Assise à table, j’observais tous les mouvements de mon père. Depuis que j’étais allée faire un stage dans la société Jennywhite, il agissait bizarrement avec moi. Il avait toujours ce tic nerveux quand il était stressé. Ce genre de retroussement au niveau des lèvres. «Tu vas m’en vouloir encore longtemps?» Parce que oui, il m’en voulait. Beaucoup même. Comme si j’avais trahi sa société.  Hé ho papa, ça faisait du bien de voir d’autres choses que le bout de son nez dans le monde. Ce n’était pas parce que j’étais allée faire un stage ailleurs que j’allais partir chez le compétiteur. «Je n’en reviens toujours pas que tu aies fait ça. Mon pire ennemi.» Je soupirai fortement, trouvant ce genre d’enfantillages complètement débile. Une chance qu’il avait 45 ans, il agissait comme s’il en avait 10. «T’exagères. Ils sont très gentils et tu le sais, même si tu joues l’hypocrite.» J’avais parlé d’un ton neutre, essayant de ne pas mettre aucune intonation. Mon père me tuerait s’il savait que j’avais sympathisé avec une personne du clan ennemi. «As-tu revu ce garçon, tu sais, le fils de M. Jennywhite?» Je manquai m’étouffer avec mon eau. Quel était le foutu rapport avec ça et la société. «Sincèrement, qu’est-ce que ça peut te faire? » Je me levai de ma chaise assez rapidement, un peu surprise. Non mais c’était rendu n’importe quoi. «Je sors, ne m’attendez pas pour souper, je vais passez la nuit à mon appartement.» Une chance que je pouvais m’évader ailleurs. Je pris mon sac à main et sorti mon téléphone portable. J’envoyai un bref texto à Roméo, lui racontant un peu la brève discussion avec mon père et lui proposant, par la même occasion, d’aller prendre un café. Une soirée tranquille ferait du bien, et en bonne compagnie, c’était toujours plus agréable.  Je lui mentionnai donc de me rejoindre au Starbuck de SF, pas trop compliqué et le Starbuck, c’était toujours bien.  Je me dirigeai vers le Starbuck, ce n’était pas bien loin de chez mes parents en fait. Un peu perdue dans mes pensées, j’entrain finalement et je commandai ce que je voulais boire. Un simple latté avec un soupçon de vanille, comme d’habitude.  J’observai autour de moi et j’aperçus Roméo assis à une table, ayant déjà sa commande avec lui. Avec un léger sourire aux lèvres, je me dirigeai vers lui et pris place à la petite table. «Mon père est absolument incroyable.» Je passai une main dans mes cheveux, découragée. «Tu vas bien j’espère ? Pas trop de problème de ton côté?» Je pris une gorgée de mon café, l’observant légèrement. Ça faisait du bien de le revoir. Même si nos pères ne s’entendaient pas très bien, ça avait quand même cliqué entre nous.  

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Je ne comprenais pas pourquoi la situation dérangeait mon père. Peut-être que j’irais travailler ailleurs de toute façon, rien ne m’obligeait à rester dans sa compagnie. Bon, c’est certain qu’il n’approuverait pas mon choix, mais quand même. Un stage restait un stage. J’étais encore découragé par ce qu’il m’avait dit. Oui il n’aimait pas les concurrents, mais c’était juste normal. On ne devenait pas ennemi aussi rapidement pour rien, voyons. Je pris une nouvelle gorgée de mon latté, savourant le goût à chaque fois. Je m’étais dirigé vers Roméo assez rapidement, sans vraiment prendre la peine de l’avertir. Je m’étais assise comme ça, annonçant que mon père était incroyable. Il comprendrait, c’était l’une des seules personnes qui pouvait savoir ce que je pouvais ressentir à ce moment. « Personnellement je vais bien, oui, et toi ? Ton père ne peut pas être pire que le mien. Il se croit dans un de ses films d'action et croit que tu es la vilaine espionne. » J’eus un léger sourire. Ça aurait pu être vrai en fait. Mon père m’avait bel et bien demandé des infos lorsqu’il avait su que j’avais fais mon stage ailleurs. Malheureusement pour lui, j’avais gardé le secret de comment fonctionnait la boîte adverse. «Oui ça va, ça va !» Je pris une nouvelle gorgée de mon café. «Le mien aussi se prend un peu dans un film d’action. Il voulait tous les détails de mon stage et tout le reste.» Je levai les yeux au ciel, comment nos pères pouvaient-ils être si pathétique. La guéguerre était vraiment inutile à mes yeux. Les deux cabinets étaient excellents malgré la compétition. « Alors ? Je suppose qu'il t'en veux, non ? » Pour m’en vouloir, il m’en voulait. Enfin, il ne le laissait pas trop parraître, mais son ton de voix indiquait qu’il n’était guère heureux du choix que j’avais fait. «Il n’est pas fou de rage, mais je crois que je l’ai déçu. Il ne veut pas comprendre pourquoi j’ai fait ce choix.» Et c’était la stricte vérité. Ça avait blessé son orgueil de père de famille et de dirigeant de compagnie. J’eus un léger sourire. «Il pensait même qu’on sortait ensemble pendant un bout de temps et que c’était pour cette raison que j’étais allé dans ton cabinet.» Ce que les parents pouvaient imaginer parfois. Je pris une nouvelle gorgée de mon latté. Ça faisait du bien de pouvoir discuter de cette situation avec quelqu'un qui la comprenait.. et qui la vivait aussi. «Et toi, ton père ? Il a vraiment du se demander ce que je faisais dans son cabinet!» 

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