Le discours que tenait la jeune étudiante Epsilon me donnait presque la chair de poule, je n’avais jamais ressentit ce qu’elle avait ressentit en étant enceinte et nos histoires étaient très clairement différentes. Elle n’avait pas voulue de cette petite fille tandis que moi j’en rêvais. Et même si ma grossesse venait peut-être gâcher mon rêve de médaille Olympique, je n’arrivais pas à être ni en colère, ni déçue. J’étais vraiment du genre à me dire que si quelque chose arrive c’est qu’il y a une raison et même si les jeux Olympiques de Londres étaient l’une de mes plus grandes envies je préférais largement avoir mon enfant qu’une médaille. Après tout, tout cela n’est que très futile, alors que construire une famille c’est quelque chose de tellement concret et beau. Mettre un enfant au monde c’est vraiment une plus belle récompense que franchir une ligne d’arrivée en premier. A la minute où mon bébé viendrait au monde le monde cessera de tourner autour de moi, c’est à lui que je devrai penser en premier, c’est ce petit être tout à fait inoffensif qui devra passer avant tout le reste. Je suis prête à faire des sacrifices, je suis prête à renoncer à mes rêves, pour le moment en tous cas, si cela signifie que je suis une bonne mère. Cela ne voulait pas dire pour autant que j’en oubliais mes envies, ce pourquoi j’avais travaillé dur toute au long de ces dernières années, mais disons que j’étais désormais obligée de revoir mes priorités et également de faire preuve d’une plus grand maturité. Lorsqu’on a un enfant, on ne peut plus se comporter comme tel soi-même. Et Dieu sait que parfois je ne suis pas des plus adultes… Mais je suis sûre que d’ici la naissance j’aurai déjà bien changé et que de toute manière je serai forcée de changer et de devenir responsable, plus que je ne le suis déjà dans tous les cas. Alors imaginer ce par quoi la jeune femme en face de moi avait dû passer c’était difficile parce que j’avais du mal à concevoir qu’on puisse ainsi rejeter son enfant. Mais j’avais beau ne pas comprendre comment, j’arrivai malgré tout à comprendre que cela était possible et puis d’ailleurs qui sait comment j’aurai réagit si cela avait été moi, à dix sept ans je n’étais pas vraiment la même qu’actuellement et je ne voyais que par moi-même. Je crois que j’aurai pu être comme elle, j’étais un peu égoïste à l’époque alors honnêtement moi aussi j’aurai pu songer à l’adoption. Mon opinion sur l’Italienne ne changeait pas. Elle avait fait des erreurs, mais qui n’en fait pas ? Et aujourd’hui elle s’était très largement rattrapée si j’en croyais ce que j’avais pu voir à plusieurs reprises lorsque je l’observais avec sa fille. «Tu sais, je ne crois pas que tu devrais t’en vouloir, ou croire que parce que tu n’étais pas assez mature pour complètement assumer ton rôle au début, cela fait de toi une mauvaise mère. L’important c’est ce que tu fais aujourd’hui, le fait que tu te sois rattrapée. L’important c’est le présent. Tu ne peux pas t’en vouloir éternellement pour ce que tu as fait, ou pas fait lorsque ta fille est née. Et puis tu étais encore qu’une gamine, ce n’est pas facile d’assumer un enfant quand soi-même on en est une. Aujourd’hui tu as grandi et tu assumes ta fille. Je pense que tu t’es largement rattrapée et que cela compense très bien pour le passé.» Et je le pensais sincèrement. Francesca ne pouvait pas continuer de ressasser le passé, elle avait fait des erreurs et aujourd’hui elle les avait réparés. Elle devait avancer et continuer sur sa voie.

J’étais vraiment touché du fait qu’elle me parle si ouvertement de son passé dont elle n’était pas fière. Nous ne nous connaissions même pas et elle se révélait vraiment ouverte. Ses confidences étrangement, me rassuraient beaucoup et m’encourageaient même. Et lorsqu’elle m’avoua qu’elle m’en parler ainsi car elle n’avait encore jamais eu l’occasion de parler avec une autre fille dans sa situation, je fus un peu surprise mais apprécia. Je lui fis un sourire. «Je ne pense toujours pas que tu es une mauvaise mère, et honnêtement je suis heureuse que tu m’aies confié toutes ces choses… ça peut paraitre étrange mais je crois que ça m’a rassurait. Je me sentais un peu bête d’avoir peur et maintenant je sais que c’est normal. Et puis j’appréhende un peu moins le jugement maintenant. Merci.» Je me sentais beaucoup moins seule tout à coup. Et puis même si je ne la connaissais pas, je savais qu’il y avait au moins une personne pour me comprendre. La jolie brune termina par me dire que mon futur bébé avait déjà beaucoup chance de m’avoir et qu’il serait entre de bonnes mains avec moi. Je ne pu me retenir de sourire largement, dévoilant toute ma parfaite dentition. C’était l’une des plus belles choses que l’on de m’ait jamais dit. Je sentais mes joues me picoter, j’étais du genre à être facilement flattée et à rougir très rapidement. Francesca était vraiment une fille bien, j’en étais convaincue. «Je peux te retourner ce compliment. Ta fille a de la chance de t’avoir. N’en doute pas.»

J’essayais du mieux que je pouvais d’imaginer ce que moi je dirais à mon enfant si son père avait été un coup d’un soir ou une amourette d’adolescente qui ne faisait depuis longtemps plus parti de ma vie. Mais j’avais beau essayer, je n’y arrivais pas. Ce n’était pas une situation facile, c’était certain. Tout le monde, un jour ou l’autre, veut savoir d’où il vient et qui sont ses parents et comment ils se sont rencontrés et comment c’était le jour de sa naissance. C’est la chose la plus normale je dirais, on a besoin de savoir d’où l’on vient pour avancer dans la vie, d’ailleurs c’est pour ça que souvent, les enfants adoptés cherchent à savoir pourquoi ils ont été abandonnés par leurs parents, ils veulent connaitre leur famille biologique. Connaitre ses racines est une chose nécessaire pour le bon développement d’une personne. Francesca aurait donc forcement, un jour proche ou lointain, le devoir de répondre aux questions de sa fille et lorsque ce jour arrivera… et bien je serais bien heureuse de ne pas être elle! Elle risque bien de ne pas avoir la tâche facile et puis qui sait comment réagira sa fille. Peut-être qu’elle le prendra bien mais peut-être qu’elle le prendra mal et qu’elle le fera payer à sa mère… j’espère sincèrement que non mais d’un autre côté, Louise aurait tout les droits d’être en colère. Mais Francesca a l’air d’aimer sa fille du plus profond de son cœur alors rien que pour cela je suis sûre qu’elle saura gérer la situation et qu’elle pourra aider sa fille de son mieux.

J’ai hâte de partager avec mon enfant des souvenirs de ma vie avant lui. Quand il sera assez grand pour se poser des questions bien entendu, mais j’ai déjà pensé à lui faire un petit livre qui retracera un peu son histoire, par exemple parler de ma rencontre avec son père, de notre mariage et de l’annonce de ma grossesse. Puis ensuite sa naissance, ses premiers sourires, ses premiers mots, ses premiers pas et tout le reste. Je sens déjà que je vais être une maman gaga de son bébé. Fille ou garçon, j’ai juste une seule hâte c’est de serrer ce petit bout dans mes bras. Mon bébé. Un bébé à moi. C’est fou quand même … Hier encore j’étais une gamine qui se souciait uniquement de natation et de devoirs de maths, aujourd’hui je suis sur le point d’entrer dans la vraie vie de femme à laquelle j’ai toujours été destinée. Je suis sur le point de passer un cap énorme. Devenir mère. L’Epsilon a raison, tout va changer. «Oui, je suppose que tu as raison. Je ne me sens pas mal d’avoir des craintes, mais parfois j’ai peur que ces craintes justement, ne s’emparent trop de mon esprit et qu’après je ne suis plus capable que de ne penser qu’à ça. Je ne veux pas faire une fixette sur ce dont j’ai peur parce que je ne pourrais plus profiter pleinement de ma grossesse.». Fran était sympa de me rassurer, alors à mon tour je voulais lui renvoyer l’appareil. «Tu ne peux pas effacer ce qui s’est passé. C’est fait. Mais tu peux faire ce que tu veux du présent et du futur. C’est toi qui décide. Les erreurs que tu as faites avant tu ne les referas plus et c’est déjà ça de gagné. Je suis sûre qu’en fait les erreurs du passé nous rendent meilleures pour le futur alors tu ne devrais pas te torturer avec ce genre de chose parce que la vie est trop courte pour avoir des regrets. Profite de ta fille et construisez-vous un futur du tonnerre! Et puis tu verras qu’avec le temps ta culpabilité s’atténuera. Elle disparaitra peut-être jamais complètement mais je suis sûre que tu pourras vivre beaucoup plus sereinement.»

Après lui avoir donné un sourire chaleureux pour tenter de la rassurer un peu plus encore, mon téléphone sonna. Je m’excusais auprès de la jeune femme et décrocha. L’appel fut rapide, c’était ma mère qui voulait absolument que je lui donne de mes nouvelles. Je raccrochais rapidement après lui avoir promis de la rappeler aussitôt que possible. Je m’étais aussi levée et fixais Louise. «Tu devrais aller la retrouver. Je crois que tu commences à lui manquer. Encore désolée pour le malentendu et merci pour cette petite conversation. Je crois que je comprends encore un peu mieux ce que ça veut dire être mère et aussi pourquoi je veux l’être. Merci pour ça…». Elle avait beau être une étrangère, je ne pu me retenir de lui donner une accolade. Quelques minutes plus tard, j’étais dans un taxi en direction de la maison. Décidément, les inconnues ces derniers temps avaient tendance à me faire sentir drôlement bien.