the great escape
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« no happy ending. »

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MessageSujet: « no happy ending. » « no happy ending. » EmptyVen 25 Oct - 22:19



Debout contre la rambarde qui fait face à la baie de San Francisco, un homme demeure aussi immobile que le grand chêne sous lequel il se trouve. Son regard bleu lagon se confond avec le temps nuageux qui règne en menace calme au-dessus de la ville, le vent soulève à peine les pans de son grand manteau noir. Si ses traits sont figés, ce n'est pas pour rien : comme tout Britannique à l'éducation strictement anglaise, faire étalage du moindre sentiment en public, fût-il restreint, est une attitude à bannir, quelle que soit la circonstance ou la situation. Derrière lui, de nombreux anonymes habillés de couleurs aussi sombres que le ciel se pressent lentement en une procession silencieuse, la tête basse et la bouche pincée. Mais il n'y prête pas attention. Sur le visage de l'homme seul, aucune larme ne vient couler sur son visage aussi inébranlable qu'un roc fasse à la houle. Il attend dans son coin, isolé, que la cérémonie débute. Cet homme, c'est moi. Et aujourd'hui est à graver comme l'une des pires journées de mon existence.

3 jours plus tôt, vers l'hôpital de San Francisco.

"Benedikt, c'est moi. Tu sors de ton cours immédiatement et tu pars récupérer ton frère à l'école. Je me fiche complètement de savoir si tu es en examen ou pas ! Sophie est en train d'accoucher et je ne peux pas être partout ! J'écrirai un mot d'excuse… non, j'écrirai un mot d'explication à ton professeur et tu passeras ton partiel une autre fois. Et dépêche-toi, tu devrais déjà être parti !!" Je raccroche le téléphone pour prendre un virage serré en direction de l'hôpital. J'ignore Sophie qui râle sur le fait que je ne devrais pas conduire à plus de 100 km/h et téléphoner au beau milieu d'une zone piétonne à 30 km/h, c'est le passage le plus rapide vers la maternité. Les gens se jettent sur le côté pour ne pas rentrer en collision avec la voiture, je demeure concentré sur la conduite. En cinq minutes, je me gare en catastrophe sur la place réservée aux ambulanciers puis je me dépêche de sortir pour aller ouvrir la porte à la Française. "Tu ne peux pas marcher ? Bon sang, pourquoi est-ce qu'il n'y a pas de brancard ?!" Shark est en colère, gare à vous, il est plus dangereux que le serait une bombe nucléaire, à cet instant. Je m'arrange pour prendre Sophie dans mes bras, mû par l'adrénaline, et je fonce en direction de l'accueil où la secrétaire bondit de son bureau en me voyant arriver. "Sophie Gallagher, elle est à huit mois et vingt-deux jours de grossesse, elle est en train d'accoucher !" Le service arrive au pas de charge avec un lit mobile pour transporter Sophie qui souffle de façon très rapprochée et bénit les infirmiers qui s'occupent rapidement d'elle. Si je veux assister à la naissance ? La filmer ? Et puis quoi, encore ? "Je ne filme rien, et encore moins ce genre de boucherie." Interloquée, la sage-femme met du temps à me tendre la blouse qu'il va falloir que j'enfile par-dessus mes vêtements, je la saisis donc sèchement puis je soupire de dépit avant d'enfiler ce monstrueux bout de tissu neutre avant d'entrer dans la salle. J'arque un sourcil en voyant la position dans laquelle Sophie se trouve, sa tenue et sa tête. "Ton sex-appeal vient d'en prendre un coup supplémentaire…" Le sarcasme anglais n'est jamais bien loin. L'insulte française non plus, vu qu'elle me hurle, je cite, "d'aller me faire foutre moi et ma saloperie d'humour à la con". Priceless. Comme un bon père doit le faire, je me place à côté d'elle et j'observe le réflexe sacrificiel d'offrir ma main en offrande à la femme qui s'acharne à expulser la petite chose plissée et criarde qui va bientôt nous faire office de fille. "Je te préviens, si tu me serres trop fort, je vais serrer aussi." grognai-je, menaçant, en encaissant à nouveau une décharge de douleur me broyant les doigts. Sophie lutte comme jamais pour pousser et obéir aux ordres que les médecins lui donnent, je profite donc d'un instant de faiblesse pour lui parler de quelque chose de crucial. "Je pense que c'est le bon moment pour te dire que finalement, ce serait bien que tu acceptes Juliet pour notre fille car je trouve que pour une franco-anglaise qui vit sur le territoire américain, c'est logique qu'elle ait un prénom qui se fonde dans la masse. J'ajoute qu'en tant qu'éditeur et homme de lettres, il est plus admissible que…" Une nouvelle contraction me broie les doigts dans sa main et voilà que Sophie me hurle qu'elle est d'accord pour tout, pour peu que j'arrête de parler de ça. Shark for the win, bitches. Un air satisfait sur le visage, je me redresse un peu puis commence enfin à l'encourager. Quelques minutes à peine plus tard, nous entendons un cri résonner qui me donne des frissons encore méconnus jusque là. Les yeux écarquillés, je vois une petite créature gigoter dans les bras de la sage-femme qui coupe le cordon ombilical avant de venir poser la petite sur sa mère. Épuisée, Sophie observe tout de même un radieux sourire de fierté tandis que je regarde la petite fille qui geint… Des larmes commencent à naître dans le creux de mes paupières, mais je les chasse d'un mouvement du revers de la main. "Elle est splendide, tu as fait des merveilles à nouveau." chuchotai-je d'une voix rauque trahissant mon émotion. Je pose mes lèvres sur le front de Sophie puis j'ose poser mon index tremblant sur le front de la petite. Ca y est, je suis papa. A nouveau. Mais il faut croire que chaque bonheur doit avoir sa part de malheur en compensation, et c'est un "bip" strident qui me ramène à une réalité que je n'aurais pas pu imaginer aussi dure…

Trois heures plus tard.

Je me réveille douloureusement, un mal de crâne carabiné m'attaque. Tout mon corps me parait engourdi… pourquoi ai-je dormi ? Quand j'essaie de porter ma main à mon crâne, quelque chose m'en empêche. Des liens. Je réalise que je suis attaché sur un lit dans une chambre d'hôpital. J'essaie de m'en défaire, mais de vives douleurs sur les bras et à la tête me rappellent à l'ordre. Une infirmière et le médecin qui s'est occupé de Sophie rentrent dans la chambre, un air inquiet et morne sur le visage. "Puis-je avoir l'audace de demander pourquoi diable quelqu'un m'a attaché comme une vulgaire bête à ce lit d'une manufacture qui laisse à désirer ?" Il parle bien, mais il est très agacé, l'un n'empêche pas l'autre. "Nous ne voulions pas que vous causiez davantage de dégâts, c'est une mesure de précaution. Vous avez démoli le bureau du secrétariat de la maternité, envoyé deux infirmiers en service de traumatismes crâniens et vous vous êtes ouvert le bras à force de frapper ceux qui ont essayé de vous maîtriser. Nous avons été contraints de vous endormir." Je fronce les sourcils, incapable de me souvenir de ce qui ressemble bien à un violent accès de rage. Pourtant, à l'extérieur de la chambre, des néons pendent dans le vide avec des étincelles qui sortent de temps à autres, le secrétariat est littéralement dévasté et quelques agents sont en train de nettoyer des tâches de sang sur le sol et les murs. "Pourquoi… pourquoi est-ce que j'ai réagi comme ça ? Où est Sophie ? Notre fille ?" L'infirmière qui s'occupe de nettoyer et désinfecter à nouveau mes plaies tourne la tête vers le médecin qui s'avance en gardant une mine sombre. "Votre fille se trouve au service de néonatalogie, sous surveillance dans une couveuse le temps que tous ses systèmes soient stables. – Et Sophie ?" Je profite du fait que l'infirmière m'ait détaché pour les soins afin de me lever et faire face au médecin qui me fixe droit dans les yeux. "Mademoiselle Gallagher a fait une hémorragie interne liée à sa déficience rénale que l'accouchement a durement fragilisé. Nous avons essayé de la sauver, mais en vain, elle n'a pas survécu. Je suis navré, Monsieur Shark." J'écarquille les yeux et je recule en titubant pour m'asseoir sur le lit. J'ai l'impression de me prendre une droite dans l'estomac. Je serrais sa main il n'y a pas quatre heures encore. "Non. Non, vous devez faire erreur sur la personne. – Non, Monsieur Shark. C'est la raison pour laquelle vous vous êtes mis en colère, nous avons pourtant fait tout notre possible pour… - Tout votre possible, ce n'était pas suffisant !! Dégagez, laissez-moi ! Allez-vous en !!" L'infirmière recule vivement, de peur d'être la prochaine victime de la colère homérique qui m'a poussé à me montrer aussi destructeur tout à l'heure. Maintenant, tout me revient, les choses sont plus claires. Le médecin obtempère et s'en va sans plus de cérémonie, mais l'infirmière attend en peu en me regardant avec compassion. "Monsieur, navrée de vous déranger, mais il me faudrait le nom de votre fille pour l'inscrire dans le registre." Ma fille… J'avais bien dit qu'avoir cet enfant allait être compliqué. Je soupire et tourne le dos à la jeune femme en regardant dans le vide. "Camille. Camille Shark-Gallagher." La jeune femme hoche la tête puis s'en va. Camille est le prénom que Sophie préférait, celui de sa grand-mère.

Aujourd'hui, à la chapelle de la Baie de San Francisco.

Je me tiens donc face à l'océan, seul et silencieux. Tout m'échappe, tout s'envole et me glisse entre les doigts. Cela fait trois jours que je ne dis rien, que je ne mange presque pas. Je me suis rasé et préparé pour l'occasion afin de sauver un peu les apparences, mais sans être aussi élégant que d'ordinaire. Au diable ce que les gens pourront penser. Je ne veux déjà pas laisser la moindre émotion s'emparer de mon visage. "Joe. Tes fils se demandent où est leur père." La voix de ma mère m'arrache à la vacuité de mes pensées, je lève les yeux vers le ciel. "Ce n'est pas leur père, qu'ils cherchent." Ma mère baissa les yeux tandis que je me retournais pour me rendre à mon tour à la chapelle. Lorsque j'entre, je n'adresse aucun regard aux personnes présentes. J'aperçois tout de même Logan, entre autres. Que nul ne vienne me parler. Je frappe le premier qui aura l'audace de me présenter ses condoléances. Je m'arrête un instant face au vase scellé qui se tient devant le grand portrait photo de Sophie. Elle a voulu être incinérée, inscrivant dans son testament qu'elle voulait demeurer libre et aller là où le vent la portera. Sophie et ses idéaux. La photo choisie est parfaite. Elle y paraît souriante, heureuse et pourtant touchée par la mélancolie. Mes mâchoires se serrent tandis que je détourne le regard pour rejoindre mes fils au premier rang. Connor se tient tout contre son grand frère, les joues rougies par les larmes qui coulent depuis plusieurs jours. Chaque soir, je l'entends dans sa chambre, jusqu'à ce que son frère vienne s'en occuper. Je me suis montré absent, pudique, mais une main vient se poser sur l'épaule du plus jeune des deux garçons. Il lève la tête vers moi et je glisse un pouce caressant sur sa joue en lui offrant un imperceptible sourire au coin de mes lèvres. Courage, fils, c'est un mauvais moment à passer. Je regarde ensuite Benedikt. Lui aussi est très affecté, je le sens et le vois comme le nez au milieu de sa figure. Je presse son épaule puis je m'assieds en même temps que tout le monde lorsque le prêtre rentre. Je n'écoute même pas ses paroles. Je garde les yeux rivés sur l'urne funéraire en me concentrant comme jamais pour qu'aucune forme d'émotion ne vienne trahir le chagrin qui ronge violemment la faible humanité que Sophie avait autrefois su faire ressortir. Le rayon de soleil s'en est allé, il n'y a désormais plus qu'un ciel froid et grisâtre. "Et maintenant, si quelques personnes souhaitent nous faire partager quelques mots pour Sophie, la parole est vôtre." annonça le prêtre. Je ne l'entends même pas. Mais je le remarquerai sans doute si quelqu'un s'avance pour parler à sa place.
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MessageSujet: Re: « no happy ending. » « no happy ending. » EmptySam 26 Oct - 21:10


joe & noah & benedikt
no happy ending



« Bon très bien, à qui appartient ce portable ? » Je retiens ma respiration. Si j’attrape l’abruti qui se met à me téléphoner alors que je suis en plein partiel, je lui ferais passer l’envie ! « C’est la deuxième fois qu’il sonne ! A la troisième, je fais fouiller tous les sacs pour apprendre à celui ou celle à qui appartient ce téléphone de respecter un tant soit peu le travail de ses camarades, à défaut du sien !! » Je soupire et finit par me lever, sous le regard assassin de mon professeur de physique. Je sais. Je suis mort. « Euh…désolé pour le dérangement. » lâchai-je en levant la main au ciel. « Du coup, ça vous gêne si je réponds ? Non parce que connaissant celui qui est au bout du fil, si je réponds pas, ce sera pire quand je rentrerai chez moi. » Sans laisser le temps à mon prof de répliquer, je décroche donc, sous le regard médusé de tous les étudiants. J’entends même les pas de Mr. Morris se rapprocher dangereusement. Ca va être ma fête. « Vous êtes bien sur la messagerie de … » Ah dommage, il y a pas cru. « Ouais, je sais que c’est toi. J’te signale que je suis en exam’, là ! …Quoi ? Oh put** ! » Il n’a fini sa phrase que je suis déjà en train de faire mon sac. “Monsieur Shark-Alekseievi !! » « Désolé, pas le temps. Je vais accoucher ! » grognai-je au professeur en dévalant les marches des escaliers deux par deux. J’ai dit quoi là ? Peu importe. Je suis déjà au volant de ma moto en direction de l’école de mon petit frère. « Salut ! Désolé de vous déranger mais il apprendra l’alphabet une autre fois, promis. Connor, bouge, notre petite sœur débarque ! » criai-je tout de joie en attrapant son col de tee-shirt, devant l’ahurissement de toute la salle, maîtresse y compris. Vingt minutes plus tard, et je suis coincé dans les embouteillages. Saleté de *** ! « Put*** TU VAS LA BOUGER TA CAISSE M*** !!! » Et un Beni dans les embouteillages n’est pas un russe heureux. « Fais ch***, on va être en retard si ça continue ! » Trente minutes. « Bon, Connor tu dis rien à p’pa, ok ?! Ni à Sophie. A personne en fait parce que c’est pas très légal c’que je vais faire ! » murmurai-je en passant au feu rouge, dépassant plusieurs véhicules arrêtés au stop et grillant même deux agents de police au passage. Enfin, on est arrivé. Une heure plus tard. « Grouillleeee !! …. Merde, c’est ….quoi ce bordel ? » Devant nous, se dresse un spectacle inimaginable. « Qu’est-ce qu’il fait papa ? Il a l’air en colère. » Je hausse les sourcils, les yeux écarquillés. Notre père en train de fracasser le mobilier de l’hôpital et d’éclater la tête du doyen par la même occasion, ça ne se voit pas tous les jours. « Ca doit être parce que c’est une fille. Je suis sûr qu’il aurait préféré un garçon. » soupirai Connor, sa main toujours dans la mienne. Pour l’enfant qui avait été aux anges en apprenant qu’il allait devenir grand frère à son tour, avant de bouder pendant des jours en apprenant que sa mère était enceinte, non pas d’un garçon, mais d’une fille, je comprends le problème.

Deux heures plus tard, et le problème était tout autre. J’avais brièvement laissé Connor sous la surveillance de Noah qui tâchait de le consoler. Moi, j’étais aux toilettes. Au début, j’ai vomi, j’ai cassé le miroir, je me suis fendu la main, il a fallu me recoudre. J’avais demandé à voir le corps, et j’avais vomi à nouveau, avant de rester prostré pendant plus d’une dizaine de minutes. Il a fallu que Noah monte me voir pour que je me décide à sortir. « Connor ? » demandai-je instinctivement en serrant le bout de mouchoir qu’il me tendait. Un reniflement bruyant me répond. Prenant mon frère dans mes bras, je pose une main dans son dos, puis sa nuque, étreignant ses larmes dans mon col de chemise déjà trempé. Je n’ai rien à dire, les mots ne sortent pas. Je suis aussi triste que lui pourtant. Le cœur brisé. Mais je suis incapable de lâcher ne serait-ce qu’une seule larme. J’ai la nausée. Je suis en colère contre les médecins qui n’ont pas su la soigner. En colère contre ce foutu embouteillage qui m’avait empêché d’être auprès de ma…mère. En colère de ne pas pouvoir faire sourire mon petit frère comme avant. « Où est-ce qu’il est ? » Un murmure à peine audible. Je n’avais même pas réussi à détourner les yeux de la porte, lorsque Noah m’indiqua le chemin jusqu’à la chambre de notre père. J’entre, mes bras soutenant fermement mon frère qui n’arrête plus de renifler, sangloter et réclamer sa mère. Là, immobile, je lève mon regard vers lui. Il parait aussi bouleversé que son fils cadet, même s’il n’en montre rien. Mais je connais mon père. Et je connais les sentiments qu’il avait pour cette femme. « Papaaa… » supplia Connor en tendant les deux bras vers Joe. Dans de telles circonstances, je les laisse se serrer l’un contre l’autre. Et j’attends, patient, passif, éteint.



CHAPELLE DE LA BAIE DE SAN FRANCISCO


« Comment tu te sens, Beni ? Ca va aller ? Tu n’as pas dit un mot depuis … »  Longtemps. Depuis que j’avais appris la nouvelle, pour être précis. Connor lui, passait son temps à chercher les bras de son père ou les miens. A discuter avec sa grand-mère depuis qu’elle était présente. Bref, il affichait ses émotions au grand jour, comme le ferait n’importe quel enfant. Moi, je n’avais toujours pas émis un son. Ni pleuré, ni tremblé de colère. Rien. Ni avec mon père, mon frère, ma grand-mère ou même Tacha. La plupart du temps, je prenais soin de mon petit frère, et quand il n’avait pas besoin de moi, je m’enfermai seul dans ma chambre ou j’allais faire un tour, pas loin, en moto. Je n’avais parlé à personne de ce que je ressentais. « Je vais très bien. » Je suis triste, mais ça va, je gère. Je suis comme mon père. Jetant un œil dans la chapelle dans laquelle s’est agglutinée une foule de monde, amis de Sophie, proches, collègues de travail, je cherche Joe du regard, sans résultat. Nous sommes encore sur le perron, devant l’allée. Je sens le cœur de mon frère s’affoler lorsqu’il contemple le cercueil dans lequel repose le corps de sa mère. Il porte un costume sombre trois pièces, comme moi. Et pourtant, il tremble, comme s’il avait froid. « Ca va aller, Connor. Tiens-toi bien droit. Dis-toi qu’elle ne souffre pas, là où elle est. Elle veillera toujours sur nous, tu sais. Elle nous aime de là-haut, même si nous on la voit pas. » tentai-je maladroitement. Je n’ai jamais été doué lorsqu’il s’agissait de réconforter quelqu’un, pire encore de la mort. Mais j’essayais. J’essayais de paraître crédible, même si je n’étais pas croyant. « Viens, on va aller s’asseoir. » Nous faufilant jusqu’à la première rangée, celle des parents de la défunte, je ne jette pas un seul regard à ceux qui nous observent, compatissants. Je les méprise tous. Je ne les connais pas, la plupart ne me connais pas non plus. Et j’ai horreur de la pitié que je lis en eux. Fermez-la, tous. On ne fait pas pitié, on n’a pas peur. On est courageux. On saura faire face. Notre père arrive, enfin. Se souciant d’abord de son cadet, avant que je ne lui rende son soutien du regard. « Et maintenant, si quelques personnes souhaitent nous faire partager quelques mots pour Sophie, la parole est vôtre. » Je baisse la tête, troublé. Je n’ai rien préparé. Mais j’avais des choses à dire. Tellement de choses. J’aurai dû les lui dire quant elle était en vie. Je regrette aujourd’hui qu’elle ne soit plus là pour les entendre. Tiens, Noah s’avance. Il a les traits tirés, comme nous tous. Ses yeux effleurent brièvement les épaules de son frère de cœur, avant qu’il ne se dresse devant l’assemblée. « Sophie Gallagher. Je ne la connaissais pas aussi bien que je l’aurai désiré, mais Sophie était une femme d’une exceptionnelle générosité. A la fois douce, compréhensive et attentionnée envers les siens. Lorsque Joe m’a parlé d’elle pour la première fois, j’ai tout de suite compris pour quelles raisons ils s’étaient aimés. Sophie était une personne à qui l’on ne pouvait rien refuser. D’un seul sourire et elle transformerai votre vie entière. Je ne crois pas qu’elle n’ait jamais eu aucun ennemi. Partout où elle allait, elle était appréciée pour sa dévotion et son extrême gentillesse. Aujourd’hui, elle est partie. » Là, il s’arrête, le temps de reprendre son souffle et d’essuyer les larmes qui avaient roulé le long de ses joues. « Mais…elle sera toujours pour nous, la Sophie joyeuse, aimante et admirable que nous avons tous connue. Je veux que vous gardiez cette Sophie-là en mémoire et non l’image de cette boîte dans cette Chapelle. N’oubliez jamais qui elle était. » Un nouvel arrêt, un sourire à l’attention de Connor, avant qu’il ne se rassoit aux côtés de Kirby et que je ne prenne la parole à mon tour. J’ai mis plusieurs minutes avant de pouvoir articuler une phrase. Plusieurs minutes avant de pouvoir regarder l’assemblée. Et quand enfin j’ai pu m’adresser à elle, ce ne fut que pour quelques mots, banals, et un regard attristé vers le cercueil. « Sophie a toujours été …particulièrement attentionnée envers moi. Comme … une mère, pour son enfant. Je sais que nous n’étions pas parents et pourtant…je l’ai toujours considéré comme telle. C’est…grâce à elle, que je suis devenu ce que je suis aujourd’hui. Nous étions très…proches, tous les deux. Et je garderai toujours en tête, cette nuit où elle est venue me voir, dans ma chambre, pour m’embrasser sur le front, et m’annoncer avec émotion, qu’elle serait désormais ma mère, et que j’avais tout intérêt à l’appeler ‘maman’ si je ne voulais pas qu’elle me donne la fessée. » Je me mets à rire, les yeux baissés. « Je suis désolé, …je ne te l’ai jamais dit clairement mais … » M’approchant de son corps étendu sur le linceul, je contemple son visage apaisé, pour la dernière fois. « Je t’aime, maman. » Et je m’éloigne, le cœur brisé, faisant mine de rien, reprenant simplement la main de Connor dans la mienne. L’air grave et imperturbable.   



∞everleigh
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MessageSujet: Re: « no happy ending. » « no happy ending. » EmptyDim 27 Oct - 10:30



Les mains jointes, assis au premier rang de l'assemblée, je ne fais attention à rien d'autre qu'à Sophie. Je trouve insultant de la voir exposée aux yeux de tous, je ne tolère pas qu'on la dévisage ainsi alors qu'elle ne peut rendre aucun regard. J'ai beau être chrétien sans être pratiquant, je trouve cette coutume infâme. Si ça ne tenait qu'à moi, je me lèverai pour fermer moi-même le cercueil. Chaque fois que j'avale ma salive, je sens une douleur étreindre ma gorge. Leurs regards, à l'arrière, sont posés sur nous. La famille. Lorsque le prêtre descend de l'estrade, je fronce les sourcils. L'office est déjà terminé ? Soudain, j'aperçois Noah. Une rancœur vient noircir la prunelle de mes yeux, orage menaçant qui s'élève au-dessus d'un frère de cœur qui a souillé notre amitié. Ses mots m'écoeurent. Sont-ils faux ? Non. Chacun d'eux est d'une justesse parfaite. Mais j'exècre l'écouter à ses funérailles lorsqu'on sait que j'ai manqué de céder à l'inqualifiable mascarade que furent les siennes, quelques semaines plus tôt. Il aurait mieux fait de rester assis et de se taire. Cependant, je n'ai pas la force de le traiter autrement que comme un fantôme, je garde mon siège en caressant lentement les épaules de Connor qui écoute avec attention, entre deux sanglots. Ne pleure pas, fils. C'est triste, mais il va te falloir apprendre à grandir avant les autres, maintenant. C'est au tour de Benedikt de rejoindre le pupitre, cette fois. C'est une chose qui me blesse d'autant plus qu'il a vite considéré Sophie comme une bien meilleure mère que le fut Natacha. Et il n'avait pas tort. Le sens du sacrifice, l'amour inconditionnel, un instinct protecteur comme j'en ai rarement vu chez une femme. Sophie est née pour être mère, et a donné sa vie pour le rester. Mes pensées s'évadent une poignée de secondes vers le petit être qui sommeille chez sa baby-sitter. Camille. Je ne préfère pas m'y attarder, les gens seraient choqués du genre de considération que je porte à ce bébé. J'écoute donc attentivement mon fils, enfant dans ses mots mais adulte dans sa façon d'être. Je souris à son anecdote. Il n'a pas idée du degré de fierté que j'éprouve à son égard. Nous avons nos coups de gueule, nombreux. Mais chaque jour qui passe le rapproche de l'homme que j'aimerai le voir devenir. Digne dans toute circonstance, affirmé, solide. Une montagne parmi les rochers. Le futur chef de famille lorsque j'aurais fait mon temps. Malgré le caractère bien trempé de Connor, sa sensibilité le rapproche bien plus de sa mère que de moi. Benedikt, lui, n'a pas été élevé de la même manière. Aussi longtemps que je vivrai, je veillerai à ce que l'aîné de la fratrie suive mes pas, sans pour autant n'être qu'un mouton. Je veux lui donner les outils pour régner et lui apprendre à les utiliser. L'avenir des Shark, c'est lui. Lorsqu'il reprend sa place à nos côtés, je pose ma main sur son épaule et la presse avec une affection pudique mais sincère. Je t'aime, fils. Et je n'oublie pas ta peine, au moins égale à celle de ton cadet. "Monsieur Shark, vous souhaitez peut-être partager quelques mots avec nous pour Sophie ?" demande poliment le prêtre. Je ne me montre pas agressif envers lui, songeant qu'il a l'habitude de ces cérémonies mortuaires. Je me lève puis je marche jusqu'à l'estrade avant de déposer mes deux mains larges sur le pupitre. Soudain, c'est le vide. Une sensation terrible qui noue mon estomac. Mon regard tombe sur Sophie, immobile. Apaisée. Absente. Le bas de ma mâchoire se met à trembler d'une manière à peine perceptible. Oh oui, il y a des dizaines de choses pour lesquelles j'aimerai parler. Pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu savais que cet accouchement te serait probablement fatal ? Pourquoi ai-je dû l'apprendre dans ton testament ? Pourquoi tous ces non-dits ? À quoi bon t'offrir un rein si c'est pour donner ta vie pour un embryon même pas prévu ? Pourquoi ne me laisser avoir aucune incidence sur ta vie ? Pourquoi être aussi égoïste en m'abandonnant lâchement avec ces enfants sur les bras ?

La veille, chez le notaire.


Le vieil homme m'adresse ses condoléances, comme à peu près tous ceux que j'ai croisé depuis le départ de Sophie. Je ne réponds rien d'autre qu'un hochement de tête et un soupir agacé à peine contenu. Je m'installe face à son bureau tandis qu'il me parle de la succession et du testament. Les comptes bancaires de Sophie ont été divisés en trois parts égales. Une pour Benedikt, l'autre pour Connor et la dernière pour Camille. Les biens matériels et immobiliers me reviennent puisque Sophie n'avait plus d'autres parents. Quelques babioles pour ses amis. Le notaire sort également deux DVD, un pour les enfants et l'autre pour moi. Il quitte la pièce en me laissant seul pour visionner la vidéo, m'annonçant seulement qu'il remettra l'autre vidéo à Benedikt et Connor pour qu'ils puissent la regarder seuls. "Bonjour Joe. Si tu regardes ce film, ça veut dire que l'accouchement ne s'est malheureusement pas bien passé et que tu as probablement quelques coupures pour avoir voulu fracasser la tête des pauvres infirmiers qui se sont mis en travers de ton chemin." Si un sourire un peu gêné s'affiche sur ses lèvres, je fronce les sourcils, peu perméable à l'humour. "Je veux que tu sois conscient que je connaissais les risques encourus par cette grossesse, la gynécologue m'avait prévenue, mais j'ai tenu à continuer sans t'en parler car je sais que tu aurais voulu que j'avorte." Elle prit une inspiration puis poursuivit en repoussant une mèche de cheveux. "Il faut que tu comprennes que la maternité, c'est ce qui compte le plus à mes yeux. Bien sûr, je me sens mal à l'idée de laisser Connor et Beni derrière moi, de te laisser seul pour t'occuper de tout... Mais je serais incapable de me regarder dans un miroir si je devais me séparer d'un être vivant juste pour survivre. Je préfère savoir ma fille vivre avec son père et ses frères, plutôt que de continuer à vivre en imaginant tous les jours ce qu'aurait pu être sa vie si je n'avais pas..." Sophie leva la tête, des larmes aux yeux, émotive comme d'ordinaire. Je pince des lèvres, les poings serrés. "Bref, je ne te demanderai que deux choses : élever nos enfants de ton mieux et vivre heureux. Ne reste pas dans le remord, même si nous n'avons pas pu vivre aussi bien que nous le souhaitions. Nous avons donné naissance à une belle famille et un type qui te ressemble beaucoup m'a autrefois dit que c'est tout ce dont tu rêvais. Alors prends soin de ton rêve, Joe. Je t'aime et je te soutiendrai quoiqu'il arrive. Qui sait, dans une vie future, tu auras peut-être le loisir de me détester de mon vivant !" Elle pouffe de rire et je souris, mon index sur la lèvre inférieure. Sophie et ses croyances de réincarnation. "Au revoir, Joe. Et merci pour avoir accompli mes propres rêves." La vidéo s'arrête alors qu'elle me fait signe de la main. Je ferme les yeux, fronce les sourcils, soupire bruyamment. Muet. Que dire, de toutes manières...

Retour à la chapelle.

Comment t'en vouloir, Sophie ? Mes mains agrippent le pupitre au point de faire blanchir mes jointures, je serre les dents, le regard témoignant d'une lutte violente pour ne pas laisser paraître plus d'émotion. Je n'offrirai à personne le luxe de me voir littéralement aussi effondré que je le suis à l'intérieur. J'ai deux fils auxquels je dois renvoyer l'image d'un père fort, inattaquable, solide. Battant. Pas une loque en pleurs et en proie à une rage destructrice qui s'installe insidieusement dans son esprit. Alors, je prends une grande inspiration, tourne la tête vers le prêtre et lui fait comprendre d'un regard que je ne dirai rien. Je descends de l'estrade, ignorant les regards surpris de l'assemblée, et je rejoins mes enfants en silence. Si je parle, je faiblis. Si je faiblis, alors mes fils vont être touchés. De toutes manières, c'est à Sophie que je veux parler, pas à ces gens-là. Je ne parle déjà pas beaucoup de ma vie privée à mes rares amis, autant se mettre d'accord tout de suite pour savoir que je ne déballerai pas le moindre sentiment à une telle audience. Le prêtre rejoint sa place et invite une dizaine de jeunes à prendre place près du cercueil avant qu'il soit fermé. Il s'agit d'une troupe de chanteurs que Sophie coachait vocalement, principalement des adolescents issus de quartiers défavorisés. Tous vêtus d'un costume ou d'un tailleur pour les femmes, ils entonnent une chanson du chanteur Mika : Happy Ending. La chanson préférée de Sophie. Les paroles font un écho terrible sur ce que je ressens, sur notre histoire. Le rythme est entraînant, décalé, mais les paroles sont mélancoliques avec une justesse incroyable. Exactement comme la personnalité de celle qui est à l'honneur pour aujourd'hui. Si je reste de marbre, j'apprécie ce geste artistique qui annonce un départ en gaieté pour Sophie. Les adieux larmoyants ne lui ressemblaient pas. Ça, c'est elle. Avant de refermer le cercueil pour partir à l'incinération, je stoppe les croquemorts d'un geste de la main. Je sors un écrin de la poche intérieure de ma veste puis je le dépose sur les mains jointes de Sophie. Une bague. Une alliance qui a été achetée il y a une dizaine d'années. À l'époque, je l'aurais demandée en mariage avant qu'elle ne s'enfuie, enceinte de Connor. Je l'ai gardée tout ce temps et aujourd'hui, je veux qu'elle disparaisse avec elle. La seule femme que j'aurais pu épouser est partie, je montre officiellement que je renonce à cette idée, désormais. Ma mère fronce les sourcils avec un air désolé, tandis que je regarde une dernière fois le visage de la mère de mes enfants. Y compris Benedikt. "Au revoir, Sophie." J'opine du chef pour signifier aux croquemorts qu'ils peuvent à présent sceller le cercueil. Deux heures plus tard, nous nous retrouvons à nouveau face à l'océan, une urne contenant les cendres de Sophie entre mes mains. Comme elle l'a stipulé dans son testament, elle ne souhaitait pas être enterrée, mais plutôt qu'on disperse ses cendres au-dessus de la mer pour qu'elle demeure libre au lieu de, je cite, "s'ennuyer ferme entre quatre planches pour l'éternité". Inimitable. En outre, pétrie de culture orientale par passion, elle préférait cette pratique pour sa caractéristique romantique. Toutefois, par besoin d'avoir un lieu, l'urne serait enterrée au pied d'un cerisier au cimetière, au cas où quelqu'un voudrait se recueillir. J'ouvre le couvercle et disperse à la brise marine un tiers des cendres qui s'envolent dans une élégante volute vers le ciel qui s'est éclairci. Connor tire sur ma manche et récupère l'urne. Il la caresse, sourit un peu, puis lance également une partie des cendres en l'air en faisant un signe de la main vers les volutes qui filent au-dessus de l'eau. Je passe une main dans ses cheveux blonds, protecteur et rassurant. Puis, sans un mot, il tend l'urne à Beni. À lui de disperser les dernières.
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MessageSujet: Re: « no happy ending. » « no happy ending. » EmptyMer 30 Oct - 23:03


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Lorsque mon père s’avance à son tour, je ne me détache d’aucun de ses pas. Il est tendu. Aussi solide qu’un chêne à l’extérieur, aussi dévasté qu’une maison après le passage d’un ouragan à l’intérieur. S’il est fier de moi je le suis tout autant de lui et n’aspire qu’à lui ressembler, jour après jour. Ce self-control, cette maîtrise inébranlable. J’ai toujours pensé que c’était à partir de là qu’on devenait un homme. Et qu’à défaut de vivre la vie la plus douce, nous pourrions au moins survivre. C’est ce qui fait la différence entre les gagnants des perdants. Les dominants, des soumis. Les forts des faibles. Ma main serre plus fort celle de mon petit frère. On peut penser que ce geste l’aidait à tenir le coup, mais à la vérité, il m’aidait tout autant à ne pas sombrer. Je suis relié physiquement à un être vivant qui a besoin de moi. Je tiendrai donc le coup, pour lui. Et il n’a rien dit. Pendant une minute, j’ai cru qu’il perdrait pied et je m’apprêtais déjà à fusiller du regard l’imbécile qui aurait l’audace de faire preuve de compassion. Ou pire : de pitié. Les Shark sont une famille fière et parfaitement capable de se débrouiller par elle-même. Gare à celui qui pensera ou prétendra l’avoir vu faillir, même un jour comme celui-ci. Plusieurs autres personnes, parmi lesquels des amis que je ne lui connaissais pas, viennent lui présenter un dernier hommage. Parmi elles, un groupe de musiciens. La chanson ravive les sanglots de mon jeune frère. Je tiens bon, accaparant son épaule pour l’inciter à déverser ses larmes sur ma veste. Elle a l’habitude depuis ces derniers jours.

Deux heures plus tard, et l’assemblée s’est éloignée. La plupart est rentrée chez elle. L’autre moitié a décidé d’organiser une petite soirée en sa mémoire. Tous ont été invités. Seuls les plus courageux – ou les plus faibles, tout dépend du point de vue – s’y sont réunis. Pour ma part, je me suis rendu sur cette plage, en compagnie de mon frère dont la main serrait plus fortement mes doigts que tout à l’heure, et de mon père. J’ai horreur de ce passage, bien que je n’en dise rien. C’est la fin. Lorsque ses cendres seront dispersées, Sophie ne sera réellement plus qu’un souvenir que nous n’oublierons pas. Les premiers flocons grisâtres s’éparpillent, sous le soleil couchant. Guidés par la brise légère de l’océan. Ils sont rejoints quelques minutes plus tard par les plus âgés d’entre eux. Noirs et disparates. Ce n’est plus que de la poussière d’ange qui s’envole, lorsque je les libère à mon tour. J’ai pris mon temps, pour accepter cette culture. En Russie, les morts sont gardés, protégés, obligés de dormir sous un manteau de neige jusqu’à la fin des temps pour que les familles puissent venir se recueillir sur leurs tombes. Biensûr, il en fut de même pour Sophie, mais c’est différent. Il n’y a pas de corps, juste son nom. Cette croix, ce cercueil vide. Et lorsque je relâchais les dernières cendres, il n’y aura plus rien qui me rattachera à cette femme. A ma mère. Voilà pourquoi j’ai pris mon temps. Voilà pourquoi je n’ai pas dit un mot ou que j’avais plusieurs fois dégluti. Pour éviter que le monde sache à quel point j’avais le cœur brisé. Ma confidente, mon alliée, ma mère est partie, et je ne peux plus rien désormais.

Plusieurs jours ont été nécessaires pour essuyer les larmes de mon petit frère. Pour ma part, je n’avais encore versé aucune larme. J’espère cependant que mon père ne prendra pas mon absence de réaction pour de l’indifférence. Babouchka est restée avec nous le temps de deux weekends, pour s’assurer que son fils et ses petits-fils ne se privent de rien, ni d’amour, ni de nourriture, ni de quoique ce soit pouvant mettre en péril notre santé, physique et psychologique. Durant tout ce temps, j’avais plusieurs fois téléphoné à ma petite-amie pour lui donner des nouvelles, et lui annoncer que je ne rentrerais pas ce soir. Je savais que cette situation ne pouvait pas durer, mais ne savais pas du tout comment l’aborder sans blesser un homme déjà profondément marqué par la perte de son ancienne âme sœur. Hélas, le temps me manquait. Tacha avait accouché avant Sophie, et je me devais aussi de prendre soin de notre enfant, presque autant que je veillais sur mon frère et ma petite sœur nouvellement née. « Papa ? Est-ce que je te dérange ? Il faut que… je te parle de quelque chose. » Une fois lancé dans l’arène, je prends mon temps pour lui faire part de notre décision. Veillant à ce que Connor soit dans sa chambre à ce moment-là, pour ne pas être interrompu par ses plaintes, ou hésitant face à son chagrin. « Tacha et moi, on est parents maintenant. Et, comme tous les jeunes parents, il faut qu’on vivre notre vie comme un couple. On en a beaucoup parlé tous les deux et je pense que c’est la meilleure solution, pour nous et le bébé, si on…prend un appartement. » J’ajoute aussitôt, comme si je craignais qu’il m’oppose un refus, m’asseyant à ses côtés. « Je serais toujours présent pour Connor, Camille et toi. Je sais, je sais, t’as pas besoin d’aide. » Je soupire, et souris. Mon père est tellement prévisible. « Mais il n’empêche que tu sais que tu peux compter sur moi. »




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MessageSujet: Re: « no happy ending. » « no happy ending. » EmptyJeu 31 Oct - 21:34



Au cours des jours suivants, la situation ne s'est pas franchement améliorée. Il a fallu du temps pour que Connor parvienne à se faire à l'idée que sa mère ne reviendrait pas en fin de journée, et qu'il ne changerait plus de maison. J'ai principalement laissé Benedikt s'occuper de lui, le jugeant plus à même d'y parvenir là où je me sentais lamentable. Il a beau vouloir me ressembler, il y a un point où mon fils sera toujours meilleur : la compassion. J'exècre ce sentiment, je hais devoir faire preuve d'empathie envers autrui… et je déteste de ne pouvoir y parvenir avec mon propre enfant. J'aimerai prendre Connor contre moi, le câliner et le rassurer avec une tendresse égale à celle de son frère aîné, mais je n'y arrive pas. La douleur et la pudeur se conjuguent pour me rendre définitivement moins abordable. Je passe le soir pour m'assurer qu'il va bien, lui donner un verre d'eau avec son sirop préféré et je m'en vais en lui laissant une caresse sur la tête. J'ai également dû me faire violence pour m'occuper de Camille. En ce moment, elle est couchée dans son berceau à côté de la table du salon où je travaille. Elle dort. Mes nuits sont courtes et je ne le dois plus à des ébats endiablés avec des créatures féminines. Rares sont les regards que j'adresse à ma fille. Ce bref instant où j'ai éprouvé un attachement viscéral pour elle, posée sur le cœur de Sophie, a cédé sa place à un vent glacial qui a une fois encore gelé la pierre qui me sert de cœur. Chaque cri de la petite me rappelle que Sophie n'est plus là, le simple fait de la voir me ramène tout droit à ce "bip" infernal signant la fin de vie de celle qui a donné le sourire à mes enfants. Je n'aime pas cet enfant. C'est triste à dire, c'est même un outrage, et c'est la raison pour laquelle je n'en dis mot à personne. Je me contente de m'en occuper d'une manière mécanique, sans chaleur ni entrain. Comme si ce bébé était une sorte de punition, un fardeau qu'on m'a laissé pour se venger de ces années où Satan a fait de moi l'homme terrible que je suis aujourd'hui. Quand on est chrétien et blasphémateur, on croit à ces choses-là, aussi idiotes peuvent-elles paraître aux yeux des autres. Je me plonge dans le travail, comme d'ordinaire lorsque je veux m'interdire de penser. Malgré une faillite qui s'amorce indubitablement si je ne trouve aucun investisseur dans les plus brefs délais, j'arrive à peu près à équilibrer certains comptes principaux de Shark Publications pour gagner du temps. L'affaire ayant été minimisée dans les médias, malgré les brûlots parus sur l'attentat contre le siège de mon entreprise, les ventes des journaux et des œuvres littéraires dont je suis l'éditeur et acquéreur n'ont pas trop chuté. A quoi doit-on cette situation en équilibre malgré tout ? Au travail d'un businessman forcené qui échappe à ses sentiments au travers du travail, symbolisées par des cernes marquant mon visage mal rasé et légèrement blafard. Un cas classique pour ceux qui me connaissent. La voix de Benedikt me tire d'un réajustement budgétaire au niveau des impressions, je me contente d'hocher la tête pour lui dire de continuer, sans lever les yeux de mes feuilles ou de mon écran d'ordinateur. Sa première phrase me fait immédiatement comprendre où il veut en venir, je n'ai même pas besoin d'écouter le reste. Je relève lentement les yeux et les pose sur lui, en silence. Sa manière d'anticiper mes réponses m'amuse, même si mon visage reste aussi fermé que le marbre d'une pierre tombale. J'attends quelques secondes avant de lui répondre. Je l'observe attentivement, comme si cela faisait des mois entiers que nous ne nous étions pas croisés. Enfin, je daigne prendre la parole. "Est-ce que tu réalises la vitesse à laquelle tu as grandi depuis le jour où tu as débarqué dans mon bureau pour m'extorquer des fonds, un air arrogant pour toute arme sur le visage ?" Enfin, un mince sourire vient fissurer l'expression terne que j'arbore depuis deux semaines. Même si nous avons raté des années ensemble, lui et moi, j'ai conscience de l'avoir vu grandir à vitesse grand V, mûrir pour s'acheminer lentement vers l'homme que j'aimerai le voir devenir. Il lui a fallu du courage pour venir me parler de sa décision dans une situation comme celle-ci, à plus forte raison qu'il ne me demande pas mon autorisation, mais qu'il m'informe plutôt du changement inéluctable à venir. "De quoi devrais-je me plaindre ? J'ai un enfant en moins à surveiller, plus que dix-huit ans ferme à purger et j'aurais de nouveau ma liberté." L'humour anglais et noir, savant mélange pour camoufler certaines émotions qu'on ne veut pas voir éclater au grand jour. Je frotte mes yeux une fois puis je repousse l'ordinateur, signe qu'il a toute mon attention. "Ne t'en fais pas pour moi, pour ton frère ou ta sœur, on s'en sortira. Je pense que c'est une très bonne chose que tu emménages avec Tacha et votre fille, il est temps pour toi de te sortir un peu la tête de tout ça et de profiter de ta liberté, fils." Oui, j'ai bien dit liberté. "Mais pas trop quand même." ajoutai-je avec un air entendu. Oui, le paternel possessif nommé Shark n'est jamais très loin. Cependant, j'estimais que Beni méritait amplement de prendre son envol, il a prouvé ces derniers mois qu'il n'était plus ce jeune adolescent fugueur et en rébellion perpétuelle. Les épreuves l'ont endurci, et même si je m'inquiète toujours pour lui, la fierté prend davantage le pas. Puis, bien que je ne l'avouerai jamais à haute voix, je sais que Tacha sera également vigilante avec lui, ainsi que leur fille. Non, pas ma petite-fille, ça me donne un trop grand coup de vieux. "Je ne demande que deux choses en retour. La première, c'est de vous voir au minimum une fois par semaine, hors Berkeley." Par vous, j'entends tous les trois. Ca peut donner l'impression d'un contrôle hebdomadaire, mais en réalité, c'est pour maintenir une cohésion familiale qui sera essentielle pour Connor. Entre autres. Je sors ensuite mon chéquier et je remplis un chèque au nom de Benedikt, avec un montant de 1000 dollars. Je lui tends et adopte un air autoritaire pour le forcer à ne pas le rejeter. Voici la seconde condition. "Toi aussi, tu vas me répondre que tu n'as pas besoin d'aide, alors passons ces familiarités, veux-tu ? Chaque mois, je te verserai mille dollars. Je sais que démarrer dans la vie est difficile et je ne veux pas que tu aies une vie de famille dissolue à force de trop jongler entre l'université, l'appartement, ta fille, ta compagne et un éventuel travail à côté. Je ne supporterai pas de te savoir en galère et crois-moi, je le saurais." Même si tu es trop fier pour me l'avouer, fils. Je pose ma main sur la sienne, lui adressant un regard plus doux. Plus paternel et affectueux. "Ces mille dollars mensuels, tu en feras ce que tu veux. Payer des factures, ton loyer, le verser sur un compte d'épargne, voire sur un compte pour ta fille, emmener ta famille en voyage ou je ne sais quoi, tant qu'il s'agit d'un investissement utile. Vois ça comme ma contribution en tant que patriarche qui a passé sa vie à travailler pour que sa famille n'ait jamais à connaître les fins de mois dans le rouge." J'aimerai qu'il respecte cela. Beaucoup ont cru que j'ai atteint un tel niveau professionnel par pure vanité égocentrique, tous ont eu tort. Je ne l'ai fait que pour tirer la famille Shark vers le haut et veiller à ce que les générations futures ne connaissent jamais la misère dans laquelle j'ai été élevé. Par ailleurs, vu l'enfance en Russie de Beni, je gage qu'il voudra offrir le meilleur à sa fille ainsi qu'à sa compagne, raison de plus de comprendre mon geste. Avec ce que Sophie leur a légué, à lui ainsi qu'à son frère et sa petite sœur, il sera à l'abri du besoin. "Vous avez déjà trouvé un appartement en ville ?"
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MessageSujet: Re: « no happy ending. » « no happy ending. » EmptyMar 5 Nov - 23:43


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Ma petite sœur. On pourrait écrire un livre sur ce bébé. Je trouve déjà qu’elle a le tempérament joyeux et les yeux de sa mère. Mais je dois me tromper. Ce n’est pas au bout de quelques jours que l’on remarque ce genre de caractéristiques, n’est-ce pas ? Quoique, ma fille à moi mangeait pour quatre, et inutile de se demander de qui elle tenait ce léger, cet insignifiant défaut qui épuisait sa mère. Enfin bref, je tentais maladroitement de m’occuper de mon frère, autant que de la petite, mais mes efforts demeuraient vains. Allez savoir pourquoi, elle pleurait toujours lorsque je la prenais dans mes bras. Et ne riait jamais lorsque j’approchais son berceau. Il n’y avait qu’auprès de Connor, qu’elle semblait songeuse, heureuse. Connor qui de son côté, l’évitait comme la peste. C’est normal. Il vient de perdre sa mère, alors que celle-ci mettait au monde sa sœur. Je suppose qu’il doit en partie la juger coupable d’être née. « Oui, c’est vrai que j’ai pris au moins deux centimètres depuis que je suis ici. » répondis-je à mon père avec un pâle sourire. Je ne cherchais pas à le faire rire, moi-même n’étant pas d’humeur particulièrement jovial ces temps-ci. Mais rien qu’à me souvenir de la scène qu’il venait de me rappeler m’amusait. C’est vrai que j’avais grandi. De gamin des rues, j’étais devenu un homme. « C’est grâce à toi, papa. C’est grâce à toi si j’ai pu m’en sortir. » ajoutai-je en posant une main sur son épaule. Ce n’était plus « p’pa », des insultes à tout va ou l’absence de contrôle qui régentaient ma vie aujourd’hui. Sans dire que j’étais en tous points responsable, j’étais un homme devenu adulte, et à qui de grandes responsabilités incombaient. Mon sourire s’élargit encore lorsqu’il prend soin d’ironiser sur nos deux situations. La liberté, oui, si tu veux. « Je ne me suis jamais senti prisonnier ici, tu sais. » répliquai-je alors, presque en riant. A croire que son fardeau avait été le mien durant tout ce temps. « Excuse-moi ? » Je dois avoir mal entendu. « Une fois par semaine ? » Mes sourcils se froncent petit à petit, alors je reprends un air sérieux. « Non, je ne pense pas. Je m’arrangerai pour qu’on se voit au moins trois fois dans la semaine, c'est le minimum syndical, et ne cherche même pas à négocier, c'est perdu d'avance.» Oui, je suis adulte, mais j’ai encore besoin de savoir qu’il est là. Et puis, il allait bien falloir qu’il tienne son rôle de grand-père en faisant plus amples connaissances avec sa petite-fille, non ?! Même si le principal concerné et la mère de la petite semblaient s’accorder sur le fait qu’il n’avait pas le cœur suffisamment « humain » pour s’en occuper. C’est ça. C’est ce qu’on verra. « Peut-être le weekend ? On pourrait se faire un pique-nique familial, quelque chose comme ça… » J’ai déjà des idées sur la question. Parc d’attraction pour les enfants, chasse au gibier pour Joe et moi, diner sur la plage pour que je puisse apprendre à Connor à plonger tête la première plutôt que de faire une bombe avec ses fesses…bref… « … » Plus tard, lorsqu’il abordera le sujet plus délicat des finances, je voulus d’abord protester, arguant que son journal était en déficit budgétaire et que je pouvais très bien me débrouiller par moi-même pour faire vivre ma famille. Sauf que non seulement Joe aurait pris ma démarche pour de la pitié – sentiment qu’il exécrait plus que tout au monde – mais qu’en plus, il ne m’avait même pas laissé le temps de répliquer que sa décision était déjà prise. « Je sais pas quoi dire. A part ...merci. » J’étais touché par le geste, mais plus encore, parce qu’il allait me manquer. Je me rendais compte peu à peu du changement qu’allait engendrer mon absence de la maison. Et oui, j’avoue : ça me faisait un peu flipper. « Oui, on doit en visiter trois dès demain. » Merci papa. Merci pour tout. « Je crois que… il faut que j’aille en parler à Connor. » Réaction que j’imagine déjà à l’opposé du raisonnable. « Au fait, Noah essaie de te joindre depuis deux semaines, tu crois pas qu’il serait temps que … » Oups, j’ai comme l’impression que la Terre s’est arrêtée de tourner, tout à coup. « …tu lui parles. Tu m’as bien pardonné, à moi ? Quand t'as su que je savais. » finis-je par soupirer, pour le convaincre.



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MessageSujet: Re: « no happy ending. » « no happy ending. » EmptyDim 10 Nov - 19:01



Je me risque à émettre un début de sourire en coin à l'idée que j'ai pu contribuer à la maturité acquise par mon fils. Si j'ai au départ voulu le mater comme un geôlier dominerait son captif, j'ai fini par temporiser ma manière d'agir avec lui, me montrant exigeant et souvent détaché sans pour autant me risquer à être complètement insensible. Les épreuves nous rendent plus solidaires et je lui avais montré que malgré ma froideur et ma retenue naturelles, j'étais un père extrêmement attaché à ses enfants et dont la possessivité étouffante n'était qu'un moyen de faire comprendre l'amour paternel que j'avais à leur offrir. Je l'ai vu mûrir sous mes yeux, devenant un homme digne de reprendre le flambeau de la famille Shark, sans pour autant trahir sa propre personnalité. De manière égocentrique, j'ai toujours décrété que nul ne saurait m'égaler car ce moule parfait a été brisé après ma naissance. Toutefois, je n'excluais pas que les générations futures soient une version du Shark d'origine avec quelques améliorations particulières. Tu ne t'es jamais senti prisonnier ici, fils ? Un regard entendu laisse entendre que je ne suis guère de cet avis. Combien de fois l'ai-je consigné alors qu'il était majeur, ou bien l'ai-je empêché d'aller voir sa petite-amie ? Impossible de les compter. Je ne suis pas le meilleur père et encore moins le plus affectueux, mais quand je regarde Beni ainsi que les difficultés de son enfance, je me dis que je n'ai pas constamment fauté avec lui. En espérant qu'il inculque des valeurs similaires à sa fille. "J'avais dit une fois par semaine au cas où ta petite-amie ne souhaite pas s'éterniser ici." répondis-je calmement en haussant les épaules. Certes, je ne la porte pas entièrement dans mon cœur non plus, majoritairement à cause de sa façon de défier mon autorité, mais j'ai mes raisons de l'apprécier pour ce qu'elle est, malgré les apparences. "Un pique-nique, voyez-vous ça..." soufflai-je avec un entrain faussement surjoué. M'asseoir dans l'herbe comme un pouilleux pour manger des préparations incertaines enfermées dans deux morceaux de pain sec, au milieu des insectes et des masses populaires ? Il faudra m'assommer pour me faire participer à un pique-nique. À moins qu'il ne se fasse dans un restaurant. Mais sur le principe, Beni semble avoir déjà quelques idées en tête. Ça en fait au moins un. Je me réjouis tout de même de voir qu'il ne fait pas de difficultés pour prendre ce chèque et accepter ces versements. Oui, la situation financière est très floué ces derniers temps, mais je n'ai pas consacré ma vie à ma carrière pour ne pas en faire profiter la seule chose qui compte à mes yeux : la famille. Je m'étais déjà promis que plus jamais mon fils aîné ne connaîtrait la précarité qu'il a injustement vécue en Russie, inutile de dire que je maintiens ce souhait à l'aube de sa vie de jeune parent. J'hoche la tête quand il se lève de la table, rapprochant mon ordinateur et mes dossiers pour reprendre le travail. "C'est toi qui sait comment t'y prendre avec ton frère, il s'y fera. J'arrondirai les angles, ne t'en fais pas." J'allais commencer à taper quelques formules dans les feuilles de calcul ouvertes sur le tableur lorsque le pire sujet tabou du moment fut abordé. Après la mort de Sophie, évidemment. Mes mains stagnent au-dessus des touches alors que je bloque sur une case sans lever les yeux vers mon aîné. "Je t'ai pardonné car tu es mon fils et tu ne t'es pas fait passer pour mort, à ceci près que tu as grillé l'un de tes rares jokers." Je lui ai offert mon pardon, mais il n'a pas eu ma bénédiction pour autant. Par ailleurs, Beni vivait - et vit encore - une situation qui ne tolérerait pas que son propre père se désolidarise de lui. Il a besoin d'un repère parental et je suis le dernier. "Quant à cet homme dont tu parles, je n'ai pas pour habitude de m'adonner à des séances de spiritisme pour rentrer en contact avec les morts." Le ton est infiniment froid, condescendant et dépourvu de sentiment. Je continuerai d'agir avec Noah comme s'il était mort. Qu'il ait ses raisons ou non, il est allé trop loin. J'ai déjà enterré un frère, je me suis battu en Écosse pour qu'il reste en vie aux côtés de William... et voilà jusqu'où cela m'a mené. Jusqu'à nouvel ordre, il n'y a plus de Noah Taylor Clives. Sans attendre de réponse de la part de Benedikt, je reprends mon travail et plonge dans une concentration qui ne souffrira aucune distraction pour les prochaines heures. Autrement dit, la discussion est close. Ce qui peut éventuellement me trotter dans la tête, c'est de déjeuner de demain avec James O'Malley vers qui je souhaiterai me tourner pour trouver un financement temporaire.
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MessageSujet: Re: « no happy ending. » « no happy ending. » EmptyDim 10 Nov - 23:31


joe & noah & james
no happy ending



Je hausse un sourcil. L’information a bien du mal à monter au cerveau. « Et alors ? C’est pas elle qui décide. » Ce genre de phrases, je ne l’aurais sorti qu’en l’absence de la principale concernée. Car si Tacha l’avait entendue, je serais déjà lapidé pour mon ton condescendant et sexiste. D’autant plus que depuis plusieurs mois, c’est plutôt moi qui me soumettait à la jeune mère. La grossesse rend les femmes telles des louves avides de pouvoir. Et après… c’est pire. Moi qui pensais que la situation s’améliorerait une fois la petite née. Tu parles. Je me demande combien de temps je vais encore devoir faire ceinture ou aller faire les courses, tiens. Entre temps, je soupire, devant l’éternelle rancune de mon paternel. Il ne changera pas d’avis, je le connais trop bien. « Très bien, je n'insiste pas. » Je ne vais pas m’adresser à une porte de prison, c’est inutile. Il n’y avait que Noah pour pouvoir le dérider. Bon courage, d’ailleurs. « Mais je tiens à te dire que ça a pas été facile pour lui, et que s’il a agi comme il l’a fait, c’est qu’il avait une …raison. » Je n’avais pas osé dire ‘bonne’ parce que je ne considère pas le fait de se faire passer pour mort auprès de ses proches comme étant estimable, qu’elle que soit la raison. Cependant, Noah n’avait pas agi sans réfléchir, ni de gaieté de cœur. Voilà ce que je souhaitais lui faire comprendre. « Bon, je vais voir Connor… » Une fois à l’étage, je pris mon temps pour expliquer à mon jeune frère, que même si je déménageais, cela ne voulait pas dire que je ne serais pas toujours là pour lui, que nous ne serions jamais loin l’un de l’autre, et que je passerais régulièrement à la maison pour prendre et donner des nouvelles. Il m’a bien fallu plusieurs heures pour le convaincre de me lâcher, et quelques minutes en plus, pour sécher ses larmes. Il pleurait beaucoup ces temps-ci. Pour pas grand-chose, parfois. Les nerfs qui lâchent, il devient plus sensible avec l’âge, je présume. A moins que ce ne soit que l’un des nombreux effets qu’avait eu sur lui la mort de sa mère. « Tiens, c’est mon nouveau numéro. Si t’as besoin de quoique ce soit, t’hésites pas à m’appeler, ok ? » Dernier câlin, derniers bisous et quelques rires que j’ai finalement réussi à lui arracher, avant que je ne quitte les lieux.

Le lendemain matin, un homme d’affaires avait rendez-vous avec un autre business man. L’Irlande rencontre l’Angleterre, mesdames et messieurs. Force est de constater que la situation financière du Journal Shark avait du plomb dans l’aile, et que tous les journaux du pays en avaient fait état. Aussi, James était au courant, comme la plupart des requins de la finance. Ils s’étaient donnés rendez-vous dans l’un de ces restaurants chics que côtoient habituellement les gens de leur race. Les riches. James avait demandé à sa secrétaire d’annuler tous ses rendez-vous de la journée, prévoyant déjà la durée de l’échange. Une fois arrivé sur place, il s’occupa de réclamer la table qui soit la plus discrète et paisible possible. Sur le balcon, avec une vue imprenable sur la plage prisée de San Francisco.  



∞everleigh

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MessageSujet: Re: « no happy ending. » « no happy ending. » EmptyLun 11 Nov - 21:20



Comment aurais-je pu réprimer un sourire de fierté en entendant mon fils répliquer du tac-au-tac que ce n'était pas à sa petite-amie de décider. Chez les Shark, on a forcément une parcelle de machisme prononcée, c'est impossible de s'en défaire. Si j'ai pu lui transmettre ça, alors c'est plus que je ne peux espérer. Je m'abstiens de répondre, appréciant en silence qu'il abandonne l'idée de me convaincre. Noah est allé trop loin et s'il a voulu se faire passer pour mort, alors je veillerai à considérer qu'il soit encore six pieds sous terre jusqu'à ce que je trépasse sans faux semblant à mon tour. Qu'importe ses raisons, je ne pardonne pas ces extrémités. Je préfère me concentrer sur le bilan comptable du mois, un verre de scotch à proximité pour mieux faire passer la pilule. J'entends Connor sangloter à l'étage mais je ne m'inquiète pas outre-mesure, son frère saura le convaincre. En outre, il passera probablement de temps en temps quelques jours à l'appartement de Beni, dans la mesure où il ne voit plus Tacha comme une sorte d'obstacle à leur fraternité.

Le lendemain matin, j'arrive au bureau sur les coups de neuf heures afin de récupérer quelques papiers avant d'aller rejoindre James O'Malley. Même si un contentieux règne toujours entre les Irlandais et les Anglais - preuve en est du rapport chaotique que j'ai pu entretenir avec son cousin Edward - je dois reconnaître que lorsqu'il est question de business cet homme est l'un des très rares avec qui je pourrai accepter de discuter sans lui porter un regard de mépris et de condescendance. Une fois dans la pièce, j'ouvre un tiroir pour récupérer le fameux dossier, lorsque Marc fait irruption avec un sourire crispé. "Bonjour, Joe ! Bien dormi ?" Je ne lève même pas les yeux du tiroir que je retourne en fronçant légèrement les sourcils. "Demande à ce satané bébé et à mes poches sous les yeux. Et non, je n'ai pas rêvé de toi, si c'est ce qui t'intéresse." lâchai-je sur un ton las, pour ne pas dire morose. J'ai dû dormir trois heures en tout et pour tout, juste assez pour prendre conscience de ma fatigue persistante. Le médecin qui me suit pour surveiller mon état de santé - non, je n'ai pas de problèmes cardiaques ! - m'a conseillé de me reposer, ce à quoi j'ai rétorqué que le jour où sa carrière consistera en quelque chose de plus important que stériliser une aiguille après une piqûre, je daignerai peut-être lui pardonner ce genre d'idioties verbales. Je ne peux pas me reposer, et quand bien même je le voudrais, je n'y arrive pas. Je finis par mettre la main sur le dossier que je range dans ma serviette en cuir puis je repasse dans le couloir, talonné par Marc. "Je ne veux être dérangé sous aucun prétexte, à moins qu'il soit familial. Vous, attendez." interpelai-je un jeune rédacteur qui passait devant moi. Je fixe ses chaussures en arquant un sourcil. Bad move. "Ce sont des Converse ? Sommes-nous dans un skate-park ? Allez-vous salir un mur avec de la peinture en bombe après avoir éraflé les bureaux en planche à roulettes ?" Le type essaye de bredouiller une excuse, mais je l'interromps d'un regard. "Enlevez-les." Sans se faire prier, le pauvre rédacteur retire ses chaussures. Ici, un code vestimentaire est à respecter, je ne tolère aucune forme de relâchement, tenue comprise. Je prends les Converse qu'il me tend puis je soupire en les tendant à Marc. "Brûle-moi ça. Quant à vous, vous êtes viré." Bouche bée, le rédacteur s'éloigne pour me laisser le passage. Marc fronce les sourcils et me barre la route en se mettant devant moi. "Joe, même si j'adore voir les gens que tu vires s'enfuir pieds nus et en larmes... Tu es sûr que ça va ? - La maison d'édition Shark est au bord du gouffre. Je me contente de faire des économies." Sur ce, je penche légèrement la tête sur le côté et Marc reçoit le message : il s'écarte et me laisse passer pour me rendre dans l'ascenseur puis à la voiture qui m'attend en bas. Sur les coups de onze heures, comme convenu, j'arrive au restaurant où une table est réservée pour l'occasion. Malgré mes traits impassibles, je grimace intérieurement en voyant que James est déjà arrivé. Les convenances exigent que ce ne soit pas l'investisseur potentiel qui attende. J'approche du balcon et lui tend la main pour serrer la sienne vigoureusement, un léger sourire sur les lèvres. "Bonjour, James. Merci d'être venu. Je te prie d'excuser mon retard, les bouchons ont retardé mon chauffeur." Qui va se faire virer aussi à la prochaine erreur de ce genre. Je retire mon long manteau noir puis je le donne à la serveuse qui vient prendre nos commandes. Je laisse le soin à l'Irlandais de commencer tandis que je déboutonne ma veste de costume avant de m'asseoir. Pendant un instant, je pose mon regard sur le paysage. J'aperçois la falaise qui surplombe la baie de San Francisco, falaise depuis laquelle une semaine plus tôt, les cendres de Sophie s'était mélangée aux embruns. Je déglutis et ce n'est que lorsque la serveuse insiste pour savoir ce que je prends que je détourne le regard en fronçant les sourcils. "Veuillez m'excuser. Je prendrais la même chose que Monsieur O'Malley." Une fois la jeune femme partie - non sans que je glisse un bref regard sur sa silhouette de dos - je fixe le businessman droit dans les yeux. "James, je t'ai convié ici afin de discuter affaires. Comme les autres médias se sont empressés de le dire, Shark Publications a été prise pour cible d'une attaque terroriste et d'un piratage informatique. Si j'ai fait en sorte de veiller à ce que les auteurs de cette attaque soient neutralisés, je n'ai malheureusement pas pu remettre la main sur le compte caché où se trouve les fonds détournés de ma compagnie." Je sors un dossier que je pose sur mon assiette avant de joindre mes mains. "J'investis ce que je peux de ma propre poche pour palier à la défection de certains investisseurs et annonceurs, mais la société demeure affaiblie. C'est pour cela que je suis à la recherche d'un apport qui puisse maintenir les finances de Shark Publications à un niveau plus stable le temps que je redresse la barre à son niveau d'origine." Le choix des mots est évidemment très rigoureux. Si je me trouve en face d'un collègue que je côtoie depuis quelques années, il est hors de question que je fasse fi de certaines règles de base. Ne pas montrer le moindre désespoir quelconque, ne rien donner qui puisse laisser à penser qu'on est en position de faiblesse, même si c'est le cas. Le groupe Shark est au bord de la faillite, mais il me reste encore quatre mois avant de songer à déposer le bilan. Quatre mois pour mettre la main sur ce fichu compte secret, moins si je n'arrive pas à trouver d'investisseur. "Je t'ai apporté ici le bilan comptable des mois précédents l'attaque et des deux derniers mois suivants, si tu souhaites les consulter. Ce sont des informations confidentielles." précisai-je avant de poser le dossier entre nous. James ne sera peut-être pas facile à convaincre dans la mesure où je sais qu'il se méfie des médias et de la presse comme de la peste. Une chance pour moi, j'ai toujours veillé à ce qu'aucune de mes publications ne fasse mention de la vie privée de James O'Malley. Ses acquisitions commerciales et les avancées technologiques de sa société, certes, mais rien de plus. Rien qui puisse lui porter préjudice. Mains jointes, j'attends nos commandes ainsi que la réaction de l'Irlandais.

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