Mes yeux se ferment tous seuls. En fait, la sensation d'avoir bien dormi ne dure qu'un petit moment. Présentement, je lutte pour rester éveillé. Et pourtant, j'ai mal partout. Surtout à la tête. Pour les côtes, ça va, j'en souffre beaucoup moins que tout à l'heure. Je ne sais même pas si elles sont cassées. Je ne l'espère pas. Sinon, je sens que j'ai de multiples petites blessures sur le visage. On m'explique que les étourdissements, vomissements et fatigue sont les résultats d'un petit traumatisme crânien. On me rassure en m'avouant que ce n'est rien de grave et que je vais vite m'en remettre. À côté de cela, on me fait la morale, comme quoi la violence ne résout rien, blablabla... je me serais volontiers passé de sermon. C'est comme le célèbre « Ce n'est pas bien de fumer. ». On a envie de dire « Mais ta gueule, on le sait ! ». Et bien là, c'est pareil. Mais je reste calme. Inutile de m'énerver pour si peu. Et puis, je suis trop fatigué pour cela.

Et alors qu'on m'a, au préalable, présenté la bassine sous les yeux, je l'ai attrapée pour vomir dedans. Très poétique. Je ne sais pas si c'est psychologique, mais quand j'ai des nausées et que je regarde le fond d'une bassine, je ne peux pas m'empêcher de vomir. C'est un peu comme aller aux toilettes. Même si on a envie d'uriner, on ne le fait pas sur soit, il y a comme un blocage. Alors que lorsque l'on se trouve dans l'endroit approprié, il n'y a plus aucun problème. Bon, certes, je m'égares. Je relève la tête de la bassine. Je suis sûr d'être blanc comme un sachet d'aspirine. Et là, mes yeux croisent ceux de Maria, qui se trouve à l'entrée de la chambre, dans l'encadrement de la porte. Je ne sais pas comment réagir. Je ne pourrais cependant pas nier le fait que je n'ai qu'une envie en la voyant, qu'elle vienne, que je la prenne dans mes bras et qu'elle me rassure. Mais je me refuse un tel comportement. Il est hors de question que je la repousse, et qu'ensuite je l'embrasse pour mieux la repousser encore. Non.

Un médecin s'approche d'elle, alors que je continue de la regarder dans les yeux. Et ce n'est que lorsqu'il commence à lui parler que je tourne la tête pour reposer la bassine. « Il a une commotion cérébrale, mais légère. Il est juste un peu sonné, a une belle blessure derrière la tête, mais ce n'est pas inquiétant. Il va juste avoir quelques étourdissements, nausées et ressentir un peu de fatigue. Je suis même étonné du peu de gravité du traumatisme. Tant mieux me direz vous. » Je suis sûr que l'homme lui sourit. Je repose ma tête sur l'oreiller. Petit gémissement étouffé. J'ai un énorme pansement derrière la tête. « Pour ce qui est des côtes, il en a une de cassée au côté droit. Il aura mal pendant plusieurs semaines mais il guérira vite. » Génial... au moins ça répondait à ma question. Il ne vaut mieux pas que je croise Andrew. « Bon j'ai du travail. Je reviens tout à l'heure. »

Maria O'Berkeley
& Edward O'Malley

Maria ne savait même pas si elle avait raison ou non de se trouver là où elle se trouvait en ce moment, mais elle ne pouvait pas penser qu'il n'en valait pas la peine. Mon dieu non, il était si important aux yeux de la brunette qu'elle n'aurait jamais pu avoir de telles pensées, voilà ce dont Maria était présentement réellement sûre et certaine. C'était toujours cela sur quoi elle n'avait absolument aucun doute, toujours cela de gagné en somme. C'est alors que le médecin qui se trouvait en ce moment dans la chambre d'Edward en ressortit et s'adressa directement à elle. Il avait dû comprendre qui elle était, et c'était tant mieux car Maria n'avait même pas la force de parler présentement, même pour se présenter. Sans doute était-ce idiot mais là, la brunette avait comme perdu toute faculté de parole, le voir ici, dans cet état et avoir ce comportement vis-à-vis d'elle... Maria avait quelque peu de mal à suivre dorénavant. « Il a une commotion cérébrale, mais légère. Il est juste un peu sonné, a une belle blessure derrière la tête, mais ce n'est pas inquiétant. Il va juste avoir quelques étourdissements, nausées et ressentir un peu de fatigue. Je suis même étonné du peu de gravité du traumatisme. Tant mieux me direz vous. » En gros, monsieur avait un traumatisme crânien – exactement ce qu'elle avait craint lorsqu'elle l'avait découvert dans les loges du théâtre, mais Edward avait refusé de se rendre à l'hôpital – coïncidence ou non, il y avait fini quand même – et même de laisser Maria le soigner un petit peu. D'où, d'ailleurs, le problème était parti entre eux. Une fois le médecin repartit pour s'occuper d'autres patients, la brunette reporta son regard sur l'homme, mais ce dernier ne la regardait plus. L'avait-il seulement regardé depuis qu'elle était là, elle n'osait dorénavant plus l'imaginer. Son comportement l'avait tellement effrayé auparavant qu'elle ne savait vraiment plus quoi en penser maintenant.

Hésitante, Maria finit par s'avancer dans la chambre d'hôpital d'Edward, jusqu'à se retrouver non loin du lit, et même suffisamment près pour pouvoir toucher l'homme, ce qu'elle ne fit cependant pas. La situation était étrange. Ils ne parlaient pas. Lui n'étant sans doute pas en état, et Maria parce qu'elle ne s'en sentait pas suffisamment la forme présentement. En somme, la discussion n'était pas prête de démarrer entre les deux amoureux. Déglutissant de manière on ne peut plus silencieuse, la brunette ne trouva qu'une seule chose à faire tant elle était perdue.

Elle tendit la main à son compagnon...

Maintenant à savoir s'il allait la saisir ou non, la brunette n'osait faire de pronostics, cela étant beaucoup trop risqué à ses yeux.

Quand le médecin ressorti, je sentis une légère tension envahir la chambre. Je ne savais même pas si Maria allait rester, ou partir après avoir eu connaissance de mon état de santé. Je n'avais rien de grave. Peut-être allait-elle donc préférer me laisser ici et mettre les voiles. Dans le fond, je ne lui en aurait même pas voulu. Après tout, j'ai agi avec elle d'une façon étonnante, comme un salop, sans même chercher à lui expliquer les raisons de mon comportement. Elle devait peut-être savoir dans le fond. Je ne pouvais pas la laisser ainsi dans le flou. Non, j'avais bien trop de respect pour elle pour lui faire cela, bien trop d'amour également. Elle s'approche de moi. Je n'ose pas tourner la tête vers elle pour croiser de nouveau son regard. J'ai comme honte. Oui, honte de moi, honte de ma santé, honte de tout. Un manque de confiance en moi flagrant à ce sujet. J'ai toujours cette envie de chialer. Mais je me retiens. Et pourtant, je crève d'envie de m'excuser, de lui dire que je l'aime plus que tout au monde. Pourtant, comment lui expliquer mon point de vue ? Comment lui faire comprendre que je ne veux pas la faire souffrir ? Nous avons eu à quelques reprises un commencement de conversation portant sur ce sujet et pourtant, cela a toujours abouti de la même façon, c'est à dire à une confrontation de points de vue totalement différents. À chaque fois, elle tente de m'expliquer qu'elle ne veut pas gâcher une histoire comme la notre sous prétexte que je suis condamné à une courte vie. Pour ma part, j'ai envie qu'elle comprenne ma culpabilité et le fait que je veuille – même si ça me ferait terriblement souffrir – qu'elle se trouve un homme en bonne santé pour fonder une grande famille jusqu'à la fin de ses jours.

Et ce qu'Andrew m'a dit aujourd'hui, n'a fait que confirmer mon point de vue. C'est un peu comme avoir un défaut physique. On tente de passer outre cela, de prendre confiance en soit, d'essayer de se trouver beau et un jour, après bien des efforts, un idiot vous relance votre complexe dans la figure. Comme « Tu es gros. » par exemple. Holden m'avait fait plus mal que tous ses coups réunis avec cette simple parole. Il m'avait fait de nouveau perdre confiance en moi. Et là, je sors un peu de mes pensées quand je vois la main de Maria se présenter à moi. J'y pose mon regard, avant de le remonter jusqu'au visage de la jeune femme. Mes yeux restent plissés, mon visage emprunt de fatigue. Je tente de me redresser, uniquement pour adopter une position assise. Cela me prend un petit moment alors que je suis toujours dans le gaz. Je porte tout mon poids à bout de bras et mon dos se cale contre les oreillers. Je grimace légèrement avant de réussir à m'asseoir. Puis, après quelques secondes d'hésitation, je prends la main de la brunette, dans un geste tendre ou comateux, je n'aurais su le dire. Quoi qu'il en soit, je l'invite à s'asseoir également sur le lit, en face de moi.

Et là, le silence s'installe un moment. Je cherche les bons mots pour m'exprimer clairement. Pourtant, ma voix se montre plus grave, comme au réveil ou bien dans un instant de faiblesse. « Andrew... Andrew a mis le doigt sur un gros problème entre nous. Un problème que tu nies à chaque fois, mais qui me donne raison pour le coup... il a dit que je te séquestrais en quelques sortes en te laissant t'attacher à une personne condamnée comme moi, que tu ne mérites pas ça et que ça fait de moi un des plus grands égoïstes sur cette Terre... » Je baisse un instant les yeux avant de me mordre la lèvre inférieure pour réussir à me contenir. « Ce n'est pas ce que je veux. Non... je ne veux pas être égoïste et te détruire. Tu dis toujours que ça ne t'empêche pas de vouloir vivre cette histoire d'amour avec moi, mais on sait tous les deux comment ça va finir. Tu vas te retrouver dans le même état qu'avec Matthew. Je n'ai pas envie de te faire subir ça, je n'ai pas envie. » J'avalais difficilement ma salive, alors j'essayais d'empêcher mes mains de trembler. « Et je me rends compte que... j'arriverais jamais à ne pas culpabiliser. Tu dois te dire que j'y pense sans cesse, mais je ne peux pas faire autrement. Je vis avec ça, j'y pense tous les jours, ça me torture tu sais. J'en ai marre. J'en peux plus. »

Maria O'Berkeley
& Edward O'Malley

Maria n'aurait pas réellement qu'il pourrait prendre sa main, et pourtant l'Irlandais venait bel et bien de le faire, ce qui rassurait finalement beaucoup la brunette. Il ne la rejetait donc pas encore totalement, il y avait de quoi se sentir un peu mieux tout de même, non ? Edward lui fit même de la place pour qu'elle puisse prendre place justement sur le lit, mais il n'y avait pas suffisamment de place pour eux deux sur ce lit, et Maria ne voulait en aucun cas qu'Edward se sente mal parce qu'elle devait s'asseoir ici, et puis quoi encore ? Cependant, elle le fit. Bonjour la personnalité contradictoire. C'est alors que le silence se fit on ne peut plus présent dans la chambre entre les deux amoureux, ça ne présageait vraiment rien de bon et cela commençait même à inquiéter la brunette qui se demanda si Edward n'était pas en train de chercher les mots dans le simple but de rompre avec elle. Peut-être n'avait-il pas digéré le coup qu'elle lui avait fait quelques mois auparavant, peut-être ne ressentait-il plus les mêmes choses envers elle, ou peut-être encore préférait-il vivre dorénavant tout seul, trouvant cela plus facile. Comment pouvait-elle savoir à l'avance qu'il comptait lui annoncer sincèrement ? Elle ne pouvait pas deviner ce genre de choses, et c'était d'ailleurs ce qui l'inquiétait le plus en ce moment.

C'est alors qu'il commença à parler. Et ce qu'elle entendit ne lui plût pas du tout, mais vraiment pas. Comment Andrew avait-il pu dire toutes ces choses infâmes à Edward ? Était-il sans gêne ou bien ?! Ce qu'elle entendit mis Maria hors d'elle, mais la brunette qui était une femme en général contrôlée ne montra rien, ce n'était vraiment pas le moment de laisser transparaitre sa colère, Edward n'avait pas besoin de cela alors qu'il était présentement dans un lit d'hôpital, vraiment pas. L'Irlandais exprima à Maria tout ce qu'il pouvait ressentir vis-à-vis du fait qu'il était condamné et qu'il empêchait – selon lui – Maria de vivre la vie qu'elle méritait, apparemment sans lui. La brunette eut bien du mal à écouter tout cela, mais elle le fit, c'était une simple question de respect. Il ne fallait pas croire, en vérité il arrivait à la jeune mère de penser au futur, à ce qui pourrait se passer le jour où Edward...mais elle changeait de suite d'idée, refusant l'inévitable. Oui, Maria savait pertinemment qu'Edward allait mourir, c'est vrai, mais pas demain, alors elle évitait de penser à ce qui se passerait d'ici dix ans, ou vingt ans et profitait autant qu'elle en avait la possibilité de la vie qui leur était donnée de vivre, ensemble.

« Tu sais, moi aussi parfois il m'arrive d'y penser. Je me demande ce qu'il se passera, seulement juste après je te vois, avec les enfants et c'est là où je me rends compte qu'importe ce qu'il se passera d'ici dix ou vingt ans, on se doit de profiter de chaque jour qu'il nous est donné à être ensemble. Je t'aime Edward, plus que tout avec les enfants. Et même si ce bonheur ne m'est accordé que quelques années, qu'importe, j'y aurai eu le droit, avec toi. Tu me connais suffisamment pour savoir que je ne suis pas croyante comme le sont mes parents, mais je crois au destin Ed, et je sais que le mien, il est avec toi. Je sais que je n'y aurais pas infiniment le droit, mais tant qu'il m'est à portée de main, je veux en profiter. »

Alors que sa main était toujours dans celle de son compagnon, elle la retira pour lui montrer l'anneau qu'elle portait toujours, même s'ils n'étaient plus officiellement fiancés, et qu'ils n'étaient pas non plus mariés.

« Tu vois cette bague ? Que nous soyons ou non mariés, elle est la symbolique même de tout ce qu'on représente. On meurt de peur de s'engager jusqu'au bout, mais on en rêve. C'est pareil pour notre amour Ed. Tu as peur de réduire ma vie à des regrets, et j'ai peur de t'empêcher de réaliser tes rêves. Toi comme moi, sommes quelque part fautifs, je ne le nie pas, mais je m'en contre fiche. Je t'aime, et condamné ou pas, mes sentiments pour toi ne changeront pas. »

« Je t'aime aussi, quoi qu'il arrive. »

Quand on est condamné à mort, on passe par plusieurs étapes. On a tout d'abord l'impression d'être spectateur. On ne réalise pas. Puis on passe par la phase d'incompréhension. Pourquoi moi ? J'ai été mauvais dans une vie antérieure ? On devient jaloux des gens, on se renferme, on en veut à toutes les personnes qui se plaignent de quelques futilités de la vie quotidienne. On rêverait d'être en bonne santé, d'avoir une longue vie assurée. Puis une courte phrase où l'on accepte en se disant que certaines personnes meurent en se faisant renverser par une voiture. À partir de là, on se dit que c'est le destin, qu'on peut mourir demain. Et il y a cette dernière étape, celle dans laquelle je me trouve présentement. En avoir assez. En avoir marre de se battre encore et encore sans qu'aucun bon résultat ne pointe le bout de son nez. Lutter en sachant qu'on sera perdant quoi qu'il arrive. On a envie de baisser les bras, on aimerait mettre un terme à tout cela. Arrêter ce calvaire. Jamais je n'en ai parlé à Maria. Mais il m'est déjà arrivé d'avoir des pensées morbides. Imaginer le soulagement si je mettais fin à mes jours. Tellement de possibilités. Une overdose de médicaments, avec un peu trop d'alcool. Pour les amateurs de sensations fortes comme moi, se jeter du haut d'un immeuble. Et il y a toujours ses attaches qui nous retiennent. Une femme. Des enfants. Des amis. Des parents. Des frères et des sœurs. On a peur de mourir, on en a marre de continuer de souffrir, d'avoir cette peur de s'en prendre davantage en pleine figure. Une journée sans prise de médicaments. Aussi futile cela puisse paraître, j'en rêve. Partir et ne se soucier de rien.

Puis il y a ces personnes qui vous disent que vous vous apitoyé sur votre sort. Comme si c'était si simple de ne pas y penser. Ça semblait tellement facile pour Andrew. C'est comme demander à un cancéreux de ne pas penser à sa maladie quand il vomit et se regarde dans un miroir pour voir son crâne dénué de cheveux. Donc oui, j'y pense tous les jours quand je prends mes médicaments, quand je vois la longue cicatrice au niveau de mon sternum, quand je ne me sens pas bien, quand je suis essoufflé après quelques efforts, quand on me refuse un crédit sous prétexte que je risque de mourir avant de l'avoir remboursé. Alors au final, oui, j'en ai assez de cette vie. Ça peut paraître comme une petite déprime pour certains. À mes yeux, c'est bien plus que ça. Un énorme raz le bol. Je veux un jour de congé.

« Parfois je me dis que je dois profiter de l'instant présent. Mais l'idée de mourir bien trop tôt me bousille le moral. Je n'arrive pas à en faire abstraction parce qu'il y a tellement de choses qui me le rappelle. Je suis fatigué de me battre en sachant que je n'en sortirais pas gagnant de toute façon. Comment je fais pour ne plus y penser ? J'en ai marre Maria. Parfois... parfois il m'arrive de penser à une façon de me suicider. Et ça, c'est grave... » Les yeux rougis par les larmes, je détournais le regard. « J'ai peur de mourir, je suis angoissé à cette idée. Ça peut paraître contradictoire, mais quitte à mourir, parfois j'ai envie d'en finir rapidement, plutôt que de m'attacher encore plus à une courte vie dont je ne verrais jamais le bout... »

Maria O'Berkeley
& Edward O'Malley

« His love is all she knows, she can't help it. »

Maria savait qu'Edward vivait très mal sa maladie, ce qu'elle comprenait, bien qu'elle ne soit pas dans sa situation. Mais Maria se trouvait dans une situation également très délicate, en effet, elle voyait son compagnon qui vivait mal les choses, et ça ce n'est vraiment pas facile. La brunette faisait toujours tout son possible pour le soutenir, mais parfois les choses étaient bien plus compliquées que les gens de façon générale pouvait le penser, malheureusement. Bien-sûr, ils s'aimaient – fou était celui qui oserait dire le contraire – mais l'idée du futur leur faisait extrêmement peur. Qui n'aurait pas peur ? Tout le monde a peur de la mort, de façon générale, après les cas particuliers, on ne s'étendra pas sur eux. Cependant, la brunette n'aurait jamais cru que c'était au point de penser à se donner la mort qu'Edward vivait mal sa condamnation. L'entendre parler comme il parla donna des frissons dans le dos à la brunette et une boule fortement douloureuse dans la gorge lui implorant de pleurer, ce qu'elle se refusa à faire. Elle devait avant tout soutenir l'homme qu'elle aimait, et laisser ses sentiments prendre le dessus une fois qu'elle pourrait se retrouver toute seule, c'est-à-dire pas maintenant.

Reprenant la main de l'homme qu'elle aimait dans la sienne, la brunette la serra. Il fallait impérativement qu'elle trouve les bons mots, mais allez les trouver dans une situation pareille, honnêtement. Il fallait énormément de courage, et bien qu'elle puisse douter d'en avoir autant, Maria se promit de faire tout son possible pour venir à bout des craintes d'Edward. Il était en proie au doute et à la peur de ne pas survivre suffisamment longtemps, mais Maria elle, y croyait, vraiment au point de penser qu'ils devaient faire ce qu'ils avaient décidé de ne pas faire, ou pas maintenant en tous les cas. L'embrassant de toutes ses forces, la brunette passa sa main libre dans les cheveux de son compagnon en faisant très attention de ne pas toucher l'endroit où il avait un pansement.

Au fond d'elle-même, Maria savait qu'elle aurait mieux fait de ne pas se mettre en couple avec Edward, c'est vrai. Seulement on ne décide pas vraiment pas de ces choses-là, les sentiments prennent le pas sur la raison dans ce genre de moment, voilà pourquoi aujourd'hui la brunette était en couple avec l'Irlandais et pas avec un autre homme. Mais n'allez surtout pas penser qu'elle le regrette, car ce n'était définitivement pas le cas, elle aimait Edward comme aucun autre homme et savait très bien qu'aujourd'hui elle ne pourrait sans doute pas être heureuse avec un autre comme elle pouvait l'être avec Edward maintenant.

« Aussi égoïste que cela soit, j'ai besoin que tu tiennes bon Edward. »

L'embrassant de nouveau, la brunette posa délicatement son front contre celui de son compagnon, attendant patiemment qu'il veuille bien réfléchir quelque chose, s'il trouvait quelque chose à répondre cependant, ce qui n'était pas certain. Elle avait quelque peu l'impression de lui mettre un couteau sous la gorge présentement, alors que Maria ne voulait surtout pas cela, mais elle avait terriblement besoin de lui dans sa vie, sans quoi elle ne tiendrait sans doute pas longtemps, la preuve en était le fait qu'elle soit revenue vers lui après avoir « essayé » de faire sa vie sans lui à ses côtés.

Je sais que Maria n'a pas besoin de tout ça en plus ces temps-ci. Ce fut la raison pour laquelle je ne lui avais encore rien dit. N'allez pas croire qu'il y a un grand manque de communication entre nous, c'est tout le contraire même. Mais je souhaitais la protéger en gardant le silence sur mes idées noires. Elle est jeune maman, est à la tête d'une des plus grandes universités des États-Unis et donc du monde, elle est à bout de nerfs ces temps-ci donc non, je n'avais pas besoin de lui balancer en plus en pleine figure que j'ai des idées suicidaires en ce moment. On pourra me prendre pour un idiot, tenter de me faire comprendre que ce n'est pas la solution, que je dois m'exprimer, ne pas tout garder pour moi, afin de ne pas péter un câble. Mais je n'aime pas me confier lorsque je sais que ça va faire du mal à la personne à qui je le dis. Qu'aurait pensé Maria ? Elle est déjà très fatiguée par la situation. Et je lui en parlais maintenant, uniquement parce que je savais que c'était le bon moment. Je me trouvais déjà dans un état pitoyable, donc autant aller jusqu'au bout des choses et faire tous mes aveux, non ? Au moins, c'est une bonne chose de faite.

Puis à ma grande surprise, elle approcha son visage du mien afin de m'embrasser. Je la laissais faire, répondais même à ce baiser. Mes mains avaient trouvé refuge dans son dos. « Aussi égoïste que cela soit, j'ai besoin que tu tiennes bon Edward. » Nous avions reculé nos têtes afin de pouvoir nous regarder dans les yeux. Cette parole me fit mal, sans que je ne puisse vraiment en expliquer la raison. Probablement parce qu'au fond de moi, je savais que le suicide est un acte égoïste. Enfin, c'est ce qu'on dit, mais qu'on réellement pensé toutes les personnes qui se sont enlevées la vie ? Nous ne le saurons jamais de toute façon. « Je te donne tous les droits d'être une grande égoïste. Tu le mérites après tout... » Je continuais de la regarder dans les yeux, alors que les miens restaient rougis par les larmes.

« Tu sais... je continue de me battre pour toi, pour les enfants et pour le reste de ma famille. Si j'avais été seul, je pense que j'en aurais déjà fini depuis longtemps... » Je ne sais pas si ce genre de paroles allaient la rassurer. Probablement un peu tout de même. Je passais faiblement mes bras autour d'elle et l'invitais à venir un peu plus contre moi afin que nous partagions un câlin. Je calais mon visage contre le creux de son cou. « Je suis désolé... je suis désolé de m'être battu avec Andrew. C'est moi qui suis venu le chercher... » J'avais beau désormais détester Holden, je ne pouvais pas l'accuser d'une faute qu'il n'a pas commise. Dans le cas présent, c'est moi qui suis venu l'agresser. Il s'est défendu et ce, même si je ne cautionne pas la dureté de ses paroles.

Maria O'Berkeley
& Edward O'Malley

« His love is all she knows, she can't help it. »

En quoi méritait-elle plus que quelqu'un d'autre se montrer égoïste, honnêtement ? Aucune réponse ne vînt à la brunette qui évita rapidement de trop se torturer l'esprit avec cette pensée qui – elle n'en doutait pas un seul instant – lui reviendrait une fois qu'elle se retrouverait quelques minutes seule avec elle-même. Observant les eux rougis de son homme, la brunette ne se sentit nullement à l'aise face à cette vision qu'Edward donnait présentement de lui-même, en effet, c'était dorénavant comme si elle était la seule qui voulait encore bien se montrer forte alors qu'elle aurait pu craquer depuis longtemps. Oh il est vrai qu'elle avait légèrement craqué lorsqu'elle avait quitté Edward quelques mois auparavant, mais elle s'était vite reprise, et ils étaient donc repartis ensemble, comme avant. Même si au fond, plus rien n'était comme avant, plus rien ne le serait jamais de toute manière, et elle comme lui le savait pertinemment.

L'écoutant lui dire qu'il ne s'était pas tué pour elle, les enfants et ses proches, Maria n'y vit absolument rien de rassurant car en y repensant bien, si un coup de blues plus fort que d'habitude prenait l'Irlandais, il n'hésiterait sans doute plus tellement et en viendrait peut-être à commettre l'irréparable. Elle ne se mit pas à paniquer pour autant en se disant qu'il fallait une surveillance permanente vis-à-vis de l'homme, disons simplement qu'elle tiendrait dorénavant plus compte de ce qu'il pourrait réellement ressentir, bien qu'elle s'y soit toujours intéressée.

« Ne t'excuse pas, tu as peut-être commencé, mais Andrew n'avait pas à cogner aussi fort. »

Et encore, cela était peu dire, il suffisait de voir dans quel état était dorénavant Edward, et rien pour que cela, Maria enrageait intérieurement d'une force incroyable contre celui qu'elle avait jusqu'alors considéré comme étant son 'meilleur ami'. Mais est-ce qu'un meilleur ami ferait cela ? C'est-à-dire qu'un meilleur ami n'est pas vraiment réputé pour aller cogner violemment sur l'homme qu'aime sa meilleure amie. Mais apparemment cela n'avait nullement dérangé Andrew qui avait dû se faire un malin plaisir à achever Edward que ce soit physiquement – certes, mais surtout moralement, il suffisait d'écouter l'homme présentement. Andrew le paierait, d'une manière ou d'une autre, ils devraient s'expliquer.

« Je t'aime Edward, je t'aime tellement... »

Murmura t-elle, faisant tout son possible pour maintenir sa tristesse à l'intérieur. Ce n'était vraiment pas le moment de craquer. Pas alors qu'Edward était au plus mal et qu'il hésitait à poursuivre sa vie, non. Malgré tout, ses paroles faisaient comprendre un « Je t'en prie, ne me laisse pas. »

« Ne t'excuse pas, tu as peut-être commencé, mais Andrew n'avait pas à cogner aussi fort. » Je m'en fiche pas mal des coups qu'a pu me donner Andrew. J'ai frappé le premier, il s'est défendu. Et, comme lorsque l'on s'envoie des saloperies dans la gueule, on devient plus violent. Pour ma part, je n'arrivais plus à me contrôler. Je n'avais qu'une envie, éclater la figure de Holden. Lui aussi apparemment. Certes, il avait su garder son sang froid durant quelques minutes, mais face à mes multiples assauts, il a dû se résoudre à employer également sa force physique, en sachant que je ne lâcherai pas prise. Nous nous sommes bien battus. Il a su être plus fort que moi cette fois-ci. Je ne l'ai pas non plus épargné et si je me réfère à mon dernier souvenir de lui – datant d'il y a quelques heures seulement –, il se trouvait également bien amoché. Non, je me fiche des coups physiques. La seule chose que je ne conçois pas, sont ses paroles. Certes, je n'ai pas été très doux non plus dans les miennes, mais certainement beaucoup plus que lui. Jamais je n'aurais osé tenir ce genre de propos vis à vis de lui. Pourquoi ? Car il reste – malheureusement – l'homme que Cheyenne aime. Et uniquement pour cela, je n'aurais jamais pu me permettre ce genre de paroles. Bref. Le passé est le passé de toute façon. « C'est moi qui l'ai frappé en premier cette fois-ci... quand je t'ai faite souffrir, il n'a pas hésité une seule seconde à venir me chercher des noises devant les étudiants sous prétexte que je n'avais pas à faire cela. Donc quand j'ai appris ce qu'il avait fait à Cheyenne, ça m'a paru logique de lui administrer le même traitement qu'il m'a fait subir il y a quelques temps... C'est puéril, je le conçois. Mais je reste un homme. J'agis avant de réfléchir... »

« Je t'aime Edward, je t'aime tellement... » Les sanglots dans sa voix me déchirent le cœur et je regrette un instant de m'avoir confié à elle quant à mes idées noires. Peut-être aurais-je dû garder cela pour moi et aller en parler à un psychologue ? D'un autre côté, garder le silence, lui sourire alors que ça ne va pas, revenais à lui mentir. Ce n'est que mon point de vue, certes. Et comme nous sommes censés tout nous dire dans un couple, il me parait normal de me confier à ce niveau là. Loin de moi l'envie de la faire pleurer, de lui faire peur ou je ne sais quoi d'autre, bien évidemment. Et je comprends dans ses paroles qu'elle m'intime de ne pas commettre un acte irréparable. Il faut que je la rassure. Je recule doucement la tête afin de croiser son regard. « Je ne ferais rien ne t'en fais pas. J'estime qu'il y a une grande marche entre y penser et passer à l'acte. Je ne dis pas que mes idées ne sont pas importantes, c'est grave, j'en suis conscient. Mais je ne vais pas plus loin que de simples pensées. »

Ma main caresse sa joue, tandis que je la regarde dans les yeux avec sérieux et amour. J'ai besoin qu'elle me croit. Certes, on dit souvent que le fait de se suicider nous passe par la tête comme ça. Pour ma part, je ne me sens pas du tout capable de me retirer la vie, même si parfois, je trouverais cela préférable. Disons que je n'ai pas assez de courage pour commettre mon propre meurtre, ou bien j'en ai bien trop pour avoir l'arrogance de me raccrocher encore une fois à un fil sur le point de lâcher.