« L’amitié ne s’apprend pas dans un livre: C’est l’instinct qui nous la fait découvrir ! »

Elle pouvait enfin respirer un peu. C'était un réel plaisir de s'occuper de ses patients et de voir leur gratitude lorsque le travail était terminé ou voir la reconnaissance des familles lorsque tout se passait pour le mieux. Une véritable récompense en soi. Malheureusement, il y avait aussi le revers de la médaille, ceux qu'on ne peut pas sauver, ceux à qui la vie refuse une seconde chance. Ces jours-là étaient les plus durs, tant physiquement que psychologiquement. Guadalupe avait choisi la médecine pour aider ses semblables, pour atténuer leurs souffrances et non pas les accabler encore plus. La vie au Mexique n'avait pas été simple, elle n'avait pas été facile et même si elle y avait vécu jusqu'à ses dix ans, elle se souvenait encore de la pauvreté, de la maladie et de la guerre des gangs. Ce n'était pas ce qu'il y avait de mieux pour une petite fille et c'était en partie pour ça qu'elle avait décidé de faire médecine à l'université parce qu'elle ne voulait plus jamais revoir cet effroyable spectacle qui - encore aujourd'hui - lui faisait faire des cauchemars. Et même si elle se sentait comblée par ce qu'elle faisait, Guadalupe ressentait toujours le besoin de se changer les idées après une longue journée. Voir du monde, oublier ses problèmes ne serait-ce que le temps d'une soirée et se changer les idées. Aujourd'hui ne faisait pas exception. Elle avait besoin de prendre du bon temps et de passer une bonne soirée et elle connaissait quelqu'un qui en avait tout autant besoin qu'elle. Et même, bien plus encore qu'elle. Enfilant une petite robe rouge qui mettait ses formes en valeur et mettant une touche finale à son maquillage, la Sigma quitta sa chambre pour rejoindre Nathanaël. Elle se doutait qu'il n'avait pas vraiment envie de sortir de chez lui ce soir mais, elle estimait que rester cloitrer entre quatre murs à ruminer elle-ne-savait-quoi ne servait pas à grand-chose. La jeune femme ne mit pas longtemps à rejoindre son ami et elle mit encore moins de temps à le convaincre de délaisser sa chambre pour l'accompagner, même si la moue qui lui avait offert ne laissait pas de doute sur ce qu'il pensait réellement. Têtue comme une mule, la jolie mexicaine ne lui laissait que rarement le choix concernant leurs sorties. Elle se souvenait de la première fois qu'elle l'avait rencontré. C'était dans l'un des bars que fréquentait la Sigma et comme à son habitude, les verres s'étaient enchaînées, elle avait finit par aborder le jeune homme et la soirée s'était terminée comme elle avait commencé. C'était lors de cette soirée que Guadalupe s'était promise de garder un œil sur l'Oméga. Elle ne le connaissait que depuis quelques heures qu'elle voulait déjà prendre soin de lui. Une vraie maman poule. Et pour ne pas changer, elle ne lui avait pas laissé le choix. Ce soir ne faisait pas exception. « Souris un peu, on dirait que je t'emmène à l'abattoir ! » Lança-t-elle, un sourire radieux sur le visage. On n'aurait pu croire que c'était la même personne qui avait passé toute la journée debout, à courir à droite et à gauche. La Sigma ne semblait point fatiguée par le travail qu'elle fournissait tous les jours et le sourire, qui ne semblait jamais la quitter, ne faisait que renforcer cette théorie. « De toute manière, je ne compte pas te laisser bouder chez toi, même si tu venais à me supplier… » Elle le regarda un instant, tandis qu'ils se rendaient vers leur destination. « Tu verras, un jour tu me remercieras… Ou pas. » Continua-t-elle en le prenant par le bras pour l'entrainer avec elle vers un monde où ils pourraient - ne serait-ce que quelques heures - oublier leurs problèmes et leur quotidien. Elle se mêlait surement de ce qui ne la regardait pas et ça lui retomberait surement sur la tête, un jour ou l'autre mais, elle n'en avait cure. Ce qui importait en cet instant c'était lui. Elle l'avait bien observé et même s'il n'avait rien confié sur ce qui le tracassait, elle savait bien qu'il allait au plus mal et son cœur tendre ne lui permettait pas de le laisser seul et dans cet état. Pire encore, son cerveau le lui interdisait. Alors, c'était tout naturellement qu'elle l'embarquait avec elle, à chaque fois que l'occasion se présentait, en espérant que cela puisse l'aider à aller mieux.

« L’amitié ne s’apprend pas dans un livre: C’est l’instinct qui nous la fait découvrir ! »

Elle se doutait bien que voir d'autres visages, dans son état, n'était pas la meilleure solution pour panser ses blessures. Mais, elle avait bon espoir. L'espoir que l'éloigner de ses démons puissent lui être bénéfique. Même s'il ne parlait à personne et même s'il préférait rester dans son coin, à ressasser les derniers évènements de sa vie, elle pouvait garder un œil sur lui. C'était une façon de ne pas se couper du monde et de se retrouver totalement isolé et vulnérable. C'était ce que les médecins conseillaient à leurs patients, avoir quelqu'un à ses côtés pendant la convalescence. Natahanaël n'avait aucune blessure physique, il n'avait pas besoin de conseils médicaux mais, il n'en restait pas moins blessé. Elle ne savait pas pourquoi, ni comment et encore moins par qui mais, une chose était sûre, aussi longtemps qu'il le lui permettrait, elle resterait à ses côtés, à être son ancrage avec le monde extérieur. Elle comptait bien lui prouver que la vie en valait la peine, que lui aussi en valait la peine même s'il aurait surement du mal à y croire, pour le moment. Son sourire s'élargit lorsqu'elle entendit son carpe diem. C'était déjà ça de gagné, se dit-elle en l'entrainant avec elle. « C'est un plaisir de t'aider, querido ! » Lui répondit-elle, sincèrement. Elle l'appréciait réellement et le voir dans cet état l'attristait au plus haut point. « Ce soir, on fait la fête et on oublie nos problèmes, ok ?! Et si ça peut te rassurer, je n'avais pas l'intention de m'éloigner… » Elle avait vu les bouteilles dans son appartement et elle s'était félicitée d'être venu au bon moment. L'idée de le retrouver en coma éthylique ne lui plaisait guère et s'il continuait ainsi, c'était surement ce qui risquait d'arriver. Seulement, elle préférait taire ses peurs et enfouir - au plus profond de son âme - ses craintes. L'Oméga était le seul à connaitre ses limites, le seul à décider quand et comment il voulait que tout cela s'arrête et la seule chose qu'elle pouvait faire était d'être à ses côtés et de le soutenir du mieux qu'elle le pouvait. Le sourire qui avait étiré ses lèvres jusqu'à présent disparu sous l'impact de la question et les images de sa journée lui revinrent à l'esprit. La journée avait été affreuse et elle aurait mille fois préféré l'oublier et l'effacer de son esprit mais, la réalité était autre et comme à chaque fois que cela se produisait, elle devait trouver le courage de continuer avec ces pertes parce que ça faisait, aussi, partie du quotidien et du travail. « Oh ! J'ai déjà vu mieux… » Commença-t-elle tandis qu'elle revoyait le visage de cette pauvre femme à qui on annonçait la perte de l'être aimé. Elle n'osait imaginer ce qu'elle avait pu ressentir à cette nouvelle. Elle savait que - pour sa part - elle n'y aurait jamais survécu. « On a perdu un patient ce matin et j'ai dû l'annoncer à sa femme. » Malheureusement, ce n'était pas la première fois que ça arrivait et surement pas la dernière fois. Elle le savait mais, ça ne le rendait pas plus facile. « Et toi alors ? Tu as fais quoi de ta journée ? » Leurs pas les menèrent jusqu'à le lieu de la fête qui battait déjà son plein. La musique s'entendait de loin et cela ne traduisait que l'ambiance qui s'y trouvait. Sa main vint - tout naturellement - caresser la joue de son ami en un geste réconfortant. « Ne te fais pas de souci pour moi, l'important est que tu ailles bien… C'est tout ce qui compte pour moi… » Le bien être du jeune homme passait avant tout alors, si elle devait se brûler les ailes pour le sauver, elle n'hésiterait pas une seconde. « Et au cas où tu ne le saurais pas, je sais prendre soin de moi…Il y a donc aucun risque que ça arrive. » Ils se mêlèrent à la foule tout en prenant un verre au passage. Après tout, ils étaient là pour ça. « Nath'… Tu sais que si tu as besoin de parler, je suis là… » Elle ne voulait pas le brusquer, ni l'obliger à confier ce qu'il ne voulait pas dévoiler mais, elle voulait qu'il sache qu'elle sera présente pour lui.