« En ce cas, nous nous sommes forcément déjà croisés un jour. » affirmai-je en fronçant légèrement les sourcils. Je tentai toujours de savoir dans quel contexte, en vain. A croire que ce jeune homme n’avait pas été si ‘remarquable’ à l’époque. Il faut dire aussi que je traînais peu en ville, en raison d’une bande de caïds qui avait fait de moi, leur punching ball attitré. Un pan reluisant de mon enfance que je ne souhaitais pas tellement révéler, ni aujourd’hui, ni demain. Lorsqu’il évoqua sa sœur, je tiquai à mon tour au temps qu’il employa. ‘Habitait’ ? Est-ce la raison pour laquelle il avait quitté New-York pour San Francisco ? Parce que sa sœur n’y résidait plus ? Je me voyais mal poser une question aussi personnelle. Surtout que nous nous connaissions à peine. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Je décidai donc de garder l’information en mémoire, pour la ressortir à un moment plus propice. En attendant nous arrivons jusqu’à sa salle de cours. Bien moins bondée que la mienne en l’occurrence, mais tout aussi bruyante. A la question qu’il osa ensuite me poser, alors qu’il venait tout juste de mettre un pied dans sa salle, je haussai d’abord un sourcil, quelque peu surpris. Je rêve ou il me drague ? Il ne savait pas que j’étais en couple. Peu de gens était au courant, à vrai dire, et cela me convenait parfaitement. Sauf dans les cas comme celui-ci où la personne serait mise mal à l’aise après une telle révélation. Quoique … après tout, rien ne dit qu’il cherche à me séduire. Allons bon, James. Tu connais toutes les techniques de drague possibles et imaginables. Et tu sais très bien que c’est ce qu’il est en train de faire. Bien. Dans ce cas, pourquoi ne pas jouer le jeu ? Sans rien lui promettre, mais acceptant l’invitation afin de mieux le connaître. Il comprendrait rapidement que je n’étais pas libre, de toutes façons. Le laissant d’abord interrompre le brouhaha de l’amphithéâtre, et souriant légèrement lorsqu’il cita le nom d’un étudiant – le pauvre devrait être en train de faire ses dernières prières – je hoche finalement la tête à son attention. « J’en connais un, oui. Je passerai vous prendre après votre dernière heure de cours, cela vous convient ? » ‘Passer le prendre’ = presque un rendez-vous galant, ne trouvez-vous pas ? C’était délibéré. « Ainsi, j’aurai le plaisir de vous connaître davantage. » Et j’en rajoute une couche, juste pour la forme. Ce n’est pas bien de donner de faux espoirs, James. Dommage. Si j’avais été libre, je l’aurai volontiers croqué de toutes mes dents tellement il était appétissant.

code de boo. gif de tumblr.

« Très bien. 17h15, c’est noté. » murmurai-je pour moi-même en lui lançant un dernier regard amical. Ce ‘j’ai hâte’ ajouta même à ma bonne humeur. Devrais-je me moquer, ou rester de marbre face à de telles ‘insinuations’ ? Difficile à dire. Ce jeune femme était physiquement et intellectuellement parlant, mon type d’homme. Et Irlandais, en plus du reste. Mais mon cœur appartenait déjà à une autre personne. Or, j’étais fidèle en amour. Comme en amitié, d’ailleurs. Ah, qu’il me tarde d’être à cette fin d’après-midi. Là, j’aurai tout le loisir de descendre les espoirs de ce cher nouveau collègue, et peut-être même, de m’en faire, à défaut d’un amant, un ami patriote, qui sait ?! En espérant qu’il ne soit pas rancunier, cependant. Certains hommes – et c’est tout aussi vrai pour les femmes – ont du mal à concevoir les râteaux sentimentaux. Ainsi donc, je le laisse à son cours, alors que sa voix résonne sur le nom de famille de l’élève qu’il avait choisi pour l’humiliation de la journée. Quant à moi, je me dirige à nouveau vers la salle des professeurs, terminer les devoirs que je n’ai pas encore corrigé. Plus tard, je rentrerai au château, le temps de changer de tenue. Une tenue suffisamment décontractée pour ne pas passer pour le professeur et business man que j’étais dans le pub irlandais dans lequel je comptais l’emmener, mais suffisamment couvert pour ne pas le laisser croire à une tentative de séduction de ma part.

© code de boo. gif de tumblr.