Salle : Laboratoire de chimie. Présence : Je suis seul, en pleine nouvelle expérience. Temps au dehors : Humide. Humeur : Concentrée. Heure : Aucune idée. Ca doit faire environ une heure, une heure et demie que je suis sur ce mélange. Chaque étudiant de quatrième année de chimie avait un dossier à rendre pour la semaine prochaine. Dossier qui devait présenter le nouveau composant qu’il avait créé et expérimenté, ainsi que les effets que celui-ci produisait sur diverses matières. Il n’y a pas à dire, la chimie, ce n’est pas de tout repos, et c’est loin d’être facile. Nous autres chimistes, parmi les meilleurs cela va de soit, avions par exemple, tous les matériaux et moyens intellectuels nécessaires pour fabriquer une bombe ou autres produits de synthèses dangereux. Raison pour laquelle, les professeurs et la loi ne nous autorisait à manier certains produits qu’au-delà d’un certain âge, après vérification de nos ‘compétences’ et selon la spécialité que nous avions choisi d’étudier. Pour ma part, il s’agissait de chimie nucléaire. Soit, l’un des domaines les plus risqués mais passionnants qui existent. Et pour ce faire, j’avais eu droit à ma propre salle pour faire mes expériences, étant major de ma promotion. Il faut dire que passer quatre ans dans un ghetto de Russie, à jouer avec le feu, et à espérer pouvoir faire des études, j’avais, une fois débarqué aux Etats-Unis, tout fait pour réussir dans ce domaine. Pour moi, mais aussi pour faire la fierté de mon seul parent encore en vie. Mon père, également professeur dans cette université. Quoiqu’il en soit, les divers tubes à essai étaient tous reliés les uns aux autres par des fils suspendus. Vous avez sûrement déjà visionné des films faisant état de savant fou dans son laboratoire, avec des liquides qui moussent, débordent, virent à l’orange ici et là. Nous sommes un peu dans le même cadre, actuellement. Et rien ne devait perturber cet équilibre fragile. Surtout pas … « Oh put*** ! » …une tornade rose qui n’a rien à foutre ici et qui risquait de tout foutre en l’air. Mesdames et messieurs : Aengus O’Griffin vient de faire son entrée. « Je suis occupé. Repasse dans quelques siècles. » grognai-je sans même lever les yeux du rapport que j’étais en train de rédiger.

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Elle vient bien de dire ce que je crois qu’elle vient de dire, j’ai pas rêvé ? Elle m’a traité de gamin, moi ? Poussant un long et exaspéré soupir en faisant semblant de ne pas avoir entendu – au risque de me jeter sur elle pour l’étrangler – je suis cependant soulagé de savoir qu’elle n’a pas changé depuis le temps qu’on ne s’est pas vus. Toujours aussi puérile, et dénuée de sensibilité, ça fait plaisir. Au moins elle, à la différence de Kirby ou d’une autre femme sensible à mon charme ou habituée à recevoir et donner des câlins, n’allait pas me sauter au cou pour m’embrasser ou me demander comment j’allais. Non, je ne suis pas vexé par une telle démonstration d’éloignement. Il faut dire que je suis actuellement dans une phase. Soit je fuis le contact avec le sexe opposé, soit je m’énerve contre lui, au choix. Dans les deux cas, je rejette en bloc tout contact physique. Bref, je continue donc mes manipulations, écoutant distraitement ce que Aengus est en train de murmurer dans mon dos. Elle étudie dans quelle spécialité déjà ? Pourvu que ce soit la chimie ou la physique. Qu’elle sache au moins les produits qu’elle est en train de mélanger parce que sinon … Sur le moment, lorsqu’elle est arrivée, je m’en fichais un peu, trop concentré sur ma propre expérience de labo pour être attentif à ses faits et gestes. Jusqu’à ce qu’une odeur nauséabonde n’envahisse la salle, et que je me retourne pour découvrir la connerie de mademoiselle. « Put*** de bord** de m*** !! Mais qu’est-ce que t’as foutu ! C’est pas vrai ça !! » m’exclamai-je en courant jusqu’à la fumée nocive qui était en train d’envahir toute la pièce. Et ça fait tousser en plus, ce truc ! Bientôt, de grandes flammes rose vif léchaient même le plafond. « Mais arrête de tourner autour, tu vois pas que ça crame !! »[/b][/color] Cette fille était cinglée ! Elle était en train de nous faire griller et au lieu d’appeler du secours ou de sortir de la salle, elle dansait autour comme une hystérique. « T’as mis quoi là-dedans, m*** ! » Et les jurons pleuvaient. Et les regards incendiaires aussi. Rapidement, je jette un coup d’œil sur les produits qu’elle a utilisé. « Du… nitrate de… oh put*** dis-moi que t’as pas mis ça là-dedans ? » murmurai-je dans un souffle, les yeux sortant de leurs orbites. Un grand boom plus tard, et nous nous retrouvions tous les deux projetés contre le tableau noir du laboratoire. Evidemment, mes tubes à essai et tout ce que j’étais en train de faire avaient également pris la poudre d’escampette au passage, réduisant à néant tous les efforts que j’avais entrepris jusque-là. « Je vais te tuer. JE…VAIS…TE…TUERRRR !!! » Un éclat de voix résonna dans toute la salle. Et je suis prêt à parier que mon cri a même percé jusqu’au centre ville.

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Si c’est de l’humour, ce n’est pas drôle. C’est même tout sauf drôle. « Tu veux faire crâmer un truc dans une salle de labo de chimie, en utilisant des produits corrosifs pour la plupart, explosifs pour les autres, tu dis que t’es pas folle ? » grognai-je en avisant le stock de matériel qu’elle a utilisé – et gaspiller puisque la plupart ont flambé sous l’impact – des mains. Et dire que c’est moi qui suis responsable du labo en plus aujourd’hui. Mon directeur de thèse va m’assassiner. Si la doyenne n’appelait pas la police, après les pompiers, en plus de ça. Comme si je n’avais pas suffisamment de problèmes. Décidément, à chaque fois qu’elle est dans les parages, c’est le même cirque ! « Aengus… donne-moi une seule bonne raison de ne pas t’aplatir contre ce tableau, là maintenant ? » susurrai-je soudainement avec un sourire sadique au possible. Sadique, mais non moins exaspéré. « Toi c’est pas de l’air qu’il te faut, c’est une cervelle ! » Bon ok, ça, c’était méchant. Mais elle m’énerve à toujours me chercher des poux aussi ! « Oui, et ce sera de ta faute ! Tu pourras le dire à St-Pierre quand tu monteras là-haut. » soupirai-je en levant mon doigt vers le plafond. Non, je ne parle pas du toit, mais du paradis. Pour peu qu’on la laisse y entrer. Rien n’est moins sûr. Il doit bien avoir un endroit exprès pour les fous, non ?! Vous croyez qu’il existe un asile en enfer ? Au bout du compte, je me relève péniblement, en reniflant l’odeur infecte qui envahit peu à peu chaque mur de la salle. Ca pue, et ca pique la gorge et les yeux en plus. Une bombe lacrymogène, c’est ça qu’elle venait ‘inconsciemment’ de créer. « Quoi ? T’es malade ! On peut partir comme ça et laisser tout ça ici ?! » Pourquoi ? Et bien parce que … euh… parce que c’est pas bien. Depuis quand je fais du bien, moi ? « Allez cours, dépêche ! » finis-je par crier en la poussant vers la sortie. Et le plus loin possible du labo si possible, en évitant les endroits publics. Parce qu’avec la tête que j’ai, je ne risque pas de passer inaperçu, moi. « Qu’est-ce qui t’as pris, put*** ? J’étais sur une expérience hyper importante là, et t’as tout fait raté ! » grognai-je une fois hors de portée des radars.

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Pas folle, mais pas trop loin, je vous parie. « C’est ça. Tu trouves vraiment que c’est le moment pour faire de l’humour ? » grommelai-je entre mes dents en tendant les deux mains vers le bordel qu’elle venait de causer dans le laboratoire de chimie. Il suffisait qu’un prof ou une bande d’ALPHA – vous les connaissez, ces intellos ! – passe par là à ce moment-là, et on est dans la m*** jusqu’au cou. Je suis même sûr qu’on sera viré de l’établissement ! Ne jamais faire confiance à une fille qui a teint ses cheveux en rose, principe de base. Je savais que cette couleur allait recommencer à me porter la poisse un jour ou l’autre ! « Laisse tomber, aide-moi plutôt à ranger tout ça ! » soupirai-je en commençant par les bouts de verre qui jonchaient le sol. Et attention de ne pas s’approcher de ce liquide vert visqueux là-bas, je crois que je l’ai vu bouger … Au bout du compte, je finis par laisser tout en plan. De toutes façons, je n’aurai jamais eu le temps de tout nettoyer avant que quelqu’un ne se pointe. Et avec le boulet rose que je traîne avec moi, ç’aurait été toute la cavalerie qui aurait déboulé. « Me parle pas… de ma mère, c’est clair ? » marmonnai-je soudainement en lui agrippant le poignet et la tirant vers moi. Nos visages ne sont qu’à deux centimètres l’un de l’autre, et elle ne peut pas manquer de voir cette lueur malsaine que j’ai dans le regard depuis le décès de ma génitrice. Finalement, je la relâche, sans m’excuser pour autant. Avec tous les bandages qu’elle a sur le corps, elle doit être habituée à se prendre des coups de toutes façons. Comment ça c’est pas une raison ? Hey , Fabio ! C’est pas moi qui ais commencé alors mollo hein ! « Le manuel ? C’est moi le manuel, d’accord ?! J’étais censé créé par moi-même, me servir de mes neurones, si jamais ça t’es déjà arrivé ! En chimie, c’est ça le truc. » Si j’avais eu besoin d’un manuel, on aurait qualifié ça de plagiat. « Et pour ce qui est de noter, je l’avais fait … sur CE bout de papier ! » ajoutai-je en sortant de ma poche mon rapport à demi calciné. « …avant qu’une détraquée fasse tout péter et qu’il ne me reste plus rien ! » Elle devrait penser à intégrer l’équipe de déminage. Les bombes, ça semble bien la connaître. « Tu vas où comme ça là ? » Et moi, comme un imbécile, je la suivais même à travers les couloirs de la faculté. Avec des trous noirs dans ma chemise, et une basket qui montrait mes doigts de pied, je n’étais pas du tout repérable. « Aen… » C’est quoi ce bruit ? Me voilà poussé en avant dans une salle de cours. Génial. J’ai pas assez d’emmerdes comme ça. « Qu’est-ce que tu fais, encore ? » soupirai-je, complètement à plat. Les pompiers, c’est une blague ? « Tant mieux pour eux. » Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre, bon sang ! « Bon, maintenant tu bouges, moi je reste pas ici ! » Au risque de se faire pincer, non merci. Tout à coup, l’un des pompiers s’arrête, et jette un coup d’œil vers la porte derrière laquelle nous nous sommes planqués. « Je te préviens, si je me fais griller par ta faute… » Je n’ai jamais fini ma phrase. Sûrement parce qu’Aengus ne me prêtait pas plus attention qu’à un mur, ou que l’autre type ne bougeait pas de devant la porte.

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Elle avait du cran, pour une petite chose dans son genre. Sauf qu’avec le rose, impossible que ça fonctionne. Cette couleur me donnait la nausée, si bien qu’elle provoquait chez moi l’envie expresse d’exploser tout ce qui bouge. Et actuellement ce qui bouge, respire, et que j’ai sous le nez est quelque chose de bien vivant. Hélas. Je ne frappe jamais les filles. Même les filles à l’esprit aussi tordu qu’elle. Promesse que je me suis juré de tenir le jour où un type a eu le culot de tabasser ma mère. Je l’ai retenu celui-là. Et lorsque je l’ai retrouvé, croyez-moi qu’il a passé un sale quart d’heure. Il m’a fallu un peu de temps, cependant. Bah oui, je n’étais qu’un petit garçon quand c’est arrivé. Le temps que ça se développe et que je lui remette la main dessus. Heureusement, la ville de Bogotol, c’est qu’un caillou. Alors ceux qui y traînent, ce sont souvent des gens qui habitent dans le coin, et qui repassent les jours de pluie. Enfin, tout ça pour dire que j’ai fini par reculer, en gardant les poings serrés dans les poches de ma veste. On se détend Beni, c’est qu’une fille ! Elle a beau montrer les crocs, les tiens sont plus aiguisés.

Une fois dans la salle, à tourner en rond comme un lion en cage, je pense une minute à l’assommer avec cette chaise, histoire d’avoir la paix une bonne fois pour toutes. Vous imaginez ? Plus d’Aengus pour vous porter la poisse à chaque fois que vous ferez un pas ! Plus d’Aengus pour porter cette couleur affreuse qu’est le rose fushia. Plus d’Aengus pour me mettre des bâtons dans les roues. Et surtout, plus d’Aengus pour passer pour un étranger à ses yeux. Non mais sérieusement, c’était quoi son problème à cette fille ? Je pensais qu’on l’avait réglé à Tampa ? Mais non, il faut croire que non. De toutes façons, depuis notre voyage à la station de ski, cette fille se comporte bizarrement avec moi. Avant, sans dire qu’on était deux bisounours à se faire des câlins à longueur de journée, on était soudé. L’un pouvait dire une connerie et l’autre répliquait. On a même mangé de la glace devant un film porno. Je l’ai même vu en slip traverser mon jardin. Mais ce temps-là est loin. C’est elle qui l’a décidé. Du jour au lendemain. En me traitant comme si je venais de la planète Mars. Et moi aujourd’hui, j’ai changé aussi. Plus le même après des retrouvailles familiales catastrophiques. Finalement on retourne peut-être au point de départ. Salut, moi c’est Ben, et toi, c’est quoi ton prénom ? « Hein ? » Ce qui veut dire ? Encore un proverbe américain, j’en ai peur. Il faut vraiment que je mette une pancarte ‘MADE IN RUSSIA’ sur mon front pour que les gens comprennent que je parle pas tout à fait bien leur langue ou quoi ?! « Non, sans rire ! » soupirai-je en levant les yeux au plafond, l’air mauvais. Oui, je sais qu’on a grillé, merci de l’info. Ce que je veux dire, c’est que je n’ai pas envie d’être attrapé. Pincé. Gaulé. Menotté. Piégé. Repéré. C’est plus clair comme ça ?

Sans prévenir, elle s’approche soudainement de moi, alors que je cherche une issue de secours. La fenêtre m’avait d’abord paru être une bonne option. Sauf qu’au troisième étage, je risque de me casser une jambe dans ma chute. M’enfin, les optimistes diront que tant qu’il m’en reste une, la vie est belle. « Tu fais quoi là ? » grommelai-je en reculant d’un pas. Finalement, je préfère quand elle est de mauvais poil, c’est moins effrayant. Je recule encore, les sourcils froncés, sans comprendre là où elle veut en venir. C’est pour faire croire au pompier – il est déjà parti au fait. Hey ohh, tu m’écoutes ? – qu’on fait de rien de mal ? Juste jouer au couple imaginaire, c’est ça hein ? Lorsque son souffle me fait frissonner, je fais un bond en arrière en avisant la porte d’entrée derrière elle. Je préfère encore me taper les flics, finalement. « T’approche pas de moi, ok ?! » Sûrement le choc de la collision qui a fait sauter deux trois fusibles. « T’as dit quoi là ? Répète ! » Le mot de trop. Vous savez, quand ça arrive. Vous vous dîtes que ce n’est pas bien. Que ce n’est qu’un mot, sans importance. Que ça ne sert à rien de s’emporter. Que vous le regretterez plus tard. Sauf qu’à force de provocation, vous perdez les pédales. Ca peut arriver à n’importe qui, il suffit que toutes les circonstances soient réunies. « Si je t’entends encore une fois prononcer ce mot, je te jure que je te cogne, fille ou pas. » soufflai-je alors à son oreille après m’être avancé dans sa direction, à bout de nerfs.

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