« Le Portugal, ça doit être un pays intéressant aussi je suppose. Je n’y ait jamais été, mais ça m’intéresserait bien. » Le Portugal, un bien beau pays que je trouvais très intéressant, que ce soit sur le point de vue des paysages que sur le point de vue des communes. Peut-être un poil trop religieux, mais en tant qu'irlandais, je ne pouvais pas vraiment les blâmer sur ça, dans la mesure où ma communauté l'est énormément aussi. Le plus beau des drapeaux également, du moins à mes yeux. C'est tout une façon de vivre qui me convenait parfaitement. Au final, j'avais même appris la langue. Je ne connaissais pas non plus tout le vocabulaire, mais disons que je pouvais largement tenir une conversation avec des sujets très diversifiés. Bien évidemment, si on me demandait un discours politique, là, j'en serais incapable. En somme, j'aime ce pays et même si je n'étais plus avec Sarah aujourd'hui, je pense que je retournerais parfois là-bas, quand le temps me le permettra.

Finalement il m'expliqua que ses enfants avaient été très heureux à l'idée de venir ici, chose que je ne comprenais pas très bien. Enfin tout le monde est différent. Certaines personnes naissent avec une valise dans la main. D'autres, au contraire, préfèrent rester là où ils sont. Pour ma part, ça m'avait fait mal de partir d'Irlande pour venir m'installer ici, car je disais au revoir à ma famille, à tous mes amis. À côté de cela, mon rêve reste de parcourir le monde afin de découvrir toutes les cultures. Mais ça, c'est encore différent. Après, certains aiment le fait de quitter leur vie pour en refaire une nouvelle, ce qui peu, en soit, être compréhensible.

« Mais d'où venez-vous finalement alors ? Enfin si ça n'est pas indiscret ? » Un sourire se dessina sur mes lèvres. Effectivement, il ne le savait pas. Et pourtant, j'adore m'en vanter en général. Mh... disons que je suis très fier de mon pays, de sa culture et j'en passe. Je suis un chauvin et l'assume parfaitement, un peu comme les portugais, les italiens, les maghrébins, et j'en passe. Il y a des peuples comme ça, qui sont terriblement fiers de faire partis de tel ou tel pays. C'était même étonnant que je ne l'ai pas encore dit à Samuel. Comme quoi. « D'Irlande. », avouais-je, tout simplement. Je portais de nouveau le gobelet à mes lèvres puis le finissais avec une dernière gorgée. Puis je m'étirais. « Et oui, je viens de loin moi aussi. » Petit sourire en coin qui dévoilait mes fossettes.

Je lançais tout droit le gobelet dans la poubelle non loin de nous, sans grande difficulté – la pratique du Basket Ball peut-être ! –, et reposais mon regard sur l'homme qui était censé être comme un rival. « Donc vous êtes breton à la base ? Les bretons et les irlandais, deux peuples celtiques. Vous devez être les français qu'on préfère. », nouveau sourire amusé. C'était vrai en soit. La Bretagne était bien la région française qui s'apparentait le plus à mon pays. On ne reste donc pas insensible à nos amis d'en dessous ! Et oui, avec tout ce qu'il s'était passé, je devrais me sentir menacer par lui et peut-être lui par moi par la même occasion, et pourtant, nos deux peuples semblaient penser le contraire. Nous étions peut-être faits pour nous entendre en fait.

C’est vrai que Samuel aimait pouvoir découvrir de nouveaux pays, de nouvelles cultures. En même temps, enseignant la philosophie, il aimait les nouveautés et découvrir de nouvelles façons de penser. Edward expliqua donc que sa femme, ou plutôt son ex femme était du Portugal. Samuel devait avouer que c’était un pays qu’il aimerait bien visiter un jour. Evidemment il y avait d’autres pays qu’il voulait visiter et le Portugal faisait partit de cette liste. Puis, parlant du fait que ses enfants avaient acceptés de venir vivre aux Etats-Unis, Samuel se souvenait de leurs expressions et de tout ce qu’ils lui avaient dit. Ca fit sourire l’homme, puis, il demanda à son collègue d’où il venait. C’est vrai qu’au final il ne lui avait pas dit, mais peut-être que c’était quelque chose dont il ne parlait pas. Après tout, il pouvait être en froid avec ses origines ce que Samuel pouvait comprendre. Lui-même ayant des soucis avec son père, il savait ce que c’était. Alors, il préféra demander si ça n’était pas indiscret le fait de demander. Ecoutant alors sa réponse, l’homme haussa les sourcils. Ca il ne l’aurait jamais imaginé. Il ne ressemblait pas vraiment aux irlandais qu’il avait déjà pû croiser. Il ne ressemblait pas du tout même et ça surprenait vraiment le français. L’entendant reprendre la parole, Sam se mit à sourire.

Vous aussi vous avez un océan qui vous sépare de vos origines.

Gardant son sourire, Samuel devait avouer qu’il était étonné par les révélations de l’homme, mais ça n’était pas plus mal. Le voyant lancer son gobelet dans la poubelle, le français écouta l’homme parler et se mit à sourire. Oui, il était breton et un breton pur souche avec l’accent s’il le fallait. Ses enfants le lui rappelaient constamment d’ailleurs. En même temps aller vivre avec vos parents, vos grands-parents, arrières grands-parents, oncles, tants, voisins et j’en passe, tous bretons purs souches avec un accent, vous verrez que ça n’est pas simple de ne pas avoir un accent. Samuel était tout à fait fier de son accent et il ne s’en cachait pas. Antoine parfois avait aussi un léger accent breton. Lucie non, vu qu’elle était née à Paris, mais quand elle parlait avec ses grands-parents ça pouvait arriver quelle tente de parler avec l’accent. Evidemment Samuel pouvait aussi parler en breton sans aucun problème. Une langue qui se perdait dans la région d’ailleurs et il en était assez déçu. Les jeunes ne reprenaient pas la langue, où en tout cas très peu. Il n’y avait que les élèves scolarisés à l’école Diwan qui faisait ses cours intégralement en breton. Sam y avait été quelques semaines pour parler avec les enfants et il avait vraiment apprécié cela. Gardant donc son sourire après avoir écouté les propos de l’homme, il la regarda.

Je crois que vous êtes aussi les seuls à nous comprenne, de part notre beau temps permanent.

Souriant un peu plus, Samuel était du genre à dire qu’il ne fallait pas croire le fait qu’il pleuve tout le temps en Bretagne. Evidemment ça arrivait souvent, mais pas tout le temps non plus. Il y avait même des fois où Samuel regrettait le temps breton. Il avait prit ses habitudes et ça lui manquait. Mais le soleil n’était pas pour lui déplaire malgré tout.

Votre météo colle mieux avec la notre, parce que de toute façon pour toute la France il pleut tout le temps en Bretagne, mais bon ça on ne peut rien y faire.

Haussant les épaules, Sam continua de fixer l’homme.

Vous n’êtes jamais en Bretagne ? Je me souviens à Paris que vous m’ayez dit avoir été en Haute-Normandie, mais nul par ailleurs ?

« Vous aussi vous avez un océan qui vous sépare de vos origines. » Je hochais la tête d'un air assez mélancolique. Être bien trop loin de ses racines, de son mode de vie, des siens, c'est toujours quelque chose de difficile. Je ne comprenais pas vraiment comment on pouvait tout quitter de son plein gré. Une envie de voyage, ça se comprend. Un changement de vie aussi radical, pas vraiment, du moins à mes yeux. Après, quelques personnes naissent plus ou moins avec des valises dans les mains. Je pense que si je n'avais eu aucune attache, pas d'enfants, pas de fiancée, pas de famille, pas d'amis, avec un minimum d'argent, j'aurais été réaliser mon rêve. En imaginant me trouver ici, à San Francisco, j'aurais pris la direction du sud pour rejoindre le Mexique, puis l'Argentine, en passant par Cuba, l'Amazonie, le Venezuela, la Colombie, l'Équateur, le Pérou, le Brésil, la Bolivie, le Paraguay, le Chili... Parcourir tous les continents, toutes les terres, toutes les îles. Un temps fou. Le travail de toute une vie. Mais sincèrement, j'aurais adoré pouvoir faire ça. Je suis tellement curieux, tellement passionné de connaître la culture, les mœurs de chaque peuple. Néanmoins inutile de rêver, car je ne pouvais pas me permettre une telle chose, ce qui en soit est dommage et logique. Je me contenterais certainement un jour une virée en moto, afin de parcourir les États-Unis d'Amérique. Nevada, Arizona, Nouveau-Mexique, Colorado, Kansas, Oklahoma, finir au Texas d'où je tiens quelques petites origines du côté de ma mère. Je n'y suis jamais allé. Mais bon, encore faudrait-il que je trouve le temps de faire cela et surtout, que Maria accepte. Peut-être dans quelques années, quand je l'aurais assez énervée avec cela. Cette idée me fit sourire.

« Oh, encore je ne peux pas trop me plaindre, il y a beaucoup d'irlandais ici. » Et c'était le cas de le dire. Il y a tellement eu de vagues d'immigrés irlandais il y a quelques siècles à cause de la famine, qu'au final, on faisait partie d'une des plus grosses minorités des États-Unis. Il faut dire que c'est un regroupement de plusieurs pays. Les afro-américains, les latinos, les anglais, les irlandais, les asiatiques, ceux que l'on appelle les indiens mais qui sont les véritables américains au bout du compte, et j'en passe. Mais contrairement à la plupart des autres groupes, nous avons beaucoup moins affaire au racisme. Le fait est que lorsque mon peuple est arrivé sur ces terres, malgré la famine, les maladies, il a su se faire une place, s'enrichir, se sortir de toute cette pagaille. Je suis fier de lui par rapport à ça aussi. Au final, on a un certain respect qui me fait plaisir, même si d'autres personnes continuent de nous voir comme de véritables étrangers. En somme, c'est ce que je suis. Mais en attendant, les bars, magasins irlandais sont très courants, ce qui prouve notre influence.

Puis nous en sommes venus à parler météo. « Votre météo colle mieux avec la notre, parce que de toute façon pour toute la France il pleut tout le temps en Bretagne, mais bon ça on ne peut rien y faire. » Je ne pus retenir un sourire en l'entendant parler. Effectivement, les bretons comme les normands avaient la réputation d'avoir leur région trop pluvieuse, un mauvais temps qui perdure. En Irlande, on avait le droit à la même chose. Après tout, c'est pour cette raison que nous avons des plaines aussi vertes. Mais après, j'étais assez bien placé pour comprendre que parfois, c'était énervant qu'on nous répète sans cesse « Vous n'avez pas de chance ! ». Bien au contraire ! Je le clamais haut et fort. « Oui... le fait est que ce que les gens ne comprennent pas, c'est que certes, en Irlande, en Bretagne, en Normandie il pleut couramment, mais pas abondamment. Dans le sud, il ne pleut que rarement mais quand ça tombe, c'est directement des inondations tant la quantité est grande. ». Et en soit, on garde un hiver doux. Certes, depuis quelques années, la neige se montre souvent, mais en temps normal, il n'y a pas tant que ça un temps froid. On ne pourra pas vraiment changer mon avis là-dessus, je suis un grand adorateur de ces endroits là. Je ne suis pas fan des canicules. Où est l'intérêt de rester enfermer chez soit lorsqu'il fait beaucoup trop chaud à l'extérieur ? Non, rien à faire, je préfère de la pluie à un atmosphère étouffante, trop chaude. Mais ça, ce n'est encore que mon point de vue.

« Vous n’êtes jamais allé en Bretagne ? Je me souviens à Paris que vous m’ayez dit avoir été en Haute-Normandie, mais nul par ailleurs ? » J'arborais un nouveau sourire. « J'y suis retourné avec Maria une journée, afin de lui faire découvrir Rouen. Sinon, quand j'ai été en Normandie il y a plusieurs années, j'ai également été visiter le Mont-Saint-Michel et j'ai bien crû comprendre que même s'il se situait en Basse-Normandie, les bretons clamaient haut et fort que ça pourrait largement leur appartenir. » Je riais. Les bretons, des grandes gueules comme je les aime. « Et comme j'étais à côté, j'ai fait un tour à Saint-Malo, mais je n'y suis pas resté très longtemps. Ah, mais j'aurais adoré pouvoir visiter la Bretagne entièrement. »

La première fois que Sam était partit de chez lui ça n’était pas par plaisir. Il venait de prendre sa femme, la mère de son fils, dans un accident de voiture. Cette femme était la première femme qu’il avait aimée, avec qui il avait eu un fils. Mais elle était aussi sa supérieure dans le lycée où il travaillait et de voir une autre personne à sa place lui faisait vraiment du mal. C’est pour ça qu’il avait déménagé pour partir à Paris. Son fils n’y avait vu aucun inconvénient car lui aussi cette mort lui pesait. Une fois à Paris, il y eu des hauts et des bas. Pour Sam il y avait eu plus de bas, mais cet échange avait fait naître cette envie en lui de partir pour les Etats-Unis. De toute façon Antoine et Lucie étaient partants, donc autant en profiter. Aujourd’hui il y avait un océan qui les séparait de leur pays d’origine. Mais Samuel ne regrettait pas son choix. Il savait que ça ne serait pas tous les jours faciles, mais il était vraiment content d’être venu vivre ici. Apparemment pour Edward il y avait également un océan qui le séparait de son pays natal. Il semblait plus mélancolique que le français. Ce dernier écouta son collègue parler et ne fit que hocher la tête. Puis, ils parlèrent météo et Sam devait avouer que la météo bretonne collait mieux avec celle des irlandais et britanniques que la française. C’est vrai que tous les jours, les bretons pouvaient passer la météo vu qu’à chaque carte et ce jour après jour, la Bretagne n’était que nuage, pluie et mauvais temps. Pourtant bon nombre d’étranger venaient s’y installés. C’était étrange, mais Samuel savait aussi que lui ne se fiait jamais à la météo française. Il faisait selon ce qu’il voyait en sortant de chez lui le matin. Ecoutant alors son collègue parler, Sam hocha la tête.

Oui. En Bretagne, il pleut souvent seulement les nappes phréatiques ne retiennent pas l’eau donc côtés inondations ont s’en sort, alors que dans le Sud c’est tout de suite l’horreur. C’est comme la neige. Nous avons la neige souvent avant les autres et quand on explique posément que ça nous ennuie parce qu’on ne peut plus bouger de chez nous, les autres régions nous rient au nez. Par contre quand les parisiens ou autres, mais surtout quand les parisiens ont la neige pour eux c’est la fin du monde.

Samuel n’en reviendrait jamais de cela. Dès que la capitale ouvrait la bouche il fallait suivre ses ordres. C’était quelque chose qui énervait Sam, mais il n’avait aucun contrôle là-dessus. Puis, demandant à l’irlandais s’il avait été ailleurs qu’en Haute-Normandie, il écouta sa réponse.

Ah oui, ne dites pas à un breton que le Mont-Saint-Michel n’est pas à lui sinon vous risquez votre vie.

Souriant, Samuel devait avouer qu’avec les bretons purent souche comme lui, il ne fallait pas jouer avec ça. C’était comme lui dire qu’en Bretagne il y avait 5 départements bretons. NON ! En Bretagne, il y a 4 départements, le Finistère, d’où il est originaire, le Morbihan, les Côtes-d’Armor et l’Ille-et-Vilaine. Mais si vous aviez le malheur de parler de la Loire-Atlantique, croyez-moi que vous ne vous en sortirez pas vainqueur. Ecoutant alors l’homme parler à nouveau, Sam sourit.

Oui, la Bretagne vaut vraiment le coup, mais je pourrais vous proposer certains endroits si vous voulez. Etant originaire du Finistère, je connais bien mieux que les autres départements, mais si jamais vous y allez, n’hésitez pas à me demander.

J'écoutais Samuel parler et en fin de compte, nous avions le même point de vue sur quelques sujets. En fait, c'était agréable de parler avec lui. J'avais perdu la certaine gêne qui m'avait consumé en arrivant dans cette salle, lorsque je tentais désespérément d'engager la conversation avec lui. L'homme me répondait, me posais des questions et ça devenait très vite agréable d'avoir une discussion, même si nous parlions météo. Très intéressant, Samuel semblait avoir également beaucoup de culture. Ainsi, nous pouvions nous permettre de parler de beaucoup de choses et ça devient très vite constructif. Oui, un peu stéréotype des professeurs, je vous l'accorde. Mais on n'y peut rien, on ne va pas jouer les incultes exprès.

« Ah oui, ne dites pas à un breton que le Mont-Saint-Michel n’est pas à lui sinon vous risquez votre vie. » Cette remarque me fit rire. Je pouvais comprendre que les normands et les bretons se battent pour la baie du Mont-Saint-Michel dans la mesure où elle faisait partie du Patrimoine Mondial de l'Humanité. Une telle place signifie énormément de visiteurs et donc une activité touristique très intéressante du point de vue financier. Enfin, ça ne devait pas être la seule raison, mais je pense que cela doit déjà beaucoup jouer. « Oui, la Bretagne vaut vraiment le coup, mais je pourrais vous proposer certains endroits si vous voulez. Étant originaire du Finistère, je connais bien mieux que les autres départements, mais si jamais vous y allez, n’hésitez pas à me demander. » Je le gratifiais d'un fin sourire en coin. Le Finistère ? Pour tout avouer, c'était un des seuls départements bretons dont je connais le nom, avec l'Ille-et-Vilaine dans la mesure où je suis allé à Saint-Malo. « Le Finistère, c'est le département à l'extrémité ouest avec la Pointe du Raz, non ? » Visiblement, je ne me trompais pas. Et oui, il est très difficile de connaître tous les noms d'un territoire divisé d'un pays que l'on ne connaît pas à proprement dit.

J'observais un court instant l'homme, puis me relevais afin d'aller me prendre un nouveau café. En effet, j'étais assez fatigué aujourd'hui, faute d'avoir eu peu d'heures de sommeil. Je continue de faire des insomnies assez souvent, malgré ma greffe cardiaque. On m'avait dit que c'était dû à l'activité de mon cœur, au final, ils se sont peut-être trompés. Quoi qu'il en soit, je m'accordais quelques cafés pour me requinquer même si ce n'était pas très conseillé en vue de l'opération qui au final, est assez récente. Mais je n'ai pas spécialement envie de m'endormir devant mes étudiants pendant un TP, ou pire, dans un amphithéâtre. Vivement les prochaines vacances, que je puisse profiter un peu et que je me repose. J'enviais presque Maria d'être bientôt en congé grâce à sa grossesse. Mais en y repensant, avoir un enfant dans le ventre qui donne des nausées, des courbatures, des douleurs et j'en passe, ce n'était pas vraiment mieux.

Et alors que je portais le gobelet jusqu'à mes lèvres, je retournais m'asseoir sur le canapé, à ma place initiale. Mes yeux se reposèrent sur l'homme et j'hésitais à le lancer sur une discussion assez tabou mais après tout, le passé est le passé, non ? « Ambre doit être très heureuse à l'idée de savoir que vous vous êtes installés ici, vous et vos enfants. » Après tout, son bonheur passait avant ma dignité à ce niveau là. Si Ambre pouvait être contente que l'homme qu'elle considère comme son père soit dans les parages, et bien pourquoi pas. Je la préférais ainsi que malheureuse. Après, bien évidemment, ça avait tendance à m'énerver qu'elle voit en Samuel un peu et en moi un ennemi. Mais que peut-on réellement y faire ? Je ne vais pas la contraindre à m'appeler papa si ce n'est pas ce qu'elle souhaite. Je ne suis pas un tyran non plus.

Le français n’avait plus l’habitude de parler de météo ou en tout cas pas avec une personne qui a un pays au-dessus du sien et qui connaît ça aussi. Finalement la conversation avait réussit à trouver un nouvel élan et ça n’était pas plus mal. Ils en arrivèrent à parler du Mont-Saint-Michel. Oh quelque chose qui mettait en compétition deux régions et Sam devait avouer que c’était parfois amusant de voir les anciens en parler. C’était comme si la troisième guerre mondiale avait eu lieu pour ce morceau de territoire. Puis, expliquant à l’homme que si jamais il voulait se rendre en Bretagne il n’aurait qu’à lui demander et il pourrait l’aider. Enfin, il pourrait surtout l’aider sur le Finistère, sa région d’origine, mais pour le reste il n’avait qu’à passer quelques coups de fil et ça irait. Ecoutant la réponse de l’homme, Sam hocha la tête.

C’est exactement ça. Le pays le plus proche des Etats-Unis, comme on dit parfois.

C’est vrai que la France n’était pas le pays le plus proche, non c’était le Finistère. Mais ça évidemment il n’y avait que les bretons pour le dire. Mais c’était toujours amusant d’entendre les autres dirent qu’ils inventaient des choses. Laissant finalement Edward aller se prendre un nouveau café, Sam fut surprit. Apparemment son collègue carburait au café. Esquissant un sourire, il devait également avouer que la discussion était intéressante et que tout ce passait bien. Enfin jusqu’à ce que Edward reprenne la parole. Fronçant les sourcils, Sam baissa la tête. Il ne se sentit plus à l’aise, non pas par la question, mais plutôt pas la réponse qu’il devait apporter à l’homme. Relevant finalement la tête, il regarda l’homme et se racla la gorge.

Elle ne sait pas que je suis ici.

En effet il n’avait pas prévenue la fillette de son arrivée et du fait qu’il allait vivre ici.

Elle ne sait rien de mon emménagement ici. Je préfère qu’elle l’apprenne le plus tard possible, comme ça elle se rapprochera de vous, ça sera mieux pour vous. Si je suis loin, elle ne pensera pas à moi.

Il pensait bien faire, mais il savait aussi que si Ambre apprenait la vérité sur le fait qu’il était là depuis longtemps elle lui en voudrait et peu importe la raison qui l’avait poussé à ne rien dire.

Il y a déjà eu assez de problème à cause de moi, il vaut mieux que je reste loin de vous, c’est préférable.

Se sentant mal à l’aise, il baissa une nouvelle fois la tête et commença à remettre ses feuilles en ordre, comme pour essayer de trouver une chose plus importante à faire.

« C’est exactement ça. Le pays le plus proche des États-Unis, comme on dit parfois. » J'avais affiché un sourire amusé. Oui, en quelque sorte, on pouvait dire cela comme ça. Disons plus le pays européen le plus proche et encore. L'Irlande était peut-être mieux placée, ou bien à la même place, comme le Portugal et la Galice en Espagne. Mais je ne dis rien par rapport à ça, car au final, il n'avait pas vraiment tord. C'est la raison pour laquelle j'étais retourné jusqu'à la machine à cacher, dans l'espoir de me réveiller un peu et de pouvoir tenir le reste de la journée avec un gobelet dans les mains. Le retour des vacances, c'est quelque chose d'horrible, vraiment. On est plus fatigué qu'après des semaines et des semaines de travail parfois. Et ça, c'est triste. Mais bon, les vacances de Noël ne sont pas les plus reposantes, d'autant plus qu'en Irlande, nous avons fait la fête plusieurs fois.

J'en venais donc au sujet Ambre. De toute façon, nous n'allions pas ignorer ce fameux sujet alors que nous serions menés à nous voir tous les jours. Loin de moi l'idée de le mettre mal à l'aise. J'avais uniquement envie d'en parler calmement, de façon posée, comme deux adultes responsables qui tentent de comprendre le point de vue de leur interlocuteur. Je fus d'ailleurs très surpris lorsqu'il m'avoua que la fillette n'était pas au courant que Samuel était venu vivre à San Francisco avec ses enfants. En y repensant, je ne l'ai pas vue crier de joie ou bien en parler. Mais comme Ambre ne reste que rarement dans la même pièce que moi, préférant m'ignorer et rester avec Maria, j'étais incapable de dire si elle avait été mise au courant. « Elle ne sait rien de mon emménagement ici. Je préfère qu’elle l’apprenne le plus tard possible, comme ça elle se rapprochera de vous, ça sera mieux pour vous. Si je suis loin, elle ne pensera pas à moi. » Je haussais les sourcils, toujours aussi surpris, les yeux écarquillés. Je n'en étais pas vraiment sûr. Ambre allait souhaiter lui envoyer des lettres très souvent pour prendre et donner de ses nouvelles. S'il pensait qu'elle allait l'oublier comme cela, il se mettait le doigt dans l'œil.

« Il y a déjà eu assez de problèmes à cause de moi, il vaut mieux que je reste loin de vous, c’est préférable. », poursuivit-il. Je l'observais un instant et buvais une gorgée de mon café. « Désolé, tout ça est de ma faute. » Oui, je m'en voulais un peu de me présenter comme un obstacle entre leur relation. En effet, si je n'avais pas été là, et si Maria avait pu adopter la fillette, cette dernière aurait été très heureuse. Elle aurait eu la brunette comme mère, Samuel comme père. Elle aurait amené les deux adultes à se voir et ils auraient certainement finis ensemble. Le couple idéal. La famille idéale. C'était très frustrant. Mais en y pensant, ça aurait été beaucoup plus simple et agréable pour chacun à mon humble avis, sauf pour moi, bien entendu. « Je ne pense pas que votre plan marchera. Elle vous aime comme son père et il n'y a rien à faire là-dessus. Après, si elle est heureuse en vous voyant et en passant du temps avec vous, c'est le principal à mes yeux, sincèrement. Et ce, qu'elle me déteste ou non. Et au final, je ne pense pas avoir envie qu'elle me considère comme son père. » On pouvait trouver ma réaction étrange, mais je trouvais que c'était la plus sage qui soit, même si ce n'était pas la plus facile à avoir. Et j'avais bien évidemment mes raisons pour penser qu'elle ne devait peut-être pas s'attacher à moi. Donc oui, j'étais partagé entre l'envie qu'elle me voit comme son père, que l'on forme une belle famille nombreuse bien que recomposée ; et l'envie que la situation reste telle qu'elle, afin qu'Ambre ne prenne pas le risque de souffrir une nouvelle fois dans sa vie, sinon, elle allait avoir l'impression d'être maudite. La seconde solution était la plus difficile et certainement la plus juste, la plus probable et au final, la meilleure. Je ne savais pas que toute cette histoire serait aussi difficile, sincèrement.

Après les sujets légers et simples, arriva le sujet tabou, Ambre. Cette fillette que Samuel connaissait depuis qu’elle avait été dans son premier orphelinat, qu’il avait connu quand elle avait été adoptée par Mike, qu’il avait connu ensuite tout au long des années jusqu’à aujourd’hui encore. Il compatit bien qu’elle fasse partit de sa vie pendant encore beaucoup d’années, mais il savait aussi qu’il devait faire attention désormais. En effet, elle avait une famille, il se devait donc d’être là comme un ami, où à la limite comme un oncle, mais pas comme un père. C’était pour ça qu’il n’avait pas prévu la demoiselle de son installation ici. En l’expliquant à Edward, il vit l’étonnement sur le visage de son collègue. En effet Sam n’avait pas parlé de ça avec Ambre. Il savait que Antoine ou Lucie finirait par la voit, mais lui n’arriverait pas à y aller seul. Il ne voulait pas causer plus d’ennuis qu’il en avait déjà causés. A côté de ça, à chaque fois que maria le voyait, elle voyait son ex, alors c’était déjà assez pour Samuel. Là il préférait dire stop et tout arrêter là au niveau des erreurs et des problèmes. Haussant les sourcils aux propos de l’homme, Sam ne sû pas que répondre. En quoi était-il coupable ? Il n’avait rien fait de mal, c’était Sam. Ne comprenant pas où il voulait en venir, il ne fit que le regarder pour essayer de comprendre.

Quoi ?

Non là décidemment Sam ne comprenait plus rien du tout. Comment est-ce qu’il pouvait dire cela ? Il avait adopté Ambre, il devait bien la considérer comme sa fille et même si elle ne semblait pas apte à accepter cette nouvelle situation, il devrait pourtant aimer le fait qu’elle le considère comme son père un jour, non ? Pour Sam, les propos de son collègue lui semblaient invraisemblables.

Mais pourquoi ? Elle est devenue votre fille, vous devriez plutôt revendiquer le droit à ce qu’elle vous considère vous comme son père et pas moi. Je ne comprends pas là.

Oui, il était réellement perdu et il voudrait bien avoir des explications. Fixant toujours l’homme, il se demandait ce qui lui prenait soudainement. Ca en avait fait tout une histoire à Paris, les deux avaient été en froid, il y avait eu des tensions et là maintenant il lui disait que tout allait bien ? Non mais c’était quoi ça encore ? Il voulait le faire culpabiliser ? Parce que si c’était ça, c’était bien partit et pas qu’un peu même ! Voulant donc des explications, il attendit de savoir pourquoi l’irlandais pensait cela.

La raison pour laquelle j'agissais ainsi était assez simple à comprendre, du moins elle le semblait à mes yeux. Je suis un greffé cardiaque, c'est tout ce qu'il y a à dire. Soixante-cinq pour-cent des greffés meurent dans les dix premières années. Bon ça a peut-être baissé à cinquante-cinq pour-cent aujourd'hui, mais l'espérance de vie reste faible. Un des records a été vingt-cinq ans. Vingt-cinq ans, c'est quoi ? Pas grand chose. Bien sûr, c'était mieux que rien. Les risques de faire un rejet, d'être victime du cancer ne sont pas négligeables. Les gens ne semblent pas comprendre tout cela. Pour eux, c'est déjà bien d'être encore en vie. Facile à dire. Avoir l'impression que son existence est désormais un petit compte à rebours, c'est très frustrant. Et si je mourais comme la majorité des greffés cardiaques dans moins de dix ans ? Quarante-six ans au maximum, c'est jeune non ? Tout bien réfléchit, je n'avais pas spécialement envie que la fillette s'attache à moins, qu'elle me considère comme son père, car le jour où je partirais, ça la détruira encore un peu plus. Elle se sentirait vraiment trop maudite. Non c'était peut-être mieux qu'elle continue de m'ignorer, même si ça me faisait mal.

Je n'en parle plus vraiment avec Maria. Quand je le fais, je me fais incendier, elle n'admet pas que je me considère déjà avec un pied dans la tombe. Mais c'est tellement facile à dire quand on ne le vit pas. J'ai déjà culpabilisé à l'idée de me mettre en couple avec elle, car si ça marchait vraiment – et c'était bien parti pour –, elle perdrait un deuxième amour. L'avoir mise enceinte est la plus belle chose qui ai pu arriver, et j'en suis très heureux. Mais reviens le même problème, ce gamin finira orphelin de père bien trop tôt, tout comme Ambre, Seth et Jade. On ressent beaucoup de culpabilité dans ces moments là, même si on nous répète que ce n'est pas de notre faute. Certes, comme me l'a souvent dit Maria, il faut que je continue de vivre, que je ne refuse pas d'être heureux à cause de cette merde. Mais c'est difficile, vraiment trop difficile de savoir qu'on a au final choisi d'être plus tard le malheur de quelques personnes. On y pense tous les jours, c'est une torture qui nous est infligée.

« Mais pourquoi ? Elle est devenue votre fille, vous devriez plutôt revendiquer le droit à ce qu’elle vous considère vous comme son père et pas moi. Je ne comprends pas là. » J'observais l'homme avant de détourner le regard. C'était assez difficile à dire. Avais-je vraiment envie de lui raconter aussi ? Effectivement je pouvais paraître pour quelqu'un d'étranges avec ces propos là. Mais quand on y pense, ce n'est pas si stupide que cela. Je fixais un instant le sol, les sourcils froncés, comme si je cherchais la meilleure façon de m'expliquer, les mots les plus convaincants. Je relevais la tête, la tournais vers Samuel et le regardais un instant dans les yeux. J'arborais un visage très neutre, peut-être un petit dur tout de même. « J'ai subi une greffe cardiaque il y a quatre mois et plus de la moitié des greffés meurent dans les dix premières années. Et si je m'en sors bien, je peux espérer vivre quinze ans, vingt ans dans le meilleur des cas. Je ne me vois pas lui infliger un nouveau décès, vous comprenez ? » Je n'avais pas envie de me faire passer pour le pauvre malheureux condamné. Je me mettais à la place d'Ambre. Quand on sait qu'elle est déjà orpheline, qu'elle a ensuite perdu son père adoptif, il n'est pas très agréable de se dire que l'on est le prochain à la faire souffrir. Si elle continuait de m'ignorer, même si ça risquait d'être difficile en fil des années, elle en souffrirait beaucoup moins. La seule chose qui pourrait lui faire mal, c'est de voir Maria sombrer dans la tristesse suite à ma mort.

Je détournais de nouveau le regard de Samuel. Toute cette histoire me tapait sur le système, vraiment. Je ne savais pas qu'en acceptant d'adopter la fillette, ça allait devenir très difficile. « J'aimerais qu'elle me voit comme son père, qu'on forme une grande et belle famille. Et d'un autre côté, je préfère encore que ça continue ainsi car je serais le seul au final à souffrir de cette situation. »