Quelques mots avaient suffi à m’ébranler, des mots lancés à une rapidité vertigineuse qui étaient similaires à l’impact d’une lame que l’on me plantait en plein cœur. Le mur de briques que j’avais tâché de dresser en arrivant en ce lieu s’était pris un impact des plus importants et se fissurait lentement, menaçant de s’effondrer à tout instant. Les lèvres pincées, une lueur de déception traversa furtivement mes prunelles toujours posées sur Pavel. Déçu et brisé, voilà comment je me ressentais à l’heure actuelle et Ebony ne faisait que croitre un peu plus la rancœur que j’éprouvais envers elle en alignant des termes qui me donnaient envie de lui planter mon couteau en pleine gorge. « Prends garde à ne pas te le prendre en pleine figure, ça serait dommage de finir en œuvre d’art abstraite vu les quinze couches de maquillage que tu t’ais tartiné sur la tronche. » Que cela se soit déroulé il y a des mois et des mois ne m’importait que très peu, dans le fond, le mal était fait et me tenait par les tripes. Pourquoi n’arrivais-je pas à outrepasser tout cela ? Parce qu’en plus de ces révélations, j’avais en tête ces nombreuses images de cette soirée au bal de Berkeley. Tous ces gestes déplacés que Pavel avait eu à l’encontre d’Ebony… Et voilà que je me mettais à questionner la sincérité du jeune Russe. Mensonge ou vérité, j’étais littéralement déboussolé et mon humeur de chien me trahissait. Impossible de faire comme si tout allait bien, de faire comme si cette révélation ne m'affectait à aucun niveau. Elle résonnait et était en train de s’ancrer dans mon esprit, un habitacle dont elle ne pourra sans doute jamais être délogée. Ma fourchette se tourne et se retourne dans mon assiette. J’avais à peine englouti une bouchée de mon plat que déjà, mon estomac se nouait et hurlait qu’il ne pouvait plus rien accueillir, à l’image de ma gorge dans laquelle un nœud s’était également formé. Assez de jouer, c’était en plein cœur que je venais d’être touché et si c’est ce que ces deux personnes avaient souhaité, elles avaient atteint leur objectif avec brio. Alors que la discussion vire sur les Romanov, je m’agrippe mon portable présent dans la poche de mon pantalon afin d’écrire un bref message à l’encontre de mon frère et ainsi lui annoncer que j’allais écourter ma soirée et donc récupérer ma fille bien plus tôt que prévu. Un simple haussement d’épaule vient à m’animer lorsque Pavel évoque cet homme politique dont je me moque comme de l’an quarante. Si Ebony et lui ont une aventure, que grand bien lui fasse, je ne suis pas le pauvre rédacteur de presse à scandale, j’en ai un peu trop dans la caboche pour me réduire à écrire des articles sans le moindre intérêt évoquant la dinde qui se tient à côté de moi, même si cela devait me rapporter un sacré pactole au bout du compte. Je n’allais en rien surenchérir sur le sujet et mieux encore, je ne voyais l’intérêt de répondre à ses incessantes attaques si ce n’était que pour me rabattre à son bas niveau. Je valais bien mieux que cela. Cependant, un soupir de dépit vint à m’échapper. Mais est-ce que cette bécasse savait fermer sa bouche ? « On en revient toujours à ton petit toutou, décidément. Va donc le chercher et attache-le quelque part une bonne fois pour toute, au lieu de nous casser les oreilles avec cet abruti de première aussi utile qu’une plante verte. » Ou qu’un caillou en plein milieu d’un désert, je te laisse le choix, Bonybitch. Les couverts posés dans l’assiette, je m’en retourne complètement vers cette moins-que-rien. « En fait, tu ne vaux pas la peine que je surenchérisse. Toutes tes critiques, ou appelle ça comme tu veux, me passe à des années-lumière au-dessus de la tête. Pauvre fille, va, tu me fais vraiment pitié à vouloir te donner une image en cherchant à détruire celles des autres. Tiens, vas t’acheter un peu d’honneur. » Un petit billet glissé sur la table et j’en venais à me redresser tout en boutonnant la veste de mon costume. Mon regard dérive à nouveau vers le Russe assis à table. Moi aussi, Pavel, je peux te montrer que tu peux me perdre, mais contrairement à toi, je vais tout faire pour me tirer volontairement d’ici, quitte à ne plus avoir ne serrait-ce qu’un œil rivé sur toi. Je peux très bien me passer de toi… Ou tout du moins, je vais essayer. « Quant à toi… Amuse-toi bien avec ta poule de luxe et bon retour à Vegas. », lançais-je sur un ton fort méprisant avant de tourner les talons une bonne fois pour toute. Kenzo avait eu raison, à l’époque : j’aurais mieux fait de rester à l’écart de toutes ces histoires en posant mes valises à New-York, je m’en serais sans doute bien mieux sorti sans Pavel entre mes pattes. J’interpelle le serveur après que celui-ci ait déposé différents plats sur une autre table et lui tends quelques billets. « Le montant ne couvre pas les plats de monsieur et madame, je compte simplement sur vous et votre discrétion pour glisser quelques gouttes d’un poison quelconque dans leurs desserts. » Un regard choqué plus tard de la part du type en question et je m’éclipse une bonne fois pour toute. Autant passer une soirée à s’enfiler des cheeseburgers jusqu’à en venir avec le twin bro’ plutôt que de passer une seconde de plus en la compagnie de ces deux arriérés.

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