La bibliothèque, lieu qui représentait à peu près tout ce dont j'avais toujours rêvé. Un lieu paisible où trônaient de lourdes étagères surchargées de livres en tout genre dont les reliures, plus ou moins encornées, semblaient me faire de l'œil à chacun de mes passages entre ces quatre murs. Dés lors que je mettais un pied dans cet endroit, tous mes soucis restaient sur le pas de la porte, et aujourd'hui, se fut encore le cas. Il était vingt-et-une heure passée, et je venais tout juste d'entrer dans ce lieu quasi dessert, commençant à parcourir des yeux les rayonnages sans trop savoir sur quel livre je voulais m'arrêter en particulier. Laissons donc le destin agir. Pour n'importe quel autre étudiant, ces livres n'auraient été que de vulgaires manuscrits divers et variés, mais à mes yeux, les ouvrages semblaient être des plus précieux, m'incitant à passer un index sur leur tranche dans l'espoir d'en agripper un dans les secondes à venir. Nombreux d'entre eux étaient des plus poussiéreux, laissant à croire qu'ils n'avaient pas été sortis de leur étagère depuis des lustres. Les étudiants de cette université ne devaient avoir aucun goût, où alors, était-ce moi, tout simplement, qui était un être des plus bizarres. Il faut dire qu'en bon étudiant en littérature avenant à devenir écrivain, j'étais fasciné par tous les livres possibles et imaginables, des contes pour enfants aux plus grandes œuvres de Victor Hugo, tout en passant par les romans fantastiques. Mes doigts s'attardent sur un ouvrage en particulier, une œuvre de Jules Verne nommée L'île mystérieuse, et je vins à m'en emparer avant de m'installer au fond de la bibliothèque, à une table vacant de tout étudiant, non loin d'une fenêtre. Je me plonge donc avec délectation dans cette œuvre d'aventure qui me permet d'oublier cette journée remplie de petits tracas en tout genre, me laissant distraire par des pages qui me tenaient hors d'haleine. J'ai passé les heures qui ont suivi à lire sans jamais pouvoir m'arrêter, bien trop absorber par les mots couchés sur le papier, rêvant moi aussi à devenir un jour aussi célèbre que ce Jules Verne à l'aide de mon écriture. Mais pour un Israélien qui vient tout juste d'arriver en Californie, j'ai encore un tas de choses à apprendre, bien que je m'accroche à ce rêve comme à la prunelle de mes yeux. Me redressant finalement, après avoir dévoré la première partie du roman, je jette un coup d'œil à ma montre qui indique près de minuit et demi. La bibliothèque n'est-elle pas censée être fermée à l'heure actuelle ? À en juger par la porte close devant laquelle je me trouve, je me doute que oui. Malgré tout, je tente encore et toujours de pousser la porte dans l'espoir de la voir miraculeusement s'ouvrir, tambourinant même à cette dernière. « Y'a quelqu'un ?! Je suis enfermé ! » Et j'ai pas l'air d'un abruti, soyez-en certains. Mais qui est l'abruti qui a osé fermer cette porte alors que j'étais encore à l'intérieur ? Sans nul doute, ce stagiaire à la noix qui vient tout juste de commencer à travailler en ces lieux, celui que j'ai aperçu au moment où j'ai fait mon apparition dans la pièce, un binoclard tout coincé et tout moche que je n'ai pas vraiment osé approcher de peur que sa laideur soit aussi contagieuse qu'une grippe. Encore un qui ne connait en rien son boulot et qui ne servira pas à grand-chose. « Mais ouvrez cette porte, bordel ! » J'agrippe mon portable, dans l'espoir de pouvoir contacter mon frère jumeau, Kenzo, afin qu'il ne me sorte de ce merdier. Même si je me doute qu'il ait d'autres préoccupations à l'heure présente. Peu importe, personne n'avait le droit de savoir que Rayan Clives-Harabo a été enfermé dans une bibliothèque, hormis lui. Bien évidemment, il n'y a pas de réseau dans ce fichu endroit. Un dernier coup contre la porte et voilà que je m'arrête de bouger, ainsi que de hurler. J'ai cette soudaine impression que quelqu'un m'observe.