▬ Un toc. Deux tocs. Trois tocs. Je laissai finalement retomber mon bras le long de mon corps, attendant droite comme un piquet devant la demeure de Samuel. J’avais pris le transport en commun jusqu’au sud de la ville, j’en avais marre d’attendre, j’avais hâte qu’il m’ouvre la porte. Ce qu’il fit quelques secondes après ces réflexions. Je lui souris et murmurai un « Hey … » qui laissait voir toute la nostalgie que je ressentais déjà. Il allait passer l’été loin de San Francisco, loin de moi. Je ne pouvais nier que cela me faisait un petit pincement au cœur. Samuel était l’une de mes principales attaches. Je m’accrochais à lui comme une feuille s’accroche à sa branche dans la tempête. Moi, j’étais prisonnière d’une tempête. Et voilà qu’une ficelle venait de se décrocher. Ce n’était pas pour toujours, il reviendrait et je le savais. Quand bien même, deux mois, c’était long. Je ne savais pas où je serais, dans deux mois. L’homme m’invita à entrer, ce que je fis. « Tu es seul ? » Positif. J’étais contente. Cela voudrait dire que nous n’aurions pas à nous faire discrets. Ou à nous priver. Samuel referma la porte derrière moi. Je l’enlaçai. Une accolade plus longue qu’à l’habitude. « Tu vas bien ? Prêt pour tes grandes vacances ? » Je ne pourrais jamais me permettre de partir comme ça. Je n’avais pas l’argent pour me payer des vacances. D’ailleurs, le simple fait que nous soyons l’été et que la cafétéria soit fermée me mettait carrément dans la merde. Je n’avais toujours pas trouvé de job d’été. Ce mois-ci, je n’arriverais pas à payer mon logement. L’angoisse se lisait dans mon regard à chaque inspiration que je prenais. « En tout cas, je t’envie énormément. J’suis certaine que tu passeras un bel été. Tu me ramènes des photos et des souvenirs, hein ? » Je rigolai. Il n’était pas obligé, pour les souvenirs, et il le savait. Mais je devais avouer que ça me ferait plaisir. Je m’attachais rapidement à ces petits objets sans valeurs qu’on retrouve dans les endroits touristiques. Même si ce n’était pas moi qui y était allée. Bref, nous étions toujours dans le hall d’entrée, et j’aurais bien aimé m’asseoir. « Tu me proposes une tasse de café ? » Avec Samuel, je n’avais plus de gêne. En même temps, maintenant qu’il connaissait chaque détail de mon corps, pourquoi l’être. ▬

Lunettes posées sur le nez, Samuel était assit sur son canapé à regarder quelques papiers. Il les avait reçus quelques jours plus tôt. En effet, une jeune femme avait abordé Samuel au club de strip tease alors qu’il travaillait. Elle l’avait entendu jouer du piano et chanter et elle lui avait proposé de faire un album. Evidemment sur le moment Samuel avait bien rit, mais au fil de la conversation il avait comprit que c’était vraiment très sérieux. Il avait longuement hésité, ne sachant pas s’il allait le faire ou pas. C’était un rêve de gosse, mais il avait peur de tout rater. Alors, après une dispute avec Maria O’Berkeley, il avait décidé qu’il était temps pour lui de s’aérer et il avait accepté de partir pour la Nouvelle-Orléans pendant l’été. Pendant deux mois, il irait là-bas ou en tout cas pendant un bon mois pour enregistrer son album. Après avoir contacté la femme qu’il avait vu, elle lui avait dit qu’il devrait remplir certains papiers, concernant des renseignements pour l’été. Ecrivant donc les réponses aux questions posées, il fut interrompu par une personne qui frappait à la porte. Posant son stylo sur la table, il retira ses lunettes de son nez pour les poser également sur la table. Allant vers la porte d’entrée, il l’ouvrit et se mit à sourire en voyant qui était là.

Salut.

Laissant la place à la jeune femme pour qu’elle entre, il ferma la porte et l’écouta parler.

Totalement seul.

En effet, son fils Antoine travaillait encore pendant un bon moment à l’hôpital, Samuel n’était d’ailleurs pas sûr qu’il prenne de vacances avant septembre. Quand à sa fille Lucie, elle était partie chez sa mère après les examens et elle passait l’été avec des amies. Sam ne verrait donc pas beaucoup, pour ne pas dire, pas du tout ses enfants cet été. Se laissant enlacer par la jeune femme, il sourit de plus belle et referma ses bras sur elle, appréciant l’étreinte.

Ca va et toi ? Oh tu sais, je n’ai pas encore fait ma valise et je ne pars qu’en début de semaine prochaine.

Il avait encore quelques jours ici, le temps de tout vérifier, mais il avait tout de même hâte de partir. Il avait ce besoin de passer à autre chose et de tourner la page de son arrivée à Berkeley où tout avait été noir pour lui. Il espérait pouvoir avoir un nouveau départ et il comptait bien en profiter.

Va pour des photos et des souvenirs et évidemment tu auras le droit à une carte postale.

Gardant son sourire, il fixa la jeune femme. Il devait bien avouer qu’il avait eu de la chance de tomber sur elle à son arrivée et qu’elle l’ait aidé à se repérer dans l’université. Il avait d’ailleurs pensé au départ qu’elle était étudiante, mais non, elle travaillait, tout comme lui au sein de l’université. A un poste différent, mais tout autant en contact avec les étudiants.

Oh oui bien sûr, viens.

Avançant dans la pièce, il alla vers la cuisine.

Installes-toi j’arrive.

Une fois dans la cuisine, il prépara le café et sortit quelques gâteaux pour accompagner le tout. Allant dans le salon, le temps que le café se fasse, il rangea ses papiers et regarda la jeune femme.

Alors, que viens-tu faire dans mon humble demeure ?

Il sourit et prit place dans le fauteuil en face d’elle.

▬ « Ca va et toi ? Oh tu sais, je n’ai pas encore fait ma valise et je ne pars qu’en début de semaine prochaine. » Je lui souris tout en penchant la tête. « Ah oui, j'avais oublié, les hommes ne sont pas comme les femmes. Ma valise aurait été faite depuis deux semaines déjà. » Nous rigolâmes quelques secondes ensemble. J'étais effectivement le stéréotype de la femme, excepté que je n'avais pas l'argent pour me réaliser entièrement. Dommage. Ou peut-être était-ce mieux ainsi. Je ne voulais pas être un stéréotype, après tout. Bref, cela n'a guère d'importance. « Va pour des photos et des souvenirs et évidemment tu auras le droit à une carte postale. » Mon mince sourire ne lâchait pas mon visage, mais j'eus tout de même un petit soupir tout en quittant son regard. « Pour cela il faudrait que je te donne mon adresse de domicile, et comme je refuse qu'on me rende visite, ce sera difficile pour toi ... ! » Je lui fis un clin d'oeil. Je ne voulais pas m'étendre plus sur la question, il savait que je n'aimais pas parler de mon appartement, même s'il n'en connaissait pas les raisons. Samuel avait assez de respect à mon égard pour se priver de tout questionnement inutile. Je m'invitai par moi-même à boire une tasse de café, et mon ami m'invita à le suivre. À son ordre, je pris place dans le salon, qui donnait sur la cuisine. Je m'assis sur le plus grand fauteuil, m'attendant évidemment à ce qu'il vienne m'y rejoigne et qu'il ne s'assoit pas sur celui d'en face. J'avais toujours aimé une certaine proximité entre Samuel et moi. Les mains posées sur les genoux, j'attendis patiemment le retour de mon ami. Je n'avais rien à regarder autour de moi, car ma curiosité avait été rassasiée depuis bien longtemps. J'étais venue une bonne dizaine de fois dans cette maison, elle n'avait plus vraiment de secret pour moi. Samuel revint finalement avec quelques gâteaux et du café. « Rah, c'est mal pour ma ligne, ça ! » Je secouai la tête tout en attrapant un petit gâteau malgré tout ; ils avaient l'air délicieux. Je mordis dans celui-ci tout en poussant un léger gémissement de plaisir. Je le redéposai sur le plateau tout en passant ma langue sur mes lèvres, afin de les débarrasser de tout crémage non désiré. « Alors, que viens-tu faire dans mon humble demeure ? » J'haussai les épaules en arborant une moue triste et nostalgique tout en me tournant vers lui. « Eh bien, je sais que tu seras très occupé durant la prochaine semaine avec ton départ et tout, et moi-même je suis à la recherche d'un emploi pour l'été alors ... je me disais que ce serait un peu comme notre soirée d'au revoir ... en quelque sorte ... » Avouais-je tout en plongeant mon regard azur dans le sien, qui était tout aussi impressionnant de par sa couleur. ▬

Ta valise ? Etant une femme, tu as au minium deux valises, non ?

Haussant un sourcil, il se mit à sourire en coin. Autant aller à fond dans le stéréotype de la femme qui part en vacances et qui donc envoie presque toute sa maison avec elle. Acceptant par la suite de ramener des souvenirs, il proposa même de lui envoyer une carte postale. Ce ne fut que quand elle parla qu’il se souvint qu’en effet il n’avait pas son adresse. La fixant, il esquissa un sourire en coin.

Je ne serai jamais invité à aller chez toi ?

Il prit un air triste, son air de chien battu qui marchait plutôt bien en général, mais pas sur les personnes qui voyait son sourire en coin, comme maintenant et surtout comme Rhiann, qui commence bien à le connaître. Puis, il l’invita à boire un café, après qu’elle le lui ait demandé et il la laissa s’installer dans le salon, pendant qu’il allait dans la cuisine pour mettre le café en route, sortant par la même occasion quelques gâteaux. Ramenant le tout dans le salon, il sourit à ses propos sur sa ligne. Il n dit rien à cela, mais il eu un regard plus qu’appréciateur sur le corps de la jeune femme. Elle n’avait pas vraiment à se plaindre de ce côté et Sam pouvait en témoigner. La laissant prendre un gâteau, il prit place en face d’elle et lui demanda pourquoi elle était venue le voir aujourd’hui. Ecoutant sa réponse, il ne pû s’empêcher de sourire en coin.

Je vais te manquer ?

Il garda son sourire et finalement, il vint prendre place à ses côtés, ne lâchant pas son regard. Il prit donc place à côté de la jeune femme et il soupira doucement.

Je peux t’aider pour trouver un boulot pour cet été si tu veux ?

Maintenant que certaines portes lui étaient ouvertes, il ne voyait pas pourquoi il ne pouvait pas les passer et voir si quelque chose ne pourrait pas correspondre à la jeune femme et à ce qu’elle sait faire.