FEVRIER 2015 ➤ J'étais rarement en retard, pour ne pas dire, jamais. J'étais plutôt du genre en avance, à prévoir de se lever suffisamment tôt pour se préparer et être la première dans l'auditoire. Oui, j'étais studieuse, même un peu nerd sur les bords. Mais ma carrière était ma priorité et l'avait toujours été, peu importe ce que cela m'en coûtait. Alors je bossais dur et je faisais un parcours sans fautes. Je faisais même de l'excès de zèle pour tout dire. J'avais pris pas mal de cours en option facultative et par moment, j'aurais aimer pouvoir remonter le temps pour tous les suivre en même temps, à la Hermione Granger dans Harry Potter. Bref, ne pouvait me dédoubler, je devais me dépêcher de courir dans les couloirs pour pouvoir assister à mon dernier cours de la journée, celui de criminologie. Après-tout, c'était un domaine directement en lien avec la sociologie et puis les crimes, ça allait devenir le maitre-mot de mon job de procureur. Alors je me hâtais, sachant pertinemment que j'arriverais - et oh! quelle stupeur - en retard malgré mes efforts. J'arrivais devant l'entrée, encore ouverte puisque je n'étais visiblement pas la seule retardataire (fin de journée oblige). Je m'avançais toujours d'un pas hâtif dans les escaliers de l'amphithéatre et, tout en cherchant une place libre des yeux, je m'excusais pour pouvoir passer dans la rangée. C'est à cet instant que je senti des regards observateurs se poser sur moi. C'était généralement le genre de sentiment inconfortable que l'on préférais éviter. Alors je me dépêchais de m'asseoir pensant que l'on me fixait à cause de mon retard. « Et puis quoi ?! C'est la première fois que j'arrive en retard cette année ! ». Mais une fois installée, je réalisais que ce n'était pas à cause de mon retard que l'on m'observait. Il y avait autre-chose, une chose à laquelle je n'étais pas préparée.

Mon ex, Deeklan, se trouvait debout devant l'auditoire, pointant l'écran du du doigt. Il donnait le cours de criminologie. À cet instant, je ne pouvais même pas sortir mon laptop de mon sac, tant je m'étais figée, glacée de stupeur et de gêne. Car oui, la plupart des étudiants avaient remarqués qu'il me dévisageait, de manière insistante. J'étais la cible de son silence. Et il était ma cible de paralysie instantanée. Rapidement, il repris son cours, mais je ne pouvais toujours pas bouger. J'étais tiraillée entre l'envie de me relever, partir, sans me soucier des regards intrigués par la situation. Mais je ne voulais pas me faire remarquer d'autant plus et puis, en y réfléchissant, je me dis qu'il devait uniquement se trouver là pour un remplacement temporaire, et que la semaine prochaine, il serait déjà reparti dans son foutu bureau du FBI. C'était son job, et mon côté indépendante qui nous avaient séparé. Pourtant, je devais le reconnaitre, il avait été ma plus belle relation. Et le revoir ici, en ce lieu, de manière aussi aléatoire et soudaine ne m'avait pas laissée indifférente. Depuis lui, je n'avais connu que ce dont j'avais l'habitude, à savoir : des lâches, des incapables, des manipulateurs. Je n'avais plus vraiment eut de véritable relation sérieuse. Et puis, même si je ne pensais jamais avoir connu le grand amour, il était celui avec qui ça aurait pu marcher, pour de vrais. J'avais tout de même eut des sentiments forts et sincères à son égard. Cette situation ne faisait que faire remonter à la surface ce que j'avais connu et ce que je m'étais forcée de ne pas regretter.

Le cours se déroulait dans une tension palpable, et une fois l'heure de départ survenue, je faisais en sorte d'être partie comme j'étais arrivée : pressée. Dans cette détresse et hâte avec laquelle je m'en-allais, encore sous le choc de l'avoir eut comme prof pour ce dernier cours de la journée, je faisais l'erreur de me précipiter dans ma voiture. Et ainsi fut ma conduite sur la route. Sans avoir eut le temps de m'en rendre compte, un animal déboulait sur la route à une vitesse fulgurante et en un choc relativement violent, ma voiture le heurta, l'envoyant un mètre plus loin. Paniquée, je sortais tout aussi vite et m'approchais du corps de l'animal. C'était un grand chien et il n'était visiblement pas mort. Complètement chamboulée, je ne m'étais pas rendue compte que Deeklan m'avait suivie jusqu'ici. Il était sorti de son véhicule et venait à mon secours pour prendre en charge le chien heurté. Deeklan avait toujours eut ce côté protecteur. ça allait de pair avec son job au FBI. Le bon flic, patient mais ferme. Il avait tendance à trop vouloir tout contrôler et un esprit libre comme le mien n'aimait pas ça. Mais la situation et sans-doute l'habitude prirent naturellement le dessus. Je le suivi sans qu'il ait trop besoin d'insister et, comme auparavant, il gérait la situation. Je me laissais faire docilement, trop inquiète pour la santé du pauvre animal.

J'étais amie des animaux, proche de la nature et dotée d'une sensibilité à fleur de peau. Alors il était évident que la situation m'attristait. Je me sentais coupable et je me retrouvait là, à caresser le chien, assise sur le siège passager de la voiture de mon Ex. Cette situation aussi improbable qu'hallucinante me laissait plus que perplexe. Les yeux rivés sur le chien, je n'osais pas les lever pour le regarder, lui. Il me rassurait, encore une habitude qui revenait à la charge. Je me faisais docile, tout ceci me dépassait beaucoup trop.

« Pourquoi tu me suivais Deeklan ? Et puis d'abord, qu'est-ce que tu fais ici ? À Berkeley je veux dire... ? »