Forcer le passage. Obliger Roman à l’accueillir chez lui. Lucie avait choisi de s’imposer à Roman. Si son désir de tisser des liens avec son frère devenait si intense, Roman constituait la cause principale de cet état de fait. A force d'être repoussée et  traitée comme la dernière des idiotes, la jeune White avait choisi de se montrer plus insistante, sans pour autant compromettre ses valeurs ! Aussi, elle avait fait croire à Roman qu’elle n’avait nulle part où aller s’il ne l’accueillait pas chez lui. Pire encore, elle avait laissé sous entendre que de voir une Da Russo à la rue ne pouvait que nuire à la famille. Bien sûr, c’était mal. Mais l’unique autre solution aurait été de demander de l’aide à James O’Malley. Or de question de quémander à l’homme qui avait ruiné son père adoptif.

Bref, Lucie se trouvait donc depuis quelques jours chez Roman. Il avait soigneusement prit soin de l’éviter comme la peste et Lucie se désespérait de ne pas le voir. Encore une fois, elle supposait que l’aîné ne prendrait pas la peine de rentrer pour manger avec elle. Il se pointerait tard, très tard lorsqu’elle serait couchée et endormie à point fermé. Aussi, la jeune femme avait choisi de s’occuper à sa façon. Depuis un récent contact étrange, Lucie s’interrogeait beaucoup. A quoi ressemblerait sa sœur ? Que serait elle ? Que vivrait elle actuellement? Pour se faire une idée de la chose et des compétences de sa jumelle, Lucie avait posé un pied dans la chambre de son frère ou tout au moins une pièce où se trouvait une montagne d’affaires à quelques ex à lui ou coup d’un soir. Qu’importe au final car Roman ne couchait et ne sortait qu’avec des filles portant des vêtements de marques et de haute gamme. Monsieur ne choisissait pas n’importe qui. Ainsi, les vêtements qui se présentaient à elle valait une petite fortune.

Lucie s’empara d’un haut à paillettes au décolleté plus que plongeant et au dos nu. Une jupe courte laissait deviner la longueur de ses jambes, ensemble accentué par une paire d’escarpins de luxe et complètement en désaccord avec le reste de la tenue. Mais si le corps se changeait, les compétences demeuraient étrangement inconnues. Misty parviendrait-elle à réussir certaines choses que Lucie n’avait jamais réalisées ? Persuadée qu’un lien immuable la liait à sa sœur, Lucie décida de se concentrer pour faire appel à cette connexion particulière. En tirant l’une des tiroirs de la salle de bain, Lucie trouva un préservatif. Pour la première fois de sa vie, le petit bout de latex se trouvait entre ses doigts. Que devait elle en faire ? Trouver un truc pour le mettre !

Aussitôt, la direction de la cuisine fut prise pour dégoter une courgette. Durant un court instant, Lucie s’interrogea. Est-ce qu’un homme avait un truc aussi gros entre les cuisses ? Serrant les siennes avec force Lucie frémit ! Jamais ca ne rentrerait ! C’était beaucoup trop gros pour elle ! Les hommes étaient des monstres !!!

Heureusement ce problème ne se posait pas à l’instant ! Elle préféra déposer le tout sur la table et attraper son ordinateur portable pour une ou deux recherches sur la taille d’un pénis. Et voilà donc, l’ordinateur chargeant une page censée la renseigner sur les pénis et elle à malmener une courgette pour tenter de passer un préservatif qu’elle avait mit à l’envers ! Evidemment, c’est à cet instant que la porte s’ouvrit. Aussitôt, Lucie sursauta si violemment que son substitue de phallus se trouva coupé en deux par une capote complètement déchiré. Soyons heureux qu’il ne s’agisse pas d’une réelle personne mais bien d'un malheureux légume (ou fruit selon les dires) ! Alors qu’elle tentait de cacher le tout dans son dos, elle heurta doucement l’ordinateur et actualisa la page internet. Aussitôt, une vidéo d’un mâle exhibant ses parties génitales pour vanter la taille de la chose se mit en route. Le visage de Lucie se décomposa, littéralement horrifié par la chose. D’un coup sec, elle referma l’ordinateur. Malheureusement, si la vidéo s’était arrêtée, des bruits étranges continuaient à émaner de l’appareil. La mise en vieille semblait durer un long, très long moment. Bien ? Et maintenant ? Que dire alors qu’elle était habillée pire qu’une prostituée sur le trottoir et qu’elle venait de castrer une courgette devant une vidéo suspecte ? Aucun livre ne mentionnait la démarche à suivre ! Lucie avait l’habitude des situations périlleuses mais celles-ci lui échappait !

Les joues rouges de honte, Lucie refusa de redresser le regard. Dans l’affaire, Roman ne semblait pas être l’unique concerné. Surtout première rencontre avec le reste de la famille!

Pas une, mais deux personnes venaient de faire leur apparition dans la pièce. La moitié d’un concombre en main et un morceau de préservatif dans l’autre, Lucie venait de faire sa toute première entrée en matière dans la vie de Briséïs et plus encore celle du sexe. Inutile de plaindre le prochain à passer entre les mains de la jeune femme. Il ne serait pas pour tout de suite. Grand bien lui en face. Imaginez le traumatisme de finir castré.
Comme à son habitude, Roman se montrait cassant, un faux blasé que Lucie soutenait d’un sourire crispé. Nerveusement, un petit rire outrepassa ses lèvres. La tentative ne parvînt pas pour autant à faire passer les gémissements de jouissance surfait de la vidéo. Heureusement, l’ordinateur poussa sa dernière soufflante avant de terminer ce supplice auditif dans un clignotement. Eteint. Ouf, pensa Lucie.

« Salut. » Marmonna-t-elle dans un enthousiasme surfait.

Les deux trouvaient des occupations pour noyer le poisson ou plutôt Lucie dans son malaise. La fille partait pour la cuisine et un verre de champagne alors que Roman semblait plus décidé à ignorer sa sœur.

« Je me demandais juste comment on le mettait. » Se justifia maladroitement Lucie en se penchant pour ramasser son légume.

Mouvement désobligeant s’insurgeront les plus prudes. Le haut de Lucie s’avérait bien trop décolleté pour un tel geste. Heureusement, nous étions en famille.

« Si papa avait su mieux l’utiliser. Tu n’aurais pas de souci. » Plaisanta Lucie en agitant le cadavre en plastique.

L’autodérision, marque de fabrique de Lucie depuis des années. Son estime pour elle-même frôlait le zéro et ne souffrait plus d’éventuelles mesquineries. Il était déjà à terre depuis bien longtemps. De toute façon, comment aurait-elle pu tenir la tête haute alors que ce préservatif semblait avoir une texture étrange ? Pourquoi est-ce qu’il glissait autant ? Pire qu’une peau de banane. Pourtant tout ce qui dérapait ici s’avérait être, outre la situation, l’esprit de Lucie. Parfois, l’étudiante songeait à ne plus se poser de question, puis son cerveau reprenait ses droits. Une montagne d’interrogations, toutes légitimes, lui passaient entre les deux oreilles. Par exemple, pourquoi est-ce que Roman prenait toujours tout mal ? Pourquoi est-ce qu’il passait son temps à la rabaisser et lui rappeler que son père ressentirait une profonde honte pour sa fille ? Parfois, la blonde envisageait l’idée que son paternel avait attendu sa mort pour la reconnaître afin de ne pas avoir à constater quels genres de trous de cul il avait engendré. Son désir de voir son géniteur lui avouer à quel point il était fier d’elle n’arriverait jamais. Roman aurait pu faire office de substitue et lui dire un jour que Monsieur Da Russo aurait été fier d’elle mais son frère n’envisageait pas les choses de cette manière.

Lucie demeurait naïve, un peu trop jeune pour comprendre l’ensemble des engrenages de la situation et encore nouvelle dans le monde de Roman. Les défauts se bousculaient chez elle sauf son manque d’intelligence. Aussi, elle laissa Roman s’assoir tranquillement chez lui, suivi de près par Briséis. Inutile de préciser qu’elle ne voyait pas l’intérêt de siroter du champagne à une pareille heure de la journée et qu’elle trouvait même ce comportement à la limite dangereux pour la santé. Sans attendre que la tempête lui retombe sur le coin de la figure, la jeune femme plia bagages. D’abord l’ordinateur sur les genoux, puis sous le bras et enfin, elle se redressait avec son légume et sa jupe extravagante. Peu coutumière des talons, elle abandonna le tout sur place. Autant laisser Roman et Briséis se prendre le bec l’un avec l’autre. Lucie n’allait pas cracher sur pareille diversion.

Mais Roman embraya sur la vie sexuelle de Lucie, ou plutôt son absence de vie sexuelle. Si la jeune femme aurait pu sentir honteuse de son manque d’expérience, il n’en fut rien. Pourquoi ? Elle avait dix-huit ans, savait pertinemment que le grand amour n’existait pas et refusait catégoriquement que quelqu’un se serve d’elle autant pour obtenir du plaisir que pour servir un quelconque intérêt politique, économique et autres détails que pouvaient apporter le nom des White couplé à celui des Da Russo. Aussi, la réplique pu surprendre Roman pour cette fois.

« Personne n’a eu les bourses nécessaires pour obtenir ce privilège.»

Pour replacer les choses dans le contexte, Lucie avait été éduquée dans une vieille famille, bien plus vieille que celle de Roman. Ses ancêtres avaient probablement les mains salies par la traite négrière. Ils avaient réussi à occuper de grandes places, pas assez pour briller, mais suffisamment pour avoir beaucoup d’influence. Son père avait formé des grands hommes dont James O’Malley, maintenant multimilliardaire. Depuis que Lucie avait intégré la famille White, son cœur ne battait plus pour le prince charmant mais pour un mariage purement politique ou économiquement correct. Cette alliance avait été convoitée par bons nombres de prétendants. Pourtant, Monsieur White n’avait pas encore choisi son poulain. Dans l’affaire, Lucie aurait pu se rebeller pour prendre sa vie en main et son avenir. Mais non. Sa vie avait été remplie d’amour et d’attention grâce à Monsieur White. Depuis l’âge de ses huit ans, Lucie savait qu’elle servirait à permettre la pérennité de l’entreprise familiale. Les riches ne trainaient qu’avec les riches. Ceux ayant un nom connu et réputé pouvaient se permettre de choisir plus encore. Lucie savait que son père attendait de se refaire une santé financière avant de jeter sa petite chérie en pâture aux quelques mâles de bonnes familles.

« Je vais te chercher ton verre de champagne. Promis, on ne mangera pas de concombre ce soir ! Je ramène des petits gâteaux aussi! » Ricana la jeune femme en trottinant vers la cuisine pour trouver un verre à champagne et … du champagne sans alcool. Quoi ? Ca avait presque le même gout ! Hors de question que son frère se ruine la santé avec de l’alcool avant même l’heure de l’apéro !