Entendre Alcide lui dire qu’il couchait avec sa fille, ça fit un véritable choc à Samuel. Non mais ça voulait dire quoi ça ? Qu’il était un mauvais père et donc qu’il ne voyait rien ? En réalité il y avait de ça. Samuel allait tellement mal qu’il ne regardait pas les gens qui étaient autour de lui. Il avait essayé de sortir la tête hors de l’eau, mais il n’y était pas parvenu. Il allait avoir besoin d’un coup de pouce, mais ce soir ça n’était pas les deux hommes près de lui qui l’aideraient au vu de ce qu’il leur faisait subir. Il ne pensait qu’au fait qu’il voulait se faire tabasser et les propos d’Alcide le mirent hors de lui. Se ruant sur l’homme, il frappa le premier et se retrouva finalement en mauvaise posture. Il se retrouvait frappé par Alcide et finalement il préféra se laisser faire. Sentant un coup dans les côtes, deux autres à son visage, il n’essaya même pas de riposter. A l’entente de ‘beau-papa », ça mit Samuel hors de lui. Il aurait défendu l’honneur de sa fille, peu importe l’homme en face. Seulement il eu juste le temps de se protéger le visage quand il sentit qu’il était plus léger. Ne sachant pas ce qui se passait, il bougea légèrement ses bras pour voir ce qui se passait. Edward avait rattrapé Alcide et les deux hommes étaient debout face à lui. Ecoutant les propos d’Edward, Samuel ne dit rien et regarda Alcide avant de l’écouter parler. Essayant de redresser, tout en écoutant l’homme, Sam grimaça. A l’entente des propos de l’homme, Sam soupira doucement.

Prends soin d’elle, c’est tout ce que je veux. J’ai vu qu’elle était heureuse, mais tout ce que je te demande c’est de prendre soin d’elle.

Prenant appui contre le mur, Sam se mit debout et tituba légèrement, se rattrapant à nouveau au mur. Se mettant droit, il sentit ses côtes lui faire mal et il inspira et expira doucement. Regardant alors Edward, il hésita à parler et finalement se lança.

Je suis désolé. Je n’aurais pas dû te dire tout ça l’autre jour et aujourd’hui.

Passant une main sur sa lèvre, il sentit quelques gouttes de sang. Sa lèvre était apparemment coupée, ça n’était pas si grave que cela en soit. Passant un doigt sur son nez, il sentit une légère ouverture. Son nez aussi avait prit un coup apparemment. Il aurait des bleus, mais ça ne serait pas le pire dans tout cela finalement. Il n’osa pas regarder les deux hommes à nouveau, sachant que ce qu’il avait fait était quelque chose d’égoïste et qu’il les avait entraînés là dedans contre leur volonté. Il essaya donc juste de voir avec ses doigts quelles parties de son visage avaient prit un coup.

Mes yeux bleus ne cessaient de faire la navette entre Samuel et Alcide. Ce dernier avait un peu trop dépasser les bornes tout de même. J'adore le professeur, je le considère comme un véritable ami à qui je peux me confier, avec qui je peux passer des soirées totalement délirantes et plein d'autres choses. Mais là, je trouvais qu'il avait grandement merdé. Merdé en entretenant une relation avec la fille d'un de ses potes. Merdé parce qu'il ne lui apprenait pas la nouvelle de la bonne façon. Ainsi, quand il dit « Voyons beau-papa... », je serrais les dents, ayant mal pour Samuel. Si j'avais été à sa place, j'aurais éclaté Alcide, lui aurait donné un aller-simple jusqu'à l'hôpital. Je ne doutais pas une seule seconde que Van Stexhe avait changé en étant avec Lucie. Cela se voyait, il se montrait plus sérieux, plus tendre, beaucoup moins Don Juan. Néanmoins, il se comportait comme un vrai salopard présentement. Certes il pouvait dire la vérité à Samuel, mais il y avait des façons de le faire, bien meilleures que celle qu'il employait présentement. Il voyait tout de même bien que son ami était déjà en mauvais état. Là, il ne faisait que l'achever. Ça avait tendance à m'écœurer un peu, surtout de la part d'Alcide. Mais pour le moment, je ne pouvais pas vraiment dire quelque chose, je me contentais de faire en sorte qu'ils ne continuent pas de se taper dessus.

« J’ai une très bonne infirmière à domicile depuis un mois. » Je fronçais de nouveau les sourcils. Là, il dépassait vraiment trop les bornes. Et alors que Samuel semblait capituler en demandant à son « ami » de prendre soin de sa fille, et en demandant pardon pour m'avoir lancer tant de saloperies dans la gueule lors d'une soirée antérieure, je gardais le silence un instant. J'avais la tête tournée vers Alcide, et l'observais en fronçant les sourcils. Jusqu'à ce que, à ma grande surprise, pour le faire taire, je poussais violemment Van Stexhe en arrière, en plaquant mes mains à plat contre son torse. Il m'observait avec un étonnement assez important, alors que mes yeux auraient pu devenir rouges de colère. « Tu vas fermer ta grande gueule merde ?! » Là, c'était davantage mon côté papa qui parlait. J'avais agrippé Al en empoignant le col de sa chemise, l'obligeant ainsi à se rapprocher de moi. Je voulais faire comprendre à mon ami qu'il ne se comportait pas de la bonne façon avec Samuel. C'était primordial qu'il s'en rende compte. Malheureusement, je me montrais bien plus agressif que prévu. « Pendant que tu y es, raconte lui comment tu l'as baisée ! Putain Alcide, c'est son père ! Est-ce que tu peux te rentrer ça dans le crâne ?! » Je continuais de le regarder dans les yeux, non sans arrêter de froncer les sourcils, si bien que ma ride du lion s'était fortement ancrée au-dessus de l'arête de mon nez. « Que tu sois tombé amoureux de Lucie, pourquoi pas, ça arrive, on ne contrôle pas ce genre de choses et je ne peux pas te blâmer pour ça. Tu sais même que je suis très heureux pour toi. Mais tu avais d'autres façons de l'apprendre à Salaun tu ne penses pas ? Tu vois bien qu'il est déjà mal, et toi, tu lui balances tout dans la gueule en faisant des sous-entendus sur ta sexualité avec sa fille. »

Oui, ce genre de comportement me mettait hors de moi, et je ne prenais la défense de Samuel que par rapport à ça. J'étais toujours en grand froid avec ce dernier, n'empêche que je me mettais à sa place. Je m'imaginais face à un homme qui m'expliquerait avec des paroles tout aussi foireuses que celles de Van Stexhe, qu'il baisait Jade. Non, c'était trop. Et si Alcide ne se rendait pas compte des proportions de ses paroles, c'est uniquement parce qu'il n'avait pas d'enfant, et encore moi une petite fille qu'il a pu tenir dans ses bras le jour de sa naissance et qui est devenue, par la même occasion, la prunelle de ses yeux. Non, ça, Van Stexhe n'en avait aucune idée. Et j'espérais qu'il le comprendrait assez tôt, car le jour où une femme lui donnera un môme, il se rendra compte de ses paroles un peu trop crues. « Si un jour tu as une fille, et que tu te retrouves face à un homme qui aura prononcé ce genre de paroles, crois moi que tu n'auras qu'une envie, celle de le faire saigner jusqu'à ce qu'il atterrisse à l'hôpital en urgence. » Ces paroles dites, je décidais de le lâcher un peu brusquement, soit dit en passant. Je me reculais d'un pas, puis passais ma main sous mon nez, afin de débarrasser un peu ma peau du sang. Mais au final, j'arrivais uniquement à l'étaler plus qu'autre chose.

« Ainsi donc, il n’y aurait plus rien à faire, qu’à mettre la clef sous la porte, de ce château sombre et désert où gisent nos illusions mortes ? » Sous un aspect moins lyrique, c’était ce qui trottait dans la tête d’Alcide.
Certes, il avait agi sur un coup de tête, sans réfléchir et sans penser à rien d’autre qu’à faire mal à Samuel, lui qui semblait être dans un état d’esprit tel que lui clouer le bec avec ce genre de propos avait paru être l’idée du siècle. Et puis ça s’était un peu calmé. Van Stexhe avait presque été correct vers la fin de son petit speech, et Salaun avait fini par capituler poliment, demandant à Alcide de prendre soin de Lucie. Une demande clairement superfétatoire, en réalité, car jamais Al n’avait eu envie de causer du tort à la jeune fille. Merde, elle était celle qui lui permettait de tenir un peu la route, celle qui lui apportait un peu de stabilité et un peu d’espoir dans ce monde de dingues…

Alors, oui, évidemment, pendant quelques secondes, voyant l’état de Samuel, Alcide avait pensé qu’il valait mieux en rester là et la fermer. Mais c’était oublier la présence d’Edward O’Malley, irascible Irlandais à l’instinct paternel surdéveloppé.
Là où Salaun réagissait raisonnablement, Edward avait choisi une autre tactique et, très vite, Alcide se retrouva acculé, le dos au mur et le col chopé par les deux mains puissantes d’Edward. Dans une telle situation, très sincèrement, malgré tout ce qui lui passait dans l’esprit, il était difficile de s’en sortir indemne. Van Stexhe écoutait les paroles d’O’Malley. Bien sûr, il savait qu’il était allé trop loin, que les paroles prononcées avaient plus eu pour but de faire mal que d’énoncer une vérité admise… c’était agir comme un connard et ça, Alcide le savait très bien. Dès le moment où il avait parlé de Lucie, il s’était foutu dans la merde jusqu’au cou.
Cependant, la réaction d’Edward interpela Alcide. Bon sang, il avait démarré au quart de tour, comme le moteur d’une Corvette venant d’être révisée. Et la manière dont il tenait van Stexhe, ça avait de quoi impressionner. Sans compter les propos qui jaillissaient de sa bouche comme un geyser jaillit de terre en certains endroits du monde.

Toutefois, tout ce qu’Edward disait, Alcide s’en était un peu douté. Certes, lui-même n’était pas père, mais il savait qu’il n’aurait jamais pu accepter qu’on lui parle de sa sœur comme il avait parlé de Lucie. Et, dans une moindre mesure, c’était à peu près la même chose. Bon, peut-être avait-il été un tantinet trop provocateur. Mais ça, c’était le genre de trucs qu’on contrôlait difficilement. Une fois lancée, la machine avait du mal à faire marche arrière.
Au fond, il aurait dû essayer de se mettre à la place de Samuel. Peut-être qu’en pensant à Esmeralda, ce serait possible. Et encore. Elle n’était pas la chair de sa chair. Il y avait une dimension que l’homme ne pouvait pas saisir.
O’Malley avait certainement raison. Mais Alcide ne pouvait pas comprendre ça. Pas tout à fait, du moins. Et quand Edward lâcha Al, non sans lui avoir cruellement rappelé qu’il avait agi comme un vrai con, l’homme remit son col de chemise correctement en place et releva la tête, comme pour toiser Ed. Ce dernier venait de reculer d’un pas et van Stexhe le regardait d’un œil noir. Ça ne lui plaisait pas de savoir qu’il avait agi n’importe comment. Ça lui plaisait encore moins qu’O’Malley le lui fasse comprendre de cette manière. Merde, quoi, il était capable de revenir tout seul à la raison. C’était d’ailleurs en bonne voie avant qu’Edward ne s’en mêle. Un vrai boulet, ce type, parfois. C’était à se demander s’il était vraiment un ami. Parce qu’avec des amis pareils…

"Message reçu. Je dois vous laisser entre pères, je suppose ? Vous devez avoir un tas de choses à vous dire…"

Avait-il mal pris quelque chose ? Assurément. Et si la situation devait prendre un nouveau tournant, Alcide savait d’ores et déjà quelle décision il allait prendre. Susceptible ? eh bien, oui, et pas qu’un peu. Il est des sujets qu’il ne supportait pas qu’on aborde devant lui… surtout si ceux-ci devaient amener à une remise en cause de l’homme.

Se tournant vers Samuel, van Stexhe eut une grimace contrite.

"Désolé, je n’ai jamais voulu que tu l’apprennes comme ça… On en reparlera, si tu veux bien, mais ce soir, je pense qu’il vaut mieux que je m’en aille."

Pouvait-il laisser Salaun et O’Malley ensemble ? sans doute cela ne causerait-il pas de problèmes… à présent, ils avaient un formidable sujet de conversation et un bon sujet d’entente : Alcide van Stexhe et son comportement de salaud. Toutefois, Al savait que Samuel était un homme raisonnable. Il comptait donc agir en fonction de ce que Sam allait dire.

S’étant redressé et étant contre le mur, Samuel essayait de voir par le touché où il était blessé. Ca n’avait pas vraiment de grande importance, seulement c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour ne pas affronter le regard des deux hommes qu’il avait poussé à bout. Il avait eu ce qu’il était venu chercher et il en avait eu sa dose. Il ne lui restait plus qu’à en finir pour ce soir et rentrer chez lui, enfin s’il parvenait à marcher. Ses côtes lui faisaient horriblement mal et il devait avouer que respirer était une vraie torture. Essayant donc de trouver une façon de respirer qui lui ferait moins mal, il fut surprit en entendant Edward s’énerver et pour une fois pas contre lui. Relevant alors la tête, il vit que l’irlandais venait de plaquer Alcide au mur opposé. Fronçant les sourcils, Sam sentit que son visage le tirait de partout, mais pour le moment il était plus concentré sur les propos des deux hommes et surtout sur ceux d’Edward. Ce dernier s’était donc mit en mode père et il comprenait l’énervement dont avait fait preuve Samuel quelques secondes plus tôt. Laissant donc l’irlandais dire tout ce qu’il avait à dire, Sam savait qu’Edward avait des enfants. Ils avaient d’ailleurs Ambre en commun et il imaginait très bien qu’Edward non plus n’aurait pas apprécié qu’on dise cela d’Ambre et de sa propre fille. Prenant appui contre le mur, Sam soupira doucement. Alcide mal prendre les choses où en tout cas il resterait surprit. Le français ne pouvait que le comprendre, tout comme il comprenait Edward. Finalement tout les trois ils avaient bien plus de points en communs qu’ils ne pouvaient le penser et surtout le montrer. Il y avait des rivalités entre eux et pourtant ils étaient amis. C’était assez étrange, mais Samuel savait aussi que les choses n’étaient jamais roses. Seulement ce soir ça n’était pas à Alcide où Edward de s’effacer, non c’était à lui.

Non tu restes.

Essayant de trouver un minimum l’équilibre, il regarda les deux hommes.

Vous étiez sortit entre amis, moi pas. Alors vous restez là et je vous laisse.

Se rattrapant de justesse au mur, il sentait qu’il allait tourner de l’œil s’il se mettait à marcher. Heureux hasard ou pas, il vit quelques personnes. Elles étaient déjà là pour regarder ce qui se passait et il réussit à accrocher le regard d’un homme qui vint vers lui pour l’aider. Appréciant l’aide, il écouta l’homme lui dire qu’il l’aimait à l’hôpital. Samuel essaya de protester, mais la copine de l’homme ne lui laissa pas en placer une. Apparemment cette jeune femme était étudiante en médecine et elle voulait qu’il aille à l’hôpital. Grognant, il lança un dernier regard aux deux hommes qu’étaient Alcide et Edward et il soupira avant de capituler. Il espérait qu’à l’hôpital, il ne tomberait pas sur Addison, sans quoi ça serait son quart d’heure d’engueulade. Prenant place dans la voiture du couple, Sam n’hésita pas une seule seconde à s’allonger sur les sièges arrière, préférant être allongé plutôt qu’assit. C’était bien plus simple pour respirer et ça faisait un bien fou. Il fut donc conduit à l’hôpital où il passa le reste de la nuit.

J'apprécie énormément Alcide, je le considère comme un véritable ami et je sais que ça n'était peut-être pas approprié de ma part de réagir aussi violemment face à son comportement assez salop. Mais que voulez-vous ? Je reste avant tout le papa de trois enfants, d'un quatrième à venir, je viens d'une famille nombreuse. Bref, c'est une bien trop grande valeur à mes yeux pour faire comme si de rien n'était. Ainsi, alors que je venais de lâcher mon ami, nous nous regardâmes tous les deux avec un air mauvais, comme si nous étions deux rivaux prêts à se taper dessus. Ça pouvait paraître étrange pour deux personnes aussi proches que nous. C'était désolant mais en même temps, je ne concevait pas de fermer ma gueule et faire croire que je suis d'accord avec Alcide, uniquement parce qu'il est mon ami. Et c'est bien parce que c'est une amitié qui nous unit, que je me permets de gueuler de la sorte et ce, même si je suis à la base quelqu'un de très franc. Je le respectais assez pour lui faire comprendre lorsqu'il déconnait, tout comme lui pouvait le faire à mon égard. Les amis, ça sert aussi à ça, pas seulement à passer de purs moments. « Message reçu. Je dois vous laisser entre pères, je suppose ? Vous devez avoir un tas de choses à vous dire… » J'observais les deux hommes. Non, il valait peut-être mieux pour eux deux, qu'ils discutent de toute cette histoire car dans le fond, elle les concernait. C'était à moi de partir, et étrangement, ça ne me dérangeait pas plus que ça. J'étais quelqu'un de très impulsif, et je ne voulais pas agir d'une façon et la regretter ensuite. De toute façon, il valait mieux pour Alcide comme pour moi, qu'on en reste là, qu'on se revoit quand nous nous serons calmés chacun de notre côté. Par ailleurs, je n'avais toujours pas envie de voir Samuel. Ce n'était pas parce que j'avais pris sa défense en me retournant contre mon ami, que je lui pardonnais. Ses paroles m'avaient fortement blessé, il ne savait pas ce que je vivais ces temps-ci, mais il devait toujours ramener sa fraise, jouer le bon samaritain. Je ne voulais plus avoir affaire à lui. Et je suis assez rancunier sur ce genre d'histoires.

Mais finalement, ce fut Salaun qui préféra s'en aller. Il ne fit même pas quelques pas qu'il nous montra à tous qu'il ne tenait pas franchement debout. Je m'avançais vers lui, apparemment dans le but de l'aider, mais un couple venait de me devancer. Si ça n'avait tenu qu'à moi, j'aurais été fortement tenté de laisser Samuel là, comme un chien, mais je ne suis pas le genre de personne pour la non insistance aux personnes en danger. Le fait est que le couple insistait pour emmener notre ancien collègue à l'hôpital. « Vous êtes sûrs ? », leur demandais-je. La femme hocha la tête. Très bien. Je reculais d'un pas, puis les observais s'éloigner, jusqu'à ce que Salaun entre dans la voiture des deux jeunes gens. Je passais ma main dans mes cheveux. En peu de temps, il avait réussit à aller à l'hôpital par ma faute, et une seconde fois par la faute d'Alcide. Et dans le fond, j'étais persuadé qu'il ne s'était jamais autant battu dans sa vie, qu'en toute une semaine. Ce n'était pas étonnant qu'il soit amoché. Il aurait pu difficilement me battre, en vue de la différence d'expérience que nous avions dans le domaine, et j'ai une carrure un peu plus importante. La même pour Alcide. Et puis, Samuel n'était pas dans son état normal, il était déjà blessé. Tout une accumulation de choses pour qu'il se retrouve bien vite à terre, bien plus vite que prévu en fait.

Puis, finalement, je me retournais vers Van Stexhe, pour le regarder droit dans les yeux. Je gardais le silence, ne sachant pas vraiment quoi dire. Continuer notre engueulade, se demander pardon, ou bien nous quitter comme ça, pour la soirée, afin d'éviter de faire quelque chose que l'on regrettera le lendemain matin ? Je n'étais sûr de rien et c'est la raison pour laquelle j'observais Alcide, comme pour le laisser décider si la soirée devait s'arrêter maintenant ou bien si elle devait continuer sur un peu plus de sérieux de notre part. Car dans le fond, c'était notre première véritable engueulade, et je ne savais pas vraiment comment nous devions réagir. Je vois très peu souvent cet homme énervé, et c'est réciproque. Un soupir s'échappa de mes lèvres. Puis je décidais de patienter.

Tandis que Samuel se tâtait le visage et qu’Edward l’avait plaqué contre le mur, un tas de pensées s’étaient entrechoquées dans l’esprit d’Alcide. Oui, il était un véritable salaud. Il l’avait toujours été, aussi loin que remontait sa mémoire… en tout cas, dès qu’il avait été en âge de draguer, il avait agi comme ça avec les filles. Il les avait toujours utilisées pour son propre plaisir, comme un pur égoïste. Et puis, Lucie était entrée dans sa vie, par une porte entr’ouverte, une porte dérobée et discrète. La fille d’un ami… tout était lié, au fond. Si van Stexhe prenait conscience à ce point de ce qu’il avait fait, de ce qu’il avait dit et, finalement, de ce qu’il était, c’était en grande partie parce que la situation dans laquelle il était s’y prêtait.

Certes, les propos d’Edward lui avaient fait mal, en un sens, mais en ce moment précis, il s’en voulait surtout de ce qu’il avait dit à Samuel et de ce qu’il lui avait fait. Al était un type bien, d’habitude, il n’était pas violent et détestait la bagarre… et ce soir, il avait été violent verbalement, puis physiquement. Il avait provoqué Samuel et l’avait frappé. Putain, il était encore pire que ce qu’il croyait.

Même sans avoir le dos au mur, une fois qu’O’Malley l’avait lâché brusquement, le professeur de psychologie se sentait comme acculé. Alors, il avait tout de suite pensé qu’il ferait mieux de partir de là. Au fond, quand Edward avait commencé à parler à Alcide en endossant le rôle de père, en se mettant à la place de Sam, van Stexhe avait saisi toute la connerie de son comportement. Il n’était pas père, non, mais il avait un filleul et une nièce et, très sincèrement, si un salaud dans son genre venait lui dire qu’il avait couché avec Marie, il aurait réagi comme Samuel. Un poing dans la gueule. Et le reste par la suite.

Bon sang, il aurait aimé être un mec bien. De ceux dont on dit qu’ils feraient de bons pères de famille, qu’ils sont dignes de confiance, qu’ils sont des exemples à suivre… mais jusqu’ici, qu’avait-il fait de bien dans sa vie, franchement ? à part accumuler les filles pour alimenter son tableau de chasse, à part voyager un peu partout et y faire un peu n’importe quoi, à part se sublimer dans des domaines intellectuels, apprendre à analyser l’esprit humain sans jamais appliquer ces analyses à lui-même…

Salaun s’éloigna peu à peu, avec moult difficultés, avec l’air de crever de mal et de ne pas être en état de s’en sortir seul. S’il ne venait pas de s’engueuler avec lui, Alcide lui aurait proposé de le reconduire. Mais là, sincèrement, il ne valait mieux pas y penser. D’ailleurs, Edward s’était déjà proposé et van Stexhe regardait les deux hommes d’un œil noir. Très vite, un couple entra en scène et prit Sam sous son aile. Pendant qu’O’Malley allait parler à ce couple, van Stexhe hésita un moment. Il aurait pu profiter de l’occasion pour se barrer vite fait, tout cela l’avait foutu mal à l’aise et il ne se sentait pas droit dans ses bottes. Le moment de la prise de conscience était arrivé et l’enseignant se rendait bien compte qu’il avait beaucoup merdé dans cette affaire.
Quand Edward revint près de lui, van Stexhe garda le silence. Il avait trop de choses en tête pour parler. Et il ne savait pas non plus ce qu’il était censé dire ou faire, maintenant. Ed le regarda dans les yeux et Al ne cilla pas. Il avait toujours ce regard froid et noir, bien qu’un peu absent depuis quelques secondes.

Que fallait-il faire ? Partir maintenant, ne serait-ce pas de la lâcheté ? et pour aller où, au fait ? Alcide avait beau réfléchir, il ne se voyait pas partir maintenant et contacter Addison pour en parler. D’abord parce qu’elle connaissait très bien Samuel, elle aussi, et que l’homme ne voulait pas mettre plus de tension dans leur relation. Esmeralda ? non, elle avait trop de problèmes avec son père dans les parages. Parler de ça sur le net, alors, avec sa correspondante anonyme ? non, l’anonymat, c’était justement ce qui le dérangeait dans cette relation-là…
Merde, Alcide avait l’impression qu’il avait besoin de parler de ça à quelqu’un, mais il ne voyait pas qui pourrait le comprendre et ne pas le juger. Juste quelqu’un avec qui il pourrait vider son sac – au sens figuré, évidemment – et reprendre le cours de sa vie avec un regard différent, avec un éclairage neuf.
En lui-même, Alcide était à la fois déchaîné et désireux de calmer le jeu. Il avait envie de se défouler, d’évacuer le trop-plein de stress et d’énergie qui l’avait envahi. Habituellement, le jogging, c’était suffisant pour ce faire, mais là, c’était une situation différente. Van Stexhe venait de s’engueuler avec les deux hommes qu’il appréciait le plus dans cette région. Deux amis qui étaient terriblement importants à ses yeux. Et là, il avait tout foutu en l’air.
La déprime du début de journée venait de céder la place à la fureur. Cette satanée Ana allait donc lui pourrir l’existence jusqu’au bout ? Un professeur de psychologie pouvait-il consulter un psychologue sans passer pour un dingue ? Bordel, il ne savait plus où il en était, il pensait à trop de trucs en même temps.

Au soupir d’Edward, van Stexhe ferma les yeux un court instant. La balle était dans son camp, il pouvait décider, apparemment, de la tournure que devait prendre cette soirée. Le moment n’étant certainement pas à la guindaille, il fallait de toute manière ne pas rester debout près de ce mur. Rentrer chacun de son côté ? C’est ça… et faire semblant qu’il ne s’était rien passé, tant qu’on y était… Pas vraiment le genre d’Alcide. Pas le genre d’Edward non plus, de ce que le Belge savait de l’Irlandais. Toutefois, van Stexhe n’était plus d’humeur à passer une soirée entre mecs. Il avait besoin d’autre chose et ce quelque chose, O’Malley ne pouvait pas le lui donner.
Vérifiant que tous ses vêtements étaient correctement mis et qu’il n’était pas trop débraillé, van Stexhe eut un soupir à son tour. Tendant la main à Edward, en restant distant et peu engageant, il ne prononça que très peu de mots.

"Je vais rentrer. On s’appelle un de ces jours. Bye."

Le genre de paroles qu’il aurait tout aussi bien envoyer à Edward O’Malley par SMS ou par courrier électronique. L’engueulade de ce soir, ajoutée au coup du numéro de portable refilé à tout le monde, ça faisait beaucoup sur le dos de l’Irlandais aux yeux d’Alcide. Beaucoup trop. Il n’était pas assez solide, en un jour comme celui-là, pour supporter cela.
Lâchant la main de son collègue, van Stexhe fit quelques pas dans la direction que Samuel avait empruntée un peu plus tôt. Il plongea la main dans la poche de sa veste et en sortit les clefs de son Audi, puis il quitta le bar sans se retourner sur Edward, le laissant là.

J'observais donc Alcide, lui laissant le choix. Il pouvait quitter les lieux, ou bien nous pouvions rester ensemble pour la soirée, et discuter un peu de choses sérieuses, afin d'arranger les choses entre nous, car dans le fond, ça me déchirait le cœur de nous savoir en froid. En effet, Van Stexhe était un véritable ami à mes yeux, un homme sur qui je pouvais compter. Une personne avec qui je passais de bons moments, avec qui je pouvais rire de tout et de n'importe quoi, que je pouvais écouter, à qui je pouvais me confier. Un ami en somme. Un véritable ami oui... Puis il me tendit la main, afin de me saluer. « Je vais rentrer. On s’appelle un de ces jours. Bye. » Une parole totalement froide qui m'acheva. Mais, comme nous sommes des hommes et que nous ne sommes pas du genre à pleurer sur notre sort, je venais lui serrer la main, et murmurais vaguement un « Salut. Fais attention à toi en rentrant. ». Puis je l'observais tourner les talons. Je baissais les yeux sur le sol à la seconde même où il sortit de mon champs de vision. Un long soupir se fit entendre de ma part. Quelle soirée de merde. Je regrettais un peu ma franchise pour le coup, mais également mon côté impulsif et agressif.

Ce qui me rendait fou, c'est que dans le fond, je savais qu'il avait besoin de parler, et pas uniquement de Lucie. Non, il y avait quelque chose d'autre à côté, qui avait ruiné son moral durant toute la journée, et c'est la raison pour laquelle je lui avais proposé de passer la soirée ensemble, afin qu'il m'explique ce qui le tracassait. Malheureusement, il n'eut pas vraiment le temps de m'expliquer dans la mesure où Samuel avait débarqué de nul part pour plomber l'ambiance. Et voilà qu'Alcide repartait, avec toujours ce même poids sur les épaules, avec une quantité ajoutée à cause de la soirée. Je me mordillais la lèvres inférieure. Quel ami je faisais, sincèrement ? Je lui aurais bien couru après afin de le rattraper, mais je savais qu'il m'enverrait sur les roses, ce que je pouvais comprendre. Je passais ma main dans mes cheveux et me grattais nerveusement la nuque. Pfff...

Je n'avais plus aucun intérêt de rester ici, alors qu'Al venait de quitter les lieux. Ainsi, je décidais de faire de même. Tout penaud, comme un gamin déçu par les événements qui venaient de se dérouler, je reprenais la route jusqu'à la maison de Maria, jusqu'à notre maison en somme. Je rentrais à pied dans la mesure où ce n'était pas bien loin. Et lorsque je montais les escaliers devant la porte d'entrée, les mains dans les poches, je me retournais un instant, comme pour observer si Van Stexhe n'était pas derrière moi. Quel abruti. Nouveau soupir. Je prenais mon téléphone portable et y inscrivais un texto qui, au passage, me pris un moment à écrire dans la mesure où je ne suis pas très doué avec ces objets désormais pour la plupart tactile. « Désolé pour la soirée. Je sais que tu avais besoin de me parler. Bref, j'espère que tu passeras une meilleure fin de soirée. Encore désolé. » Puis j'envoyais. En somme, ce n'était pas un sms qui avait une grande importance. C'était uniquement pour lui faire comprendre que je n'avais pas non plus été aveugle. Mais dans le fond il s'en fichait vue la façon dont j'avais agi. Toujours aussi penaud, j'ouvrais la porte d'entrée de la maison, et pénétrais à l'intérieur.

Topic terminé