Brooke & Nolann

Can I have a seat, please?

▬ Oui maman, je te promets de t'appeler plus souvent. Je sais, je n'ai plus d'excuse maintenant. Très bien mais là, il faut vraiment que j'y aille… Oui, moi aussi. A bientôt.

Après avoir raccroché, Nolann déposa son téléphone portable sur la table de la cuisine. Il était dix heures et il terminait tout juste son petit-déjeuner quand sa mère avait décidé de l'appeler. Il est vrai que son fils ne l'avait pas beaucoup appelée ces derniers temps, notamment à cause des examens, de l'attente des résultats et… Des vacances qui avaient débuté. Effectivement, notre homme n'avait pas hésité à se laisser aller et à passer du temps avec ses amis. N'oublions pas qu'il était fraîchement diplômé et, même s'il restait à Berkeley pour quelques années supplémentaires pour faire son doctorat, il avait dû dire au revoir à certaines personnes qui allaient suivre une toute autre voie et ailleurs. Maintenant, c'était le calme plat: les étudiants étaient tous partis en vacances, ou presque et ceux qui restaient suivaient soit des cours d'été, passaient des rattrapages ou prenaient de l'avance sur le programme de l'année académique à venir. Nolann, quant à lui, devait retourner ce jour-là sur le campus pour un entretien avec le professeur de bioéthique. Effectivement, ayant choisi de faire un doctorat dans cette spécialité, il désirait mettre toutes les chances de son côté. C'est ainsi qu'il allait se présenter pour être assistant en bioéthique comme ça, il serait sur le terrain pour écrire sa thèse et bénéficierait des conseils et de l'expérience de son professeur. Encore fallait-il qu'il soit accepté.

Finissant son café, il se leva et mit la vaisselle dans l'évier: il s'en occupera en rentrant en fin de journée, sa colocataire le savait. Ensuite, il alla prendre une douche avant de s'habiller d'un costard-cravate pour faire bonne impression au professeur. Il hésita à mettre la cravate mais finalement, il opta pour son port. Après s'être débattu avec le noeud, il jeta un regard au reflet que lui renvoyait le miroir du couloir de l'entrée: pas mal. Même plus que ça. Cette pensée fit sourire notre doctorat avant qu'il ne revienne sur terre. Il consulta sa montre: onze heures cinq. Bon, il lui restait vingt-cinq minutes avant son entretien. Il s'empara de ses affaires puis quitta l'appartement pour se rendre au parking. Conduire ne lui posait aucun problème, bien au contraire. Il évita l'heure de pointe et arriva sur le campus cinq minutes avant l'heure de son rendez-vous. Il eut le temps de traverser les nombreux couloirs menant au bureau du professeur et d'arriver à l'heure.

A midi et demi, Nolann quitta la pièce surchauffée. Ils avaient discuté de son doctorat, de son projet et des raisons qui le motivaient à travailler dans la bioéthique. L'homme d'un certain âge avait paru très impressionné et intéressé et il donnera une réponse à son aspirant dans les plus brefs délais. En attendant, Nolann avait faim et il décida de se rendre à la cafétéria pour y manger un bout. L'endroit était déjà bien rempli mais il trouva tout de même une place libre. Il s'attaqua à son repas et était à son deuxième café quand une voix qu'il connaissait bien lui parvint.

▬ Brooke. Et de quoi puis-je te sauver cette fois?

Leur première rencontre avait été, comment dire, comique. Cette charmante professeur de mathématiques s'était un jour trompée d'auditoire et avait commencé à leur donner un cours de maths alors qu'ils étaient censés écouter leur professeur de droit des enfants. Personne n'avait pipé mot à part Nolann qui, après une quinzaine de minutes, avait gentiment indiqué à la belle femme qu'elle s'était trompée d'auditoire. Elle l'avait invité à boire un café pour le remercier et, finalement, ils avaient sympathisé.

▬ Si tout le monde te scrute, c'est parce que tu es la plus belle femme de l'université et peut-être même de toute la ville.

Oui, il pourrait foutre un vent à son amie, pour rire, mais il n'en avait aucune envie. Comme vous l'aurez remarqué, notre homme ne se gênait pas pour "draguer" un professeur, c'était dans sa nature et ça n'avait rien de méchant. D'ailleurs, s'il prenait la peine de faire ce genre de compliments sincères à quelqu'un, c'était bien parce qu'il le pensait. L'hypocrisie n'était pas du tout son truc.

▬ Tu as raison: je préfère de loin boire mon café avec la prof la plus sexy de l'université. Je choisis d'être la star du jour. Assied-toi donc, Brooke.

Il désigna la place qui se trouvait en face de lui tout en lui adressant un magnifique sourire dont lui seul avait le secret.

▬ Que fais-tu ici pendant les vacances? Des cours à donner?

Brooke & Nolann

Can I have a seat, please?

▬ Tu es vraiment sûre de vouloir le savoir? Je ne voudrais surtout pas que tu prennes tes jambes à ton cou.

Un sourire mystérieux et enjôleur apparut sur ses lèvres. Il prit nonchalamment son gobelet de café pour en boire une gorgée. Au premier abord, il est vrai qu'on pouvait penser que Brooke était une femme facile et une aguicheuse de première. Sauf que Nolann savait voir au-delà des apparences. Du moins, il essayait de le faire le plus possible. Ma foi, leur première rencontre l'obligea à se forger une opinion positive de cette charmante professeur. Il l'avait vue passionnée par son travail quitte à donner quinze minutes de cours à un auditoire de personnes parfaitement inconnues sans se rendre compte de rien. Nolann en aurait changé sa filière rien que pour la vivacité de Brooke. Il aimait le droit mais parfois, ses professeurs avaient tendance à assommer leurs étudiants avec leur ton monotone.

▬ Je me le demande aussi. Seul l'avenir nous le dira.

Il reposa son gobelet sur la table et entreprit de dénouer sa cravate. Voilà plus de deux heures qu'il la portait, ce qui était exceptionnel. Il avait tendance à céder bien plus tôt à cette impulsion mais là, il avait fait un effort, le repas de midi aidant. Toutefois, cela ne l'empêcha pas de demander à son amie ce qu'elle faisait sur le campus au milieu des vacances d'été. Intrigué, il se pencha légèrement en avant. Pour qu'elle pense que sa réputation de femme fatale en prenne un coup, la raison devait en valoir la chandelle.

▬ Si je m'attendais à ça! Certains hommes te donneraient raison quand tu disais que ta réputation allait s'effondrer mais pas moi. Au contraire, elle en est encore plus renforcée. Je trouve que ce que tu fais pour tes étudiants est formidable. Tu leur donnes la chance d'aller plus loin, au bout de leurs limites. Je trouve ça très bien.

Ma foi, en droit, il n'y avait pas tant de possibilités d'avoir ce genre de cours avancés. Les lois étaient les lois et elles étaient toutes inscrites dans des recueils interminables. Pour parfaire ses connaissances, il faudrait que Nolann se rende sur le terrain, chose qu'il n'allait pas tarder à faire s'il était accepté comme assistant. Et, même sans cette place de travail, il lui faudra bien un sujet à traiter pour sa thèse, ce qui signifiait également travail sur le terrain.

▬ Moi? Et bien j'ai eu un entretien avec mon ancien professeur de bioéthique. J'ai postulé pour être son assistant le temps de faire mon doctorat, histoire de bénéficier de son expérience et d'avoir plus de possibilités de manoeuvre pour mon travail de thèse. On peut dire que si je suis accepté, j'aurais mon professeur personnel pour les quatre prochaines années à venir.

Le jeune homme lui adressa un sourire amusé.

▬ Mais quoi qu'il arrive, je vais encore t'embêter quatre ans.

Brooke & Nolann

Can I have a seat, please?

▬ Si seulement tu savais…

Un clin d'oeil amusé ponctua les paroles du jeune homme. Véritable coureur de jupons, Nolann avait connu de nombreuses filles ou, plus précisément, beaucoup de demoiselles s'étaient retrouvées dans son lit. Toutefois, jamais il n'a pris la peine de s'attacher à l'une d'entre elles simplement parce qu'il n'a jamais ressenti ce fameux coup de foudre dont tout le monde parle. Par contre, notre homme croyait en l'amour et le seul problème résidait dans le fait qu'il ne l'avait encore jamais côtoyé. Pour le moment, il se contentait donc de coups d'un soir quand l'envie le prenait. Il ne craignait pas d'être jugé car il partait du principe qu'il faisait ce qu'il voulait. De plus, il mettait en garde ces demoiselles: pas d'attachement émotionnel, juste de l'amusement. Donc oui, il connaissait beaucoup de filles mais aucune n'était aussi charmante et belle que son amie Brooke.

▬ Batman? Il me faudra bien plus qu'une cape dans ce cas mais également un masque.

Voler au secours de son amie l'amusait surtout qu'elle avait le don de se mettre dans des situations particulières. L'exemple flagrant était le jour où elle avait commencé à donner un cours de maths aux étudiants en droit. Heureusement que Nolann avait été présent et qu'il n'était pas trop sadique sur les bords sinon, Brooke se serait rendue compte de son erreur une fois son cours terminé. Mais qui sait ce que l'avenir leur réservait! Peut-être qu'il devra la sauver de bien pire que cela la prochaine fois. Rien que cette simple idée arracha un nouveau sourire à notre homme.

▬ Tu n'es pas professeur de mathématiques pour rien. Si tu as choisi cette orientation, c'est bien parce que tu es passionnée par cette branche. Beaucoup de prof enseignent pour enseigner et recevoir leur salaire à la fin du mois et je suis toujours content quand je constater qu'il y a des exceptions.

L'engouement qu'elle avait en parlant de mathématiques fit plaisir à Nolann même s'il n'étudiait en aucun cas cette matière. D'ailleurs, il avait toujours fourni le strict minimum dans les branches scientifiques dès l'instant où il avait trouvé sa voie, c'est-à-dire le droit. Il aurait pu être doué en maths s'il y avait mis du sien. Mais l'adolescence avait été une période sombre pour lui et il préférait ne pas y retourner, même en pensée.

▬ Serait-ce un compliment?

Il lui adressa un sourire charmeur avant de lever son gobelet. Un léger rire lui échappa quand elle porta son toast et il ne put que l'approuver. Il but une nouvelle gorgée de son café avant de reposer son gobelet.

▬ Tu sais que tu pourras toujours compter sur moi pour te sauver. Dis-moi, les maths t'ont toujours passionnée? Parce que je n'ai jamais vu quelqu'un qui s'y intéresse autant. Peut-être que si j'avais eu un prof comme toi au lycée, je serais en train de débuter mon doctorat dans la matière.

Brooke & Nolann

Can I have a seat, please?

▬ Tu veux un nombre exact? Ca va être un peu dur… Laisse-moi réfléchir… Mm… Je dirais… Une trentaine… Sachant que j'évite de m'attacher, que je sors le week-end et que si j'ai envie de m'amuser, je n'hésite pas… Ca fait tout de suite moins sérieux, hein?

En réalité, notre homme n'était absolument pas certain du chiffre qu'il avait en tête. Trente filles? La bonne blague! Il devait peut-être avoir couché avec cinquante, voire le double depuis sa première fois! N'oublions pas qu'il avait traversé une période relativement noire et glauque à l'aube de ses seize ans et que cette dernière avait bien duré deux ans. A cette époque, notre cher Nolann ne se gênait pas pour sécher les cours et sortir tous les soirs. De plus, il aurait été incapable de dire avec qui il a eu sa première fois. Imaginez l'état dans lequel il avait été!

▬ Voilà qui égaie un peu la chose! Reste à trouver la demoiselle canon en question.

Il lui rendit son clin d'oeil, certain qu'elle pensait à la même fille que lui. Il lui avait fallu très peu de temps pour percer son amie à jour depuis qu'ils se connaissaient et il avait découvert qu'elle n'avait pas sa langue dans sa poche: si elle avait quelque chose à dire elle ne se gênait pas. Mais attention à ne pas la sous-estimer car elle était loin d'être stupide! A bas les clichés débiles sur les blondes! S'il y avait une exception qui confirmait la règle, il s'agissait bien de Brooke.

▬ Mais oui, va-y, lance-toi des fleurs! Elles vont bien, tes chevilles?

Il aimait bien la charrier, sachant qu'elle ne le prendrait pas mal puisqu'il était dans son habitude de l'embêter un peu quand il en avait l'occasion. Beaucoup de personnes désapprouvaient leur relation: allez savoir ce qu'ils croyaient qui se passait entre eux! Mais qu'y a-t-il de mal à sympathiser avec un professeur, surtout quand ce dernier a votre âge et surtout qu'il ne vous enseigne aucune matière? Et même si c'était le cas, ils ne faisaient rien de mal. Et, de toute façon, ils étaient adultes et vaccinés alors bon... Nolann se fichait royalement de l'avis des autres et il n'allait pas se priver de la présence de son amie pour des gens jaloux.

▬ Oh! Mais fais attention à ce que tu dis, tous ces compliments pourraient tomber dans l'oreille d'un sourd et après, va savoir ce que les gens de cette cafétéria vont penser de notre relation.

Une nouvelle fois, il l'embêtait. Elle savait pertinemment que Nolann se fichait pas mal des ragots. Avec un léger sourire en coin, il but une nouvelle gorgée de son café à présent tiède.

▬ Mm… Tu pourrais pré-enregistrer mon numéro de portable ainsi, quand tu appuierais sur la touche "1" ou n'importe laquelle, on serait immédiatement en communication. Il y aurait bien une autre solution plus radicale: qu'on ne se quitte plus jamais.

Le ton sérieux qu'il avait pris- même s'il plaisantait sur le dernier point- le surprit au plus haut point. Il aurait du potentiel en matière de comédie, ça c'est sûr!

▬ Mais arrête de dire que tu n'es pas nette! Tu crois que c'est plus net de s'intéresser au droit, à la physique ou à la médecine? Il faut de tout pour faire un monde et puis s'il n'y avait pas eu de gens pas "nets", on n'en serait pas là où on en est.

Il passa une main dans ses cheveux, les ébouriffant un peu plus.

▬ On ne sait jamais, c'est vrai. Il faudra que je teste ça dans ma prochaine vie.

Un léger rire lui échappa alors qu'il se laissait aller contre le dossier de sa chaise. Toute la pression accumulée ces derniers jours s'en était enfin allé.

▬ Moi aussi… J'en ai même oublié mon rendez-vous de ce matin! T'as vu, ta présence m'est vraiment bénéfique.

▬ Tu as encore des cours à donner cet après-midi? Ou tu en as terminé pour aujourd'hui?