Jeu Interdit

Bee ne comprend pas. Depuis le bal masqué organisé par l’une des associations pours lesquelles elle œuvre afin de récolter des fonds pour mener diverses actions, Thomas, une jeune homme bien sympathique rencontré lors des festivités, ne veux plus entendre parler d’elle et ce malgré l’échange de quelques textos auxquels il avait assez peu répondu en définitive et cela contrarie considérablement la demoiselle alors que son dernier message reste sans réponse. Enfin pendant un temps car après une longue attente, un message de son cavalier lui parvient. Prenant alors son téléphone, la princesse lit les quelques mots et se décompose quand ses yeux agrippent le mot majesté. Bien que pour la soirée, Thomas l’appelait princesse, ce nouveau mot lui donne quelques mauvais pressentiments même si tout le monde a découvert lors du discours, sous quel masque se cachait la princesse.


La jeune femme n’ose croire à ce qu’elle vient de découvrir là. L’homme n’a pas le temps de confirmer son interrogation que déjà, la demoiselle sait qu’il est effectivement son enseignant. Quelque chose le lui dit. Elle le ressent. Et cela explique tout ce qu’il a dit dans ses textos, concernant le fait qu’ils ne pouvaient pas, et non pas ne voulait pas, la fréquenter. Comprenant tout ce que cela implique et surtout tout ce que le jeune père risque si la presse ébruite cette information, sait-on jamais, la belle laisse couler quelques larmes sur son visage alors qu’elle se sent perdue, comme jamais avant ce jour.


Voilà une semaine que le bal est passé et une semaine que la jeune femme ne s’est pas présentée au cours du Français, sans donner aucune autre raison qu’un simple mot sur un bout de papier abandonné sur le bureau de l’enseignant. Un simple « Navré ». Une semaine qu’elle n’a pas croisé l’homme et même, une semaine qu’elle le fuit dans les couloirs lorsqu’elle le voit arriver au loin. Mais aujourd’hui enfin, la demoiselle décide de pointer en classe le bout de son nez. Alors elle se prépare, enfilant un jean noir et un élégant petit débardeur rose pastel avant d’attraper son sac et son téléphone pour filer, fermant la porte derrière elle.

Entrant dans la salle de classe, la jeune femme s’installer le plus au fond possible contrairement à son habitude, ce qui ne manque pas de surprendre et faire chuchoter ses camarades qui s’interrogent. A vrai dire, cela fait une semaine que la brune les étonne, à sécher un cours. Mais bientôt, comme le professeur prend la parole pour expliquer le programme du jour, tous se désintéressent d’elle pour fixer le professeur et elle s’applique alors à prendre toutes les précautions du monde pour ne pas croiser le regard de l’homme même si la chose est on ne peut plus difficile. Toutefois elle se force, s’impose cette réserve, tant elle a honte de ce qu’elle a fait ce soir là avec lui, tant elle a peur des conséquences que la soirée pourraient avoir sur leur relation assez cordiale jusque là, de professeur-élève.

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Jeu Interdit

Ce serait le dernier cours. Cette information fit que le cœur de la jeune femme manqua un battement. Après cette heure de classe, elle ne verrait plus le professeur de Français avant l’année prochaine. Peut-être que ça ne serait pas plus mal. Cet éloignement permettrait sûrement de faire tarir cette gêne qu’elle ressentait en cet instant même et peut-être qu’en fin de compte, ces vacances leur permettraient de passer à autre chose, à laisser leur nuit du bal et leur baiser loin derrière eux. Peut-être qu’au final, ne plus se voir pendant si longtemps permettrait de repartir sur de bonnes bases et c’était un moindre mal. Le meilleur qu’ils pouvaient envisager, à vrai dire.

Leurs résultats. Lullaby réalise qu’effectivement, il lui manque plusieurs devoirs corrigés et ce n’est que maintenant que sa curiosité se réveille. Quelles notes a-t-elle bien put obtenir ? Cette question la tarabuste et elle se sent toute impatiente de le découvrir. Et l’homme commence à passer entre les tables pour distribuer les copies. Bee a terriblement envie de le regarder, de croiser son regard quand il passera près d’elle. Son cœur bat déjà la chamade à la seule pensée de cet instant. Lullaby commence à désirer ardemment cette poignée de secondes.

Les copies en retard atterrissent sur son bureau alors que l’enseignant passe près d’elle. Pourtant, Bee décide finalement de ne pas relever la tête vers lui, de ne pas croiser son regard. Comme si cette idée lui faisait inexplicablement peur. Après tout, cela compliquerait peut-être tout entre eux. Et les choses étaient déjà suffisamment dures entre eux pour ne pas rajouter de difficultés aussi sottement qu’en voulant assouvir un désir pareil. Alors même si elle brûle d’envie de céder à cette envie, la princesse met tous ses efforts pour lutter contre elle-même et les tourments de son cœur.

Autour d’elle, tout le monde commente les copies, la correction, les corrigés. Attrapant ses copies, Lullaby commence à les relire, à regarder les annotations en rouge dans la marge, en s’attardant dessus non pas pour ce qu’il est écrit mais pour l’écriture en elle-même. En fin de compte, ses résultats passent au second plan et la jeune femme reste absorbée par ces écrits de la main de Thomas. Daniel. Qu’importe le nom. Une rose embaumerait tout autant sous une autre appellation après tout, n’est-ce pas ? Lorsqu’enfin la demoiselle regarde sa note, c’est assez distraitement. Et ce même si elles sont bonnes, pour ne pas dire excellentes.

Avec un soupir, Bee repose ses copies sur son bureau et les range dans son classeur en évitant toujours soigneusement et peut-être un peu exagérément le regard de Daniel. S’il n’a pas compris, avec un tel comportement, que la demoiselle est on ne peut plus gênée de ce qu’il s’est passé entre eux… Tout ce qu’elle espère, c’est qu’il n’aura pas l’idée de la convoquer après le cours pour parler, officiellement, de ses notes ou autre chose et, en réalité, pour parler d’eux, de leur situation, de cette soirée, de ce baiser… De ces bêtises qui se profilent à l’horizon.

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Jeu Interdit

La demoiselle aurait préféré que son professeur oublie totalement de la faire rester après le cours, qu’il oublie totalement de la torturer, de lui imposer de rester dans une salle presque vide, seule à seule avec lui pour seule compagnie. Qu’il oublie de lui causer ces tracs et cette peine supplémentaire, qu’il oublie, simplement, jusqu’à son existence parce que même cette optique lui est plus douce, moins désagréable, que de devoir passer quelques minutes tout près de lui après ce qu’ils ont fait ensemble l’autre soir, après ce baiser qu’elle lui a donné, se surprenant elle-même. Mais non. Le professeur de français n’oublie pas de lui imposer cette entrevue et, alors qu’elle fait semblant de n’avoir rien entendu en se dirigeant vers la sortie de la salle comme toute la classe, une amie l’attrape par l’épaule et lui signale que Monsieur Alexander souhaite lui parler. Se sentant prise au piège, la brunette retourne à sa place de sorte à mettre une certaine distance entre elle et l’homme qui lui fait face et qui vient lui donner son dossier de l’année. Curieux. Les autres ont-ils eut le leur ? Il ne lui semble pas. Alors elle ne tarde pas à comprendre qu’il veut qu’elle transmette cela à son prochain professeur de langue française. Ainsi, lui-aussi veux la fuir ? Cette idée la démoralise. Et elle n’a aucune envie de travailler avec un autre que lui malgré toute la gêne éprouvée aujourd’hui. Daniel ne tarde pas d’ailleurs à confirmer ce qu’elle a déjà compris, lui présentant d’abord la chose comme étant sa volonté à elle puis, la sienne à lui lorsqu’il signale, assez fermement, que cela est mieux ainsi, ce qui ne manque pas d’ébranler l’étudiante même si elle comprend les raisons de l’enseignant.

Ses effets personnels sous la main le professeur plante la russe là, se dirigeant vers la porte de sortie de cette classe, comme s’il manquait d’air et ne pouvait en trouver qu’à l’extérieur, comme si cette entrevue était tout aussi délicate pour lui que pour la brune. Probablement était-ce le cas. Probablement que ce baiser donné par la jeune femme l’indisposait, même s’il disait pouvoir faire la part des choses et ne pas tenir rigueur d’un petit accident. Si ce qui était arrivé pouvait être ainsi qualifié alors qu’aux oreilles de la princesse, cela sonnait avantage comme une insulte à la mémoire de cette nuit-là.

«- Cela dépends pour qui…»

Murmure la jeune femme même si elle le comprend alors que l’homme lui lance, depuis la porte devant laquelle il se trouve, que la nuit de leur rencontre, la nuit du bal de charité, a été parfaite. A vrai dire la russe est loin de penser tant de bien de cette soirée qui a mit à mal toutes ses convictions, qui a fait ressurgir toutes ses craintes, qui l’a complètement perdue et qui l’a conduire à embrasser un membre de l’équipe éducative, ce qu’elle n’aurait probablement jamais fait s’ils n’avaient pas portés de masques, l’un et l’autre. Et depuis ce soir là la demoiselle s’en veut, inutile de ressasser encore et encore ce qui était arrivé.

Se levant de sa chaise, la princesse parcourt en quelque pas le bout de l’allée qui mène à la porte mais au lieu de sortir, elle se plante devant l’enseignant et lui tend son dossier de sorte à ce qu’il le reprenne, sans qu’elle ne lui laisse trop de choix. Après tout, avait il l’intention, lui, de le lui laisser ? Pas vraiment.

«- Je n’ai pas l’intention de changer de professeur l’année prochaine, monsieur Alexander. Je crains donc que vous ne soyez contraint de garder ceci… » affirme-t-elle avec assurance pour montrer qu’elle ne pliera pas et qu’elle a bien l’intention de suivre ses cours l’an prochain. «De tout les professeurs de Français ici, vous êtes le meilleur après tout, à ce que l'on m'en a dit et je pense que c'est assez vrai...»

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Jeu Interdit

L’homme semble quelque peu surpris par la jeune femme alors que cette dernière lui tend son carnet tout en affirmant son désir de ne pas changer de professeur l’année prochaine. Ce que Lullaby ne dit pas, c’est que ce sera quelque peu difficile à vivre, évidemment, à moins que l’été efface le souvenir de la nuit du bal et de la plaisance qu’ils ont eut à converser ensemble, à flirter. Ce serait peut-être même douloureux, elle n’en sait encore rien. Mais elle sait, en tout cas, qu’elle ne veut pas changer de professeur. Il fronce les sourcils, elle ne sourcille pas. Non, elle ne cédera en aucun cas. Malgré sa douceur, la princesse sait aussi ce qu’elle veut et quelques fois, même si c’est rare, il lui arrive de penser à agir pour elle, un peu. Il ferme la porte et la jeune femme le fixe alors qu’il se retourne vers elle, prenant une inspiration avant de parler.

«- Je sais très bien ce qui est arrivé et je sais très bien aussi que sans ces masques, rien ne se serait passé ainsi. Toutefois nous ne pouvons pas revenir en arrière. Et même, je ne regrette pas cette nuit. Je ne regrette ni notre discussion, ni le baiser que je vous aie donné. La seule chose que je regrette, c’est qu’il y ait une loi pour me faire culpabiliser, une loi qui fait que, si la presser apprend cela, vous risquerez votre poste. Je ne leur en dirais toutefois rien, évidemment. Pour ma part, en ce qui concerne votre proposition c’est tout réfléchis… Je peux vivre avec ça et mettre cet accident de côté comme vous dîtes, j’ai connu pire. Toutefois… peut-être est-ce vous qui avez peur de m’avoir encore comme élève, davantage que moi j’ai peur de vous avoir encore comme professeur ? Dans ce cas alors, je veux bien changer d’enseignant, uniquement pour que vous ne risquiez rien. Mais si au contraire vous penser pouvoir vivre avec cela, passer outre ce qu’il s’est passé, alors je voudrai pouvoir continuer mon apprentissage avec vous. »

Le dossier quitte les mains de la demoiselle, comme si Monsieur Alexander voulait dire qu’il accepte de l’avoir encore dans sa classe l’année prochaine ce qui met inexplicablement le cœur de la russe en joie alors qu’il bat la chamade. Son bonheur intérieur disparait rapidement toutefois lorsque le professer reprend la parole pour l’inciter à parler si elle en éprouve le besoin et rappeler comme cela pourrait être dangereux si la presse s’emparait de l’affaire, ce que la brune sait fort bien, et comme, pour l’éviter, il préfère faire de cette nuit un piètre souvenir, ce qui ne manque pas de faire naître un pincement au cœur de la demoiselle.

«- Soit. J’ignorais que j’embrassais si mal pour que ce souvenir vous soit si piètre. Remarquez, ce n’est pas comme si j’avais une longue expérience à mon compteur… » réplique la jeune femme comme pour faire comprendre qu’elle n’embrasse jamais à la légère, d’une part et d’une seconde, que dans son esprit, le souvenir de cette nuit ne peut pas être qualifié de piètre, loin de là, même si c’est un songe assez contrariant désormais. «Non professeur, je n’ai rien de plus à évoquer et à vrai dire, je ne vois pas bien ce que nous pourrions ajouter. Aussi vais-je vous laisser tranquille maintenant, Samantha doit avoir hâte de vous voir.» lance-t-elle en s’avançant vers la porte qu’il a fermé un peu plus tôt, ayant dans l’idée de sortir si le professeur ne la retient pas, ne la rappelle pas à lui, désireux de dire autre chose.

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«- Je sais. Je sais que vous devez penser à Samantha, à son avenir. Je sais cela, parfaitement. Je pensais aussi à elle, en disant que la presse ne doit pas avoir vent de tout ceci car vous risqueriez votre poste et votre réputation. J'essaie de vivre sans me préoccuper de mon rang mais ce dernier, dans notre situation, renforce le danger. Même si vous vous en fichez. Je suis un personnage public et pour mon plus grand déplaisir, les paparazzis sont toujours à l’affût de la moindre information croustillante, du moindre faux-pas. Et si la presse apprend ce qu'il s'est passé, le monde entier le saura. Et donc vous ne vous en fichez pas tant que ça puisque le risque est que, malheureusement, la presse atteigne votre fille en ébruitant cette affaire. Vous comprenez où je veux en venir ?»

L'instant est cruel pour Lullaby qui se retient de toutes ses forces pour ne pas à la fois laisser couler une larme et sauter sur le jeune homme qui lui fait tant d'effets si distincts et variés. Cette entreprise est d'autant plus compliqué que le professeur déclare avoir été froissé par une absence aux cours. Ce qui donne un coup au cœur de la jeune femme juste avant que cette dernière apporte une réponse à l'homme.

«- Peut-être. Mais c'était trop tôt, trop dur après cette soirée. Je suppose que cela l'aurait été aussi pour vous, si j'étais venu... Non ?»

La demoiselle prend congé et avance en direction de la porte mais la silhouette de son enseignant l'empêche de passer alors que, d'un air fâché, l'homme lui demande de laisser Samantha en dehors de tout cela ce qui ne manque pas de surprendre la princesse qui ne s'attendait pas à de telles accusations à son sujet si bien qu'elle reste interdite quelques instants sans savoir que dire.

«- Je ne pensais pas à mal vous savez. Je suppose juste qu'elle devrait être contente de vous voir, c'est tout.»

La demoiselle observe l'homme vers qui elle vient de se retourner, sans dire un mot de plus. Ne sachant ni que dire ni que faire. L'envie de partir est grande. Celle de rester l'est aussi. Si bien que Lullaby se trouve perdu entre deux cœur et esprit, entre raison et folie. Se rapprochant du professeur en donnant l'impression d'attendre une réponse, elle s'arrête à quelques pas de lui et reprend la parole.

«- Je ne voulais pas vous offenser en parlant de votre fille je puis vous l'assurer professeur.»

Yeux dans les yeux, les deux jeunes gens se regardent, s'observent, se cherchent un peu, aussi. Bee sent son cœur battre la chamade contre sa poitrine et avance d'un pas encore, approchant un peu plus du professeur comme s'il avait sur elle une espèce d'attraction, comme un aimant. Un aimant énorme et très dangereux, peut-être davantage pour lui-même que pour la princesse. Quoique.

Un pas encore. Un autre. Un énième. Hypnotisée, la russe se rapproche encore et encore sans vraiment s'en apercevoir. Si bien que les deux visages ne sont bientôt plus qu'à quelques centimètres.

«- Je crois que l'on va faire une bêtise, professeur...»

Le dire c'est bien Bee. Cela veut dire que tu te rend encore compte des choses, de ce que tu fait. S'abstenir de faire une erreur toutefois, c'est mieux que de reconnaître que l'on s'apprête à en faire une. Non ? Mais peut-être est-ce simplement trop tard pour revenir en arrière ?

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