Avec l’arrivée du printemps, les jours se rallongeaient sur le monde entier. Les nuits devenaient de plus en plus courtes. C’était avec un profond dégoût que notre jeune Gamma dut se lever pour aller en cours. Depuis un petit moment, quelques semaines plus exactement, le jeune Flint, étudiant en première année de médecine, s’habillait en couleurs sombres quand il n’était pas vêtu de noir. De la veste au slip, tout était d’une profonde tristesse. David n’était plus cet élève joyeux. Il n’était plus ce gars, toujours le sourire aux lèvres, s’affichant de chemise hawaïenne et tee shirt tagué. Non !

Dorénavant, ce jeune garçon marchait la tête basse. Il longeait les murs, fuyant chaque regard et conversation. Plus aucune expression sur son visage. C’était limite, comme si chacun de ses traits étaient moulés, sculptés dans la cire. Quoiqu’il ait pu arriver à ce rebel, il gardait une hygiène irréprochable et la peau douce d’un bébé.

Le cours d’arts plastiques enfin terminé, le jeune étudiant devait de rendre à son casier. Vite ! Très vite, il déposa ses affaires de dessins et prit l’un de ses livres de médecine. Il avait un cours sur la méthodologie chirurgicale. Arrivé devant son casier, le Gamma soupira longuement en faisant le code de son cadenas. Il ouvrit la porte, posa sa pochette d’esquisses en fixant la photo scotchée sur une paroi intérieure de son casier. C’est une photo de famille. Loin d’eux, David se sentait seul. Des centaines de kilomètres les séparaient. Atroce douleur qu’est la solitude ! Souffrance devenue insurmontable depuis que sa petite amie l’a plaqué.

Le jeune homme n’arrivait pas à surmonter sa peine. Pour une fois qu’il se trouva une petite copine, cette dernière, plus âgée de trois années par rapport à lui, le plaqua. Il était sans doute trop immature à son goût. Enfin soit ! David n’avait jamais eu de chance en amour. Malheureusement, il a fallu qu’il tombe amoureux de cette fille. Pourquoi ? A quoi cela pouvait il servir ? L’amour était un sentiment cruel ! Et Flint en était la victime. Cupidon était sans aucun doute en manque de flèches. Ou alors il loupa la cible de la demoiselle. Quelque soit le scénario, il y avait un malheureux dans l’histoire.

Lassé de tout, David prit avec un manque évident de motivation son livre puis referma son casier. Il leva brièvement les yeux sur l’horloge accroché au mur. Le Gamma avait encore dix bonnes minutes pour rejoindre sa salle de classe. Ne souhaitant parler à personne, Flint reprit d’un pas décidé la direction du prochain cours. Toujours la même dégaine ! Tête baissée, longeant ce mur interminable. Un élève trop pressé, partant dans la direction opposée, bouscula l’étudiant en médecine. David manqua de tomber en arrière. Il se retrouva, dos contre le corps de quelqu’un. Le Gamma ravala sa salive puis se détacha de l’homme. Il se retourna. Le garçon était visiblement face à un professeur. Du moins, il n’était point un élève. Trop vieux pour cela. Gamin maladroit qu’il était, Flint le fixa bêtement. L’interrogeant du regard. Il n’avait encore jamais vu cet homme auparavant. Le rebel ne décrocha pas un seul mot. Pas une excuse ! Absolument rien !

La chirurgie générale, cette enseignement comprend en tout et pour tout deux cent cinquante heures de cours. La base de cette matière se divise en cinq thèmes : l’anatomie chirurgicale, l’acte opératoire, la pathologie générale, la traumatologie et les urgences chirurgicales non traumatiques. La méthodologie chirurgicale, tout l’art et la manière d’avoir une hygiène irréprochable et d’acquérir le protocole hospitalier quelques soit l’intervention.

Le jeune Gamma en avait marre d’encore toujours les mêmes paroles de son professeur dans cette matière là. Ce dernier était un homme d’une septantaine d’années, aux trois quart chauve. Le reste de cheveux qui lui restaient étaient poivre et sel. Impossible de définir la teinte qu’ils avaient auparavant. Une paire de fines binocles ronds sur le bout du nez, attachés à chaque branche par une aussi fine chainette. Les lunettes pendouillaient plus souvent par la nuque qu’autre chose. Petit, bossu, un petit bouc, ce vieillard marchait avec une canne. Mais pourquoi Berkeley gardait il un enseignement de cet âge là ? Tout simplement car ce docteur était de l’ancienne école. La chirurgie était sa passion, son âme. Quitte à s’éteindre en plein cours, devant un amphithéâtre remplis d’étudiants à la soif du savoir, mais cet homme là ne laissera pour rien au monde sa place à un jeune professeur. Physiquement, il semblait être d’un autre temps. Il était une légende vivante. Ces cours passionnaient à bon nombre de personnes qui se tapaient s’incruste pour l’écouter parler.

Soit ! Mister Trifon, comme l’avait si gentiment surnommé David, n’était cependant pas le professeur préféré de notre rebel. La chirurgie n’était d’ailleurs pas ce qu’il aimait le plus, tout comme la médecine dans sa généralité. Alors pourquoi avoir choisi ce cursus universitaire ? Maman Flint poussa le dernier de ses enfants à faire de grandes études. Sous son regard angélique et sa naïveté, le gamin était un enfant turbulent. Néanmoins, il était doté d’une grande intelligence.

Alors que David s’apprêtait, à contre cœur, de rejoindre son prochain cours, il n’eut pas le temps de voir les choses venir que notre rebel se retrouva, dos contre une autre personne. Le jeune Flint était sans aucun doute un garçon très câlin, en manque évident d’affection. Mais il n’était cependant pas amateur de ce genre d’attouchement improvisé. Sentant une drôle de chaleur sur sa veste, David se demandait quoi. Effarouché, il se dégagea immédiatement de la personne. Cette dernière s’excusa puis se présenta. Le jeune Flint dévisagea maladroitement son aîné. Ce fut malpoli de sa part. Si sa mère aurait été là, il aurait reçu une claque et se serait vu dans l’obligation de présenter ses excuses.

Baissant les yeux sur la chemise tachée de café de l’homme, David empoigna son bras puis observa sa main. Il avait lui aussi reçu du liquide noir sur lui. C’était donc ça la cause de la chaleur qu’il avait ressenti. Le jeune garçon ne disait toujours rien. Il se perdit dans ses pensées. La dernière fois qu’il vit du café renversé, c’était son ex petite amie qui avait renversé une tasse sur la table de chevet. David ne put s’empêcher d’avoir les larmes aux yeux en pensant à elle. Le Gamma savait qu’il n’avait plus aucune chance avec elle. Mais cela ne l’empêcha pas de s’accrocher à elle.

Sans qu’Harvey puisse entendre le son de la voix de l’étudiant, ce dernier se dirigea vite fait dans les toilettes pour homme. Désorienté, David ne s’aperçut même pas qu’il avait laissé son livre de chirurgie à terre. Le bouquin tomba lors de la bousculade. Il était ouvert. Une photo avait glissé sur la tranche. C’était celle de Léna. L’ex petite amie du jeune homme. Du point de vue du professeur, ce dernier pouvait croire que David pleurait car il s’était brûlé avec sa boisson.