Sa guitare sur le dos, Teddy se glissa dans l’un des parcs du campus de Berkeley. Les cours étaient terminés depuis quelques temps et il marchait silencieusement dans un parc complètement désert. À cette heure-ci, beaucoup d’élèves étaient loin, se préparant à aller faire la fête, à boire toute la nuit et à ne rentrer qu’aux petites heures du matin. Une habitude fréquente chez les étudiants de Berkeley, peu importe le soir de la semaine. Et dieu sait que Teddy passait ses soirées à boire, à fumer et à danser dans les soirées les plus branchées de la ville. Pourtant, ce soir là, l’envie manquait, la fatigue le prenait et pour une fois, il n’avait aucune envie de terminer la nuit dans le lit d’une inconnue. Il avait envie de faire de la musique, de se plonger dans une mélodie incroyable et de n’en ressortir que plusieurs heures plus tard. Il s’enfonça dans le parc sombre, armé de sa guitare. Il connaissait ce parc par cœur, pour y être venu à de nombreuses reprises, souvent quand il n’y avait personne. Il croisa un couple qui s’offrait un pique nique romantique et puis, ce fut tout. Il s’installa sous un grand chêne, le même qu’à son habitude et il posa sa guitare dans son étui tout près de lui. Ouvrant délicatement l’étui, il en sortit sa guitare, celle qui l’accompagnait depuis tant d’années. Sa première vraie guitare professionnelle, il ne s’en était jamais séparé depuis toutes ces années. Inspiré, il débuta une mélodie qu’il connaissait par cœur, puisqu’il l’avait composée lui-même. Il l’avait composé quelques années plus tôt, lors de son premier voyage loin de chez lui, alors qu’il vivait en France. Une mélodie qu’il avait composée empli de nostalgie pour son ancienne vie, heureuse, avec sa sœur, en plein cœur de Londres. Ses parents lui manquaient un peu, mais trop peu. C’était un soulagement d’être enfin loin de leur regard pesant et empli de désespoir. Il se sentait enfin libre, bien que triste et c’est alors qu’il avait composé cette mélodie, sur le bord de la Seine, un soir de mai. Il s’en souvenait encore comme si cela était hier. Et puis, soudainement, il arrêta, en plein cœur de la mélodie. Une envie soudaine, une impulsion incroyable, il avait l’impression qu’il devait dessiner. Les images de la Seine étaient encore fraîches dans sa mémoire et le resterait toujours, mais il avait une envie irrévocable de dessiner ce paysage incroyable. Il sortit de son étui à guitare son carnet de dessin et un crayon bien aiguisé et une gomme. Il dessina quelques temps, un temps qui lui paru impossible à calculer. Un peu caricatural, il dessina les dernières images qu’il avait eues de la Seine. Un dessin très joli aux yeux de n’importe quel novice, mais très banal à ses yeux. Peu satisfait du résultat, il rangea son carnet dessin, se promettant d’y revenir plus tard, lorsque l’inspiration et le temps lui reviendra.

Le jeune anglais pris le temps de respirer, de s’adosser contre le grand chêne et de laisser l’air lui caresser le visage, les yeux clos. Un temps de repos. La semaine avait été mouvementé, il avait peu dormi et travaillé beaucoup. Enfin un peu de repos lui faisait grand bien. Amoureux de la musique depuis sa tendre enfance, il s’était, bien plus tard, intéressé aux autres arts. Certainement dû au décès de sa sœur, à son suicide. Il avait décidé de poursuivre ses rêves qui étaient restés dans l’ombre à cause de lui… il avait décidé de vivre la vie qu’elle n’avait jamais pu vivre. Lorsqu’il ouvrit de nouveau les yeux, après un temps indéfini, ses yeux tombèrent sur sa guitare, sa fidèle amie, la seule qu’il ait vraiment depuis aussi longtemps. Il avait toujours eu bien de la misère à conserver ses amitiés, surtout de par son caractère particulier et ses habitudes nomades. Pourtant, quelque chose avait changé depuis son arrivée à Berkeley et il s’était attaché à certaines personnes comme jamais auparavant. Ce qui l’effrayait de façon inimaginable. Il avait peur de l’attachement et des souffrances qui venait avec. Il avait tant souffert dans son passé qu’il se sentait incapable de revivre de telles douleurs. Pourtant… quelque chose de particulier s’était produit à son arrivée en Amérique. Un changement indescriptible. Teddy empoigna de nouveau sa guitare et il reprit du début la mélodie qu’il avait composée au bord de la Seine. Mélodie qu’il avait intitulée : « Mémoires d’une vie non vécu. »...