Perdre un être cher n'était pas facile à vivre, loin de là. Il y avait ces jours où on arrivait à oublier ce vide qu'il laisse en partant et encore. Non, ce n'était pas chose facile. A vrai dire, oublier était un bien grand mot pour ce genre de situation, ce n'était pas comme s'il nous avait quitté pour une autre fille ou qu'il était parti s'installer de l'autre côté du pays, laissant un infime espoir de peut-être se revoir un jour. Non! Quand la personne qu'on aime le plus au monde quitte le monde des vivants, toutes les données sont différentes, voilà pourquoi passer outre cette douleur est si difficile.
En mourant, Duncan avait tout pris avec lui, le coeur de la jeune femme, sa joie de vivre ainsi que tout ce qui faisait d'elle ce qu'elle était. S'il la voyait aujourd'hui, il ne croirait pas que la jeune femme qu'il avait demandé en mariage était la même que celle qu'il avait en face de lui, ça jamais. Elle n'avait plus cette joie de vivre qui arrivait à le faire sourire même quand tout allait mal, elle n'espérait plus rien de la vie et ses nuits étaient peuplées de cauchemars aussi effrayants les uns que les autres alors qu'avant, elle ne faisait que rêver de ce que serait sa vie, avec son homme et son enfant. Elle avait tout simplement changé.
Elle avait changé à la seconde où elle avait croisé le regard de son fiancé. Elle y avait lu tellement de sentiments, tellement d'amour mais en même temps tellement de souffrance et de douleur que ça en avait été bouleversant. Encore aujourd'hui, ces images passaient et repassaient en boucle dans sa tête, à chaque fois qu'elle fermait les yeux, à chaque fois qu'elle se perdait dans ses pensées, rien n'avait changé malgré le temps qui était passé.
Son regard croisa celui de la belle blonde et elles se comprirent, elles n'avaient pas besoin d'émettre le moindre son, ne rien dire, elles savaient ce que l'autre ressentait, elles lisaient en l'autre comme dans un livre ouvert. Un lien qui les unissait depuis le jour où elles avaient fait connaissance et qui n'avait jamais disparu depuis, se fortifiant à chaque nouvel obstacle. Elles avaient vécu les mêmes atrocités, étaient passées par les mêmes moments difficiles et s'étaient retrouvées plus fortes que jamais mais, un peu plus brisées par la vie.

Cette soirée était la leur, juste toutes les deux sans personne d'autre pour venir troubler leur intimité, enfin à part la glace qui faisait le bonheur des deux demoiselles. La premier pot de glace était bientôt terminé, les filles adoraient ça, manger sans compter les caloris. C'est alors qu'Esme' demanda à son amie si elle avait un stock de glace, question dont la réponse était positif, elle n'en doutait pas. Connaissant son amie, elle devait en avoir toute une cargaison, c'était leur pêcher mignon. Elle observa son amie partir vers le congèle pour revenir quelques minutes plus tard un pot de glace en main. Perdita parla de sa famille, elle n'avait plus aucune nouvelle d'eux, cela ne l'étonnait pas vraiment mais, l'attristait quelque peu. Personne ne devait avoir à surmonter ce genre d'évènements loin de sa famille. Cependant, Perdita n'avait pas eu la chance d'avoir le soutien de sa famille. Esmeralda n'avait pas eu la chance d'avoir une quelconque famille pour l'épauler mais, comparé à son amie, elle devait avouer qu'elle était bien plus chanceuse car au moins, la sienne ne faisait plus partie de ce monde alors que celle de Perdita ne donnait plus de nouvelles par choix.

"Sincèrement, non...Je dois avouer que je ne fais pas plus d'efforts que ça, je ne me sens pas prête ou tout du moins, je n'ai pas encore trouvé la personne pour qui je serais prête à prendre le risque de tomber amoureuse et de tout donner...Je ne sais même pas si je serais prête un jour...Et toi, pas de beau garçon en vue?"

La jeune femme avait survécu a beaucoup d'obstacles dans la vie sans jamais baisser les bras, à aucun moment. Elle faisait toujours de son mieux pour garder la tête haute et le sourire aux lèvres car elle ne pouvait rien faire d'autre à part ça. On lui avait enseigné pleins de choses que son entourage pensait être utile pour elle mais, personne ne lui avait appris comment survivre à la perte de l'être aimé. Cela faisait parti de ces choses qui ne pouvait être enseigné, il fallait l'avoir vécu pour savoir comment se comporter face à une telle perte. Et le pire dans cette histoire c'est qu'on n'en ressortait jamais intact, une partie de nous se perdait, ça nous changeait, on devenait quelqu'un d'autre totalement différent, on devenait une personne qu'on ne pensait jamais venir.

Ce sentiment qu'elle ressentait, ce vide qui faisait partie intégrante de sa vie personne ne pouvait le comprendre à part une personne qui avait vécu la même chose qu'elle et Perdita était cette personne. C'était comme si les personnes ayant perdu une personne chère à leur coeur faisaient parti d'un cercle et que le reste des gens en étaient exclu, c'était une sensation bizarre mais, qui malheureusement restait bel et bien réelle. On essayait de faire bonne figure devant les autres, ne rien laisser paraître, faire de son mieux pour être comme tout le monde mais, dès que l'obscurité de la nuit nous rattrapé et qu'on se retrouvait seul dans sa chambre, loin de tous les yeux et du monde extérieur, ça se gâtait. Les souvenirs refaisaient surface, la douleur qu'on pensait avoir oublié revient avec force et les larmes prennent la place du sourire qu'on affichait toute la journée et tout ça pour nous rappeler que le passé est et restera toujours présent dans notre mémoire ainsi que dans notre coeur. Alors, on se laisse aller à cette souffrance qui au lieu de s'atténuer avec le temps, ne fait que se raviver. Une souffrance qui ne fait que nous consumer de plus en plus. Mais, il venait toujours un temps où les larmes ne suffisent plus, où les cris ne servent plus à grand chose car quoi qu'on fasse ou qu'on décide de faire, rien ne nous le ramènera.

C'est d'ailleurs pour cela que les deux demoiselles aimaient tant se retrouver pour se soutenir et se changer les idées par la même occasion. Qui plus est, elles allaient ruminer chacune de son côté alors autant le faire à deux, peut-être que la douleur s'apaiserait un peu plus vite.
La Sigma prit le pot de glace tout en répondant à la question de celle qui était devenue depuis quelques années son seul point d'ancrage. Est-ce qu'elle avait rencontré une personne susceptible de combler le vide laissé par Duncan? Non. Elle ne faisait peut-être pas assez d'efforts pour ça, elle ne donnait aucune chance à aucun garçon pour lui prouver qu'elle pouvait avoir confiance en lui. C'était d'ailleurs l'un de ses plus grands défauts, si on pouvait le considérer comme tel, elle avait toujours été déçu par la gente masculine et la mort de Duncan n'avait en rien arrangé cet aspect. D'ailleurs, elle n'avait aucune envie de retenter l'expérience, elle n'était pas sûr s'y survivre une nouvelle fois. Elle avait mis beaucoup de temps pour s'en remettre qu'elle craignait que si cela devait se reproduire, elle ne fasse quelque chose de complètement stupide.

"Si bien sûr mais...Ce qui me fait réellement peur c'est d'avoir à revivre la même chose." Elle se tût un instant, le temps de remettre de l'ordre dans ses idées avant de reprendre. "Je crois que je ne suis pas prête à perdre quelqu'un d'autre, il y a déjà eu tellement de morts...Je ne sais pas, c'est difficile..." Les deux amies continuèrent de manger la glace tout en se confiant l'une à l'autre. "Mais c'est vrai que pouvoir se laisser aller dans des bras masculins...Pouvoir sentir rien que pour une fois qu'on compte sincèrement pour quelqu'un..."