Ne perdons pas les bonnes habitudes

Rien ne serait plus jamais comme avant. Le cœur n'y était plus et tout la ramenait à lui, son défunt petit-ami. Kirby avait passé deux jours entiers, enfermée dans la maison du médecin en n'avalant qu'une barre de céréales dans la journée, et encore, la moitié revenait bien souvent à Socrate, qui malgré l'absence de son maître, avait gardé de son appétit. Le teint blafard, les cheveux non coiffés, les cernes sous ses yeux qui étaient rougis de par tant de larmes versées en si peu de temps, elle se refusait à sortir d'ici ou à voir qui que se soit, et pourtant, elle y avait été contrainte et n'avait su gérer son immense tristesse et sa colère sans limite, en crachant à la figure du premier venu. Son bonheur s'en était allé et c'était de son droit de se comporter comme une mal léchée avec qui elle voulait. Sa tenue, autant que son apparence, laissée aussi à désirer. Elle avait abandonné ses vêtements au cours de la première nuit, les troquant contre un tee-shirt de Noah dans lequel elle passait à présent son temps, mais elle se devait à tout prix de récupérer quelques affaires dans sa chambre de confrérie, notamment les souvenirs qu'elle avait de Noah. Des photos entre autres, et d'autres choses qui avaient de l'importance à ses yeux. Elle revêtit donc ses vêtements d'il y a quelques jours. Bottines, jeans, top jaune et blouson, avant de quitter la maison, collant des lunettes de soleil sur son nez, lesquelles ne servaient pas à grand-chose au vu du temps quelque peu maussade. La Iota prit la direction de l'université et pendant une heure de cours, en profita pour se diriger jusqu'à sa chambre de confrérie sans se faire repérer. Se fut sans compter sur une poignée de Iota, présents dans la salle commune et qui la dévisagèrent jusqu'à ce qu'elle ne trouve refuge derrière la porte de sa chambre. La blondinette commença à farfouiller dans ses affaires, se préparant un sac dans lequel elle allait mettre les potentiels vêtements qu'elle pourrait se daigner à porter, sans nul doute lorsqu'elle se décidera à pointer à nouveau le bout de son nez dehors, si un jour cela devait arriver, ainsi que quelques objets qui comptaient à ses yeux et dont elle avait la peur de ne jamais retrouver si elle venait, un jour soit-il, à retourner dans cette chambre. Kirby se refusait à parler à qui que se soit depuis la mort de son compagnon, et avoir échangé quelques mots avec Nick Clark, le meilleur ami de Noah, n'avait guère été une partie de plaisir, notamment que cet entretien avait eu lieu deux heures environ après le drame. La jeune femme ferma les yeux, l'espace de quelques secondes, alors qu'une photo d'elle et Noah se trouvait dans sa main. Cette première journée de randonnée qu'ils avaient fait, alors qu'elle était en plein sevrage. Un moment de bonheur à l'état pur. Un bonheur qu'elle ne connaitrait plus jamais. La porte s'ouvrit alors que Blank versait une larme, dissimulée sous ses lunettes et elle fit rapidement volte face. « Aengus ?! » La dernière personne qu'elle s'attendait à voir débarquer ici.

Aengus dans toute sa splendeur

Pas de nouvelle bonne nouvelle ? Un adage qu’Aengus trouvait particulièrement stupide. Une excuse pour ne pas chercher. Alors lorsque sa tête blonde favorite disparu de la circulation, que Noah manqua tout autant à l’appel, son inquiétude grimpa d’un cran. D’abord, la jeune femme décida de se pointer au cabinet de Noah. Derrière le prétexte d’un mal de ventre, elle se glissa dans le lieu de travail du jeune médecin. Au vu de ses antécédents, elle fut rapidement prise en charge… mais Noah n’était pas là. Chaque toucher étant une véritable horreur pour elle, Aengus préféra éviter de se faire examiner. Dans un grognement mécontent, elle se redressa d’un bond s’écriant qu’elle n’avait plus mal du tout. Aussi rapide qu’un escargot asthmatique souffrant de rhumatisme, son pas la porta dans la maison des Iotas. Les lieux avaient perdu de leur aspect familier. Les murs ne correspondaient plus à rien, aucun pan de passé ne remontait à la surface. Ce vide avait pris place dans sa vie n’insufflant plus aucune douleur.
Perdue un instant dans les couloirs, son esprit déboussolé se rassurait autant que possible. Aengus avait longtemps forcé pour bâtir des « zones de sécurité ». Lorsqu’elle était seule, elle ne sortait jamais de ces zones, un lieu de confort où elle connaissait chaque détail qui passait et à quelle heure il passerait, où se cacher, où se situait chaque chose. Pour des êtres normaux, l’idée pouvait paraître stupide. Pour Aengus, c’était une façon de s’offrir un cadre. Lorsqu’elle avait été seule à sa sortie de l’hôpital, le monde n’était qu’un inconnu. Quelqu’un avait voulu la tuer et il courrait encore. Toutes protections qu’on lui avait promises n’étaient que du vent. Maintenant, elle pouvait se défendre seule grâce à ces zones.
Trop excitée par l’idée d’avoir trouvé la bonne porte, Aengus ne prit pas le temps de frapper ! Dans un coup de vent, elle ouvrit le battant de bois ! Le premier constat que pouvait faire Kirby fut simple. Aengus ne savait pas plus s’habiller maintenant qu’avant. Une jupette noire tâchée d’éclair marron couvrait ses fesses pour laisser entre voir de longue et maigre jambes parsemées ça et là de quelques hématomes. Finalement, les mollets étaient partiellement recouverts de chaussettes bleues pâles emprisonnées dans des baskets de toiles orange. Un chemisier de grand-mère sur le dos achevait le tableau accompagné d’une coiffure épouvantable et de quelques bracelets bariolés.

« Oh super t’as préparé tes affaires ! » S’écria Aengus comme si la situation était on ne peut plus normale !

Après tout, elle annoncerait à Kirby qu’elle avait gagné au loto que la réaction serait la même. Mais dans le fond la Iota avait remporté bien mieux : un week end au paradis ! A croire qu’elles jouaient au Monopoly et que Kirby avait tiré la carte chance ou aller en prison ne passez pas par la case départ. Tout dépendait du point de vu.

« On part en week end ! J’ai trouvé le plan parfait ! Prends ton maillot de bain aussi ! »

Pour savoir ce qui troublait Kirby, Aengus préférait largement l’emporter dans un lieu neutre, qui n’éveillerait rien chez Kirby, ou juste assez pour qu’elle se repose. Pas de super héros dans la vraie vie, même si Aengus porterait extrêmement bien le costume et la cape ! Que Kirby n'ait pas envie? Pas de panique, Aengus avait tout prévu, du kit du jeune hypnotiseur à la poussière du sommeil... Bon d'accord, elle n'avait rien prévu et arrivait à l'arrache, comme toujours. Que voulez vous? Il suffisait d'y croire pour que ca marche non? C'était dit dans tous les Disney!

Super 'Gus à la rescousse !

Pour une fois, le monde autour d'elle ne comptait plus. Kirby avait l'impression de vivre à des années-lumières de tous les étudiants de l'université, et même des habitants de cette ville. Cloitrée dans cette demeure perdue au milieu de nulle part, le temps s'était arrêté et le reste du monde lui avait semblé être absent, et elle savait qu'au moment où son regard avait croisé celui d'Aengus, que le fait de venir jusqu'ici avait été la pire des idées qu'elle puisse avoir. Elle aurait mieux fait de venir ici une fois la nuit tombée, lorsque les Iota crouleront sous le sommeil. Sa colocataire se serait certes trouvée ici, mais Blank aurait fait vite et serait restée silencieuse. En moins de deux minutes, elle aurait repassé les portes de la maison de confrérie. Face au propos de la blondinette qui venait tout juste de passer le pas de la porte, la cheerleader posa son regard sur son sac qu'elle était à deux doigts de boucler, mais sans grand succès et elle n'avait aucun échappatoire à présent. Mais il le fallait, elle se devait d'esquiver cette invitation, bien que forte intéressante pour une âme en péril comme elle. Kirby gâcherait tout naturellement ce week-end, sans même le vouloir, parce que son désespoir était bien trop important pour qu'elle puisse passer au-dessus. Et il s'agissait de la disparition de son compagnon, pas d'une quelconque personne lambda, sans quoi, elle serait déjà en train d'arpenter les couloirs de l'université afin de trouver son frère et de voir s'il n'avait pas un petit moment à lui accorde, ou encore mieux, dans le bureau de Noah pour partager un petit moment en sa compagnie. « En week-end ? Non, non, non. J'ai déjà quelque chose de prévu. » Non Kirby, tu n'as absolument rien prévu contrairement à ce que tu crois et ce que tu prétends. T'enfermer chez Noah jusqu'à la fin de tes jours n'est en rien d'un projet des plus sains et tu sais que tu devrais la suivre. Malgré tout, la jeune femme en restait quelque peu stoïque, d'autant plus que les dernières sorties avec la Gamma s'étaient toujours mal déroulées depuis que les deux femmes s'étaient retrouvées. La semaine passée à Tampa s'était conclue sur une légère altercation entre les blondinettes, de quoi pousser Kirby à retourner à San Francisco avec un jour d'avance, en compagnie de Noah. Quant à la dernière fois où elles se sont vues, elles ont toutes deux pété les plombs et se sont violemment disputées. Depuis, Kirby avait cherché à l'éviter autant que possible, bien que l'étudiante en psychologie lui manquait profondément, détail qu'elle gardait profondément enfui en elle. « De très important en plus... », s'empressa-t-elle d'ajouter, espérant qu'Aengus lâcherait l'affaire et sortirait de cette chambre aussi vite qu'elle en était entrée. Sa voix brisée ne pouvait trahir personne, preuve qu'elle n'avait aucunement parlé depuis quelques jours et qu'un drame s'était déroulé il y a peu de temps. Drame au dessus duquel, il lui était impossible de passer, bien au contraire, et au lieu de tenter de se relever et de continuer à vivre, elle se laissait tirer vers le bas par un chagrin sans fin qui allait l'étouffer d'ici quelques jours. Derrière ses lunettes de soleil, son regard reste posé sur la Gamma. Au fond, elle désirait la suivre afin de se retrouver en sa compagnie, mais son cœur n'avait aucunement l'envie de faire la fête ou quoi que se soit, parce que c'est ainsi qu'Aengus avait toujours vu leurs différentes sorties. Tout était prétexte à s'amuser, mais l'envie n'y était pas pour cette fois-ci, elle qui ne disait jamais non à une sortie entre amies. Alors pour la sortir de cette chambre, il faudrait bien plus que des paroles. Il faudrait la forcer à s'en aller d'ici, la tirer par le bras, voir même l'assommer avant de l'amener là où la Gamma le voudrait.

Dans la tête à Kirby

A son éclat, deviner qu’une chose grave avait secoué sa vie n’avait rien de compliqué. Kirby avait besoin de se changer les idées. Sans parler d’une grosse fête où l’alcool coulerait à flot, parlons simplement d’une petite sortie, potentiellement rejointe par des amis communs. Tout dépendrait de l’état de Kirby. Mais le non la fit douter un instant. Avait elle réellement des choses à régler. Face à l’empressement de la blonde à tout ranger et à classer le dossier, nul besoin de préciser qu’Aengus avait compris. La iota cherchait un moyen poli de s’éclipser. Si en temps normal Aengus n’insistait pas, aujourd’hui serait tout autre. Le regard jongla un instant sur le sac, le lit, le portable. Finalement, sa décision était prise. Dans un haussement d’épaule, elle fit mine d’avaler l’énorme mensonge de Kirby.

« Oui je me doute. »

Avançant avec de gros yeux ronds, elle commença à mouvoir ses mains et ses doigts autour de son visage ! Tentative numéro 1 : l’hypnose !  Chantonnant, faux évidemment, une petite musique de charme, elle approchait. Être le prédateuuuur ! A quelques centimètres de Kirby, elle commença à onduler de sa tête et le reste du corps  comme un serpent charme sa proie. Enfin, le rendu demeurait plus semblable à une tarée qui tenterait de se débarrasser d’un insecte qui serait passé sous son haut. Mais ne perdons pas la foi ! Technique du maitre J.C TOU pour petit scarabée : se fondre dans le rôle de l’animal. Continuant à tirer une tête un peu flippante, elle pinça les lèvres dans une moue sérieuse.  Voilà maintenant qu’elle faisait balancer son doigt sous le nez de Kirby. Droite, gauche…

« Tu aaaaaas ouuuuuubliiiiiiiiié tooooooon rendeeeeeeeeeeeez vouuuuuus ouuuuuuuuuh ! ouuuuh! Ouuu! Ou... Tu vas veniiiiiiiiiiir aveeeec mouaaaaaaaaaaaaah ! ouaaaaaaaaaaaah ! Ouaaaaah! Ouaah! Ouah! »

Les échos possédaient une importance primordiale! Soudain, elle plissa le nez puis soupira en recula. D’une main, elle désigna les lunettes de soleil de Kirby avec un air dépité.

« Bah oui mais aussi. Si t’y met pas du tient ! Comment tu veux que je t’hypnose ? T'as la défense ultime là avec tes lunettes soleil. »

Finalement, elle pouffa de rire avant de regarder  dans le sac posé sur le lit. Bon…technique n° 2 se taper l’incruste ! Heureusement, elle était déjà maitre dans ce domaine et ceinture noire des emmerdeuses !

« Attends je vais arranger ça pendant que tu cherches ton maillot de bain. »

Se penchant sur le lit pour attraper le portable de son amie, elle commença à jouer avec les touches. Mais, c’était d’un compliqué…Attendez ? Où étaient les touches ? L’écran avait bouffé les touches ? C’était un portable pour manchot ! Un portable sans touche !

« ALLUME-TOI ! ALLER !! ALLEEEEEEEEEEEEEEEEEEEER ! »

A force de le tourner et retourner dans ton les sens tandis qu’elle cherchait ses maudites touches, le miracle se réalisa ! L’écran s’illumina et les touches tactiles apparurent après qu’elle ait donné un grand coup de langue sur l’écran. Elle savait qu’elle avait de bons arguments avec les trucs masculins !

« WOUAH ! C’EST MAGICFIC ! FAUT TROP QUE J'ESSAYE CE TRUC C'EST TROP DÉMENTIEL! » Relevant le nez pour tourner le dos à Kirby afin qu’elle ne la regarde pas galérer avec le portable, elle reprit d’une voix douce et enjouée « Je pense qu’il te faudra aussi une serviette et un pyjama ! De toute façon, se sera tout confort là bas. »

Alors qu’elle agitait le portable sous ses yeux comme s’il était question du truc le plus merveilleux de la planète, elle essayait de ne pas sautiller sur place en remarquant qu’en touchant l’écran, elle pouvait écrire des messages ! La technologie et Aengus… toute une histoire.

La tête à Aengus quand elle danse !

Se montrait-elle enfin compréhensive face au signal de détresse que Kirby venait de lancer ? Peut-être, ou peut-être pas, connaissant bien Aengus, la cheerleader savait pertinemment qu'elle pouvait cacher son jeu jusqu'à la dernière minute, là où elle aimait vous surprendre sans que vous n'aillez pu dire ouf. Et c'est ce qui se produisit, quelques secondes plus tard, alors que la jeune femme s'attendait à avoir enfin la paix. Mais qu'est-ce qu'elle faisait ? La Gamma s'était rapprochée, se lançant ainsi donc dans une danse, si l'on pouvait appeler cela de la sorte, des plus étranges. Sans nul doute essayait-elle d'imiter ces fameuses danseuses orientales, ou quelque chose du genre, ce qui n'était que peu réussi puisque Aengus avait plutôt l'air d'être un ver de terre qui tentait tant bien que mal de remonter à la surface. Derrière ses lunettes, Kirby n'était aucunement en train de rire, bien que dans son état normal, c'est ce qu'elle aurait fait, alors elle se contenta de hausser un sourcil face au déhanché de son amie sous ses yeux. Ce n'est que lorsque la jeune femme arrêta son numéro de cirque, qu'elle se daigna à faire quelque chose. « Euh là, c'est vraiment du grand n'importe quoi, sans vouloir être méchante. Mais... le truc que t'essaies de faire, ça ne marche pas trop. Voir pas du tout. » Comme si elle allait annuler ce qu'elle avait prévu de faire, c'est-à-dire, pas grand-chose, juste pour prouver à la Gamma qu'elle avait des supers pouvoirs. Poussant un soupir, la Iota finit par se diriger à nouveau jusqu'à son armoire, récupérant donc un bikini qu'elle secoua sous le nez d'Aengus, histoire de lui montrer qu'elle avait bien pensé à le prendre, avant de le jeter en vrac dans son sac. Croissant les bras contre sa poitrine et observant la jeune femme s'afférer à trouver un moyen de faire fonctionner son téléphone, ce qui ne lui réussit que très peu. À la demande de la Gamma, l'étudiante en médecine récupéra également une serviette ainsi qu'une fine nuisette qui lui ferait office de pyjama. Dans un bon jour, elle aurait prétexté qu'elle adorait dormir complètement nue, mais l'heure n'était pas à la plaisanterie pour la Iota qui n'était pas vraiment enjouée de se faire embarquer dans un voyage surprise. « J'ai tout ce qu'il faut... », maugréa-t-elle après avoir bouclé son sac une bonne fois pour toute. Au pire, elle fera avec ce qu'il contenait. « Alors si tu as fini de faire joujou avec mon portable, tu pourras me le rendre et on pourra y aller, tu ne crois pas ? » Parce que vu comment l'objet est en train de se faire maltraiter, il fallait au plus vite le tirer d'entre les griffes de miss O'Griffin. Elle le récupéra donc une fois que la blondinette eut fini de faire son travail avec, et dans la seconde, elle guetta les messages qu'elle avait pu envoyer. Tout du moins, elle ne chercha que les noms des destinataires, et celui de son demi-frère lui sauta immédiatement en plein visage. La pire idée du siècle que de contacter James O'Malley. « T'as écrit à mon frère ?! T'es au courant qu'il va nous traquer sans relâche et qu'il va lancer toutes les forces armées possibles et imaginables à notre trousse ? » D'autant plus qu'elle n'avait pas donné de ses nouvelles à James depuis quelques temps maintenant, hormis deux pauvres messages la veille au soir, pour lui ordonner de se mêler de ses affaires et de lui foutre la paix, en quelque sorte. Quant à Benedikt, il penserait sans nul doute que les deux femmes étaient folles bonnes à être internées, puis pour le reste... au pire, on s'en moque, elle verra déjà ceux qui réclameront en répondant au message.

Quand Aengus est rentrée dans la chambre xD

« Tss !! Tu vois que ça marche ! Ahaha ! Je suis magique ! » S’écria Aengus en voyant Kirby se diriger vers l’armoire.

Sûre que Kirby serait plus sexy qu’elle en bikini ! Hum…Ca n’avait rien de difficile dans le fond. Si elle avait fini de faire mumuse ? Hum…voyons voir ? NON ! Ce truc brillait, clignotait, laissait entendre des petits bruits parfois et Kirby voulait qu’elle s’en sépare. Bon, c’est bien parce que c’était le sien ! A contre cœur, elle essuya la bave qu’elle avait allégrement étalée sur le plastique de l’objet.  Elle lui tendit le portable, retenant un sermon sur la façon dont ses engins pouvaient provoquer un cancer du cerveau dans la tête !

« Mais noooooon ! » Déclara Aengus en pensant à James.

Il ne l’avait jamais traqué nulle part. Il avait essayé de se placer dernièrement racontant n’importe quoi sur sa sécurité. Comme si elle avait attendu après lui pour prendre en charge sa propre sécurité ! Enfin, c’était un autre débat. Finalement, elle décida de prendre en compte les paroles de Kirby.

« T’aura pas besoin de portable là bas. Tu ferais mieux de le laisser ici. Je t’explique… une on peut tracer ces bêtes là, deux, si tu l’oublie sur place on sera dans la merde, trois, je suis jalouse, possessive et colérique si ton portable me vole la vedette pendant le week end, je le provoque en duel, à minuit, dans le parc de l’université pour lui faire sa fête! »

Entre l’humour et le sérieux, Aengus avait trouvé une nouvelle forme de communication. Certes, son adaptation à la situation demeurait particulièrement restreinte, mais la blondinette teintée de rose se moquait bien des répercutions. Depuis le temps, elle avait pris l’habitude de se faire envoyer sur les roses. Il fut un temps où, elle ne savait parler qu’en criant et blessant. Une façon d’imiter ses proches, seul modèle qu’elle avait sous les yeux pour savoir comment se comporter. Parfois, on avait tendance à oublier qu’elle ne se rappelait de rien, pas même des punitions ou leçon de moral de son enfance. Ca n’était pas toujours évident de savoir ce qui était bien ou mal. Mais inutile de s’éterniser. Aengus attrapa le sac de Kirby pour le placer sur son épaule. Madame était invitée, elle n’aurait rien à faire. De cette façon, elle s’assurait aussi que Kirby ne se défilerait pas. Autrement, Aengus serait bien capable de revendre ses affaires sur Ebay.  Enfin, si elle comprenait le mode de fonctionnement.

« On va dans une big villa au bord de la plaque. » Plage… Aengus, PLAGEUH « C’est une planque privée ! » PLAGEUH ! « Mais j’ai les clefs ! AHAHA Y a un frigogidaire »  un frigidaire … « il fait même des tout petit euh... cubes de neige dure avec des formes marrantes ou de la glace pillées ! Y a des trucs tellement oufs que je sais même pas comment ca s’appelle. Comme euuuuh un aspirateur rond qui marche tout seul, un mini tracteur pour couper l’herbe, une salle de gym avec des gros ballons tout mous, une pièce remplie de vapeur, un cochon noir » Aller savoir le rapport avec le reste… « Il s’appelle Godrik ! Mais moi je l’appelle Aidan parce qu’ils sont ennuyeux tout les deux. Y a des lits super géant qui massent, des matelas d’eau et puis… UNE PIECE AVEC QUE DES VÊTEMENTS ET UN TABLEAU QUI CLIGNOTE AVEC DES GENS QUI BOUGENT ET QUI PARLENT DEDANS EN 3 D que c'est écrit dessus.»
Une télé quoi… Alors ? Ca donnait envie.

« Faut juste prendre le bus pour y aller… »

Oui, tout de suite, ca démontait un peu l’ambiance…

A la plaaaaage !

De la magie ? Aucunement, juste l'envie de ne pas froisser son amie, rien de plus. Kirby hausse un sourcil, c'est mal connaître James dans ce cas, car la jeune femme le connait pour être prêt à tout pour arriver à ses fins. Pour l'instant, elle pouvait s'estimer heureuse qu'il ne mette pas son téléphone sur écoute où qu'il ne lui implante pas une puce électronique dans la nuque afin de suivre ses moindres faits et gestes. Quoi que, cela risquait peut-être de venir, notamment en vu de son état actuel, autrement dit, plus que lamentable. La Iota était bonne à être ramassée à la petite cuillère. « Jalouse et possessive ? Je te rassure, jamais je n'oserais te tromper avec une petite machine dans le genre. » Les mots étaient sortis, accompagnés d'un mince sourire en coin. S'en était déjà trop pour la cheerleader qui tourna les talons et qui, suite à un long soupir, éteignit donc son portable avant de le glisser dans le tiroir de sa table de chevet. Dire qu'elle devrait faire un nouveau tour par l'université pour le récupérer avant de s'enfermer une bonne fois pour toute chez son défunt petit ami. Kirby se demandait si un jour, elle aurait le droit d'avoir un mode d'emploi sur Aengus, car depuis que les deux femmes s'étaient revues lors d'un séjour au ski, elle n'arrivait plus vraiment à cerner le personnage en face d'elle. La dernière fois, les esprits se sont échauffés et la dispute a été plus qu'inévitable et là, après des semaines sans s'adresser le moindre mot, la Gamma lui proposé un voyage sur un ton des plus enjoués. Blank aurait pu se méfier, sentir le piège à plein nez, mais il s'agissait d'Aengus et au fond d'elle, la Iota savait qu'elle ne lui voulait aucun mal, il fallait juste qu'elle comprenne le fonctionnement de cette boule de nerf pour mieux la cerner. La plaque ? C'est quoi ça ? Un nouvel endroit branché de la ville ? Possible, après tout, depuis qu'elle fréquentait Noah, la cheerleader avait mit un terme à toutes ces nuits de débauches au cœur de San Francisco. Une planque ? Avec des mafieux peut-être, le mauvais plan dans toute sa splendeur, ce qui ne surprendrait en rien la blondinette, Aengus étant connue pour être une femme à problèmes. Frigogidaire ? Il faudra vraiment lui donner quelques cours de langues à cette fille. Et pas en lui collant la sienne au fond de la gorge, non, des cours de langues comme à l'université ! Des glaçons, ça doit être ça les cubes de neige, non ? Et si ce n'est pas le cas, elles ont du souci à se faire. Un cochon noir ? Pour le coup, Kirby ne voit pas où la Gamma veut en venir, peut-être s'agit-il d'un véritable animal... mystère. Pardon ? Comment ça, prendre le bus ? « Y'a pas le service limousine avec cette villa ? Ça craint quand même. » Les deux étudiantes quittèrent dont la chambre, puis l'université, attendant donc un bus qui arriva enfin après quelques minutes d'attentes. Grimpant à l'intérieur, le trajet parut durer une éternité. Peut-être parce que ce n'était pas le bon bus et qu'entre-temps, elles avaient dû descendre pour en prendre un autre avant d'arriver à deux pas de la villa. « La prochaine fois, on arrivera plus vite à pieds. » S'il venait à y avoir une prochaine, ce que Kirby doutait. « T'as tué qui pour avoir cette villa ? Des mafieux italiens ? » Dans quel cas, elle aurait quand même dû prendre son portable histoire de prévenir son frère qu'il était possible que les deux jeunes femmes courent un grave danger. L'étudiante en médecine arrivait, contre toute attente, à glisser quelques remarques supposées être plus ou moins amusantes, bien que cela ne soit pas vraiment le cas, mais que voulez-vous. Elle ne pouvait pas faire de miracles, uniquement des efforts pour paraître un peu plus sociable.

Dans la tête à Aengus

Plus rapide à pied ? Le calcul oubliait les lacunes d’Aengus pour se déplacer. Dans la vie courante, à partager un bref moment avec la gamma, ses facultés ressemblaient facilement aux autres. Néanmoins, de longs moments passés à ses côtés changeaient le point de vue. Essoufflements,  douleurs, perte de coordination et autres réjouissances pointaient le bout de leur nez. Être assimilée à une handicapée poussait Aengus à se camoufler au mieux et ne jamais passer trop de temps avec quelqu’un sans partager une pause, à priori innocente et bienvenue, pour ne pas avoir l’air d’une attardée. Un jugement sévère pour Aengus envers son propre corps l’encourageait à ne jamais baisser sa garde et à continuellement tout calculer pour ne pas finir seule, perdue et épuisée en ville. Mais repousser ses limites lui permettait de se relever plus vite, d’avancer et de ne pas se lamenter continuellement. Une vision à double tranchant qui, parfois, la conduisait à aller trop loin, s’abimer et brûler sa santé par les deux bouts.

Dans un rire, Aengus jeta un coup d’œil au bus qui s’éloignait. La remarque de Kirby fini par tomber. Aengus pétilla de plus belle, laissant comprendre qu’elle s’était bien amusée dans ce véhicule. Que de gens agréables avec qui discuter et partager un espace restreint.

« Ils sentaient pas trop mauvais. » Affirma-t-elle en guise de conclusion sur le sujet du bus.

De leur point de vue, une immense villa se dressait au bout d’un chemin sinueux, perdu entre les touffes vertes de buissons taillés à la perfection. Rien n’appartenait au hasard, ici-même. Aucun brin d’herbe ne poussait plus haut que son voisin. Les murs blancs de la façade se trouaient ça et là d’immenses fenêtres, toutes sans la moindre trace de salissure. Les volets roulants s’ouvraient tous exactement à la même hauteur. Mais elle serait bien plus agréable une fois à l’intérieur.  Dans un geste sûr, Aengus tapa le code du portail puis enfonça l’une des clefs dans la serrure. Le terme plus correct fut d’attendre une dizaine de tentatives, toutes noyées par les rires incessants d’Aengus, pour que la clef s’introduise dans la serrure. Victoire ! Première étape de faite. A peine le portail refermé derrière elles, Aengus expliqua à Kirby.

« En faite, je travaille ici. J’ai fait un double des clefs et j’ai volé les codes de l’alarme. Comme les prioritaires partent en Week end, je me suis dit qu’il fallait en profiter au plus vite. Après, j’ai soudoyé le gars qui fait des rondes de temps en temps. »

Repenser à l’illégalité du geste ? Non. A la façon dont elle avait soudoyé le gardien ? Non plus.  La maison culminant au sommet d’une des fameuses collines de la ville, l’allée se dressait face aux filles comme la pente ultime à gravir. Mais Aengus ne sembla pas de cet avis. Elle montra, d’un signe de la tête,  une petite voiturette, similaire à celle présente dans les clubs de golf.

« Je te laisse conduire ? » Demanda Aengus en déposant lourdement son sac à l’arrière du véhicule. « Les clefs sont sur le contact, ils ne l’enlèvent jamais. Ils sont tellement sûrs que personne ne rentrerait en douce. Oh et… ils sont français. Il paraît qu’ils sont prétentieux, les français. Moi je croyais qu’ils avaient tous un béret sur la tête, une braguette »  Oups lapsus... « de pain sous le bras et le nez rouge parce qu’ils ont toujours trop bu de sang dans des verres à vin, mais non…  »

Hollywood et les clichés rapportés par le cinéma fonctionnait étrangement bien avec Aengus.  Soyons sûrs qu’elle devait penser que dans Paris, tout le monde pouvait voir la Tour Eiffel depuis sa fenêtre et que les Français étaient tous des vampires qui ne craignent pas le soleil. Mais avant toute chose, elle souhaitait faire une plus ample explication à Kirby. Portant son poing à sa bouche, elle se racla la gorge d’un air aussi sec que pincé. A croire qu’elle venait de profondément s’enfoncer un balai dans le postérieur.

« Ils parlent comme ça. Je ne comprends rien le plus souvent. Ah ces américains, aucune classe dans leur goût, regardez-moi ça, des cheveux roses, une hôte. »

Honte, Aengus… HONTE  à toi. Enfin, son imitation réussie suffisamment  pour lui arracher un sourire en coin avant qu’elle ne jette un regard vers la maison. A chaque fois qu’elle devait monter cette pente, Aengus s’imaginait qu’elle était magique. Une fois en haut, la gamma finissait la langue pendante au sol et les membres transformés en coton. Un détail qui ne manquait pas d’agacer la propriétaire. Si son mari était une crème, surtout depuis qu’ils s’envoyaient en l’air régulièrement dans la cabane au fond du jardin, la femme était aigrie. Probablement n’était elle pas assez bien pour séduire le jardinier.  Son mari, lui, se perdait souvent entre les cuisses de la femme de ménage, Aengus. Ce moment  distrayait et amusait Fraisinette car depuis, son amant ne cessait de lui offrir des cadeaux, un geste difficile à expliquer à son petit ami d’une jalousie maladive.  Elle prétendait alors qu’il la payait en nature pour des heures de ménage supplémentaire. Elle évitait simplement de préciser le type de ménage dont elle s’occupait.

Banzaaaaaai !

Kirby avait dû oublier à quel point Aengus pouvait être imprévisible. Comme si ce week-end pouvait après tout se dérouler dans les normes. À peine avaient-elles passé le portail de la propriété que les révélations fusent dans tous les sens. Du 'Gus tout craché, bien évidemment. Soudoyer le gars qui fait des rondes ? C'est-à-dire ? Non, mieux valait ne pas poser la question à la Gamma, la réponse risquerait sans nul doute de lui déplaire. « Tu travailles ici ? Et tu fais quoi ? » Oui, parce que pour le coup, la situation échappée entièrement à la jeune femme qui se demandait bien ce que son amie pouvait trafiquer en ces lieux. Garde du corps ? Chauffeur privé ? Les possibilités étaient nombreuses après tout. C'était une mauvaise idée que de la laisser conduire une voiturette, aussi petite soit-elle. La dernière fois que Kirby avait pris le volant, elle avait passé près d'une semaine dans le coma et avais failli causer la mort de sa meilleure amie, mais également la sienne. Elle avait également perdu une partie de la mémoire, un épisode des plus traumatisants dans sa vie. La cheerleader ne répondit rien pour l'instant, se focalisant plutôt sur les propos que tenait Aengus, lui adressant au passage un faible sourire. Cela pouvait paraître comme un geste plus ou moins banal, mais pour Blank, c'était un effort des plus monstrueux. « Nous, aucune classe ? C'est vraiment une bonne blague. Eux, à part leurs vins, ils n'ont pas de quoi être fiers. Et tes cheveux sont très bien. » Parler de vin pour une ancienne alcoolique, c'est quand même un comble, d'autant plus lorsque cette dernière est à deux doigts de craquer au vu des évènements qu'elle est en train de traverser, évènements tenus encore secrets vis-à-vis d'Aengus. « Allez grimpe, j'espère que t'as les tripes bien accrochées. » Parce que cette petite balade, aussi courte soit-elle, ne sera aucunement une partie de plaisir. Venant à s'installer derrière le volant, l'estomac tout entier de la jeune femme finit par se compresser dans son abdomen, au point où elle crut qu'elle allait dégobiller le peu de choses qu'elle avait pu avaler ces derniers jours. C'était peut-être une mauvaise idée que de lui laisser prendre le volant de ce petit engin. Bien qu'il ne s'agissait aucunement d'un véritable bolide, la peur était toujours présente dans l'esprit de la Iota, et mettre les mains sur le volant fut une épreuve de taille à laquelle elle crut ne jamais survivre. Mettant ensuite le contact, elle ne put s'empêcher de sursauter avant de prendre une grande inspiration. Ici, rien ne pourrait leur arriver. Pas de voitures en mouvements à l'horizon, elles ne risquaient absolument. Son pied écrasa alors l'accélérateur, propulsant les deux femmes jusqu'au sommet de la pente en un temps record. Le cœur battant à tout rompre après un dérapage à deux mètres à peine de l'entrée, Kirby descendit de la voiturette, les jambes flanchantes au point de devoir se retenir à l'engin pour ne pas céder sous son propre poids. Cette angoisse ne semblait plus vouloir la quitter et c'était un problème de taille dans sa vie de tous les jours, contrainte à marcher de longues minutes, ou à prendre le bus dans le meilleur des cas lorsqu'elle en avait le courage. Dieu seul savait qu'il ne fallait pas la forcer à monter dans l'un de ces engins de mort, une erreur qu'avait commise son demi-frère un jour et qui l'avait rendu encore plus faible qu'elle ne l'était déjà. Mais elle ne pouvait lui en vouloir, il n'avait pas su pour son accident. Après avoir récupéré les sacs à l'arrière, les deux jeunes femmes gagnèrent la porte d'entrée de la villa. « T'es bien sure qu'ils ne seront pas là du week-end, hein ? J'ai pas trop envie de refaire un séjour en prison. » Il ne manquerait plus que ça, la première fois avait déjà été la fois de trop.