Elle se regarda dans le miroir trois fois plus que d'habitude, lissa sa robe trop serré six fois de suite et brossa ses cheveux qu'elle laissa néanmoins lâché sur ses épaules. Elle se regarde et elle se rend compte qu'elle a grossit ses derniers jours. C'est pour ça que la robe avait du mal à se fermer. Elle sait pourquoi mais préfère se taire. Aujourd'hui n'est pas le moment de faire ressortir ces démons les plus sombres, elle aurait déjà à dealer avec l'un d'eux chez sa grand-mère, alors autant ne pas les inciter à tous se montrer. Une fois prête, elle sort de chez elle, prend un taxi lui donne l'adresse et se rend tout de suite chez sa grand-mère. Une quinzaine de minutes après, elle est arrivée. La demeure de la vielle est immense, luxueuse et donne sur l'océan. Rowan se dit qu'elle n'en attendait pas moins. Elle sonne une fois, deux fois, puis on vient lui ouvrir la porte. Elle regarde le hall interminable se dessiner devant elle et se rend compte que ça doit faire au moins douze ans qu'elle n'est pas venue ici. Elle y pénètre avec ses talons qui claquent et sa grand-mère vient l’accueillir avec un regard mauvais, un regard qui hurle j'aurai préféré avoir quelqu'un d'autre comme petit-enfant, quelqu'un de moins sauvage, de moins perdu, de moins malpoli, mais à la place je t'ai eut toi, avec tes cheveux en bataille même après les avoir brossé dix fois de suite ce matin, avec tes faux sourires et tes faux souvenirs qui te tordent le coeur, avec ta tristesse qui s'en va pas et qui s'imprègne partout. Elle aurait aimé lui dire tout ça, Monica. Elle aurait aimé sermonner Rowan jusqu'à pas d'heure parce qu'elle est pas assez, elle est pas assez nulle part et pour personne. Mais elle ne dit rien, elle se tait parce qu'elle sait que c'est elle, la vielle qui ne lui reste plus que quelques mois à vivre qui vas y perdre, ses mots restent caché au fin fond de sa tête et ses yeux parlent pour elle. Et quand Rowan la voit, et qu'elle comprend tout ça dans son regard, elle se dit qu'elle aurait peut-être pas du venir. Que de toute façon, elle ne comptait pas vraiment pour la vielle, qu'elle n'a jamais compté et qu'elles ne se connaissaient pas vraiment. Mais le soucis, c'est que Rowan savait qu'au fin fond de son coeur, elle ne faisait pas ça pour l'argent. Elle, elle n'a jamais été matérialiste ou superficielle, elle s'en fout de tout le fric du monde, elle voudrait juste heureuse. Et donc si elle faisait ça, c'était pour sa mémé. Sa mémé qu'elle n'a jamais connu, et dont elle n'est pas vraiment fière, sa mémé qui crèvera dans pas longtemps et qui ne l'a jamais aimé, mais sa mémé quand même et la famille ça s'oublie pas aussi facilement. Hein papa, qu'elle se chuchote dans sa tête, la famille ça s'oublie pas aussi facilement. Rowan s'assoit sur le grand divan blanc sans que personne ne l'invite à le faire et elle regarde l'intérieur de l'immense maison. C'est blanc de partout, et beau de partout. Y a plein de trucs trop chers que personne ne pourra lui acheter à elle, et pleins de photos de mémé plus jeune, plus avec James Dean qu'avec grand-père. Mais elle est comme ça Monica. Elle n'a jamais su cacher à personne qu'elle était toujours amoureuse de son premier fiancé, même après sa mort et même après s'être remarié. C'était pour ça qu'elle n'a jamais su aimé personne correctement, ni le père de ses enfants, ni son propre fils, ni sa petite-fille. Elle n'a jamais su aimer personne, parce que tout son amour a été dérobé par l'acteur et leur idylle. Elle s'était promise de jamais aimé que lui, quoi qu'il arrive, à la vie, à la mort et c'est ce qu'elle a fait. Et aujourd'hui même si elle a quatre-vingt ans, elle l'aime encore et ça s'arrêtera pas, même quand elle ira dans sa tombe. Monica aussi s'est assise, bien qu'elle eut trouvé que l'attitude de sa petite-fille n'était pas correcte, qu'elle aurait dû attendre qu'on lui demande de s’asseoir pour le faire. Mais aujourd'hui, elles étaient là pour parler business, alors leurs conflits sur les bonnes manières arrivera après. Elle toussota deux fois quand elle vit que Rowan était perdue dans ses pensées et ce n'est qu'à la troisième fois que la jeune femme se retourna vers sa grand-mère. Trop dans les nuages, qu'elle pensa, on devrait peut-être y remédier. « Alors Rowan, je présume que si tu es ici c'est parce que tu as fait ton choix je me trompe ? » Et le vielle espère de tout coeur qu'elle a choisit d'accepter l'offre, parce que sinon, elle se demande qui pourrait bien reprendre sa place chez les médias, marquer le monde pour remémorer à tout le monde et pour toujours que Monica Dean-Heathcliff a existé et existera toujours dans les mémoires. Rowan regarde sa grand-mère qui s'impatiente. Ses longs doigts manucurés tambourinant sur la plate-forme en verre de la table, ses petites mains fripées qui lissent et relissent sa robe rouge. Et la jeune blonde se dit qu'elle en a du faire des efforts pour préserver un corps comme ça et une classe comme ça, parce qu'à quatre-vingt ans ce n'est pas vraiment évident. Puis elle hésite à lui répondre. Parce que si elle est ici c'est bien parce qu'elle a fait un choix, elle va tout accepter, mais sur le moment, elle ne sait pas quoi dire. Elle va pas juste lui lâcher un : oui mémé j'ai fait mon choix, je vais devenir ton toutou apprivoisé et faire tout ce que tu me dis pour avoir mon héritage. Oui parce que sur le coup, ça le faisait pas et Rowan aurait aimé lui dire à quel point elle aurait aimé mieux la connaître, à quel point elle été désolée, à quel point son papa lui manquait et à quel point elle avait besoin d'un peu de famille dans sa vie. Mais elle ne fit rien de tout ça et acquiesça tout simplement, sans même un sourire, parce qu'elle n'en avait plus aucun en stock. « Ouais mémé, j'ai fait mon choix et j'accepte ... euh, ta proposition. » Elle dit ça en se perdant en chemin parce qu'elle se plus ce qu'elle doit taire et ce qu'elle doit pas taire. Sa grand-mère lève les yeux au ciel à cause de tant de maladresse dans le langage, mais esquisse quand même un sourire parce qu'elle a finit par avoir ce qu'elle désirait. Comme à son habitude. « Très bien dans son cas, il faut que tu saches mon enfant que tu as pris la bonne décision. Maintenant, si tu le souhaites, nous pouvons sortir sur la véranda discuter les procédures autour d'une tasse de thé. » Et sans même attendre l'approbation de Rowan, elle se lève déjà et se dirige vers cette sorte de terrasse qui donne sur la mer. Elle s'assoit et quelques instants après Rowan arrive elle aussi et s'assoit à ses côtés. La femme à tout faire de Monica les suit également et elle a déjà préparé une infusion de menthe et thym qu'elle verse dans deux grandes tasses en porcelaine. « Je ne prends pas de sucre avec mes boissons, j'espère que cela te convient.» Rowan ne dit rien, de toute façon elle ne boit même pas de thé, alors un thé sans sucre en plus, elle se demande quel goût ça aura, et quand elle apporte la tasse brûlante à ses lèvres, elle a sa réponse : un goût de pisse bouillante, voilà. Elle a envie de tout recracher mais voit sa grand-mère la regarder, alors elle avale le tout et déglutit. Elle sent sa mémé arriver, avec ses regards et ses silences. Elle sent qu'elle va commencer un long speech qui ne finira pas au bout de deux heures parce qu'elle s'épuise jamais la vielle. Elle lui dira ce qu'il faut faire et ce qu'il faut pas faire et Rowan dit déjà adieu à ses libertés. Elle lui dira comme se comporter et p'têtre même qu'elle lui appellera un prof à domicile pour lui apprendre comment parler, ouais, tout à fait le style de Monica. Alors quand Rowan replonge son nez dans son thé pas bon, Monica commence à parler et ne se tait plus. « Tout d'abord il faut que tu comprennes mon enfant, que pour faire les choses biens, il va falloir tout changer. Reprendre le tout du tout début et te reforger de façon à que tu sois irréprochable.» Rowan lève les yeux puis prie pour que sa grand-mère ne l'aie pas aperçu. Elle n'a pas envie de changer elle, elle est bien comme ça. Ruinée et sans ambitions aucune. Pourtant elle va falloir faire des efforts et cela au moins jusqu'à la mort de la vielle. Elle s'entend pensé comme ça et se dégoûte seule. Elle pense déjà à faire crever sa mémé, alors que ça ne fait qu'une quinzaine de minutes qu'elles sont ensembles. Monica continue son discours et Rowan y prête attention cette fois. «Donc tu l'aurais compris, plus de soirées à la pacotille sauf si elles sont officielles : nous n'aimerions pas que tu finisses dans cette confrérie d'alcoolique. Tu peux d'ores et déjà oublier la confrérie des rebelles. J'ai entendu dire que tu aspirais à la rejoindre, mais crois moi tu peux l'effacer de ton avenir parce que tu n'y ira pas. Après, tu n'es pas danseuse ou comment appelle-t-on ça ? » « Cheerleader.» « Ah oui, donc tu n'es pas Cheerleader, alors je pense que la confrérie qui leur est destinée ne voudront pas de toi de toute façon. Après, à ce que je sache, tu n'a aucun talent, c'est bien ça ? » «Oui mémé aucun. » « Évites de m'appeler mémé je te prie et oui donc c'est parfait la confrérie des artistes est à bannir également. Après tu peux être charmante et très élégante quand tu t'habilles et quand tu marches, mais ça se voit bien quand tu parles que ton taux de masculinité dans le sang et bien plus haut que celui de féminité. Alors je pense que la confrérie des poupées gonflables.» « Beta, mémé.» « Je t'ai dit de ne plus m'appeler mémé, s'il te plaît Rowan. Oui donc les Betas ne voudront pas de toi. Et tout cela me convient à ravir. Ce que je demande de toi maintenant mon enfant, c'est de rejoindre l'élite et je sais que dans l'état où tu es, il ne voudront pas de toi non plus, alors nous allons travailler pour que tu deviennes, l'héritière parfaite.» « Pourquoi on peut pas juste leur filer un piston mémé ? » « Rowan pour la dernière fois arrêtes de m'appeler mémé ! Et qu'est-ce que tu crois, bien sûr qu'on va leur donner un gros chèque, mais je ne parle pas que de ça. T'intégrer chez les Epsilons est certes primordiale pour que tu tiennes mon image, mais il faut aussi que tu aies le comportement qui va avec, et pour cela, j'ai engagée un professeur qui t'apprendra les bonnes manières, et un autre qui t'apprendra tout ce qu'il faut savoir dans le monde des riches : tout ce qui est à faire, tout ce qui est à éviter, ce qu'il faut porter et quand il faut le porter, etc. Après je pense que le reste n'est pas un problème, tu es déjà intelligente et sûr de toi. Bien qu'il faut que tu essayes un peu plus de t'investir dans tes cours mais ça peut aller.» Elles continent de blablater et puis le reste est sans importance. Rowan sait que désormais tout va changer, que désormais elle aurait plus d'entrevue chez sa grand-mère et moins de sorties avec ses amies, que désormais fini la rébellion, bonjour le luxe et l'attitude qui va avec. Mais elle n'en pense plus grand chose, ou du moins plus maintenant que le mal est fait. Alors elle hausse les épaules discrètement à ses pensées, et attend que tout ça se termine et quand c'est fini, elle embrasse sa grand-mère sur la joue, fixe avec elle leur prochain rendez-vous, puis sort de la maison, sans se retourner.
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