme moi. » Je pose mes mains sur ses hanches, la faisant basculer sur le canapé pour reprendre le dessus, embrasser ses lèvres une nouvelle fois. « Si j'avais su ce qu'il pouvait se passer entre nous … je me serais fait virer depuis un bail de chez mes parents. »