Lenny Lenny Lenny ... ▽ Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

Installé sur le canapé, une bière à la main, toute mon attention est fixée sur un vieux film de Stanley Kubrick que j'ai décidé de revoir. Il n'y a jamais rien à la télé et à part regarder des chaines de reportages animaliers ou de voyages, il n'y a rien qui me botte sur les autres. Autres chaines que j'évite d'ailleurs soigneusement de regarder tant les conneries qui y passent me foutent presque en boule. La télé réalité ou les talk show entres autres conneries, très peu pour moi. Ainsi, la plupart du temps, si je ne regarde pas des reportages, je matte des films. J'ai toujours été fou de cinéma. J'en compte un nombre impressionnant à la maison. Entre les films et les livres, j’ai carrément installé des étagères en vieux chêne sur tout un pan de mur. J'aime le bois brute. L'ameublement préfabriqué, ce n’est pas mon truc, je préfère les antiquités et les meubles qui ont du vécu. Rien ne peut avoir plus de charme que ça. Un peu de modernité ne fait pas de mal certes, et j’en distille un peu selon les pièces mais à une juste mesure. Ma mère adorait les vieux meubles et la plupart me viennent d'elle et de Joe, mon père qui m'en a donné quelques-uns lorsque j’ai quitté la maison.

Je devrais d'ailleurs songer à lui rendre une petite visite. Lui et moi avons du nous efforcer de vivre ensemble et de nous habituer à l'absence de ma mère lorsqu'elle est partie. Je n'avais que huit ans à l'époque. Bref, à partir de ce moment-là, la vie avec mon père fut certes déstabilisante au départ du fait de nous retrouver soudain sans ma mère, mais nous nous en sommes sortis. L’entente entre nous deux a toujours été au beau fixe, si ce n'est quand il a commencé à boire de plus en plus en rentrant de chaque soir après le boulot. En effet, mon père avait tendance à boire un peu trop avec les copains en rentrant du boulot certains soirs de semaine et même si ça restait gentillet puisqu'il n'avait pas l'alcool mauvais, je me suis tout de même senti seul par moment. J'aurais aimé qu'on fasse plus d'activités ensemble et qu'il soit sobre au moins quelques soirs de la semaine. Mais soit, je ne lui en ai jamais voulu et lorsque je retourne à la maison pour aller le voir, nous discutons bien. J'y vais toutefois trop rarement.

Le film démarre alors que je pioche dans un paquet de biscuits salés quand j'entends bientôt quelqu'un tambouriner à la porte. C'est quoi ce bordel ?! Je jette un coup d’œil à l'heure qu'il est. Vingt-trois heures passées. Putain mais qui vient me casser les burnes à cette heure-ci ?! Je mets le film en pause et me dirige vers la porte en jetant au préalable un coup d’œil par la fenêtre. Stupéfaction ! Qu'est-ce que vient foutre mon ex ici ??! Et comment connait-elle ma nouvelle adresse ?? Ouvrant la porte un peu brutalement dans l'élan la seconde suivante, je la regarde avec un air proprement ahuri. On se regarde un instant qui parait durer une éternité sans rien dire, puis elle prend alors la parole pour me laisser encore un peu plus sur le cul.

- Salut Deeklan... Euh... Des mecs louches me suivaient dans la rue et...je suis entrée dans la première maison que j'ai vu, j'ignorais que c'était chez toi, je suis désolée...

Solenn a l'air d'avoir réellement peur et je ne doute alors pas un instant qu'elle est vraiment venue jusqu'ici dans l'intention de se réfugier. Quant au fait qu'elle argue être tombée chez moi par hasard, ça me laisse quelque peu sceptique. Certes, lorsqu'elle et moi étions ensemble quelques mois plus tôt, en fait ça doit faire un an si je ne me trompe pas, j'habitais ailleurs. Je n'ai déménagé qu'après notre rupture et ayant coupé les ponts avec elle après qu'elle m'ait laissé sans raison et de façon soudaine, je ne lui ai jamais communiqué ma nouvelle adresse. Quand elle a rompu avec moi, ça m'est disons quelque peu resté en travers. Et la revoir là maintenant sous mes yeux me laisse face à un sentiment mitigé. J'aimais vraiment cette fille, même si je ne lui ai jamais dis. En gros dans l'histoire, j’ai vraiment eu le sentiment d'être pris pour un con et je ne lui ai jamais pardonné. Et visiblement, présentement non plus vu l'air qui se dépeint sur mon visage.
Bon sang ! je ne pensais pas que la revoir un jour me bouleverserait autant et je ne sais que penser des raisons de sa présence ici. Il pourrait s'agir d'un mensonge à la con, pourtant, elle semble vraiment être angoissée au vu des regards qu’elle lance de tous côtés pour visiblement voir si personne ne l'a suivi.

- Je suis désolée de t'avoir dérangé, je m'en vais, finit-elle par se raviser.

Je ne cherche pas à la retenir tandis qu'elle commence alors à me tourner le dos pour repartir, mais c’est là que je remarque alors un type louche plus loin de l'autre côté de la rue. J'attrape vivement Solenn par le bras et la fait immédiatement rentrer avant que le type ne l'aperçoive. Puis je l'attire jusqu'à la fenêtre de la cuisine et écarte discrètement le rideau pour lui demander s'il s'agit bien de ce type. Elle confirme et je crispe alors les mains sur le rebord de l'évier après avoir replacé le rideau correctement.

- Reste la, je vais me le faire ce type !

Mais elle me retient en m'assurant qu'il ne s'agit que d'un type lourd. Je sors néanmoins de la maison jusqu'au jardin mais je ne le vois ni d'un côté ni de l'autre de la rue. Il a du laisser tomber en perdant sa trace. Je reprends donc la direction de l'intérieur de la maison et referme la porte derrière moi.

- Pas étonnant que des types louches te suivent si tu t'habilles comme ça ... D'où tu reviens au juste ? Mon ton n'est pas très avenant et je laisse alors échapper un soupir en voyant l'air qu’elle affiche. Désolé, j'aurais pas du dire ça. C'est juste que je m'attendais pas à te revoir un jour ou plutôt que je comptais sur le fait de ne plus jamais avoir à te croiser après la façon dont tu as rompu avec moi.

Mes propos sont directs. Trop sans doute car ils ne laissent que peu de place à ma fierté qui m'aurait habituellement incité à ne rien montrer du mal qu'elle a pu me faire autrefois en me quittant sans explication. J’ai décidément la rancune tenace et elle le voit bien. Mais après un instant, je l'invite tout de même à boire quelque chose, peu désireux de la laisser repartir alors qu’elle pourrait tout aussi bien tomber sur d'autres types plus ou moins louches. Trainer à cette heure-ci à pied dans les rues, ce n'est pas top pour une fille. Pour quiconque en fait.

- Écoute, je te propose qu'on se pose un peu et je te ramènerais ensuite. Ça te va ?

Mais pourquoi j’ai dis ça ??!! J'aurais aimé éviter de la recroiser un jour et voilà que je l'invite carrément à rester un moment avec moi le temps que je trouve le courage de me décider à la raccompagner en voiture et surtout pouvoir continuer le film. Bref, trop tard, c'est dit. C’est comme ça qu'un instant plus tard, nous nous installons dans le salon tandis que je remet le film en route. Je n'ai cependant plus toute mon attention fixée dessus avec mon ex à côté de moi. Bon sang, elle n'a pas perdu en beauté. Je me retrouve comme un con et à nouveau comme sous le charme pareillement à quelques longs mois plus tôt. Elle semble aussi mal à l'aise que moi et je m'efforce bientôt de rompre un peu le silence entre nous.

- Tu veux une bière Lilou ? Ou quoi que ce soit d'autre ? J'ai du jus de fruits, des sodas, des alcools forts peut-être ?

Je tique sur le fait que je viens de l'appeler par l'ancien surnom que je lui donnais. C'est sorti tout seul et on se regarde alors un instant longuement sans dire un mot, comme si tous deux replongions en arrière dans nos souvenirs.

► Les images de sa maison se trouvent plus bas dans ce topic, après les liens, cliquez

         
Lenny Lenny Lenny ... ▽ Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

Perdu dans son regard, je songe aux magnifiques instants que nous avons vécu ensemble par le passé. J'ai toujours été quelqu'un de simple mais avec elle, j'en ai fais des tonnes. Je ne sais pas pourquoi. J'avais juste envie de profiter de la vie en sa compagnie et de lui en mettre plein les yeux mais au final, c'est peut-être ça qui l'a éloigné de moi ? Je me suis souvent posé la question depuis. Je lui offrais régulièrement des diners au restaurants, que ce soit un établissement huppé ou un petit resto de quartier. J'aimais l'emmener danser ou aller faire la fête avec elle en divers lieux où se déroulaient tout un tas d'évènements culturels. Je me plaisais à lui offrir des cadeaux sans non plus trop exagérer. Disons qu'elle recevait un bouquet de fleurs par semaine et que je lui offrais quelques bricoles à côté de temps à autre pour le simple plaisir.

A l'époque, je vivais dans un appartement en ville. Mon job me rapportait déjà pas mal mais j'économisais depuis longtemps déjà pour m'offrir cette maison. Quant au fruit de mes larcins, c'est celui-là même que je dépensais pour les cadeaux et les divers sorties. Je n'ai jamais claqué l'argent exagérément par les fenêtres sauf lorsque ça en valait le coup. J'aime parfois faire des folies mais ça reste mesuré. Je me dois de rester discret par rapport aux moyens que je suis censé avoir et je ne désire pas mener la grande vie. Cette baraque parait imposante et elle l'est en partie, mais au départ, elle n'avait certainement pas la valeur que je lui ai redonné grâce aux divers travaux que j'y ai entrepris après son acquisition. Elle n'avait certes pas des airs de baraque de riche non plus avant que je ne fasse rajouter ces quelques baies vitrées dont celle du salon près du canapé, laquelle j'ai tenu à réaliser pour profiter d'un maximum de lumière. J'aime les pièces claires. La quasi totalité des murs intérieurs sont blancs. Quant à l'ameublement et la décoration, j'ai chiné par ci par là à côté du mobilier que je possédais déjà. Ça reste donc sobre même si c'est joliment décoré selon mon goût. Quelques répliques de tableaux d'artistes ornent les murs comme Caillebote, Monet ou Toulouse-Lautrec qui font parti de mes favoris. Ce ne sont que des reproductions réalisées par un ami qui aime peindre pour son plaisir et qui a un talent fou.

Je pourrais très bien brasser plus de fric si je le voulais ou m'afficher avec mais ce ne serait pas raisonnable et je déteste ces gens riches qui deviennent cons à force de vivre dans le luxe et la démesure. Je ne veux surtout pas faire partie de cette bourgeoisie à la con. Très peu pour moi. Je préfère les choses simples et les bons vivants. En y réfléchissant, je crois avoir donné une mauvaise image de moi à Lenny. Je n'aurais pas du en faire autant lorsque nous étions ensemble. Ça ne me ressemblait décidément pas si ce n'est par mon côté fêtard et imprévisible, toujours prêt à faire une connerie ou relever des défis. Enfin soit, notre histoire ne date pourtant que de pratiquement un an mais je pense pouvoir dire qu'à ce moment là, j'avais ce semblant de naïveté qu’elle provoquait étrangement en moi, peut-être parce que je ressentais ça pour la première fois. Peut-être parce que j'avais peur de la perdre si elle venait à finir par s'ennuyer avec moi.

Pourquoi est ce que tu me regardes comme ça? Une bière ça ira. Je te remercie.

Je reprends mes esprits et sors de mes songes comme si je me réveillais soudain, perdu.

- Hein ? ... Euh rien ... dis-je en me redressant. Ok ça marche !

Tandis que je me trouve dans la cuisine, je l'observe un instant avant de revenir alors qu'elle regarde autour d'elle, découvrant une partie des lieux. Je me pose alors la question de savoir si ne suis pas finalement heureux du hasard qui l'a conduit jusqu'ici. C'est peut-être l'occasion d’éclaircir les choses. De retour auprès d'elle, je lui tends sa bière dont elle a du mal à retirer la capsule.

- Donne ... lui dis-je avant de récupérer sa bouteille et d'en retirer la capsule avec les dents. Voilà mademoiselle.

Toute trace d'animosité envers elle s'est envolée. Je ne peux décidément pas me montrer désagréable alors que je l'ai invité à rester pour ensuite la raccompagner un peu plus tard. A ta venue pour le moins inattendue, déclarais-je en décidant de trinquer avec elle.

Nous buvons tranquillement alors que le silence s'installe de nouveau entre nous. Silence qu'elle rompt soudain alors que je fais semblant de prêter attention au film.

Écoute Deeklan je...je regrette la manière dont je t'ai quitté, j'ai mal agis et je le reconnais, je m'en excuse. Vas-y, vides ton sac, je suis prête à encaisser. On ne s'est jamais expliqué depuis...ce que je t'ai fait alors... Dis moi ce que tu as sur le cœur. Tu sais bien que je ne suis pas le genre de fille qui va se mettre à pleurer.


- Que veux-tu que je te dises ... ? C'est plutôt à toi de me dire ce qui t'as pris ... .


         

Lenny Lenny Lenny ... ▽ Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

Tandis que je lui formule ma requête, je m'attends presque à ce qu'elle se referme soudain sur elle et ne décide de prendre ses clic et ses clac même si c'est elle qui nous a engagé sur cette voie. Mais à ma surprise, elle commence alors à me présenter les choses en s'apprêtant à passer à des aveux qui nécessitent selon elle une mise au point sur son passé afin que je comprenne mieux ce qui l'a poussé à agir de la sorte quelques mois plus tôt.
Je lui prête alors toute mon attention en baissant le volume du film et en me tournant vers elle. Elle semble perdue, cherchant certainement par où commencer. Ce qu'elle a à me révéler ne semble pas une tâche facile et cela m'intrigue grandement. Elle commence ainsi par me présenter les choses en me parlant de son environnement familial.

Je n'ai pas eu une enfance très...normale. Quand j'avais huit ans j'ai...j'ai vu toute ma famille se faire assassiner Deeklan...ma mère, mon père et ma petite sœur...

La bombe est lâchée ... . Au moins elle n'y va pas par quatre chemins. Je ne sais quoi lui dire et de toute façon il n'y a rien d'intelligent ou de bienveillant à dire. J'écoute simplement. Et tandis que je pose simplement mon bras sur le haut du sofa, Lenny croit à un geste de réconfort de ma part alors qu'il n'en est rien. Je ne suis pas du genre à me faire consolant dans une telle situation. Elle m'expose des faits, j'écoute. Il n'y a pas lieu de s’apitoyer malgré le choc et la dureté de ce qu'elle m'apprend. Surtout qu'elle se montre parfaitement calme et posée face à ce qu'elle commence alors de me relater. Mais je remarque toutefois l'émotion dans sa voix et il est clair que je n'y suis pas insensible. Quoi qu'il en soit, je la laisse ainsi poursuivre sans un mot. Je ne peux décidément me montrer trop curieux sur l'instant, ce serait déplacé.

Je n'ai plus prononcé un seul mot pendant sept ans, j'étais comme en état de choc permanent, et je suis devenue cruelle, petit à petit je me suis transformé en monstre. Tu n'a pas idée de la personne que j'étais avant... J'ai été dans des camps de redressement, des camps militaires, mais rien à faire. Quand l'orphelinat n'a plus voulu de moi, un couple m'a recueilli.

- Un monstre, j’ai du mal à y croire. Que tu ai été bouleversée par le choc et soit devenu difficile à gérer, ok mais ça n'a pas du être si terrible que ça. Pas mal d'ados se retrouvent dans ce genre d'établissement et ce ne sont pas pour autant des monstres ... glissais-je l'air dubitatif en reprenant une gorgée de bière.

Lilou marque une pause l'air de chercher le courage de m'exposer la suite. Elle me dévoile ainsi quelques secondes plus tard qu'elle se trouvait chez un couple qui avait une trop forte propension à la bouteille et qu'ils ne se préoccupaient visiblement pas assez d’elle puisqu'elle a commencé à traîner dans la rue et à faire les quatre cent coups. Une attitude pour le moins normale je trouve quand on se trouve dans ce genre de situation, moi-même ayant quelque peu vécu ça avec mon père à une période. C'est d'ailleurs comme ça que j'ai commencé à trainer avec des voyous et que je me suis égaré sur un chemin que j'aurais sans doute du éviter. Enfin soit, je ne le regrette pas pour ma part. Mais s'il y a une chose dans laquelle je ne me suis jamais laissé tomber, c'est bien la drogue. Adolescent, je fumais quelques joints mais ça s'arrêtait là. Quant à Lenny, d'après ce qu'elle me raconte présentement, elle a carrément été jusqu'à en vendre. Putain ... à quinze ans ... .

La suite de son récit prend une tournure plus marquante tandis qu'elle me dévoile un secret qu'elle a visiblement longuement gardé au fond d'elle jusqu'ici. Elle tremble rien qu'à évoquer les faits tandis que je ne me résous pas à tenter quelque geste que ce soit envers elle. Je sais qu’elle n'apprécierait pas et qu'elle prendrait ça comme de la pitié en quelque sorte, et malgré le choc de son récit, je ne peux que l'écouter en lui offrant tout mon intérêt. Rien de ce que je pourrais lui dire ne me semblerait adéquate. Quoi que je dise, ça me semblerait stupide. Il n'y a rien à dire face à ce genre de récit. Il n’en reste pas moins que ce qu'elle vient de m'apprendre m'apparait comme un état de légitime défense, ce que je finis d'ailleurs par lui glisser discrètement après quelques secondes.

C'est à partir de ce moment que j'ai décidé de changer de vie. C'était l'année de mon entrée au lycée et je me suis mise à fond dans mes études. Je travaillais de nuit pour pouvoir vivre. Bref j'ai fini par atteindre mon but, j'ai quitté la Russie et je suis venue étudier la médecine à Berkeley, c'était mon rêve.

- Tu vois, ça c'est une des qualités que j'ai toujours su voir en toi. Tu es téméraire, quoi qu'il t'arrive, tu vas toujours de l'avant. Je le savais déjà bien avant que tu ne me comptes ce qui s'est produit par le passé, dis-je avec un semblant de fierté dans la voix.

D'autres auraient en effet sombré dans la folie ou la dépression avec ce genre de lourd vécu. Je l'admire pour sa ténacité. Vraiment. Toutefois, ce n'est pas fini. Lenny en vient alors à m'exposer la raison pour laquelle elle a rompu quelques mois plus tôt.

Tu sais, le plus difficile quand tu perds toute ta famille, c'est le sentiment d'insécurité, et de solitude. Quand je t'ai connu... C'est comme si le trou béant dans mon cœur se refermait petit à petit, je ne me sentais plus seule au monde, je me sentais en sécurité de nouveau, comme si j'avais retrouver une famille en toi, et...j'ai flippé. Ce sentiment m'a fait peur, enfin, j'ai surtout eu peur de perdre tout ça une nouvelle fois, je ne l'aurais pas supporté, tu comprends? Je sais que tu es un mec séducteur, tu aimes les femmes, et je ne te le reproche pas, mais j'avais peur qu'un jour tu trouves une fille plus..."normale", une fille mieux dans sa tête, une fille tout simplement mieux que moi, alors j'ai préféré te quitter avant, sinon ça m'aurai fait trop de mal.

- C'est à moi de décider de ce dont j'ai besoin ou de ce qui me convient ou non, Lenny.

Je me gratte un instant le front puis pose ma bière sur la table basse en me penchant sur le côté, avant de lui faire de nouveau face et de la regarder droit dans les yeux, réagissant au fait qu'elle ai mentionné mon côté séducteur. Un côté qui certes me colle habituellement à la peau mais qui n'avait plus lieu d'être quand j'étais avec elle. Je la rectifie alors.

- Parce que j'étais séducteur envers d'autres femmes que toi quand on était ensemble ? Tu m'en apprend une bonne là ... .

Quel que soit le récit qu'elle m’aie fait quelques minutes plus tôt, cela ne m'empêche pas de réagir à ce qui me fait tiquer. Nous avons décidé de mettre les choses au clair, alors mettons-les.

- Je t'avouerais que je suis paumé. Peu importe ce qui t'es arrivé par le passé, je trouve que tu t'en es très bien sortie. Tu vas de l'avant. Il n'y a plus lieu de s'éterniser sur le passé si ce n'est dans le cas où ça te bouffe encore, ce que j'imagine très bien ... mais dans ce cas, tu devrais aller voir un psy pour tenter d'arriver à faire taire cette partie de ton passé pour vivre avec sereinement sans que cela ne te ronge chaque jour de ta vie. Mais voilà où je veux en venir Lilou. Je comprends certes mieux tes craintes par rapport à nous mais si c'est là ta façon de voir les choses, tu ne construiras jamais rien avec personne. Vient un moment où il faut savoir prendre des risques et avoir confiance en la personne si tu vois qu'elle tient réellement à toi. Et si vraiment tu ne veux pas, au moins ai la délicatesse de rompre en donnant un minimum d'explication.

Je marque une pause et cale un instant mon menton en appui sur mon coude sur le haut du canapé.

- Je tenais à toi. Tu pouvais compter sur moi mais tu ne l'a pas capté. Je me détourne et coupe le film avant de balancer la télécommande sur la table un peu brutalement. Écoute ... toi et moi ça s'est terminé, c'est comme ça. On ne peut pas revenir sur ce qui s'est passé. Mais sache que même s'il me reste un peu de rancune, je comprends mieux tes raisons et je suis décidé à reparler avec toi si c'est ton désir à toi aussi. Je ne te promets rien. Entends par là que nous ne sommes désormais plus en froid. Je lâche un profond soupir, je n'arrive pas à m'exprimer comme je le voudrais alors que je veux lui faire comprendre qu'on peut peut-être redevenir amis petit à petit.

Lenny Lenny Lenny ... ▽ Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

J'ai du mal à comprendre pourquoi elle se voit comme un tel monstre, même si certes j'imagine très bien le choc et le bouleversement sans nom qu'elle a subit par rapport à ce fameux beau-père à l'époque. Certes, elle a du être une gamine complètement déphasée par tout ça. Quoi qu'il en soit, après tout ça, la façon dont elle semble mener sa vie et la détermination sans faille qui l'ont poussé à se mettre sur cette voie par rapport à ses études témoignent de beaucoup de choses. Inutile de chercher à la convaincre de quoi que ce soit, j'ai dis ce que je pensais, ça ne servirait à rien d'insister. Toutefois, cela ne m'empêche guère de réagir par rapport à ce qui nous concerne, à notre histoire.
Je lui expose ainsi ma façon de voir les choses ainsi qu'un argument dont j'étais certain à coup sûr qu'il ne passerait pas.

Ça y'est, toi aussi tu veux m'envoyer voir un psy? Qu'est ce que vous avez tous avec ça? Je suis très bien dans ma tête. Je n'arrive déjà pas à me confier à mon entourage alors arrêtez de tous me parler de vos psys à la con!

- Dès qu'on parle de psy, les gens le prennent mal mais merde, ça ne veut pas dire qu'on est malade ou dingue d'aller en consulter un ! Ça sert simplement à exposer ce qui nous tourmente et à en explorer les facettes pour parfois en retirer quelque chose de bon ou pour nous déculpabiliser selon ou mieux comprendre ce qu'on ressent par rapport à certaines choses et ainsi à mieux les vivre.

Puis nous en venons au reste. Le ton monte légèrement encore sans qu'on ne se crie pour autant dessus. Quoi que mes gestes sont quelque peu vifs. Balançant la télécommande sur la table basse, le visage un brin crispé. Tension qui disparait bientôt à ses propos.

Vous êtes un homme bien Deeklan Matthews, vous le savez ça? Sous vos airs de mauvais garçon, me lance Lenny avec ce petit sourire qui m'a toujours fait craquer tout en esquissant un geste dans ma direction alors qu'elle dégage bientôt quelques-unes des mèches me barrant les yeux. Mon cœur fait un bond, se mettant à tambouriner soudain plus fort. J'ai ce vif frisson qui me parcoure alors que je plonge dans son regard. Mais je dois prendre sur moi pour résister à cette attraction qui m'attire doucement vers ses lèvres. Lèvres sur lesquelles mon regard s'attarde longuement tandis qu'elle se recule légèrement. Passant ma langue sur mes lèvres inconsciemment, je finis par me reprendre puis lui témoigne après un temps que j’en pense tout autant d'elle.

Tu n'as pas de pitié pour moi, tu me traite comme tu en as l'habitude, ton regard sur moi ne changes pas à cause de ce que je viens de te raconter, c'est ce que j'aime chez toi.

- Il n'y a pas de raisons que ça change. Maintenant que les choses sont éclaircis.

Un instant, nous ne savons plus quoi dire et nous redirigeons notre attention sur le film. Un film devant lequel je m'assoupis un instant avant de me réveiller en sursaut une petite dizaine de minutes plus tard alors que Lenny me tire de mon sommeil par un geste.