« Elle avait pourtant si bien commencée... »

Etrangement, l'intégration à Berkeley fut très rapide et très facile pour Milan. A croire qu'il était fait pour vivre dans cette université. Les élèves, pour la plupart, étaient très accueillants et très ouverts envers les français. Ils n'hésitaient à passer du temps avec eux et à leur faire découvrir les joies de la vie américaine. Les soirées étaient les unes plus déjantées que les autres et Milan repoussait toujours un peu plus ses limites à leurs côtés. Pas que cela le dérangeait, au contraire, il était très heureux, simplement qu'il ne souhaitait pas replonger dans sa mauvaise période. Cela avait été assez difficile de tout arrêter, de changer de vie... il ne voulait pas que cela recommence. Sa nouvelle vie le plaisait plus que tout et s'il devait une nouvelle fois quitter le pays pour ses mauvaises fréquentations et ses excès, il n'était pas certain d'y parvenir... autant mourir. Non sérieusement, il ne pouvait pas effacer cette partie de sa vie et même s'il en avait l'occasion, il ne l'aurait pas fait, pour ne pas oublier ce qu'il avait dû endurer, mais si cela devait se reproduire, il ne se le pardonnerait probablement jamais. C'était important, bien plus que ses amis d'ici.

La soirée venait de se terminer. Non, en réalité, elle était terminée pour lui, qui avait assez bu, selon l'un de ses proches. Il l'avait raccompagné jusqu'à la porte, avec un petit sourire narquois en lui expliquant que cela suffisait amplement pour ce soir et qu'il devait plutôt aller se coucher que de continuer à boire comme il le faisait depuis quelques heures à présent. Combien de verres avait-il bu ? A lui seul, sûrement plus d'une bouteille de vodka. Milan avait toujours tenu l'alcool et il était réellement difficile de le rendre saoul. En fait, le seul moyen d'y parvenir, était de le laisser seul pendant trois heures et de l'observer au loin. Il draguait deux-trois filles et offrait des verres à tout le monde, riant et plaisantant sur n'importe quoi. Au bout de trois heures, c'était terminé. Parcontre, si la soirée possédait une ambiance de folie avec de nombreuses jolies fille, de la bonne musique... une fête réussie en somme, Milan ferait l'effort de se saouler qu'au bout d'un certain temps, préférant profiter un bon moment avant de réellement se saouler jusqu'à ne plus se reconnaitre. Cette soirée-là n'avait pas été un succès et le jeune homme avait donc préféré rester qu'en petit comité.

Rien n'était stable pour Milan. Tout semblait tourner à une vitesse folle autour de lui et il devait pratiquement se tenir à chaque fois qu'il tournait dans un couloir pour pouvoir rester debout. Oh oui, il avait trop bu. Quoique... il connaissait encore son prénom et distinguait encore certains points, ça allait... Où devait-il aller pour rentrer dans sa chambre ? La bonne blague ! Son ami l'avait raccompagné jusqu'à la sortie de la soirée mais après cela, il devait se débrouiller comme un grand ! Pff... c'était fichu. Alors qu'il se prenait doucement les tempes, fermant un moment les yeux pour reprendre ses esprits, quelqu'un écrasa brutalement son pied. Cela devait sûrement être une demoiselle puisqu'il sentit le talon écrabouillait son pied. Ouvrant brutalement les yeux, il fronça les sourcils. Il n'était même pas dans son état normal et on osait le déranger en plein milieu de sa solitude ?

Elle s'excusa timidement, avec un accent étrange que Milan ne remarqua pas immédiatement. A vrai dire, à cette heure tardive, il ne faisait plus attention à grand chose, il voulait simplement rentrer dans sa chambre et s'endormir comme un bébé. Elle semblait réellement désolée, mais Milan ne chercha pas à en savoir plus :

« Non mais tu ne peux pas faire attention bon sang ?! »

Le jeune homme n'hésita pas à montrer son mécontentement et ne fit même pas l'effort de lui répondre en anglais. De toute façon, américaine ou pas, elle saurait, rien qu'en voyant son visage, qu'elle n'aurait pas dû écraser son pauvre pied.

Elle était donc elle aussi française. Tant mieux, il n'était pas franchement d'humeur à lui répondre en anglais. En même temps, il n'avait jamais réellement été doué pour communiquer avec une autre langue. Les fautes grammaticales avaient toujours eu un succès auprès de lui. Une main sur la hanche, elle avait réussi à changer la situation pour la mettre à son avantage. En effet, elle venait de lui faire comprendre, d'une voix froide, qu'il n'était pas franchement polie en cette belle soirée. Il leva un sourcil, intrigué de voir qu'elle semblait attendre des excuses de sa part. Alors là, c'était vraiment la meilleure de l'année ! Il ne put s'empêcher de se mettre à rire, ne comprenant pas la situation. L'alcool ne l'aidant pas, la demoiselle face à lui n'allait surement pas comprendre la raison de ce soudain fou rire.

« Je dois m'excuser alors que c'est toi qui m'as écrasé le pied ? Là, j'ai du mal à comprendre ! »

C'était idiot, vraiment idiot mais il la trouvait amusante. Les jeunes filles qui réussissaient à faire rire Milan étaient, selon lui, les femmes à ne pas rater. N'était-ce pas justement une belle soirée pour faire de nouvelles rencontres ? Elle était pompette, il était saoul, personne ne s'en rendrait compte et le lendemain, ils ne s'en souviendraient même plus. Parfait n'est ce pas ? Oui, parfait. Son rire finit par se calmer et le jeune homme lui lança un sourire. Un sourire franc. En effet, il avait déjà oublié la raison de son débordement. Cela aurait été surement différent s'il n'avait pas passé la soirée à boire comme un trou.

« Mais tu sais quoi ? Je te pardonne. »

Pardonner pour quoi ? Pour le fait qu'elle lui demande des excuses alors que ce n'était pas à lui de se faire pardonner ? Oui, cela devait être cela. Il se sentit vaciller et posa une main sur l'épaule de la demoiselle qui lui faisait face avant de fermer les yeux quelques instants. Une envie de vomir... Heureusement, il savait se contenir sinon la jeune fille serait certainement déjà recouverte. Lorsque Milan rouvrit doucement les yeux et que la française n'avait pas bougé, il en profita pour enrouler son bras autour de ses épaules.

« Quoique... je sais ce que tu pourrais faire pour que j'oublie complètement ce que tu as fait... »