Cette journée là avait été particulièrement mouvementée, à croire que les étudiants se passaient le mots pour tous se rassembler et venir profiter de l'un de leurs derniers verres avant les examens pile quand Billie attaquait son service lasse et fatiguée de sa nuit de veille. De par le passé, elle avait déjà remarqué cet étrange phénomène, comme s'il avait systématiquement fallu qu'une longue nuit passée au club soit toujours suivie d'une longue journée au rythme soutenu le lendemain, au bar de l'université. Peut-être aurait-ce été trop demandé que de pouvoir jouir d'un après-midi serein avec peu de clients pour se remettre de sa gymnastique rythmique de la veille ? Peut-être quelqu'un là haut s'arrangeait-il pour l'accabler et repousser les limites de sa fatigue ? Peut-être, finalement, cette journée remplie de commandes était-elle la punition divine pour avoir porté l'étendard du pêcheur la nuit précédente et toutes les autres nuits avant celle-là ... ? Billie en était là dans ses questionnements existentiels lorsque la preuve qu'elle se méprenait se matérialisa sous ses yeux en la personne de Griffin. Si, jusqu'alors, elle avait pris plaisir à ruminer intérieurement en refoulant l'envie de bailler qui la pourchassait depuis deux longues heures déjà, il était désormais évident que cette longue journée qu'elle avait presque terminé d'essuyer n'avait été qu'une mise en bouche et que ce petit con - disons les choses telles qu'elles sont - n'était autre que la cerise sur le gâteau ; la preuve par A + B que le saint esprit n'était pas en reste dès lors qu'il s'agissait de punir ses fidèles sujets et de les prendre en traitre au moment où ils s'y attendaient le moins ...

« Une pression et un jolie sourire, m'dam. » Résistant à l'envie de lever les yeux au ciel face à son sourire suffisant, la barmaid préféra ne pas lui prêter plus d'attention que celle qu'il méritait ; à savoir exactement la même que celle qu'elle accordait aux autres clients. Ni plus, ni moins. " Plus " semblait avoir le don de l'encourager dans sa démarche pour l'agacer perpétuellement tandis que " moins " risquait de le contrarier et de l'inciter - encore et toujours dans le but de l'emmerder supposa-t-elle - à se plaindre de la qualité de son service. Or la close du contrat qui la rattachait à l'Albatross était simple : le client devait être roi, qu'il fut courtois, aimable et respectueux ou, comme c'était le cas ici, insolent, irritant et particulièrement exaspérant. Aussi s'empara-t-elle d'un verre à bière pour servir sa commande au jeune homme avec l'espoir microscopique mais pourtant bien présent de s'en débarrasser avant qu'il ne parvienne à user le peu de patience qu'il lui restait en ce triste jour. « Il paraît que t'as là le meilleur coup de main en la matière. » Stoppant son geste tandis que sa main reposait toujours sur la pompe à bière qui la séparait de l'étudiant et que le verre qu'elle tenait sous le robinet était à moitié plein, Billie accorda à son vis à vis un regard perdu entre perplexité, inimitié et mépris silencieux. « Toujours aussi subtile et classieux à ce que je vois, O'Bannon ... » Fit-elle ironiquement remarquer en reprenant son remplissage avant de déposer la pression devant le principal intéressé. « Ça te fera 4 $. » Reprit-elle d'un ton qu'elle s'efforça de garder professionnel pour ne pas laisser l'occasion au garçon de deviner la fatigue dans sa voix. « Quant aux sourires, ils ne sont réservés qu'aux clients de bon goût ce qui - compte tenu de la pauvreté du tien - t'exclut d'emblée de la liste. Mais rassures-toi, ça grouille de monde aujourd'hui, je suis certaine que tu trouveras plus coopérative que moi pour apprécier ton sens si particulier de l'allusion douteuse ... » Lui rendit-elle en tâchant de camoufler de son mieux un certain dédain dans lequel elle ne se reconnaissait pas du tout mais que Griffin avait le don de faire ressortir, comme si le simple fait de le savoir accoudé à son bar présageait assez de mauvaises surprises et / ou de rabâchages exaspérants pour la faire se braquer d'entrée de jeu, sans autre raison valable que celle de son intuition qui ne la trahissait que rarement, surtout lorsqu'il s'agissait d'élèves particulièrement disposés à lui faire perdre son temps et son calme comme savait si bien le faire cette tête à claques d'Irlandais.

« Je vois que madame est d'humeur bavarde aujourd'hui. » " Va chier ", voilà ce qu'elle se serait bien vu lui répondre s'il ne s'était pas présenté à elle durant son service. Seulement voilà, ce petit con s'arrangeait toujours pour faire acte de présence durant ses heures de travail, évidemment. C'aurait été trop facile et beaucoup moins drôle à un autre moment de la journée ; dans la rue par exemple, après qu'elle ait quitté le bar et quand le fait de lui coller une claque ne puisse plus devenir un prétexte à un renvoi imminent ... « Pertinent, seulement n'oublies pas qu'on ne te demande pas d'apprécier le bon goût de tes chers clients, mais plutôt d'optimiser leur satisfaction. » Interdite, Billie le toisa comme pour le mettre au défi de trouver quelque chose à redire dans la façon dont elle l'avait présentement servi, à savoir rapidement, de manière professionnelle et sans autre écart qu'une réponse bien méritée à sa provocation d'homme des cavernes. « Fort heureusement le mien est au plus haut point à cet instant, malgré tout se serait bien dommage que ta gentillesse légendaire remonte on ne sait comment jusqu'aux oreilles de ton patron. » Digne, Billie se contenta d'un silence condescendant en guise de réponse tandis que c'était au tour de Griffin de la toiser avec défi. Quel sale gosse ! Elle était presque prête à parier qu'il prenait un pied pas possible à la savoir enchainée à son contrat d'amabilité. Qu'à cela ne tienne, s'il n'acceptait pas la réplique elle se contenterait de garder le silence et de le laisser jouer à son petit jeu de provocations seul, ce qui, au final - elle en était persuadée - ne l'amuserait plus autant que lorsqu'elle se risquait à le renvoyer dans les cordes ... Froide, elle ramassa la monnaie qu'elle rangea correctement dans la caisse enregistreuse avoir avoir rapidement pianoté sur le clavier de la machine (non sans se faire la réflexion que si Griffin pouvait s'étrangler avec sa bière, ça ne serait pas plus mal ...).

« Enfin remarque, tu as peut-être davantage l'habitude qu'on te les coince dans tes sous-vêtements, les billets. » Sur le point de refermer la caisse lorsque la phrase tomba, Billie ne put s'empêcher de ciller, voire même de serrer imperceptiblement la mâchoire. D'instinct, la première chose à laquelle elle pensa ne fut pas que cette phrase était une façon détournée de la traiter de pute (ce qui l'aurait rendue insultante, certes, mais pour le moins anodine et pas vraiment étonnante dans la vilaine bouche de Griffin), mais plutôt qu'elle était un signale sensé lui faire percuter qu'il savait, qu'il l'avait reconnue, qu'il l'avait percée à jour. Tétanisée, elle sentit l'angoisse enfler dans sa poitrine et engloba la salle bondée d'un regard craintif avant de se reprendre en réalisant qu'elle n'était pas en face de n'importe qui et qu'il y a avait fort à parier pour que ce sale gosse d'Irlandais s'applique à détailler le moindre de ses faits et geste. Car, quand bien même la phrase n'aurait été qu'une insulte à demi mot et que Griffin n'aurait été au courant de rien vis à vis du Manhattan Loungue, elle ne pouvait pas se permettre d'éveiller les soupçons en paniquant bêtement. Ainsi, après avoir durement pris sur elle, elle tacha de se persuader qu'il ne fallait voir dans cette attaque qu'une méchanceté gratuite et non pas une menace en filigrane. Après tout, elle ne l'avait jamais croisé au club, et jamais non plus elle ne s'était défaite de son masque lorsqu'elle jouait son rôle de BB. Il s'agissait juste d'un élan particulièrement violent de paranoïa, voilà tout ... Il lui fallût une poignée de secondes pour faire le point afin de parvenir à se mettre dans l'état d'esprit de la fille innocente qu'elle n'était pas, mais qu'elle aurait du être. De là, elle s'évertua à avoir le genre de réaction qu'une barmaid normale aurait, selon elle, dû avoir en pareilles circonstances : « Dis donc Griffin, s'il est vrai que je dois veiller à la satisfaction du client, toi, en tant qu'étudiant, t'es pas sensé veillé à ne pas manquer de respect au personnel ? » D'un coup de hanche particulièrement sévère, elle referma le tiroir caisse et lui tourna le dos pour continuer le rangement des verres qu'elle avait entreprit avant son arrivée.

Face à elle, un miroir mural lui permettait de voir la salle dans son dos et le visage de Griffin se reflétait sur la surface comme une menace omniprésente. Savait-il ? Ne savait-il pas ? La tension artérielle de Billie augmenta d'un cran tandis qu'elle préférait détourner le regard pour ne plus fixer la silhouette de l'étudiant. Mentalement, elle comptait les secondes. Longues et interminables, ses dernières semblaient ne jamais vouloir s'égrainer, comme s'il avait été nécessaire de laisser à O'Bannon le plus de temps possible pour la tourmenter et la faire douter de ce qu'il savait réellement à propos de sa double vie. Décidément, c'était bel et bien une journée de merde, plus aucun doute là dessus !

« Je pourrais, oui. » Il aurait pu, bien évidemment, cet oiseau de malheur ! Mais il y avait fort à parier - et Billie ne se faisait aucune illusions là-dessus - pour qu'il préfère continuer sur sa lancée plutôt que de se rétracter en admettant qu'il allait beaucoup trop loin et que la pente devenait glissante. Pis que ça, Billie le soupçonnait même de prendre plaisir à lui casser les pieds, comme s'il n'avait rien de plus passionnant à faire de sa journée, comme si la voir ravaler ses soupires indignés était la chose la plus divertissante qui soit à ses yeux ... D'ailleurs la suite vint confirmer les craintes de la barmaid qui, non contente de tourner le dos à l'infâme O'Bannon, alla jusqu'à fermer les yeux et inspirer profondément pour s'inciter au calme. A cet instant précis, elle la sentait bien, elle aussi, la différence entre vouloir lui coller une claque bien sentie et le fait de ne pas pouvoir se le permettre ... Inspiration, expiration. Calme-toi Billie, ne t'abaisse pas à son niveau de mesquinerie, pensa-t-elle avec la vague idée d'appliquer l'une des astuces de respiration yogi qu'elle avait vu lors d'un reportage télé pour travailler son self-control, mais le « N'empêche je pensais, tu n'as jamais remarqué que tes initiales accolées donnaient BB, comme la pulpeuse Brigitte Bardot ? Tu devrais te sentir flattée, non ? » qui lui cingla les oreilles après un long silence inquisiteur suffit à réduire à néant les précises de paix intérieure qu'elle s'était efforcée de retrouver. Heurtée, Billie rouvrit les yeux sur le reflet du sourire malicieux de Griffin dans le miroir. Cette vision d'horreur (parce qu'il avait beau être séduisant, cela n'empêchait pas pour autant notre serveuse de le trouver particulièrement repoussant lorsqu'il affichait cet air de triomphalisme entendu) sonna le glas de toute illusion encore debout. Comment croire encore au fait que ses propos puissent n'être que des coïncidences quand les sous-entendus s'enchainaient à un rythme aussi soutenu et qu'ils étaient agrémentés de ce genre de regards perdus entre arrogance, mépris et autosatisfaction ?

Mise au pied du mur, prise à la gorge par l'image de ce maudit Griffin, Billie ne pouvait en aucun cas faire machine arrière. Elle-même ne s'en sentait pas la force, de toute façon. Elle avait beau s'accommoder de faux semblants pour préserver ses proches des révélations qu'il y avait à faire sur sa double vie, l'exercice devenait tout de suite bien plus difficile dès lors que la personne qui lui faisait face s'avérait malveillante et, en l'occurrence, en position de supériorité, malheureusement. Considérer O'Bannon comme étant un sale petit con ne parvenait cependant pas à lui faire garder l'espoir qu'il puisse ne pas se douter de tout le pouvoir que lui donnaient ses connaissances vis à vis du secret qu'elle cachait. Exaspérant certes, mais pas stupide pour autant ; loin de là même, il suffisait d'étudier la façon dont il s'était arrangé pour amener le sujet sur le tapis, l'air de rien et avec assez d'approximation pour s'assurer que ses phrases feraient monter la tension artérielle de son interlocutrice. Cela dit, Billie ne comptait pas se laisser faire de la sorte. Pleine de ressources lorsqu'on l'y obligeait, elle s'efforça d'adopter une attitude digne et de jouer sur les incertitudes elle aussi, ne serait-ce que pour s'assurer de ne pas donner la preuve par A + B qu'elle était bien celle que Griffin la soupçonnait d'être. Alors, se retournant brusquement, elle vint se placer face à lui et planta fermement ses mains de part et d'autre du comptoir. Hors de question de le laisser jouer avec ses nerfs plus longtemps !

« Qu'est-ce que tu veux, Griffin, au juste, hein ? » Le nez levé en signe de défi, elle se passa de commentaire quant au fait que ses initiales correspondaient bel et bien à celles de la célèbre actrice et chanteuse française. Dans son regard, on pouvait lire tout l'esprit rebelle qu'elle s'efforçait de contenir pour rester dans les clous de ses attributions de barmaid prétendument accueillante et courtoise avec ses clients. Sans détourner le regard cette fois, peut-être même avec une once de fierté qu'elle ne ressentait pas pour son deuxième emploi mais qu'elle s'efforça cependant d'afficher, elle fixa intensément l'étudiant pour lui laisser tout le loisir de lire dans ses yeux les mots qu'elle refusait obstinément de prononcer. Cette question qu'elle venait de lui poser possédait autant de sens cachés que les remarques qu'il avait lui-même articulées précédemment. Elle pouvait à la fois vouloir lui demander ce qu'il attendait de cette séance de cassage de noix en bonne et due forme ou bien, plus implicitement, ce qu'il demandait en échange de son silence à propos des soupçons, voire même des certitudes, qu'il nourrissait à son encontre ...

« Rien de ce que tu ne peux m'offrir. » Silence. Billie ne s'y laissa pas prendre, il y avait forcément quelque chose qui justifiait la présence de Griffin en ce lieu et qui l'incitait à la malmener de la sorte pour faire planer au-dessus d'elle cette épée de Damoclès qui la stressait et lui faisait redoutait le pire. Qu'il s'agisse d'un bien matériel, d'un service rendu ou de quoique ce soit d'autre, il y avait forcément quelque chose que Griffin désirait assez pour ne pas seulement la mépriser et la traiter de pute après avoir découvert son secret. Il fallait bien qu'il ait besoin d'une faveur quelconque pour laisser croire, de par sa façon de tourner autour du pot, que tout n'était pas perdu et que Billie avait encore le pouvoir d'éviter qu'il n'ébruite l'information. C'était soit ça, soit ce petit con était complètement sadique (chose qui, au final, ne l'aurait pas étonnée plus que ça ...). Mais ce Billie semblait ne pas prendre en compte c'était la possibilité que Griffin puisse être en train de bluffer. A croire qu'elle avait tellement redouté le jour où quelqu'un découvrirait sa double identité qu'il lui était désormais impossible de se dire que les sous-entendus de l'élèves puissent n'être qu'autant de pièges destiner à la faire se vendre d'elle-même. Et si elle résistait encore en s'efforçant de ne pas lui simplifier la tâche, c'était plus dans l'optique de ne pas se soumettre à son jugement que dans celui de le faire douter puisque, pour elle, il n'y avait plus aucun doute : il savait.

« Pas sous ce jour en tout cas. » Confirmation et révélation : Griffin savait et, en plus de ça, était un pervers sans scrupules ! Horrifiée intérieurement par ce que sous-entendait cette réplique, Billie s'obstina à ne pas ciller et à ne surtout pas laisser aux images mentales le loisir de s'installer dans son esprit. Elle refusait de croire que ce sale gosse puisse profiter de ses connaissances sur sa double vie pour lui demander des choses allant à l'encontre de la morale et de bon nombre de ses principes personnels ... Aussi, pour ne pas se trahir en répondant de manière trop émotive, Billie préféra garder le silence et s'enfoncer encore un peu plus dans cette guerre des regards qui semblait vouloir dire d'une part " est-ce que tu vas oser, sale con ? " et de l'autre " avoue, où tu vas voir de quoi je suis capable, idiote ". Le temps sembla se figer et chaque battement du cœur de la barmaid raisonnait à ses tympans comme un le gong d'une sentence proche. Elle aurait aimé croire que O'Bannon ne se montrerait pas salaud au point d'abuser d'elle en se servant de son secret, malheureusement ses antécédents en terme de cassage de pieds ne lui laissaient pas grand espoir et - même si, jusqu'alors, leurs prises de bec s'étaient avérées somme toute bon enfant - il n'en restait pas moins que jamais les enjeux n'avaient été aussi gros qu'en cet instant vis à vis de Billie et des plumes qu'elle avait à y perdre. Sachant que le pouvoir appelait le pouvoir et que ce dernier était capable de faire tourner plus d'une tête, elle redoutait que Griffin puisse se laisser tenter par un jeu malsain qui la forcerait à faire des choses qu'elle n'avait pas du tout envie d'accomplir.

Soudain, le rire de l'étudiant la prît de cours et la désarma momentanément. Elle s'était tellement attendue à ce que je couperet tombe que cette manifestation guillerette la fit ciller imperceptiblement. Toutefois, elle compris bien vite que ce rire n'apportait pas pour autant la délivrance et le soulagement avec lui ... « Je le savais, j'aurais mieux fait de jouer le coup du séducteur ! » Séducteur ? Lui ? Elle peinait à visualiser la scène. Comme si le voir arriver avec ses airs de coq endimanché et attentionné ne lui aurait jamais mis la puce à l'oreille ! Qu'il la prenne pour une blonde pendant qu'il y était, elle n'était plus à ça prêt ! Crétin ! « C'est vrai, une fois dans mon lit, ça aurait été bien plus simple de trouver les grains de beauté compromettants. » Par réflexe, Billie se fit la remarque de ne jamais plus venir travailler en jupe ou en débardeur. Apprendre que Griffin était aussi observateur éveilla en elle une envie soudaine de brouiller le plus de pistes possible ; non pas pour le faire se raviser (car le mal était fait selon elle maintenant qu'il était au courant), mais plutôt pour s'assurer qu'il ne puisse jamais prouver clairement ce qu'il avançait. Après tout, c'était tout ce qui lui restait pour juguler la fuite : les apparences volontairement trompeuses et trompées ... Mais là n'était pas la question pour le moment, alors qu'il lui faisait face et qu'il s'était rapproché avec son sourire de requin affamé. Téméraire, Billie s'accorda ce qu'elle pensait être une remarque légitime et facile, certes, mais qu'aucun employeur n'aurait lui reprocher dans le cadre de ce qui s'apparentait d'assez près à un harcèlement sexuel : « Pour me mettre dans ton lit, encore aurait-il fallu que tu sois capable de me séduire Griffin et, crois-moi, je n'ai jamais été aussi sincère qu'en t'affirmant que tu n'as aucune chance. » Dédaigneuse, elle s'en voulait de se monter aussi mesquine que lui, mais elle espérait qu'en le renvoyant dans les cordes de cette façon et en remettant en doute son pouvoir de séduction, elle parviendrait peut-être à le piquer assez dans son orgueil pour qu'il perdre de vue, ne serait-ce que le temps d'un instant, l'idée sournoise de la piéger et de l'inciter à se vendre laissant échapper un mot malheureux ... « Alors, puisque la messe est dite, j'encourage l'enfant de cœur à rentrer chez lui ! »