Logiquement, lorsque l’on se rend à un entretien d’embauche, on s’habille d’un tailleur, on soigne sa coiffure et on prend garde à la pluie. Seulement voilà, Lexie n’avait accordé aucune importance particulière au soin de sa tenue ou de sa coiffure, pour la simple et bonne raison qu’elle s’apprêtait à faire une candidature on ne peut plus spontanée. Des semaines qu’elle essayait de joindre le tristement célèbre Cooper Stevenson, avocat réputé en ville, afin qu’il lui offre un poste dans ses cordes. Le droit, c’était pour ainsi dire un passe temps entre deux révisions de politique, et ce depuis le début de ses études à Berkeley. En temps normal, jamais Lexie ne se serait présentée en sweat fin et en jean à un vrai entretien d’embauche…Mais Cooper la connaissait, ils s’étaient croisés à plusieurs reprises en pleine séance de surf et s’était parlé quelques fois. Elle avait donc fini par prendre le taureau par les cornes et par se rendre à son cabinet. Elle courait à présent dans les rues presque désertes de San Francisco, alors que ce n’était que le début d’après midi. Mais la pluie tombait en rafales sur la ville et Lexie était déjà trempée avant même d’atteindre le bâtiment renfermant entre autre le cabinet de Cooper. Lorsqu’elle pénétra à l’intérieur, un agent de sécurité la dévisagea pendant quelques minutes avant de lui permettre d’entrer : Voilà bien tout l’avantage d’avoir une langue habilement aiguisée et de savoir frapper là où il faut quand il le faut. Une négociation bien rudement menée, jusqu’à ce qu’elle ne parvienne à la fameuse barrière secrétaire. Celle-là avait découragé plus d’un commercial terrain, et plus d’un candidat rêvant de partager le quotidien professionnel d’un avocat aussi redoutable et connu que Cooper. Mais du haut de ses vingt ans, Lexie n’avait aucune intention de s’arrêter à cela. Secrétaire ou pas, bien que celle-ci ait l’air aussi aimable qu’une porte de prison, la demoiselle s’avança vers le grand bureau, un sourire presque charmeur sur les lèvres. Petite déjà, Samuel, son professeur, l’avait surnommée la charmeuse de serpents. « Bonjour, je sais que je n’ai pas rendez-vous, mais j’ai absolument besoin d’abuser d’un peu du précieux temps de monsieur Stevenson. C’est très, très urgent. » Aucun motif, aucune raison réellement valable, si ce n’est que la tenue jouait pleinement en sa faveur : Son visage était dégoulinant de pluie, comme le reste de son corps frêle, et ses traits pâles lui donnaient un air plus fragile encore que ce qu’elle était réellement. Bien évidemment, en secrétaire efficace et dévouée, elle fit une moue qui n’annonçait strictement rien de bon. Une chance qu’un collègue de Cooper, ou ce qu’elle supposa être un collègue de l’avocat, et qui plaida en sa faveur. Visiblement, le « chef » ne devait pas être très occupé en cette pluvieuse après-midi, sans quoi, Lexie n’aurait pas pu pénétrer son bureau aussi facilement. Cooper était à son bureau, assit sur son imposant fauteuil lui donnant l’air d’un véritable patron d’entreprise, et dès lors qu’ils furent seuls, Lexie ne lui laissa évidemment pas le temps de lui dire de s’en aller ou d’en placer une : Elle se tourna vers l’immense porte du bureau afin de s’assurer que celle-ci était bien fermée, avant de s’avancer un peu plus et de tâcher de conserver un visage aussi impassible que possible. Dans l’absolu, Lexie n’avait aucune intention de devenir avocate. Elle souhaitait plutôt être Sénatrice, voire Présidente…C’était un rêve passablement difficile qu’elle s’imposait, mais cela en valait la peine. Mais le but n’était pas de lui faire comprendre par a+b qu’elle était embêtée financièrement et qu’il était son dernier recours…Simplement qu’il lui offre un poste, quitte à ce qu’elle soit clouée à la photocopieuse toute la journée, ce n’était vraiment pas un problème en soit. « J’ai vu qu’il y avait une photocopieuse ici, plusieurs avocats et des tonnes de dossiers sur le bureau de votre secrétaire, aussi, tous les éléments ne peuvent qu’être réunis pour que vous embauchiez quelqu’un en supplément, n’est-ce pas ? Et bien, c’est votre jour de chance, vous avez votre future embauchée devant vous ! » Lexie, ou LE culot personnifié.

Cooper n’allait pas enseigner à Berkeley aujourd’hui. Il avait besoin de sa journée entière, pour pouvoir mettre au point certains plaidoyers et pouvoir classer des dossiers au plus vite. Arrivé à 7h du matin au cabinet, il posa sa veste sur le porte manteau à l’entrée de son bureau. Fermant la porte derrière lui, il attaqua tout de suite les dossiers les plus urgents. Une adoption, trois divorces et un procès pour négligence plus tard, Cooper alla se prendre un thé. Allant dans la cuisine du cabinet, il prit son temps, avant de croiser ses collègues et employés. Il était entièrement le chef du cabinet et il ne comptait pas nommer d’associé. Il avait eu trop de problèmes quand il était plus jeune et il avait toujours décidé de n’être que l’entier propriétaire e son cabinet et de ne jamais au grand jamais nommer d’associé. Retournant ensuite à son bureau, il regarda sa montre : 9h. A lui la longue matinée de dossiers. Ecrire, rayer, effacer, réécrire, refaire taper, signer, tamponner, voilà la matinée de Cooper. Que de la paperasse, ce qui n’était pas du tout son fort.

Finalement, à l’heure du déjeuner, un de ses collègues lui proposa d’aller déjeuner en ville. Il refusa et préféra commander quelque chose, pour pouvoir continuer à travailler. Recevant un sandwich et un flanc noix de coco, il pû enfin sourire pour la première fois de la journée. Mangeant tout en continuant à remplir les dossiers en retard, il alla finalement se prendre un thé. De retour à son bureau, il ferma à nouveau la porte derrière lui. Avoir la porte fermée était signe pour tout le monde qu’il ne fallait sous aucun prétexte le perturber sans quoi il y aurait des répercutions. Avalant une nouvelle gorgée de thé, Cooper était en plein sur un dossier pour meurtre, quand il entendit la porte de son bureau s’ouvrir. Fronçant les sourcils, il vit une jeune femme qui se tenait là et qui regardait la porte du bureau désormais fermée, avant de le fixer. Qui était-elle ? Son visage lui était familier et le surf lui vint alors à l’esprit. Il se souvenait d’elle, mais que faisait-elle ici ? Il n’avait pas le temps pour aller faire du surf, alors, il fut surprit quand elle prit la parole.

Vous voulez que je vous embauche ?

Haussant un sourcil, Cooper posa son stylo sur le bureau et croisa sa jambe droite sur sa jambe gauche.

Nous faisons nous même nos photocopies, nous allons chacun nous prendre à boire et à manger, chacun fait son travail et tous les dossiers reviennent ensuite vers moi pour être validés, alors en quoi me seriez-vous utile ?

Croisant les bras, Cooper devait avouer que peut-être il pourrait avoir un second sourire dans sa journée si cette jeune femme parvenait à avoir de bons arguments.

Il n’y avait pas à dire, Lexie avait un culot monstrueux pour se pointer dans le bureau d’un avocat aussi connu et doué, surtout dans cette tenue. Mais elle n’était pas du genre à s’arrêter elle-même aux apparences. Il avait beau être très occupé, elle osait supposer qu’il ne pouvait pas tout gérer dans son emploi du temps et qu’il y avait forcément des petites tâches pénibles dont elle pouvait s’occuper. Comme dit le proverbe, la fin justifie les moyens, n’est-ce pas ? C’était exactement la raison pour laquelle Lexie tenait tant à se faire embaucher. Ce n’était pas seulement pour l’expérience, ou même la renommée du cabinet, ou bien encore parce que l’avocat en face d’elle était séduisant et surfait divinement bien…Son compte en banque criait sous le manque d’argent et ses visites à l’hôpital, de plus en plus nombreuses, la faisait crouler sous les factures. Lexie ne pouvait plus se permettre de faire l’autruche et d’attendre que l’orage passe, il fallait qu’elle agisse au plus vite. Maintenant qu’elle avait l’attention de Cooper, il n’y avait plus qu’à jouer les charmeuses de serpents par excellence et tâcher de donner son maximum en vue de le faire changer d’avis…Lexie dans son équipe, ça ne pouvait qu’être une formidable opportunité, n’est-ce pas ? « Je vois que vous êtes tout de même très occupé, et que vous n’avez personne à envoyer à votre place lorsque vos collègues vous somment de les accompagner déjeuner. Votre secrétaire n’a pas six bras, et une personne supplémentaire pour répondre au téléphone peut tout à fait être bénéfique et pour vous, et pour votre cabinet. » Lexie s’était approchée légèrement du bureau de Cooper durant toute sa tirade, n’hésitant pas à le regarder droit dans les yeux sans jamais faiblir. C’était à la fois une marque de respect et l’intime conviction qu’elle ne le craignait en aucune façon. Elle voulait qu’il puisse avoir confiance au même titre qu’elle se sentait en confiance en sa présence. Ce n’était pas un marché de dupes, certes, mais si Cooper y gagnait au change, c’était tout autant le cas pour Lexie. Il fallait juste qu’elle pousse le bouchon plus loin encore et qu’elle lui appose des arguments auxquels il ne pourrait pas répondre. Après tout, elle avait une répartie certaine et un certain mépris pour la négation…Lorsqu’elle souhaitait qu’on lui dise oui, impossible pour son interlocuteur de ne serait-ce que penser la réponse contraire. « La renommée est une amie infidèle, qui plus est. Quelle merveilleuse opportunité pour votre image si vous démontrez que vous formez des jeunes motivés, hum ? M’avoir avoir soi, c’est la quasi certitude d’attirer d’autant plus de clients, et donc de rendement dans votre cabinet. Et puis, soyons honnête, quoi de mieux que d’avoir un bouclier lorsque vos collègues vous enquiquine, hum ? » Lexie était prête à faire tout et n’importe quoi, tant que cela rapportait au moins un petit pécule à la fin du mois. Même si ce n’était pas grand-chose, elle savait qu’avec un pied dans le monde du travail et un rendement garanti, elle allait sûrement parvenir à joindre enfin les deux bouts. Hélas, et c’était probablement le pire sentiment existant au monde, Cooper avait son avenir entre ses mains d’avocat. Sans doute ses arguments n’étaient-ils pas suffisants, ou n’avait-il aucune intention de s’encombrer d’une petite jeune en plein milieu d’affaires épineuses…Mais Lexie savait se rendre utile. Elle avait de la répartie, une langue bien aiguisée et une diplomatie ne l’étant pas moins. « Je ne suis pas bête, j’apprends vite et je ne prends quasiment pas de place. Je m’habillerais comme vous me direz de m’habiller et ne parlerait pas si vous ne souhaitez pas que je parle. Une proposition comme ça, ça ne court par les rues ou alors je serais très étonnée. » Cooper devait crouler sous les propositions d’embauche…Mais personne n’avait sûrement osé forcer la porte de son bureau et lui balancer ainsi ses qualités et autres aptitudes au visage. Lexie n’était plus à ça près…

Le culot de la jeune femme l’étonnait vraiment. Quand ils faisaient du surf ensemble, il avait déjà pû remarquer qu’elle ne lâchait jamais rien. Mais de là à la voir débarquer ainsi dans son bureau un jour était plus qu’inattendu. Cependant, il accepta de délaisser ses dossiers quelques minutes pour savoir si elle parviendrait à avoir assez d’argument pour lui prouver sa volonté à travailler ici. Déjà le fait qu’elle arrive ici était un bon point pour elle. Elle avait du culot et ça n’était pas du tout pour déplaire à l’avocat. Ca faisait déjà deux points pour elle. Puis, le fait qu’elle accroche son regard sans jamais le lâcher, lui ajoutait un troisième point. Elle était bien partit pour avoir le droit de faire les photocopies, arriverait-elle à avoir plus de choses intéressantes à faire ?

Je ne suis pas particulièrement sociable et même si j’apprécie de déjeuner avec mes employés, je préfère avancer mon travail. Ma secrétaire, à part vous avoir laissé passer, fait du très bon travail et chacun gère le téléphone quand ma secrétaire passe les communications.

Parler simplement et répondre tout autant, fit soupirer doucement Cooper. Voyant la jeune femme s’approcher, il ne dit rien, ne faisant qu’écouter avec attention.

Je forme déjà les étudiants de l’université de Berkeley, quand ils ont besoin d’un stage. J’ai ce partenariat avec l’université, dont je connais la directrice adjointe et où j’enseigne. Là-dessus je n’en ai pas besoin de plus, ils me prennent déjà assez de mon temps. Pour mes employés, je sais les gérer et croyez-moi, ils savent aussi que je peux les gérer sans y mettre les formes.

Il ajouta un demi-point à la jeune femme, qui avait tout de même de fort intéressants arguments. Elle était donc à deux points et demi. Les dernières paroles qu’elle prononça, furent pour plaire à Cooper, qui allait pouvoir voir une réaction chez la jeune femme.

Je n’ai jamais eu de personne aussi docile à mon service et ça pourrait être plaisant.

Il devait bien avouer que ça le serait beaucoup même.

Mais si je vous dis que vous travaillerez uniquement dans mon bureau, la porte fermée à clé et que vous devez travailler nue, qu’en diriez-vous ?

Il haussa les sourcils. Après tout, autant tester les limites de la jeune femme.

Et oui, ça serait considéré comme du harcèlement sexuel.

Ah bah autant être précis jusqu’au bout.

Docile ? C’était le terme sans vraiment l’être. D’ordinaire, Lexie ne se laissait pas faire aussi facilement, et l’humiliation n’était pas un mot faisant partie de son vocabulaire. Fallait-il qu’elle ait vraiment un besoin urgent d’argent pour être effectivement aussi docile. Ce fut également la raison pour laquelle elle ne fit que hausser un sourcil à la remarque de Cooper, comme pour tâcher de marquer une surprise tout à fait normale. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il aille jusqu’à lui demander de travailler dans ce bureau complètement nue, mais soit…Pour les apparences, elle pouvait très bien se balader de temps en temps en sous vêtements, n’est-ce pas ? Ce n’était plus du harcèlement sexuel s’il y avait les deux parties complètement consentantes. Lexie avait bien trop besoin de ce travail pour se permettre de jouer les jeunes mijaurées frigides et choquées. Elle se contenta donc de sourire comme si c’était d’ors et déjà une affaire entendue, avant d’énoncer, d’une voix on ne peut plus assurée : « Pour les apparences, je pense que les sous vêtements sont la limite. Ainsi, il n’y a pas de harcèlement sexuel qui tienne si les deux parties sont en adéquation, et il n’y a pas non plus atteinte à la pudeur. Bien que je ne doute pas qu’un avocat tel que vous ait envisagé cette possibilité. » Un petit coup de pommade ne pouvait que plaider en sa faveur, surtout maintenant qu’elle acceptait n’importe quelle condition de contrat, si tacites soient-elles. Lexie était prête à se plier à n’importe laquelle de ses doléances s’il lui garantissait un boulot, indéterminé dans le temps évidemment, et qu’il acceptait de la former sur le terrain pour que ses connaissances s’en retrouvent renforcées. C’était tout ce qu’elle lui demandait en échange de n’importe quelle idiotie de sa part. Lexie était même prête à faire partie de la clique très privée des femmes qui couchent pour réussir. Non pas qu’elle soit arriviste de nature, mais il n’était rien qu’elle soit capable de refuser pour peu que l’argent tombe à la fin du mois. La raison ? Sa greffe, évidemment. Lexie n’était pas très branchée santé, surtout ces derniers temps, mais les factures s’accumulant, elle ne pouvait plus se permettre de jouer avec le feu de manière inconsidérée. Si cette greffe devait se faire, il fallait qu’elle puisse justifier d’une somme croquignolette sur son compte en banque. Ce fut sans doute pourquoi elle acheva de s’approcher du bureau de Cooper, avant de prendre place sur le siège se trouvant en face dudit bureau, un sourire léger et discret sur les lèvres. A ses yeux, il allait finir par craquer, même si elle devait pour cela aller jusqu’au bout de son bluff. Si tant est qu’il s’agisse bien de bluff…Il était difficile de savoir si Lexie mentait avec un aplomb et un brio certains, ou si elle disait la vérité. C’était bien là tout le génie de sa diplomatie suprême. « A ceci près que je ne veux pas être stagiaire. Si vous m’embauchez, c’est pour me former. Un peu comme votre disciple, en vérité…Bien que je ne souhaite pas être avocate à l’avenir, vous côtoyer est une opportunité. Je sais qu’avec vous je vais apprendre bien plus qu’en une seule partie de surf. » Lexie n’oubliait pas qu’elle s’était déjà opposée à lui dans le but de gagner, et qu’il n’y avait jamais eu de gagnant. Elle savait aussi qu’il n’allait sûrement pas être tendre avec elle et qu’elle allait devoir justifier de solides épaules. Mais ce challenge là, c’était un peu l’étincelle manquant cruellement à sa vie morne et sans intérêt. Si elle pouvait travailler à s’en épuiser, c’était…Parfait. « Vous voulez encore discuter des termes du contrat ou on peut passer par la case signature ? » Petite couche de culot supplémentaire…Il n’était pas question de le laisser s’endormir, après tout.

Vérifier les limites des gens, c’est une part du métier de Cooper. A chaque fois qu’il prend une affaire, il test ses clients, il doit tout savoir d’eux. Rien ne doit lui être caché, sans quoi il sera ridiculisé et il ne pourra gagner son affaire. Il doit toujours tout savoir, même les secrets les plus enfouis et que personne ne veut ressortir. Fouiller c’est son job. Même si beaucoup disent que c’est fouiner, ça n’est pas ça. D’accord, il met son nez dans les affaires des gens, mais ces personnes sont totalement consentantes, vu qu’elles lui demandent de l’aide. Demandant donc à la jeune femme qui lui faisait face si elle serait prête à travailler dans ce bureau et uniquement nue, il la regarda, voulant voir les expressions de son visage, tout en écoutant sa réponse. Voir le visage des gens vous en apprend beaucoup et souvent c’est ça qui fait voir qu’il y a un problème.

J’espère que vous avez les mains douces pour me passer ainsi de la pommade.

Souriant en coin, il devait bien avouer qu’elle marquait deux points de plus, rien que pour cette remarque. Elle en était à quatre point et demi, elle s’en sortait plutôt pas mal. La voyant ensuite s’avancer, pour prendre place sur un fauteuil en face du bureau, il haussa un sourcil. Il ne lui avait pas permit de s’asseoir, malgré le fait qu’il voyait bien qu’elle avait froid. Elle venait de passer sous la pluie et de débarquer ainsi dans son bureau. La laissant alors faire, il l’écouta à nouveau parler. Quand elle parla de la signature, il préféra revenir sur ses propos précédents.

Vous ne voulez pas devenir avocate ? Alors en quoi ça me servirait de vous avoir dans mes pattes ?

S’appuyant au fond de son fauteuil, il la fixa.

Faire les photocopies, aller chercher les repas, c’est tout ce que vous ferez du coup et vous ne serez pas assez payer pour trouver ce boulot intéressants. Je peux me passer de vous si vous ne voulez pas devenir avocate. Les personnes qui travaillent ici et pour moi sont avocats et personne d’autre ne sera embauché, si c’est simplement pour passer son temps.

Il était vraiment sérieux. Il ne voyait pas pourquoi il devrait l’embaucher si elle ne voulait pas devenir avocate. Ca n’allait lui servir à rien de l’avoir à ses côtés. Il savait qu’elle voulait quelque chose, mais si ça n’était pas pour devenir avocate, pourquoi ?

Si vous voulez ce boulot, il va falloir que vous me disiez pourquoi vous voulez être embauché vu que ça n’est pas pour être avocate.

Lexie n’aurait jamais imaginé qu’il faille à tout prix souhaiter devenir avocate pour obtenir un poste bateau dans le cabinet de Cooper…Certes, il était rudement doué, et elle ne doutait pas une seconde qu’il puisse lui apprendre beaucoup de choses, mais elle n’allait pas changer son rêve uniquement parce que cela le chantait. Rien que pour cela, la discussion aurait très bien pu être close, mais là encore, Lexie gardait à l’esprit qu’elle n’avait pas pléthore de solutions. Il avait besoin de quelqu’un, du moins à ses yeux, mais elle en avait maladivement besoin également. Elle se contenta donc de garder une petite expression maligne et dans ses yeux d’un noisette brillant, et dans ce bref sourire qu’elle conservait sur ses lèvres depuis plusieurs minutes. Il fallait qu’elle négocie de manière très habile pour se garantir une place dans ce cabinet. Après tout, entre les avocats et les sénateurs, existe-t-il une différence si énorme ? Lexie était persuadée que non. Il suffisait de trouver un terrain d’entente, et de faire en sorte que Cooper soit en mesure de lui faire une confiance aveugle, et le tour serait alors joué. Après tout, malgré son jeune âge et le fait qu’elle n’ait pas les mêmes ambitions professionnelles que lui, Lexie était quelqu’un de confiance, de dévoué, totalement tourné vers son travail. Une acharnée comme il en existe trop peu…Même dans ses stagiaires, visiblement toujours dans ses pattes, il n’avait jamais eu affaire à quelqu’un d’aussi volontaire, et ça, la jolie demoiselle n’avait même pas besoin de poser la question pour en être intimement persuadée. « Plus tard, je serais Sénatrice, et mon rêve est d’accéder un jour à la maison blanche. Vous côtoyer, c’est mettre un premier pied dans un monde que je souhaite découvrir…C’est pouvoir charmer vos clients afin qu’ils se souviennent de moi, de manière même infime. C’est finir par avoir un carnet d’adresses…Inutile de rêver d’être avocate pour cela, et je tiens à être honnête sur mes intentions. Vous avez beaucoup à m’apprendre mais je suis persuadée que vous pouvez aussi apprendre avec moi. Vous voulez savoir pourquoi ? » Lexie paraissait subitement nettement plus sûre d’elle, comme si elle s’était relevée brillamment après une attaque sournoise de la part de Cooper. C’était une mise à l’épreuve, et elle relevait le défi la tête haute. Qu’importe le résultat, ou le fait qu’elle signe ou pas ce contrat d’embauche…Si elle devait échouer, autant que ce soit en ayant absolument tout essayé pour réussir. Lexie n’avait jamais donné dans le regret, et ce n’était pas aujourd’hui qu’elle allait commencer. « Outre le fait que j’ai les mains très douces pour passer la pommade, je suis volontaire, je n’ai pas peur des heures supplémentaires et je sais que je mourrais au travail. Si vous n’êtes pas encore convaincu, alors laissez-moi vous convaincre avec un essai. Je m’engage à répondre à toutes les attentes que vous pourriez avoir, quitte à aller jusqu’au bout de mes principes. Qu’est-ce que vous avez à perdre ? » S’il la laissait essayer, c’était gagné. Lexie avait un charme fou et une parfaite connaissance de ses aptitudes. De plus, elle était intimement persuadée qu’au lieu d’avoir une famille heureuse et une vie de femme accomplie, elle allait rester une maniaque du boulot comme il en existe bien trop peu dans le monde des requins et des entreprises. Cooper n’avait strictement rien à perdre et, au contraire, tout à gagner à l’embaucher ne serait-ce qu’à l’essai. Si elle pouvait l’accompagner dans ses déplacements et être cette touche féminine manquant cruellement à ce cabinet, il allait vite découvrir à quel point il avait gagné au change…Lexie se chargeait de lui donner raison chaque jour avec davantage d’application, et ce uniquement parce qu’il aurait accepté de l’intégrer à son cabinet. « N’oubliez pas que la touche féminine, il n’y a que ça de vrai dans une conjoncture affreusement sexiste. Vous auriez raison sur toute la ligne, et diablement plus de clientes féminines. Rien que sur votre bureau, ce sont avant tout des hommes vos clients, n’est-ce pas ? » Là, Lexie savait qu’elle marquait un point. Il ne s’agissait pas d’indiscrétion mais d’observation fine…Bien qu’elle l’ait à peine lâché du regard, elle avait constaté sans peine que ses affaires en cours étaient avant tout des clients hommes. Voilà bien une qualité supplémentaire à ajouter à une liste longue comme le bras de cette charmante demoiselle qui prenait d’ors et déjà ses marques.

Pourquoi devait-il s’occuper d’une jeune femme qui ne voulait pas devenir avocate ? Il ne voyait pas ce que ça pouvait lui apporter à lui. Au contraire, il allait devoir sortir un salaire supplémentaire des caisses et ça n’était pas pour lui plaire. Alors, il ne pû s’empêcher de sourire à ses propos. Elle visait haut, ce qui était une bonne chose et une mauvaise chose. Une bonne, parce qu’au moins elle avait un but précis et qu’elle allait se donner les moyens d’y parvenir. Une mauvaise, parce que si elle n’y parvenait pas, la chute serait longue et dure. Quand elle lui posa une question, il fit un signe de la main, pour la laisser parler. Elle semblait avoir des arguments à donner, alors autant qu’elle les donnent tous, tout de suite, avant qu’il ne se décide.

De l’argent. Je risque de perdre de l’argent en vous payant, si votre travail n’est pas satisfaisant.

Tout n’étant qu’une question d’argent pour le moment. Cooper voyait qu’elle semblait volontaire, mais il devait avouer que sortir un nouveau salaire et pas des moindre l’ennuyait fortement.

Mes clients sont des deux sexes. Je ne fais pas de différence, sauf si pour moi l’affaire est perdue d’avance. Mais dans mon cabinet la parité règne, j’ai autant d’hommes que de femmes qui travaillent pour moi.

Pas besoin donc de jouer sur la parité que ça soit sur les dossiers ou sur les employés. Fixant la jeune femme, il devait avouer qu’il était bien tenté de l’embaucher, mais il se demandait si c’était vraiment une bonne idée. Soupirant doucement, il continua de la fixer, hésitant.

Vous avez dit que vous pourriez répondre à toutes mes attentes.

Il haussa les épaules et se redressa mieux dans son fauteuil.

Si une de mes attentes est de vouloir de vous que vous couchiez avec moi, là tout de suite, vous le feriez ?

Il savait que beaucoup refusait et il ne voulait pas qu’elle mente pour ça.

Pas de mensonge, juste la vérité. Si c’est non, c’est non.

Oui, il devait avouer que la jeune femme était très belle et qu’il serait très tenté de coucher avec elle, mais il voulait avant tout un avis. Ca n’était pas à proprement parler une invitation, c’était savoir jusqu’où elle accepterait d’aller. Vu qu’elle acceptait déjà de rester en sous-vêtements, est-ce que ça voulait dire qu’elle acceptait d’aller plus loin ?

Lexie se doutait bien qu’il allait venir un moment où elle allait regretter son insuffisance cardiaque. Ce n’était pas un phénomène agréable, ni quelque chose qui n’était pas douloureux, mais cette fois-ci cela lui demandait un effort tout particulier. Elle ne pouvait décemment pas avouer son état de santé à Cooper, ni même le mettre sur la voie, et pourtant si elle avait été parfaitement franche, c’est ce qu’elle aurait dû faire. Cela lui aurait certainement évité de se mettre dans d’aussi beaux draps. Mais d’un autre côté, elle doutait fortement qu’il souhaite embaucher quelqu’un ayant d’importants problèmes cardiaques. C’était une idiotie pure, et Lexie n’aurait même pas pu l’en blâmer. Hélas pour lui, elle n’était pas du genre à lâcher le morceau, surtout tant qu’elle n’avait pas obtenu ce qu’elle convoitait. Ce n’était pas par plaisir qu’elle se mettait à table à ce point, et qu’elle soit si docile, surtout pour quelqu’un d’aussi révolté qu’elle d’ordinaire. Mais le jeu en vaut la chandelle, comme dit le proverbe. Elle ne manqua pas de sourire de manière plus prononcée lorsqu’il guida la conversation jusqu’à une éventuelle partie de jambes en l’air entre eux…Tiens donc, et pourquoi n’était-elle pas surprise ? C’était évident. Rien qu’avec ses précédents dires, il était évident que Cooper était un homme à multiples conquêtes, et après tout, il ne risquait rien en tentant quelque chose avec elle. Lexie était donc prisonnière de ce « serment de vérité », pourtant, au lieu de fuir ou de reculer, elle s’accouda au bureau de Cooper avant d’énoncer, en un souffle : « Comme je vous aie dit…Mettez-moi à l’essai. » Lexie était prête à coucher si cela pouvait lui rapporter un contrat et un poste dont elle pourrait être au moins un peu fière. C’était mieux d’agir ainsi que d’être payée en couchant à droite et à gauche. Elle n’était pas prête à se prostituer pour payer ses factures, et n’était pas encore rendue à mendier pour se sortir des ennuis. En l’occurrence, Cooper était un homme séduisant, elle avait beaucoup de charme alors…Pourquoi pas ? Elle savait mieux que personne qu’en couchant, on découvre nettement plus quelqu’un qu’avec des années de discussion à bâtons rompus. « Mon travail sera satisfaisant. D’une part, parce que je ne souffre que la perfection, et d’autre part parce que le droit m’intéresse nettement plus que vous ne pourriez le croire. Je m’attarde sur tout ce qui peut me servir…Surtout sur votre métier. Soit, vous avez autant de femmes que d’hommes dans votre équipe. Mais trouvez-moi quelqu’un ayant mes résultats scolaires et je m’incline. » En un rien de temps, et surtout s’il avait pour habitude de prendre de nombreux élèves de Berkeley en stage, il pouvait avoir accès à son dossier scolaire. Lexie n’avait eu que deux absences en trois ans, et toutes les deux avaient été dûment justifiée. Ses résultats étaient excellents et ses professeurs unanimes pour dire qu’elle était acharnée au travail. Perfectionniste jusqu’à l’extrême, même. Mais ce détail, Cooper l’avait déjà constaté lorsqu’ils avaient fait du surf ensemble, sûrement. Lexie n’abandonnait jamais une partie s’il lui restait un tout petit espoir de briller et ce parce que son tempérament la poussait toujours à se surpasser. Ce n’était pas une offre malhonnête et sexuelle de la part d’un avocat, même de renommée, qui allait l’effrayer ! « Vous déboursez un salaire, et moi, je vous offre les plus grands frissons de votre vie et je vous permets d’avoir trois fois plus d’affaires intéressantes à traiter. Ca s’appelle un échange de bons procédés, il me semble…Mais je vais éviter d’en jurer, n’est-ce pas ? » Lexie savait où taper, elle savait s’adresser aux bonnes personnes et son flair était plutôt bon. Cooper avait bien plus d’avantages à l’embaucher que d’inconvénients. « Quels grands hommes n’ont jamais pris de risques pour améliorer leur génie, hum ? »