Utiliser son corps comme pinceau... Bref, Tacha en avait entendu assez quant à ce sujet et ne voulait plus rien entendre. Elle ne comprenait en rien cette passion étrange que pouvait avoir sa cousine, mais si cela lui plaisait, qu'elle fasse. Cela n'était guère un passe-temps pour a Gamma qu'elle était et qui avait toujours aimer se mettre dans des situations plus que périlleuses depuis qu'elle savait marcher. « Je ne suis pas tout le temps enfermée ici, je t'assure. Je sors... De temps à autre... » Pour faire le tour du quartier avec la petite, pour rendre visite à son grand-père, pour une ou deux soirées entre amoureux qu'elle finissait bien souvent par gâcher en pensant à Angelina. Autant dire que la jeune mère en était arrivée au point de rupture, mais qu'elle refusait de l'admettre. Elle n'en pouvait plus de celle qu'elle était, elle voulait que cette image la quitte. Tout plaquer et revenir en arrière. « C'est juste que... C'est compliqué. » Parler à Cailin de l'épée de Damoclès qui se trouvait sur sa tête lui était interdit et reviendrait à mettre Joe Shark en péril. Sortir sans sa fille reviendrait à réveiller les démons d'un passé qu'elle tentait d'enterrer petit à petit, un passé qui, s'il venait à ressortir, allait la faire couler et pas de la meilleure façon. Shark devait toujours attendre le moindre faux pas de sa part afin de l'expédier en Russie et de la vendre aux autorités auxquelles, cette fois-ci, elle ne pourrait pas échapper. Une cellule blindée dont elle ne sortirait jamais, voilà le destin que sa Russie natale lui réservait. « Ma vie me manque. Tout du moins, mon ancienne vie. » Celle qui consistait à défier le monde, à traîner avec une bande de mecs, à se battre pour sa propre survie, à voler et pirater. Se mettre constamment en danger afin de se sentir vivant. Quelque chose s'était éteint en Tacha depuis que Joe lui avait présenté sa véritable identité, depuis ce jour où elle avait l'impression d'être attachée au bout d'une laisse. Elle paraissait heureuse au quotidien, mais au fond, elle ne l'était pas. Lorsque Benedikt était absent, les crises de larmes étaient fréquentes, tout comme la nuit, lorsque son compagnon dormait profondément et qu'il ne pouvait l'entendre. La Gamma poussa un soupir, croisant les bras contre sa poitrine tout en portant son regard sur sa fille, toujours dans les bras de Cailin. « J'en ai assez de faire semblant d'aller bien et d'être heureuse ici, parce que ce n'est pas le cas. Tout va de travers depuis que je suis ici. J'ai un beau-père un peu trop... exigeant, des obligations qui me pourrissent la vie et j'ai de plus en plus l'impression que je ne suis pas faite pour ce rôle de mère. » Kovalevski a toujours tenté de faire de son mieux en cherchant conseils auprès de médecins ou dans différents bouquins, mais elle ne cesse de flancher, de trébucher. Ouvrir son cœur à sa cousine lui faisait un bien fou. Tant de mois passés à vivre une vie qui ne lui convenait pas, cette vie de couple, celle de mère. « Je regrette tout ce que j'avais avant. La Russie, la fuite, la rue. Tout ce qui était misérable, mais qui me plaisait. Je déteste tout simplement la fille qui se tient devant toi au jour d'aujourd'hui. » Une larme finit malencontreusement par glisser le long de sa joue, laquelle Tacha efface rapidement d'un revers de main. Ici, elle ne se sentait pas chez elle, même libre dans la rue, rien n'y faisait. Par moment, elle se sentait idiote d'avoir couru après l'homme qu'elle aimait. Elle aurait sans doute été mieux sans lui, et vice-versa.

« Tu n’as aucune raison de te détester. Tout ça c’est normal. Je veux dire, de ressentir tout ça.»

Délicatement, Cailin déposa Angelina dans son lit de façon à ce que rien ne puisse lui arriver. Ses mains seraient bien utiles ailleurs. Mère poule dans l’âme, Cailin se sentait prête à tendre les bras à une autre petite fille. Bien sûr, Tacha possédait trop d’orgueil et de fierté pour être traité comme une gamine. Aussi, la journaliste se contenta de poser les mains les épaules de sa cousine.

« Ca fait beaucoup d’un coup et tu n’as pas un instant pour toi, pour prendre le temps de faire le point et des projets. »

La blonde se souvenait des nombreuses fois où elle avait envisagé de fuir son couple et les responsabilités qui en découlaient. Les moments qu’elle se gardait pour voir ses copines ou sortir un peu lui offraient des bouffées d’oxygènes vitales pour son équilibre mental. Une main glissa contre les mèches de cheveux de Tacha pour les rapatrier derrière l’oreille, une façon de la pousser au contact visuel.

« D’abord, je tiens à te rassurer, aucune femme n’est faite pour être mère. On a tous des moments de doutes, des cafouillages, des bourdes et autres imprévus. Je me rappelle, j’avais tellement peur que Léa ait des soucis de santé, comme l’avait eut son frère aîné, que lorsque je n’entendais plus la respiration de la petite, je me ruais à son chevet. Une fois, j’ai tellement flippé que je l’ai réveillé pour être sûre qu’elle était vivante. Et puis au fur et à mesure, j’ai compris comment ça marche.»

Dans un sourire rassurant, la Bêta se redressa pour regarder autour d’elle. Il était temps que Tacha sorte de là et s’aère l’esprit. Bien sûr, elles ne pouvaient le faire dans cet état. D’abord, la Russe devait se pouponner un peu. Se sentir belle et désirable ne pouvait qu’aider à se revaloriser et voir l’avenir d’un autre œil.

« Voilà, ce que je te propose. Angelina dort à point fermé et je suis juste à côté pour surveiller. Pendant ce temps, tu vas aller te faire jolie et ensuite on sortira toutes les trois boire un verre, pour Angelina, se sera un biberon. On discutera de tout ça à l’air frais. Qu’en penses-tu ? »

Il fallait un lieu neutre pour un dialogue plus constructif. Ici, trop de vécu influencerait la brune sur son discours. Après tout, le beau temps leur tendait les bras. Un petit parc, tout près d'ici, les attendait patiemment. Cailin espérait simplement que sa cousine ne soit pas arrivée trop bas. La blonde ne voulait pas la voir malheureuse, surtout qu'elle avait une mauvaise nouvelle à lui annoncer. Après tout, son état de santé demeurait inquiétant et Cailin ne cessait de faiblir. Un instant, l'idée de ne rien lui dire lui traversa l'esprit. Rapidement, le bon sens reprit le dessus. S'il lui arrivait quelque chose et que la nouvelle tombait sur Tacha sans prévenir, l'effet serait encore plus désastreux. Elle avait un devoir d'honnêteté envers Tacha. Elle était sa dernière famille.