Elle n’en faisait qu’à sa tête comme toujours, avec son caractère fort et sa tenue envers et contre tous, menant sa barque comme bon le lui semblait, qu’elle en était lassante. Elle ne lâchait jamais rien et savait parfaitement comment mettre les personnes à bout de nerfs. Mais dans ce métier il fallait avoir une certaine patience, une compréhension telle que nous devions venir en aide aux patients même les plus difficiles qu’ils soient et Aengus en faisait clairement partie ! Voulant lâcher prise, ne souhaitant pas ma présence –pensais-je surtout après notre mésaventure – que je décidais de la laisser entre les mains d’une toute autre personne, un médecin, mais n’en ayant eu le temps que la porte s’ouvrit. Docteur Léo Sullivan fit son apparition et s’adressa à Aengus avec une telle douceur que je pensais que cela la calmerait. Mais en vain…Elle se refugia dans un premier temps dans un mutisme, laissant place au monologue du docteur. Pas très coopérative O’Griffin…qu’adviendrait-il de tout ceci ? J’étais inquiète surtout si James apprenait son état actuel. Était-ce réellement de ma faute toute cette tragédie ? Je ne pouvais ne pas y penser, que cela me rongeait…au final. Un lien s’était créé entre eux, c’était indéniable que gardant mes distances je ne bougeais pas d’un petit doigt attendant les directives du médecin. J’en apprenais un peu pus sur la jeune femme. Traitement, absentéisme, rechute, droguée mais toujours aussi obstinée qu’elle tenait tête à ne rien vouloir prendre !
Mon supérieur se tourna vers moi pour me donner quelques recommandations en attendant la visite du psychologue auprès de son chevet. Mais quelle ne fut ma stupeur en l’entendant me révéler qu’elle avait voulu mettre fin à ses jours ! Était-ce possible ? Au final elle n’était pas si forte que cela, mais fragile plus que jamais ! Soupirant à mon tour je fis un simple hochement de tête avant de revenir vers la jeune femme, sous le départ du docteur Léo.
« S’il te plait, je dois te retirer ta ceinture à moins que tu ne me l’as donne de ton plein gré. Aengus ne m’oblige pas…s’il te plait… »Oui j’avais de la peine de la voir ainsi et de ne rien pouvoir faire tandis que je rangeais tout ce qui pourrait s’être avéré dangereux, fermant les tiroirs médicaux à clés. Clés, que je gardais soigneusement au fond de la poche de mon pantalon de travail avant de me retourner vers elle, attendant qu’elle daigne me donner sa ceinture.
« Pourquoi ne veux-tu pas te faire aider ? Si tu refuses il s’en prendront à toi forcément. Et, même si j’en doute, tu ne veux pas me parler, tu peux te confier ou que sais-je encore ? Je suis sous serment, je n’ai aucun droit à divulguer quoi que ce soit… »Je ne la prenais pas en pitié lion de là, mais je voulais comprendre avant tout et peut-être aussi me faire soulager la conscience.
«Je ne devrais pas mais je vais le faire pourtant. Je vais m’adresser à toi non pas comme à une patience mais comme à quelqu’un que je connais personnellement. Si tu voudrais vraiment mettre fin à tes jours alors pourquoi attendre ? C’est vrai tu pourrais faire une overdose, tu saurais comment t’y prendre mais jusque-là tu as toujours été au plus mal en relevant la tête. C’est une façon de demander de l’aide ou bien alors tu te sous-estime à un tel point que tu veux faire culpabiliser les autres, tes mais, ta famille de ne rien pouvoir faire, ni même te soutenir. Je te pensais plus forte que ça, surtout quand je vois chaque jour des personnes se battre contre des cancers, des leucémies et j’en passe...mais toi tu joues avec ta santé alors qu’eux donneraient n’importe quoi pour être à ta place et jouir de la vie et vaincre tout ceci. T’es qu’une sale égoïste mais tu as raison fais comme bon te semble, tu ne feras qu’amplifier le chagrin de tes proches qu’au fil du temps, tu les useras et qu’ils partiront peut-être même avant toi. Tu ne t’en prendras qu’à toi de porter ses œillères sans te soucier des autres et de leurs sentiments. »J’étais énervée, épuisée de me battre contre un moulin à vent et cela me fit repenser à une certaine époque de mon passé, ou ma mère avait été gravement malade, s’était battue comme une véritable combattante mais au final elle avait succombé, la mort l’emportant. Tout ceci était injuste ! Reposant les yeux sur Aengus, j’attendis qu’elle me donne sa ceinture tendant l’une de mes mains…