On dit que le soleil rend heureux, que le soleil est important dans la vie, pour l’épanouissement personnel tout ça. Cela doit expliquer pourquoi l’Europe ne lui avait pas plu, tout comme Columbia d’ailleurs. Mais Berkeley, ce n’est pas pareil. Déjà, Berkeley c’est en Californie. Et comme son nom l’indique presque, ici règne une toute autre ambiance. Dans le genre « Bienvenue en Californie mec, emmène-moi dans ta chambre tu veux ? » C’est à peu près l’idée générale. Et en effet, dès son arrivée, le jeune Ukrainien était allé repérer les endroits les plus intéressants, ses futurs terrains de chasse. Cela dit, trainer dans un bar doublé d’un night-club, c’était plutôt de la cueillette que de la chasse, si vous voulez son avis. Dès son entrée, il avait repéré quelques filles, pas toutes de son genre mais tout de même pas mal comme entrée en matière. Il était allé s’installer pour boire un coup quand une jeune femme s’installa à ses côtés, en toute innocence. Et donc, sans arrières pensées aucunes ils engagèrent une conversation. Elle était mignonne, le nez un peu trop droit à son gout mais mignonne et cela lui suffisait, puis elle riait beaucoup, elle se moquait aussi un peu de son accent à couper. Ils dansèrent et passèrent une très bonne soirée. Elle s’appelait Holly pensait-il se souvenir. Enfin, elle avait un vrai prénom, mais elle s’était présentée ainsi et il s’en contentait, ils auraient bien le temps de se présenter plus tard, après tout, il en avait encore pour plus de six ans d’études…Puis au fil des verres et des mots criés à l’oreille pour couvrir la musique, ils avaient finis par se rapprocher pour ne plus se quitter.

Assis à la terrasse du Starbucks, Zala sourit pensivement au souvenir de leur première soirée, il s’était enhardit en se collant tout à son corps pour humeur l’odeur de sa gorge et de ses cheveux relevés en un savant chignon décoiffé. Il frémit légèrement au souvenir de sa main qui s’appropriait son corps. Ils prirent congé quand un serveur lui renversa par inadvertance un verre sur le buste. Zala en avait profité pour lui glisser à l’oreille qu’elle devait le suivre chez lui, qu’il l’aiderait à se sécher. Et il l’aida en effet, profitant au passage pour la découvrir plus encore. Et pour qu’ils ne prennent pas froid, ils se glissèrent sous ses draps. Quel gentleman tout de même ! Le réveil fut particulier, en général l’esprit brouillé, il congédiait les jeunes femmes. Sauf que ce matin-là, la belle Holliana s’était réveillée avant lui et avant qu’il lui dise « Bon ben bonne journée hein ! » elle lui demanda « On fait quoi aujourd’hui ? » Et allez dire à une jolie fille déterminée qu’ils ne feraient rien du tout. Donc habilement, depuis ce jour, ils se fréquentaient régulièrement, de bon gré ou malgré, d’autant plus que la jeune femme avait pour projet d’en faire un ami. Mais oui c’est ça.

Ainsi, seul sur la terrasse du café, il fumait tranquillement sa cigarette en laissant son café refroidir en attendant sa belle et très sexy amie. Heu, on a le droit de dire ça de ses amis ?

Ce qui était bien avec Holliana, c’est qu’elle sortait toujours le grand jeu, toujours parfaitement toilettée, soignant son entrée jusqu’au moindre détail, rien que pour attirer l’attention et pour le plaisir de voir les hommes baver. En général, les mecs donnaient cher pour pouvoir s’afficher ainsi avec une telle femme, ils rêvaient de se dire « son petit ami » ou juste l’avoir comme ami. Un regard d’une belle femme suffisait en général à leur donner du prestige. Zala s’en amusait beaucoup, en tandis qu’il la regardait venir à lui, les manches de son fin pull relevés, assis légèrement en arrière, un pied replié sur son genou, il se contentait d’attendre. Il connaissait le jeu, elle viendrait à lui, l’embrasserait et lui parlerait d’une voix mielleuse. Il y était amusé et y participait à chaque fois d’un air légèrement moqueur, en toute nonchalance. Elle voulait devenir son amie, elle voulait qu’il se livre à elle, qu’il se dévoile et elle cherche à lui prouver qu’une amitié homme/femme était possible. Mais elle se trompait puisque dès qu’il le souhaitait, il l’emmenait dans sa chambre. Et le meilleur, c’est qu’elle était toujours disponible quand il la réclamait. Et il comptait bien profiter de la situation. Elle s’assit donc à ses côtés, avec son sourire enjoliveur.

« Salut Holly, y’a des mecs qui t’ont reluqués »

Il sourit en prenant une gorgée de son café.

« J’ai parié entre ta robe rouge et la turquoise, j’ai gagné. Quel est mon lot ? »

La relation avec Holliana était ainsi, de la drague, de la séduction et des non-dits. A vrai dire, il savait qu'au fond d'elle même, elle avait conscience de la situation et lui même ne savait que trop bien que si elle se refusait à lui, leur relation tournerait court, ainsi, il en profitait tant qu'elle le voulait bien, après tout, cela l'arrangeait.

Assis sur sa chaise, il la regardait d’un drôle d’air, les sourcils légèrement relevés, portant doucement sa cigarette aux lèvres pour prendre une longue inspiration d’un air songeur. Tandis qu’elle regardait autour d’elle pour vérifier la potabilité des hommes, pour voir si tout le monde l’avait bien vue, il regarda vaguement du côté de la rue, ajustant ses lunettes de soleil ray-ban. Il était habitué à tout ce cinéma et elle semblait jouer un rôle, cependant, en était-elle consciente ? Il l’espérait pour elle. A sa remarque, il eut un petit rire moqueur.

« Peut-être qu’eux aussi ils veulent devenir tes amis… »

La remarque l’amusa beaucoup. Il s’était accommodé de la situation, tandis qu’elle voulait lui prouver qu’ils pouvaient être amis, il ne cherchait qu’à faire passer le temps et, il devait bien l’avouer, profiter du fait qu’elle ne lui résistait pas. Il avait d’ailleurs tendance à en profiter largement, lui proposant en général des sorties et soirées quand cela l’arrangeait bien lui-même. A vrai dire, il abusait chaque jour un peu plus, poussant la provocation jusqu’au jour où elle dirait stop. A vrai dire, il n’avait pas de limites tant qu’on ne lui en imposait pas. Ce n’était pas ça l’amitié selon lui quoi qu’elle en dise. Elle lui annonça que cette fois, cela ne fonctionnerait pas. Ben voyons. Il s’approcha légèrement de la table, se redressant sur son siège.

Tu le sais aussi bien que moi, c’est ou je veux quand je veux et le meilleur dans l’histoire, c'est que tu acceptes à chaque fois !

Il abusait. Il en avait pleinement conscience et cela lui était foutrement égal. Non mieux, il aimait repousser chaque jour plus loin les limites, tout simplement pour voir les gens s’énerver ou voir jusqu’où ils joueraient avec lui. Car pour lui, tout cela n’était qu’un jeu. Berkeley entier n’était qu’une vaste cour de récréation. Rien n’était jamais assez sérieux pour lui, et il avait cette fâcheuse tendance à s’amuser aux dépends des autres, comme un chat qui joue avec sa proie. Et tant qu’on ne lui disait pas « Game Over » il continuait, repoussant chaque jour plus loin encore les limites. Un jour, il s’en brulerait les doigts, il en avait conscience mais après tout, ce jour était encore loin.

Aujourd’hui, elle se fâcha cependant, et il y avait de quoi, il aurait été à sa place, il se serait jeté la tasse de café à la figure. Au moins. Il considéra cependant sa remarque. Il réfléchit quelques instants tout en écrasant sa cigarette dans le cendrier. Il eut envie d’émettre une objection, ce n’était pas pour l’humilier qu’il l’appelait, il jugea cependant préférable de se taire à ce sujet. Il fronça pourtant légèrement les sourcils. Elle espérait quelque chose de lui. Il ne voyait pas quoi. Et il était presque sincère sur ce point, il est vrai qu’il pouvait s’améliorer, mais concrètement, à part de la bonne compagnie, il ne voyait pas ce qu’il pourrait lui apporter de plus. Il la considéra avec sérieux.

« Explique-moi alors ce que tu attends de moi ! Je ne comprends pas ce que tu espères de moi… »

Il disait la vérité. Elle prétendait vouloir être son amie, mais dès qu’ils se voyaient, cela ne tournait qu’autour de la séduction, il ne savait pas grand-chose d’elle en réalité, il avait simplement apprit par hasard qu’il n’était pas le seul dans sa vie, et à vrai dire, il n’aspirait pas à l’être. Mais leur relation le déroutait un peu et pour lui, il n’existait pas d’autres façons. Il l’écouta d’une oreille légèrement distraite son éclat de colère. Tout à fait justifié d’ailleurs. Il attendit qu’elle eut finit avant de lui sourire. Un joli sourire. Mais son regard était sérieux cette fois encore.

« D’un côté, ne te laisse pas traiter comme je le fais. Pourquoi tu ne me cognes pas quand tu trouves que je dépasse les limites ? Pourquoi tu te laisses faire ? Tu ne crois pas que tu mérites quand même mieux ? »

Assez peu perturbé par l’ouragan qu’il avait provoqué, il la laissa libérer sa rage, elle en avait le droit et si cela pouvait l’aider. L’écoutant d’une oreille distraite, il la regardait d’un air songeur. Voilà quasiment trois semaines qu’ils se connaissaient, leur première soirée avait été très chaude et ils avaient beaucoup rit. Mais par la suite, ils s’étaient revus plusieurs fois par semaine. Il n’était pas habitué à revoir les personnes avec qui il avait passé la nuit, il coupait généralement très vite les liens, parce que cela ne l’intéressait plus, parce qu’il estimait qu’ils n’avaient plus rien à s’apporter. Pourtant, avec Holliana, ils s’étaient revus. S’était-il attaché ? Contrairement aux apparences, oui, il s’y était attaché, et justement, cela le mettait mal à l’aise. Il n’en avait pas envie, cela ne lui était pas familier, il ne savait comment réagir avec elle, que lui dire. Il savait que ce qu’il faisait était mal. Il se servait clairement d’elle quand il en avait envie sans prendre en considération ses sentiments à elle, ses émotions et de ce fait, il ne la respectait pas. Il en avait pleinement conscience mais malgré tout, qu’elle résiste aussi courageusement face à son comportement de salaud, qu’elle reste, qu’elle lui pardonne…Cela le dépassait et, démunis, il ne pouvait se résoudre à la « quitter » définitivement. Il ne parvenait pas à s’imaginer sans la voir, ne serait-ce que pour boire un café. Il devinait en elle une personne courageuse et pleine de qualités mais aussi une jeune femme fragile. Etait-ce une très subtile façon de la protéger ? De la mettre en garde contre les sales types ? Il n’en savait rien et contrairement à ce qu’il laissait entendre, il l’appréciait sincèrement. Simplement, ce genre de relation lui était inconnu et il ignorait comment se comporter. Ses relations humaines avaient toujours été perturbées par son instabilité. Il savait être drôle et rire de tout, il n’était pas mauvais et en général, on l’appréciait, simplement son apparente sociabilité n’était qu’une façade…Une façade qui cachait une personnalité disloquée et troublée. Bref, il avait beau se montrer tantôt adorable tantôt salaud, cela n’était qu’une surface inconsciente…
Reportant son attention sur ce qu’elle lui disait et bien qu’il n’avait pas réellement écouté, perdu dans l’abîme de ses pensées, il s’alluma une nouvelle cigarette, donnant quelque peu l’impression qu'il s’en foutait. Mais cela était faux. Mais comment le lui dire alors que lui-même ne comprenait rien à rien ? Dans l’histoire, ce n’était pas elle l’idiote en fin de compte…Il soupira.

« Holly, ne m’en demande pas trop…Je ne sais pas où ça nous mène. Crois-le ou non, je t’aime bien et si je suis ici avec toi, c’est que j’aime ça et toi aussi je pense. Mais je ne sais pas ce que ça signifie et je ne sais pas non plus pourquoi je joue au con. Je suis peut-être plus con que je le croyais. C’est une possibilité. Je ne sais juste pas faire…les choses correctement ? Tu veux un autre verre ? »