Benedikt & Kirby

La nuit avait été courte, mais surtout éprouvante. J’avais passé cette dernière dans un petit motel miteux situé dans la baie de San Francisco et avais passé plusieurs heures à flâner dans les ruelles de coin afin d’y retrouver Tacha. Après une lourde altercation, cette dernière avait pris la fuite et j’avais en un rien de temps perdu sa trace, la faute à ces talons que j’avais enfilé le matin même. J’avais espéré la retrouver mais il semblait bien qu’elle avait quitté la baie. Bien trop tard pour prendre un bus, appeler un taxi étant tout simplement au dessus de mes forces, j’avais pris la décision de passer la nuit dans le coin. Mais le lendemain matin, je ne tardais pas pour retrouver San Francisco même, me rendant dans l’appartement vide de mon père, ce qui n’avait rien de guère étonnant. Mais dans l’après-midi, je commençais à me sentir mal à repenser à la journée de la veille. L’appel de Benedikt, le sermon que je lui avais fait et la dispute avec Tacha, tout cela était bien trop pour moi. Après tout, cette histoire ne me concernait en rien et pourtant, je me sentais dans le devoir d’y fourrer mon nez. Une fois de plus j’hésitais à appeler Joe pour le tenir informé de la situation actuelle mais rien n’y faisait, quelque chose m’empêcher à la mettre au courant. Prenant donc mon sac à main, je pris le premier bus qui pouvait m’emmener jusqu’à l’hôpital. Bien que je faisais des stages depuis plusieurs mois dans cet endroit, les longs couloirs, les escaliers et l’odeur qui s’en dégageait me répugnaient à l’heure actuelle. J’y avais pris goût à force mais aujourd’hui, rien n’y faisait et c’était sans aucun doute dû à la pression qui commença à s’installer en moi, mon cœur battant un peu plus à chaque nouveau pas que je faisais. Et enfin, j’arrivais jusqu’à la porte de la chambre de Benedikt, m’arrêtant devant cette dernière et fermant les yeux, respirant aussi calmement que je le pouvais, essayant tant bien que mal de calmer les battements de mon cœur. Après avoir rejeté mes cheveux blonds en arrière à l’aide de ma main, je finis par frapper à la porte avant d’y entrer dans un silence d’or. L’espace d’une seconde, je me pinçais les lèvres tout en observant le jeune homme allongé dans son lit et je refermais la porte derrière moi. Je m’approchais alors de lui d’un pas des plus légers, sans un bruit, sans une parole et je pris alors place sur une chaise non loin de lui. « Salut… », soufflais-je alors que mon regard était dirigé vers le sol. « Ecoute, je… » Je suis désolée ? Mais de quoi exactement ? De lui avoir hurlé dessus hier ? De m’être inquiétée pour lui ? D’avoir eu cette altercation avec Tacha ? J’avais tellement de choses à lui dire que je ne savais plus par où commencer et ma gorge se serra tellement j’avais peur de sa réaction face à tout ce dont je voulais lui parler.

Benedikt & Kirby

Peut-être que cela avait été une mauvaise idée que de venir à son chevet. Enfin, il n’y avait pas de peut-être, c’était de loin l’idée la plus stupide que je pourrais avoir de la journée, hormis peut-être celle de venir déranger Noah en plein travail, si bien évidemment, il se trouvait en ses lieux. Je sentais bien que ma présence était de loin la bienvenue mais pour rien au monde je n’aurais fait marche arrière. J’avais néanmoins froncé les sourcils après avoir entendu le mot que le jeune homme se daigna à peine à prononcer. Délicatement, je me mordais la lèvre inférieure, cherchant les justes mots que je devrais me prononcer mais sur le coup, rien ne me vint à l’esprit. Cela était sans aucun doute dû au fait que Benedikt était en train de bouder dans son coin, ayant détourné le regard pour que je ne croise pas ce dernier. J’accordais donc plus de temps à ma réflexion, me demandant si je devais d’abord parler de la raison qui l’a poussé à agir de la sorte ou plutôt de Tacha. Je trouvais la première idée plus intéressante à exploiter car il est vrai qu’il avait malgré tout tenté de prendre la fuite sans prévenir personne, pas même sa meilleure amie, sa petite Blanket de veau quoi. Rien qu’à repenser à cette idée, je lui en voulais. J’avais qu’une seule envie, c’était de me lever et de lui coller une belle claque en pleine figure afin qu’il comprenne tout le mal mais également toute la peur que j’avais ressenti en apprenant ce qui s’était déroulé avec sa soi-disante petite amie. Peut-être même lui en voulais-je plus à lui qu’à elle, allez savoir exactement. « Tu peux me dire ce qui t’es passé par la tête ? Ta petite virée romantique avec Tacha là. Tu voulais prouver quoi ? Que t’étais un gros dur ? Que tu pouvais vraiment faire ce que tu voulais quand tu le voulais ? Parce que tu croyais peut-être pouvoir partir sans que personne ne se lance à ta poursuite ? » Finalement, j’avais opté pour l’option je te déballe un peu tout en même temps et tu te débrouilles avec ça. Je n’étais pas du genre à tourner autour du pot, je préférais aller droit au but et qu’il le voulait ou non, Benedikt allait devoir m’apporter des explications. Peu importe quelle méthode je devrais employer, la douce ou la forte, j’aurais tôt ou tard mes réponses. Je le regardais ainsi donc d’un regard noir, ma discussion avec Tacha ayant tourné au vinaigre, j’espérais que celle avec Benedikt se passerait mieux mais vu la tête d’ours qu’il faisait, ce n’était pas gagné d’avance.

Benedikt & Kirby

Sans lâcher le jeune homme du regard, je jouais avec mes doigts, retenant tant bien que mal toute la fureur qui ne demande qu’à s’échapper de moi. Je ne savais plus si j’avais déjà été comme cela par le passé, tout du moins avant mon accident, mais aujourd’hui, j’étais bien cette fille prête à tout pour arriver à ses fins, celle qui ne laissait jamais rien tomber et pas même la rancœur que Benedikt avait à mon égard ne me ferait sortir de cette pièce. Seule une infirmière le pourrait et encore, elles auraient plutôt intérêt à être plusieurs car je serais loin d’être coopérative. Fronçant les sourcils, j’avais du mal à saisir tous les mots qu’il venait à prononcer mais j’avais bien réussi à en entendre les premiers, ce qui, bien évidemment, eu le don de m’énerver un peu plus. « Quoi ? Qu’est-c’qui a avec les filles dans mon genre ? Tu peux répéter j’ai pas tout saisi ? » Je lui lançais un regard noir bien que ce dernier n’y prêtait guère attention mais si jamais il venait à se retourner, je voulais qu’il voit à quel point il était en train de m’énerver à jouer à l’enfant. Que voulait-il dire par les filles dans mon genre ? J’étais pas assez bien pour lui ? Tous ces moments passés n’étaient en fait qu’une simple mascarade qu’il avait monté ? Peut-être qu’il était au courant pour la brève liaison que j’ai eu avec son père et qu’il voulait me le faire payer en se prétendant être mon meilleur ami ? Tout s’embrouillait dans ma tête à présent. « Qu’est-c’que tu crois ? Je suis venu voir comme tu allais, prendre de tes nouvelles. C’est vrai, parce que si j’avais dû compter sur toi pour me tenir au courant de ton état, j’aurais pu attendre jusqu’à Noël. » Ou peut-être ne l’aurais-je jamais su et c’est bien l’une des choses qui m’énervait le plus dans cette histoire. Puis le fait qu’il me tourne le dos… Je rêvais de lui en coller une bonne à l’heure actuelle. « Et tu peux me regarder quand je te parle au moins au lieu de marmonner dans ta barbe comme un gamin ?! », criais-je presque à son égard tandis que j’enfonçais mes ongles dans ma chaire, me retenant de me lever pour l’étrangler.

Benedikt & Kirby

Je croisais alors les jambes, énervée par le comportement puéril qu’avait Benedikt. Je croisais également les bras contre ma poitrine, le regard noir, tout cela dans le but de ne pas me lever et me jeter sur lui pour l’étrangler jusqu’à ce qu’il ne vienne à manquer d’air. Ne comprenait-il donc pas que j’avais eu la peur de ma vie en apprenant ce qui lui était arrivé ? Chacune de ses paroles étaient des coups de poignards qu’il me plantait en plein coeur et j’avais un peu plus mal à chaque mot qu’il venait à prononcer. Malgré tout, je ne laissais rien paraître. Mon visage restait de marbre et ma voix ne tremblait pas, tout cela grâce à lui, en apprenant à lui tenir tête à chacune de nos disputes en public. J’avais eu peur qu’il prenne mal chaque parole dure que je lui disais mais avec le temps, j’avais appris que ce jeu ne lui faisait rien, que je pourrais lui dire toutes les saloperies du monde, il savait toujours que je me rattraperais par la suite, loin des yeux. « Pourquoi t’aurais dû me donner des nouvelles ? Parce que j’ai le droit de savoir merde ! » J’aurais pu lui faire un énième discours mais je devais quelque peu me calmer, je le savais capable d’appeler une infirmière pour me faire sortir de force et ce n’était pas ce que je voulais. Me rendant compte du ridicule de la situation, je pris une grande inspiration et soufflais un bon coup afin de me calmer. A noter que je devrais faire une séance de yoga en sortant d’ici. « Mais t’es un enfoiré c’est pas possible ça ! », criais-je à son égard alors qu’il venait de me faire le coup du j’te regarde sans vraiment le faire. Je bouillonnais de rage et il pouvait compter sur moi pour lui faire payer tout cela tôt ou tard. Je me levais alors, retirant mes talons en un rien de temps avant de venir m’installer sans gêne dans le lit, à ses côtés. « Vas-y, dégage un peu ! » Le repoussant quelque peu, je m’allongeais au près de lui, mon dos collé contre le sien, le regard tourné vers l’endroit où j’étais encore assise quelques secondes auparavant. « J’te déteste. Enfoiré. Vicelard. Tête à claque. J’ai envie de te frapper. », lui avouais-je d’un ton presque sec.

Benedikt & Kirby

Chaque nouveau mot qu’il venait à prononcer était tel un poignard qu’on venait à planter au beau milieu de mon cœur. Chaque parole qu’il venait à prononcer concernant sa fugue me faisait un mal terrible et il devenait de plus en plus dur de refouler toutes les larmes qui menaçaient de couler à cet instant. Mieux valait clore au plus vite cette discussion sinon je risquerais de retourner la chambre entière et de l’assommer à coup de chaise, il aurait alors une bonne raison de m’en vouloir. Que pouvais-je ne pas comprendre ? Qu’il voulait s’enfuir avec sa petite amie de toujours ? D’accord, je n’étais peut-être pas du genre sentimentale, je n’avais jamais eu de vraies relations depuis que j’étais à Berkeley, mais quand même, j’étais capable de comprendre ça. Ou alors parlait-il du fait que son père avait une dent contre Tacha, ce dernier qui courait toujours derrière la jeune femme ? J’étais au courant, mais je ne pouvais me permettre de le révéler à Benedikt sans lui dire que je supportais plus l’opinion de Joe que celui de mon meilleur ami. Il ne comprendrait pas le fait que je fais cela pour son bien, il ne me verrait plus que comme une entrave à sa relation avec Tacha. « Et j’en suis fière. », répondis-je alors qu’il venait à me traiter de Barbie. Juste parce que j’étais blonde. Et si j’avais été brune, de quoi m’aurait-il traité ? Je fronçais les sourcils alors que le jeune homme était en train de rire tandis que je prenais place à ses côtés sans la moindre gêne. Avait-il vu ma petite culotte ou quoi ? « Tais-toi, j’suis pas grosse contrairement à toi ! » Dés lors, je savais qu’il était bel et bien présent, c’était sa manière à lui de me taquiner et vu l’état grognon dans lequel il avait été quelques minutes auparavant, il ne se serrait jamais permis de me dire de telles choses. Au passage, je détestais quand il le faisait, j’étais loin d’avoir besoin d’un régime, bien au contraire. Un mince sourire se dessina sur mes lèvres alors que je le sentais se retourner, sa main se posant sur ma hanche pour m’enlacer. Je préférais bien mieux être dans ses bras plutôt que de m’en prendre plein la figure comme cela avait été le cas. « C’est ma spécialité, tu devrais le savoir. » Après tout, notre relation ne se résumait pas à bisous, câlins, mais bien à s’en mettre plein la tronche de temps à autre. « Comment t’as su que j’étais à l’hosto ? » Et voilà, la question fatidique que je redoutais temps. Malgré tout, je faisais en sorte de rester neutre face à celle-ci, si je commençais à paniquer il saura très bien que quelque chose se trame dans son dos. Quoi que cela n’était qu’une question de temps avant qu’il ne le découvre. « Je travaille ici la moitié du temps je te signale, impossible de ne pas être au courant de ta présence. » Réponse la plus probable qu’il soit.