Elle était à New-York depuis un mois maintenant. Un mois qu’elle avait dormait sur les canapés des autres. Un mois qu’elle ne savait pas où elle allait. Son esprit était rythmé entre des sessions de culpabilité et d’autres jemenfoutiste où elle se disait que c’était comme si elle prenait des vacances. Ce jour-ci c’était sa culpabilité qui l’avait rattrapé. Elle commençait sérieusement à manquer d’argent, et accumulait les ardoises qu’elle devait à telle ou telle connaissance. Elle s’était rendue à Manhattan, pour un entretien d’embauche au Musée national d’Histoire naturelle. Elle candidatait pour un poste d’agent de surveillance, de ces gens qui sont payés une misère pour passer leur journée à attendre que quelque-chose se passe. Des journées à faire les quatre cent pas entre les salles des expositions, guettant le moindre flash sur un appareil photo, le moindre sac à doc abandonné, la moindre main passant derrière le cordon rouge… En sortant du bâtiment trop climatisé, elle sentit une vague de chaleur la rattraper. Et puis à quelques marches en dessous d'elle, elle cru reconnaître un visage, une allure. « Edward ? » Elle crevait d’envie de courir vers lui, de le prendre dans ses bras, de le regarder de près, de s’approcher, de le voir, de lui parler, de lui raconter tout ce qui lui était arrivé, et de lui demander tout ce qu’il était devenu. Mais elle avait encore le manque, elle avait encore la souffrance. Elle imaginait les mouvements immondes de deux corps, de deux chairs, de deux courbes entrelacés dans un lit. Son ancien petit-ami avec son ancienne meilleure amie. Elle imaginait les étreintes, les baisers, les mots, les confidences… Elle imaginait leur vie après son départ, elle imaginait leur couple, après cette première nuit passée ensemble, couchée ensemble. Elle revoyait toutes les larmes que la vie avait tracées sur leur chemin. C’était un amour compliqué, qui avait sa dose d’épreuves. Elle avait quitté sa vie, elle avait quitté sa ville : Boston, et son petit-ami, son fiancé, celui qu’elle aurait dû épouser, il y a quelques semaines déjà. Elle avait pris peur, fait ses valises, pris le large. Ce n’est pas nouveau chez les futures mariées. Mais pourquoi ici ? Pourquoi revenir ici, à New-York ? Elle y avait ses parents oui, mais elle ne leur avait pas parlé depuis longtemps, elle les voyait en de rares occasions, pour les rituels familiaux annuels : anniversaires, baptêmes, mariages, noël, nouvel an… Et maintenant qu’elle avait un compagnon, elle avait une excuse supplémentaire pour ne pas s’y rendre, elle devait rendre visite à sa future belle-famille. Mais de compagnon elle n’en avait plus, abandonnant son fiancé la veille du jour de leur noce. Et à New-York elle ne s’était pas rendue chez ses parents, elle s’était faite héberger pour commencer par des amis, de vieilles connaissances. Non, elle n’était définitivement par revenue pour eux. Mais alors pour qui alors ? Une silhouette svelte et élégante emprisonnait son cœur. Plissant des yeux contre le soleil, sa vision se remit petit à petit du décalage lumineux entre l'intérieur du musée et le parterre ensoleillé. « C’est bien toi. Je le savais bien. » Elle voulait le sommeil parallèle, pour la respiration parallèle, la même chaleur, la même solitude, pour le minuit identique, pour l’aurore identique, pour les fantômes identiques. Son amour le plus sincère envers son fiancé ne serait jamais aussi grand que celui qu’elle portait pour Edward. Elle était venue pour se délivrer de son emprise, pour nettoyer son amour entaché qu’elle portait pour son fiancé, entaché par l’image qu’elle gardait toujours d’Edward. Elle était venue pour se délivrer, et enfin nettoyer son amour, comme un diamant. Elle ne savait pas que ce qu’elle portait en elle brillait, comme une flamme éternelle.

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